Au-delà des maux - Mathilde Gantois - E-Book

Au-delà des maux E-Book

Mathilde Gantois

0,0

Beschreibung

Au-delà des maux nous présente l'histoire d'une jeune fille dont la vie est bouleversée lorsqu'elle apprend qu'elle est bipolaire. Ce diagnostic marque le début d'un voyage tumultueux où elle oscille entre des moments de calme et des périodes de détresse. Malgré les obstacles qui se dressent devant elle, elle fait de son mieux pour naviguer vers un avenir plus lumineux que celui qui lui semble prédestiné. Au fil des mois, elle partage son récit, révélant différentes étapes de sa vie, et réalise que la maladie lui offre bien plus que des épreuves.


À PROPOS DE L'AUTRICE 

Mathilde Gantois a découvert le pouvoir de l’écriture lors de sa première hospitalisation. Elle a réalisé que mettre des mots sur ses maux était essentiel, voire vital, pour atténuer sa douleur. Elle écrit dans l’espoir que ces quelques mots laissés sur une page blanche apportent du réconfort à d’autres personnes souffrant de maladies similaires à la sienne.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 140

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Mathilde Gantois

Au-delà des maux

© Lys Bleu Éditions – Mathilde Gantois

ISBN : 979-10-422-0134-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

C’est grâce à l’individualité de mon amie Mathilde et la richesse de sa personnalité que j’ai eu beaucoup d’enthousiasme à lire son ouvrage. Mathilde souffre de bipolarité. Elle nous relate son parcours difficile, l’influence qu’ont eue ses hospitalisations, ses expériences.

Cette jeune femme (ma meilleure amie !) nous dévoile comment elle a combattu « ses démons » dont elle est atteinte. Son authenticité, sa vie hors norme, sa profondeur psychologique constituent un magnifique témoignage.

Une détermination impressionnante pour s’élever au-dessus de la maladie qui menace de la contrôler : le chemin entre les profonds désespoirs et l’espoir.

Belle lecture à vous, lecteurs et lectrices, car je suis sûre que cet incroyable parcours ne vous laissera pas indifférents.

1

Il est 17 h. Nous sommes en hiver, la nuit tombe tôt. Sur la route qui mène à mon rendez-vous, les phares m’éblouissent ; de la fatigue se mêle à de l’appréhension. Dans trente minutes, je serai dans son cabinet, et il va falloir mettre des mots sur mes maux. Arrivée dans la salle d’attente, j’examine la situation. Peut-être faudrait-il que je fasse demi-tour, que je tourne le dos à mes problèmes mais ce n’est pas mon genre de fermer les yeux et abandonner. De toute façon, trop tard ! Pas le temps de cogiter plus, la porte s’ouvre.

« Comment ça va en ce moment ? » me demande ma psychiatre, les yeux dans les yeux. À question simple, réponse simple… Eh bien non ! Je cherche dans ma tête comment formuler au plus juste mon ressenti : « ça va et ça ne va pas ». C’est dingue de répondre ça, ne pas savoir si ça va bien ou mal, ou plutôt si, savoir que ça va bien et mal en même temps. C’est un état étrange entre bonheur et malheur, entre euphorie et dépression, entre mal- être total et bien-être immense.

Tout nous paraît possible et en même temps insurmontable. Tout nous paraît réalisable et en même temps impossible à surmonter.

Et puis, il y a les idées noires, les fameuses. On se sent bien et hop, elles déboulent sans crier gare et nous bouffent le cerveau.

C’est difficile à décrire car moi-même, je ne comprends pas. Cela augmente mon vague à l’âme, mais ne diminue pas mon bien-être. Ma psychiatre m’a dit que ça arrivait, que je n’étais pas folle (totalement), que ça avait même un nom : « l’état mixte » ; mais cela ne fait pas avancer mon schmilblick… Comment peut-on être dans un état psychologique aussi instable, aussi friable, aussi indescriptible ?

« Comment cela s’exprime-t-il chez vous ? » Concrètement, je parle, je rigole avec tout le monde, je ne m’isole pas, aucun symptôme de la dépression, hormis le fait qu’il y a toujours dans un coin de ma tête une petite voix qui me dit de me foutre en l’air. C’est épuisant à vivre cette instabilité, et c’est d’ailleurs pour cela que j’en suis là. Je suis à bout psychologiquement, prête à croire que la seule possibilité, pour me sortir de cette situation, c’est d’écouter cette petite voix qui me martèle de lâcher-prise et de commettre l’irréparable. Et pourtant, il me reste une petite note d’espoir, une envie de croire que le bateau sur lequel je vogue traversera une période d’accalmie et se rendra vers un avenir moins sombre.

Oui, c’est vraiment étrange cette sensation, mais je ne peux pas mieux la décrire… Tout va bien, et pourtant tout va mal ; tout va mal et pourtant tout va bien. Un peu comme un clown triste : heureux sur scène, en constante représentation devant les autres, mais une fois sorti, seul dans sa loge, on le retrouve en pleurs.

« Vous êtes en état mixte ». Je connaissais l’état d’urgence, l’état critique, l’état-major, mais l’état mixte, non. Que se passe-t-il dans ma tête pour que ça débloque autant ? C’est à se poser des tonnes de questions : « qu’est-ce qui m’arrive ? » « Comment m’en sortir ? » « Comment dire à mon cerveau de fonctionner autrement ? » « Comment est-il psychologiquement possible d’être à ce point désorientée ? ». Je traverse un désert envahi de dunes que je monte et descends inlassablement sans pour autant trouver le chemin de la tranquillité. Y a-t-il seulement un chemin ? Est-ce que je ne suis tout simplement pas en train de me bercer de faux espoirs ? Le désir d’un avenir tranquille est-il vraiment réaliste ? Ne suis-je pas bloquée dans un monde qui n’est plus le mien, un monde sans espoir, sans avenir ? Il est difficile de définir un état quand celui-ci est si changeant. L’incertitude m’encercle. J’ose encore espérer, peut-être en vain, qu’un avenir m’attend quelque part, que quelque chose se passe et que tout cela soit derrière moi, mais n’est-ce pas se bercer d’illusions ?

Tout ceci est-il réalité ? Y a-t-il de l’espoir quand tout est si noir ? Y a-t-il un avenir quand tout est si triste ? Je ne sais comment avancer. Et si un avenir m’est possible : quand ? Comment ? La vie sera-t-elle supportable ? Tant de questions et si peu de réponses. C’est à s’y perdre psychologiquement.

Je grimpe, marche par marche, l’escalier de ma vie sans savoir s’il y aura une terrasse agréable au sommet. Une terrasse où je pourrai me poser et vivre plus paisiblement ma petite vie de femme lambda. Une femme lambda ? Ce n’est pas vraiment ce qui me caractérise… Si ? Peut-être plus une femme perdue, une femme renfermée, une femme hors des normes, ça oui ! Je ne rentre pas dans les clous, je les dépasse, les surpasse, les écrase, en me perdant parfois, souvent même.

Qui suis-je ? Où suis-je ? Que vais-je devenir ? Resterai-je longtemps dans la tourmente sans trouver de solutions pour me délivrer de cette enclave ?

Ah mais au fait, j’ai oublié le plus important, me présenter : je m’appelle Mathilde, j’ai 33 ans. Diagnostiquée bipolaire en septembre 2015, mais malade depuis bien plus longtemps. J’ai un beau petit palmarès : hospitalisée 11 fois en 5 ans. C’est à cœur ouvert que je vais vous raconter les tumultes de ma petite vie.

2

Si on remonte des années en arrière : loin, loin, loin, j’ai voulu y croire, croire à l’incroyable, croire que ce que je vivais était normal. Que les étapes que je traversais, que les ascenseurs émotionnels que je ressentais, que tout ceci était commun à la vie de tout un chacun ; jusqu’à ce que j’aie la puce à l’oreille : la vie doit-elle vraiment se passer comme ça ? Doit-elle être si compliquée ? C’est à 15 ans que j’ai repéré l’anormal. Quelque chose clochait ! Ces hauts et ces bas n’étaient pas bénins. J’en ai alors parlé à mon médecin traitant qui a tout de suite pensé à une petite dépression d’adolescente. Avec le recul, je sais aujourd’hui que c’était bien autre chose.

On dit qu’il faut souvent attendre une dizaine d’années pour trouver le bon diagnostic. Ce fut mon cas. C’est seulement à 25 ans que le verdict est tombé : vous avez toutes les caractéristiques d’une personne bipolaire. J’ai demandé un second avis qui a confirmé le diagnostic. Mon monde s’écroulait. Cependant, j’avais enfin un mot à mettre sur mon mal-être ! Enfin une piste, enfin un diagnostic qui m’ouvrait les portes sur une maladie, qui, je ne le savais pas encore, allait me pousser hors de mes tranchées, hors de mon train-train, hors des sentiers battus. Une maladie qui allait m’apporter beaucoup de malheurs, mais beaucoup de bonheur également. Et qui allait me faire puiser au plus profond de moi des ressources inespérées, insoupçonnables.

Ce diagnostic ne changea pas grand-chose à mon quotidien, tout du moins, au début. Juste quelques pilules à prendre en plus dans la journée, mais les symptômes, eux, je les connaissais maintenant depuis longtemps. Selon moi, ma bipolarité a débuté à la suite d’un évènement déclencheur, un évènement particulier survenu en 2005 alors que j’étais au lycée.

Il est vrai que mon adolescence n’a pas été de tout repos, avec notamment, des crises d’angoisses à répétitions qui ont débutées dès mes 11 ans. Mais selon moi, c’est à mes 15 ans que les changements d’humeur se sont plus accentués et sont devenus hors de tout contrôle.

En 2005, alors que je venais de rentrer en première. Nous étions, ma classe et moi, en cours d’allemand. Deuxième cours de la journée, précédé d’un cours d’histoire. Notre professeur d’histoire était farce, on rigolait bien avec lui. Donc quoi de mieux que de commencer par un cours avec lui, dans la bonne humeur ? Puis, nous sommes arrivés en Allemand ; nous allions passer une journée de plus au lycée, une journée malgré tout monotone. Seulement, peu de temps après le début du cours, Maxime, un camarade de classe, qui était la table à côté de la mienne, s’est écroulé. Tout le monde pensait qu’il s’était basculé sur sa chaise et qu’il était tombé, donc, tout le monde a rigolé ! Sauf moi. Je l’ai vu chuter de sa chaise et j’ai tout de suite vu que quelque chose clochait. Il est tombé sur le côté, la tête touchant violemment la chaise voisine qui était vide car l’élève était au tableau.

Tout le monde a finalement pris conscience de la gravité de ce qui était en train de se jouer. L’infirmière scolaire a été appelée, les pompiers aussi. Nous avons tous été regroupés dans le CDI, au rez-de-chaussée. Les pompiers, alors qu’ils étaient encore dans la classe, ont essayé le défibrillateur pour réanimer Maxime. Son cœur est reparti et il a été transféré dans le camion de pompiers. Cependant, son état était plus que précaire. Et nous, du CDI, nous voyons tout ce qu’il se passait.

Les parents de Maxime ont été appelés et sont arrivés rapidement à la hauteur du camion. Un hélicoptère a été demandé pour apporter une pompe extracorporelle, car le problème venait bien du cœur, mais celui-ci est arrivé trop tard. Peu de temps avant son atterrissage, un pompier est sorti du camion, nous n’entendions rien mais nous avons tout vu : la maman qui s’écroule, le papa qui la soutient, il était trop tard… c’était fini. Quelques minutes plus tard, le principal du lycée est rentré dans le CDI pour nous annoncer la nouvelle. On était tous sous le choc. Une cellule d’aide psychologique a été mise en place. Je n’y suis pas allée. Jouer la fille forte pour ne pas montrer ses sentiments, telle était ma stratégie.

L’enterrement a eu lieu un mardi. L’église était pleine à craquer ! Témoignage d’une personnalité attachante, gentille et serviable. J’étais stoïque lors de la cérémonie, je ne réagissais pas… Mon cerveau s’était mis en « off ».

Les jours qui ont suivi, rien n’était plus pareil. On a tous demandé à ne plus faire cours dans la salle où a lieu le drame mais le simple fait d’être dans ce lycée était compliqué. Tant de souvenirs… Et voilà que ma première grosse dépression est arrivée.

Les causes de la bipolarité sont encore floues mais je reste persuadée que ce traumatisme a fait partie des éléments déclencheurs, entre autres.

De manière générale, les moments dépressifs étaient plus nombreux que les épisodes maniaques (c’est comme cela que l’on appelle les épisodes euphoriques). Je n’ai eu « que » deux phases « up » dans ma vie : une en 2015 et une en 2021. Lors de ces deux épisodes, je me sentais invulnérable, invincible ; que ce soit les bonnes ou les mauvaises nouvelles, tout glissait sur moi comme sur une toile cirée. J’étais exubérante, je faisais rire la galerie. Cela semble attrayant comme ça mais la phase maniaque a ses mauvais côtés. En effet, je ne voyais pas les dangers.

En 2015, je roulais vite, très vite en voiture. Rien ne pouvait m’arrêter ! Mais le pire fut les dépenses d’argent. J’ai acheté une voiture et une maison sur un coup de tête, sans trop réfléchir. Il me les fallait tout de suite maintenant. Heureusement, mes parents ont été là pour assurer mes arrières et faire en sorte que je ne sois pas dans le rouge. Avec le recul, j’ai bien fait d’acheter. Avoir un bien immobilier est une chance mais sur le coup, cela faisait vraiment tête brûlée tellement l’acte était peu réfléchi.

Mais, je ne le savais pas encore, cette phase maniaque n’était rien comparée à celle de 2021.

Lors de cette manie, je dépensais encore mes sous n’importe comment mais le pire fut avec les hommes. « Grâce » ou « à cause » des sites de rencontres, j’ai rencontré facilement beaucoup de garçons en peu de temps. Je ne voyais pas le mal, on se voyait dehors, on se dragouillait, parfois des petits bisous, ça s’arrêtait là. Jusqu’à ce que mon radar à danger ne marche plus. J’ai invité un homme à la maison, un seul, et le pire arriva. J’ai moi-même fait rentrer le loup dans la bergerie pour qu’il m’agresse… Il faisait beau, nous avons bu un verre dans mon jardin en discutant. Nous avons beaucoup ri ; il était au premier abord très sympathique. Le courant est tout de suite passé. Et puis, nous sommes rentrés. Moi qui voulais m’arrêter à quelques bisous, lui ne le voyait pas de cet œil. Il m’a forcée. J’ai encore du mal avec ce terme mais oui, il m’a violée. J’étais tellement tétanisée que je n’ai rien pu faire pour l’empêcher. Je voulais juste que ça s’arrête. Cela n’a pas duré longtemps, enfin, suffisamment pour me détruire puis il est parti et nos chemins ne se sont plus jamais recroisés.

Ça a été la cause de ma dernière hospitalisation, en mai 2021. Celle-ci ne fut pas vaine, même si je l’ai prise comme un échec au début… En effet, cela faisait presque deux années que je n’étais plus retournée à la clinique ; je pensais que le pire était derrière moi ; et non !

Pendant cette hospitalisation, le plus dur fut les nuits. J’avais des flashs incessants de ce qu’il s’était passé, de mon agression. Je faisais des cauchemars, je n’arrivais pas à dormir dans ma chambre. J’avais donc pris pour habitude, à l’extinction des feux à 23 h, d’aller dans le petit salon où se trouvait le PC infirmier pour dormir entre deux fauteuils. Certes, pas très confortable, cette situation me rassurait, et les infirmières de nuit le toléraient. Et si je ne dormais pas, elles me proposaient même parfois, en pleine nuit, d’aller fumer une cigarette avec elles, alors que tout était calme et paisible, pour parler un peu. C’était mon petit privilège car la nuit, en clinique, on dort ! On ne se promène pas dans les couloirs, dans le jardin ou dans les étages, de toute façon, tout est fermé. Sauf pour moi, parfois… enfin, tout de même accompagnée obligatoirement par l’infirmière.

Durant ce séjour à la clinique, deux mois après l’agression, fin juin, j’ai trouvé la force de porter plainte contre cet homme que je ne connaissais pas. La seule chose que je savais, c’était son prénom et le nom du site de rencontre où je suis tombée sur lui. Une des infirmières m’a beaucoup parlé, m’a beaucoup aidée et m’a soutenue lors de cette étape. D’ailleurs, globalement, tous ont entendu et compris ma fragilité. Par exemple, j’avais demandé à ne pas faire mon entrée, à la clinique, avec un infirmier mais bien avec une infirmière. J’avais également demandé qu’aucun homme infirmier ne rentre dans ma chambre seul, ou alors, avec la porte grande ouverte. Pour finir, je ne faisais les trajets clinique-commissariat qu’avec des femmes. Pour ne pas me brusquer et afin que je fasse mon cheminement à mon rythme, toutes ces conditions ont été acceptées.

De plus au commissariat, j’ai direct demandé que ce soit une femme qui prenne ma plainte. Eh bien, la policière qui l’a prise a été très professionnelle avec moi, et a finalement retrouvé mon agresseur !

Pour donner plus de poids à ma plainte, J’ai vu le psychologue de la police qui a constaté le traumatisme, mais je n’ai pas fait d’examen clinique (c’était trop tard) et ne voulais pas faire de confrontation.