Au Mont-Blanc - Roger Tissot - E-Book

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Roger Tissot

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Beschreibung

J'ai voulu revoir la vallée de Chamonix. Est-ce bien «revoir» qu'il faut dire? Je l'avais traversée jadis en alpiniste toujours pressé: ou bien je cherchais les cimes et n'avais d'yeux que pour elles; ou bien je me hâtais vers le train du retour, l'esprit trop plein de la féerie des monts pour prêter attention aux choses de la vallée. Je me souciais fort peu d'ailleurs, de me mêler à la foule élégante des citadins, qui chaque année se pressent au pied des cimes éminentes sans les désirer. A vingt années de distance, le même désir de ne point coudoyer les profanes de la montagne persiste et c'est pour fuir cette foule bruyante et sans cesse renouvelée que j'ai voulu visiter Chamonix à l'arrière-saison. Dans la bourgade déserte, je veux être seul avec la vieille race celte, qui à travers les siècles se perpétue à l'ombre des monts.

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Roger TISSOT

AU MONT-BLANC

AIGUILLES—SOMMETS—VALLÉES ET GLACIERS ASCENSIONS et EXCURSIONS SPORTS D'HIVER

© 2023 Librorium Editions

ISBN : 9782385744182

Arrêtons-nous encore un peu, Hugues! Il est si beau de se reposer sur la cime, et, pour quelques instants de la vie, parmi les nuages, rêver!

Guido Rey

Annecy—Canal de Thiou.

Le Mont-Blanc.

PRÉFACE

«En cette saison d'automne, pleine de langueur, je suis revenu au Mont-Blanc...»

«Il est plus beau que jamais, avec son piédestal d'arbres roux, d'herbes brûlées, d'airelles rouges, qui fait à sa dalmatique de neige, une bordure de velours aux couleurs changeantes...»

C'est là le tableau inédit que nous brosse, de main de maître, l'alpiniste doublé d'un poète qu'est l'auteur de ce livre, Roger Tissot. Heureuse inspiration, grâce à laquelle nous allons parcourir la «Vallée des merveilles» alors que la montagne, solitaire de par le snobisme ou l'ignorance des foules, s'illumine du rutilant éclat de sa parure d'automne en attendant qu'elle s'ensevelisse sous la somptueuse hermine de ses neiges. Excellente propagande aussi, qui enseignera au peuple des touristes que l'Alpe n'est pas un spectacle fugace sur lequel le rideau tombe fin septembre pour ne se relever qu'à l'été suivant, mais que sa beauté est de toutes les saisons—de tous les instants, pourrait-on dire—et qu'à la voir dans le recueillement de la solitude, on est imprégné au maximum de sa grandeur.

 

Le Mont-Blanc vu de Couvercle.

Il était cependant difficile, et presque risqué, après tant d'illustres devanciers, d'écrire un livre sur le Mont-Blanc. Il y avait une certaine audace—et même une audace certaine—à aborder un sujet sur lequel les de Saussure, les Durier, les Bourrit, les Alexandre Dumas, les Whymper, les Mummery, les Javelle, les Vallot, les Henri Ferrand..., ont laissé si peu à glâner. Qu'il s'agisse de l'histoire ou de l'anecdote, de la science ou de la littérature, de l'alpinisme pur ou du tourisme, il semble que tout ait été dit sur le géant de nos montagnes. Ce n'est donc pas un des moindres mérites de Roger Tissot, que de nous avoir donné le régal d'une œuvre bien personnelle qui ne doit rien à quiconque et d'avoir su nous révéler un «Mont-Blanc inconnu», dont la lecture est d'un rare attrait.

Qu'après Henri Ferrand, Grenoblois de race comme lui, Roger Tissot ait subi l'attirance de Chamonix, de sa vallée et de son sublime encadrement de montagnes, cela démontre d'abord que les Dauphinois ne sont pas exclusifs, et qu'à côté des merveilles de leurs Alpes, ils savent l'hommage dû aux beautés d'ailleurs. Mais cela ne prouve-t-il pas aussi la hantise qu'exerce—même de loin—la montagne géante sur tous ceux dont elle enorgueillit l'horizon? Or, s'il est un ciel sur lequel, au cours des moindres promenades, surgisse—en un toujours émouvant effet de surprise—la masse blanche qui domine tous ses satellites de sa majesté incontestée, c'est bien le ciel de Grenoble et l'on s'explique ainsi l'appel impérieux, l'attirance irrésistible qu'exerce sur des alpinistes d'élite le grand sommet savoyard.

Le Mont-Blanc vu de Grenoble.

Alpiniste d'élite, l'auteur l'est au premier chef. Il n'est pas que cela. Lettré subtil, avocat de valeur, il joint à la maîtrise de la plume et de la parole, le don de l'action. Cet ancien combattant de la grande guerre, que l'estime de ses compagnons d'armes a appelé à la présidence de leur groupement, a puisé ses qualités d'énergie et de courage dans la saine pratique des sports de la montagne. Militant fervent de l'alpinisme et des sports d'hiver, il fait partie de cette pléiade d'initiateurs dont l'incessante propagande a eu une telle portée sur le développement du tourisme dans notre pays. Fondateur avant la guerre du Ski Dauphinois, organisateur de multiples manifestations sportives et alpines, lauréat du Club Alpin pour un remarquable manuel de ski, il est, à l'heure actuelle, président de la jeune et active Fédération Alpine Dauphinoise. Il est peu de hauts sommets qu'il n'ait abordés et vaincus. Mais—comme on le constatera à maintes reprises à la lecture de ce beau livre—l'ardeur de la lutte n'a jamais étouffé en lui l'admiration du poète et de l'artiste pour les merveilles dont il faisait la conquête. Et c'est un des charmes de ses récits d'ascensions ou de promenades que cette spontanéité avec laquelle réagissent sur lui tous les éléments de beauté qui l'entourent. Certains effets descriptifs d'une rare puissance—comme l'épisode émouvant d'une ascension du Mont-Blanc sans guides, en pleine tempête—produisent une sensation d'angoisse intense. Puis, ce sont des pages d'une émotion presque religieuse consacrées à la description de l'admirable glacier d'Argentière, et d'autres—l'ascension de la Dent du Géant—où l'alpiniste vibre tout entier, aussi bien de la joie de l'effort surhumain que de l'incomparable splendeur de ce qui l'entoure.

Remercions donc Roger Tissot de nous avoir donné ce livre: remercions aussi son éditeur de lui avoir fait un cadre digne de lui.

Notre regretté camarade Jules Rey avait eu pour ambition de créer à Grenoble un centre d'édition et de bibliophilie digne de la région Dauphinoise, et grâce à ses efforts, et au travail d'une laborieuse existence vouée à l'art et aux recherches, il avait eu la satisfaction de voir aboutir son intéressante tentative de décentralisation. Malgré les difficultés de sa tâche, son successeur a su la continuer, et le tourisme français lui est reconnaissant de son bel effort de vulgarisation. Ce sont de bons serviteurs de leur pays—auteur et éditeur—que ceux qui se vouent à la noble tâche de le faire connaître et aimer.

Le succès couronnera donc ce livre. Puisse-t-il inciter les touristes à ne pas limiter à la courte saison d'été leur séjour en montagne. Elle est belle et accueillante toujours, et c'est travailler à la prospérité de la France, soutenir les courageux efforts de nos montagnards et lutter contre la dépopulation de nos vallées, que d'assurer à nos plus beaux sites ce regain de visiteurs qui leur a trop manqué jusqu'ici. En concluant ainsi, je suis certain de répondre au patriotique désir de l'auteur.

Léon Auscher,Président du Comité de Tourisme en Montagne du Touring-Club de France.

++ Flocon de neige.

 

 

Les Aiguilles de Chamonix.

CHAPITRE PREMIER

L'Envoûtement des cimes

Les portes de la montagne m'ouvrent une vie nouvelle qui n'aura pas de fin.Ruskin.

J'ai voulu revoir la vallée de Chamonix. Est-ce bien «revoir» qu'il faut dire? Je l'avais traversée jadis en alpiniste toujours pressé: ou bien je cherchais les cimes et n'avais d'yeux que pour elles; ou bien je me hâtais vers le train du retour, l'esprit trop plein de la féerie des monts pour prêter attention aux choses de la vallée. Je me souciais fort peu d'ailleurs, de me mêler à la foule élégante des citadins, qui chaque année se pressent au pied des cimes éminentes sans les désirer. A vingt années de distance, le même désir de ne point coudoyer les profanes de la montagne persiste et c'est pour fuir cette foule bruyante et sans cesse renouvelée que j'ai voulu visiter Chamonix à l'arrière-saison. Dans la bourgade déserte, je veux être seul avec la vieille race celte, qui à travers les siècles se perpétue à l'ombre des monts.

Annecy.—Le château et le port du lac.

En fermant les yeux, je revois l'éblouissement des jours d'été, l'ardeur des chauds après-midi de juillet: sous le soleil éclatant, les roches brûlent, les glaciers brillent d'un éclat insupportable; les paupières mi-closes, papillotent sous le jet de lumière ardente que renvoie la neige; dans le ciel resplendissant, la Coupole terminale scintille et paraît seule capable de résister à l'anéantissement de fournaise sous lequel la vallée halète et semble mourir.

A regret j'ouvre les yeux encore éblouis par la vision de la magie estivale. Aujourd'hui, c'est un après-midi d'automne à son début, une légère brume tamise les rayons du soleil. Et tandis que le train s'élève au-dessus de la plaine des Fins, qui prolonge celle d'Annecy vers La Roche-sur-Foron, je regarde surgir peu à peu dans les lointains voilés d'une buée violacée les cimes immatérielles des montagnes amies de cette Savoie si bien décrite par P. Guiton dans son livre: «Au cœur de la Savoie» [1].

La Roche-sur-Foron.

[1] Voir P. Guiton «Au Cœur de la Savoie.» Collect. des Beaux Pays.

Ce n'est plus le midi chanteur et provocant où la nature pantelait n'ayant plus qu'un souffle, où les cultivateurs accablés sommeillaient dans l'ombre bleue des arbres; où le grand soleil éclatant et pur répandait dans les vallons les plus encaissés son torrent de lumière.

Maintenant les fruits mûrs pendent sous l'or roux des feuilles d'automne; dans les champs les enfants jouent, profitant des derniers beaux jours; sous un ciel de gaze bleu tendre, une mélancolie enveloppe toute la nature. On sent comme un regret du passé et une crainte mal définie de l'hiver.

Clocher de la Roche-sur-Foron.

D'un œil distrait, je suis sous les feuilles rouges, un torrent qui coule rapide, dans son lit étroit; les flots se précipitent, pressés de gagner la plaine avant que l'hiver ne les emprisonne dans l'immobilité des glaciers, dans le grand silence des espaces déserts.

Ciborium de l'église de Sallanches.

Immobilité, silence! Les glaciers que j'ai parcourus naguère avec tant de joie seraient-ils l'image de la mort? Faut-il donc penser avec Chateaubriand que «c'est la jeunesse de la vie, que ce sont les personnes, qui font les beaux sites?»

L'émotion avec laquelle je revois de la gare de La Roche-sur-Foron le sommet neigeux du Buet, au fond de la vallée de l'Arve, me démontre bientôt que la splendeur des monts n'est pas un simple état d'âme.

A Sallanches, je me demande comment j'ai pu être assailli d'un pareil doute, comment j'ai pu dans un moment d'oubli, ne plus me souvenir des nuits passées à la belle étoile, au bord des glaciers, à écouter le mugissement des cascades qui s'atténue vers le matin, le fracas des pierres dans les crevasses, les craquements sourds par lesquels le glacier accompagne sa marche irrésistible, tous ces bruits par lesquels se manifeste sa calme activité.

Bénitier de Cluze.

Sallanches est, avec le site délicieux de Combloux récemment aménagé par la Compagnie des chemins de fer P.L.M., un des points les plus favorables d'où l'on puisse embrasser le massif du Mont-Blanc dans son ensemble. La cime apparaît encadrée par les gigantesques sommets qui lui font un merveilleux cortège. A gauche, c'est l'entassement prodigieux des Aiguilles proprement dites; à droite se succèdent, harmonieusement espacés, les sommets plus majestueux du Dôme et de l'Aiguille du Goûter, les Aiguilles de Bionnassay, de Miage et de Trelatête.

Combloux et l'aiguille de Varens.

«Qu'il est difficile, disait Victor Hugo, de ne point éprouver quelque profonde émotion lorsque par une belle matinée d'août, en descendant la pente sur laquelle Sallanches est assise, on voit se dérouler devant soi cet immense amphithéâtre de montagnes toutes diverses de couleur, de forme, de hauteur et d'attitude.»

Mais l'apparition n'est que de courte durée; aussitôt Sallanches quittée, à mesure qu'on s'avance dans la direction de Saint-Gervais, le Mont-Blanc rentre sous terre. Du Fayet, il n'est pas visible: la vue se heurte à la chaîne du Reposoir, aux à pics de l'Aiguille de Varens et du désert de Platé. Cependant, fait observer Charles Durier, «la pitoyable nature a prodigué des dédommagements au Fayet-Saint-Gervais». Trois sources d'eaux thermales, qui sourdent dans la gorge du Bas-Nant, attirent les valétudinaires. Un climat plus doux que celui de Chamonix, y rend le séjour particulièrement agréable, à ceux qui supportent mal l'air rude de la montagne et ses environs offrent au touriste une diversité très remarquable de promenades délicieuses. C'est le lieu de prédilection des promeneurs, où s'attardent indéfiniment dans les douceurs d'une vie facile et luxueuse, ceux qui n'ont pas la hantise des monts et de la nature farouche.

Et c'est peut-être précisément parce que la nature y est trop riante et trop accessible, que délaissant le Fayet-Saint-Gervais, l'alpiniste préfère pousser plus au cœur de la montagne.

D'autres sommets que celui du Mont-Blanc le tentent en effet: les objets de ses convoitises, ce sont toutes ces aiguilles aériennes, tous ces monolithes qui dominent la vallée de l'Arve, cimes altières qui présentent, dit Guido Rey, «l'aspect d'une cité fantastique, ceinte d'inaccessibles murailles, couronnée de clochers, flèches et clochetons qui se profilent nettement sur le ciel d'une couleur de brique ancienne dorée par des siècles de soleil».

Saint-Gervais est trop loin de cette «cité de songe» pour ceux dont le but n'est pas la cime la plus élevée, «mais la plus difficile».

Sur la route de Megève à Combloux.]