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Au nom du père, c’est vingt bougies qui n’ont pas été soufflées, des secrets qu’on a tus, de jeunes femmes violées, des accouchements sordides. Vous y découvrirez la vérité qui lave le sang, les pleurs, les peurs, la laideur. N’enterrez pas vos racines si vous en ignorez l'origine, car pour que l’histoire ne se perpétue pas, il faut connaître le passé.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Michèle-Christale Gomila de Gopass entame un voyage intérieur et déterre son passé. Ce faisant, elle apporte sa pierre à l’édifice pour que l’histoire soit connue de tous.
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Seitenzahl: 206
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Michèle-Christale
Gomila de Gopass
Au nom du père
© Lys Bleu Éditions – Michèle-Christale Gomila de Gopass
ISBN : 979-10-377-7454-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Du même auteur
À mon père, Charles Gomila
Préface
Ce livre raconte la vie. Quoiqu’il en coûte. Héritage du patrimoine vivant de l’être humain face à la guerre, le déracinement, les privations et son lot de souffrances qui s’ensuivent obligatoirement. Fuir son pays qui est le sien laisse un traumatisme sur plusieurs générations. Même si l’autre pays fait ce qu’il faut pour les recevoir le mieux possible.
Ce que je lis, ce que je ressens à travers les mots de cette histoire, c’est cet effort pour se fondre dans l’oubli d’un monde qui n’est plus, mais que l’on accepte par fatalité, abnégation d’une nouvelle vie que d’autres ont décidé pour eux. Mais face à tout ce désastre, il y a cette jeunesse, ces enfants qui cherchent leur identité et veulent comprendre.
Ce sujet est complètement d’actualité avec le processus qui est engagé sur la décolonisation.
C’est écrit avec subtilité, douceur et sanglots.
Il y a une profonde recherche fouillée et patiente sur la vérité pour la continuité d’un héritage familial si malmené.
Marie de Mazan, auteure
Prologue
Je voudrais qu’on rayât « politique » du dictionnaire.
André Salmon
Ce livre est basé sur des faits réels, seuls les prénoms des personnes encore vivantes ont été changés.
C’est un hommage à mon père, et à tous les hommes partis lors de la dernière guerre, en tant que S T O.
J’offre un récit à ma famille, pour adoucir leur chagrin causé par l’ignorance de la vérité cachée, découverte tant aux archives militaires, et autres, par les dires de mes cousins Marseillais, témoins de cette tranche de vie. À travers mon vécu avec cet homme d’amour, je retrace l’histoire de notre famille, décrivant la vie des jeunes filles enceintes en 1900, ainsi que celle des « Zouaves » bien méconnue !
Surtout, j’ouvre la face cachée de leur père et grand-père, à mes frères et neveux, afin qu’ils honorent, comme il se doit, la mémoire de leur ancêtre, et cessent de se cacher la vérité, de se conforter dans des non-dits, des mensonges. Sans pour autant juger cette petite jeune fille, devenue trop tôt la première femme de mon père, elle a vécu son adolescence à l’envers. Paix ait son âme.
Levez la tête, enfants ! Charles Gomila fut un homme d’honneur et nous laisse son intelligence et sa droiture. Béni soit-il.
Vous découvrirez trois sortes d’hommes dans ce livre :
J’AIME MON PÈRE ET J’EN SUIS FIÈRE.
Nous sommes tous des pêcheurs, des humains, je ne juge pas, je constate sur faits avérés, je m’insurge sur les crachats qu’on a jetés à ces écorchés « pour nous ! » et je pleure mon Père, dont je suis fière, comme de ma grand-mère, et mon grand-père !
La déchéance ne vient pas d’eux, mais de ceux qui les ont humiliés, qui ont menti sur eux, parce qu’on a menti sur leur droiture, pour taire les immondices qui les ont détruits, en l’honneur de ceux qui en ont récolté : gloire, tranquillité, bienfaits, etc.
S
T
O
J’accuse !
C.M. Gomila de Gopass
Mon père portait un tatouage sur un bras : un seul et unique serpent, autour d’un poignard, ceux qui connaissent cette symbolique comprendront : un tel homme ne peut qu’être un homme de bien !
Cadeau à ceux qui l’ont dénigré sans le connaître !
Charles
Dans la cour, le soleil tape, il est douze heures quinze, sous les balcons qui entourent l’immeuble où il réside avec sa maman, car le père est encore parti en guerre.
Il est zouave !
Un garçonnet d’une dizaine d’années joue aux billes, la transpiration coule de ses cheveux, sur son visage, il veut gagner le gros calot ! Ses copains l’encouragent, il s’applique, lentement, il gagne ! Lève la tête et regarde sa maman au second, penchée sur lui, il lui sourit, elle le rappelle à l’ordre en italien, ses parents sont arrivés en Algérie, en passant par la France, il y a plusieurs générations déjà, mais ils ont continué à parler dans leur langue natale ! aussi, il entend :
« Charlot, monte manger ! » Il sait qu’Angèle a refoulé son impatience, afin qu’il joue sa partie jusqu’au bout avant de déjeuner ! Elle est une « Mamma » attentive et tendre, car seule avec son petit, l’aîné de ses fils, Édouard, est allé rejoindre une partie de la famille restée à Marseille, en clandestin, sur un bateau, son objectif : retrouver cet homme qui avait fait rêver cet enfant.
Né d’un père qui ne l’avait pas reconnu à la naissance, car il était l’enfant de l’amour interdit, entre Angèle et Jean qui s’étaient connus à Marseille, mais trop jeunes pour être mariés, racontait-on dans la famille, dans la communauté italienne, c’est pourquoi la jeune mère avait repris le bateau avec son petit Édouard, afin de retrouver ses parents en Algérie.
À cette époque, la mixité régnait dans les quartiers pieds-noirs, Italiens et Espagnols formaient famille ! C’est ainsi qu’Angèle, l’Italienne blonde aux yeux bleus, fut courtisée par Michel, ce beau militaire châtain, si gentil, qui l’épousa bien vite cette jolie maman célibataire ! dont il reconnut le petit, au mariage !
Ce bel enfant brun allait à l’école, puis courait dans les rues avec ses copains, se cachant dans la « casbah » lorsqu’il fut adolescent, son père géniteur, qu’on avait marié en France, revenait régulièrement à Alger, où ses frères avaient monté un cabaret « léger » : Le chat noir.
Charlot, dit Charles, attendait le retour de son père, sagement, car le métier premier de papa était boulanger, mais militaire avant tout !
Pendant ce temps, il était dorloté par une « Mamma », belle comme le jour, et qui trompait ses manques affectifs à travers son empathie, pour ses clients, elle était blanchisseuse et voyante, en gâtant son deuxième fils.
Un retour surprise
Lorsqu’un jour, Michel, son mari, réapparut, avec un gros pain dans les bras, en manches de chemise, la joie de cette famille réunie fut intense, au dîner, Charles ne détachait pas ses yeux de ce papa qu’il avait tant attendu ! Aussi prit-il peur, lorsque sa maman posa la question :
— Tu as démissionné de l’armée ?
Le couperet tomba, lourd et drôle, à la fois :
— Non, j’ai été libéré, car j’ai été pris lors de mon évasion !
— Mais tu as été pris ? demande maman.
— Oui, lorsque j’étais en train d’ouvrir la geôle de mon voisin de cellule !
— Et ?
— Et j’ai été jugé !
Je demande à prendre la parole : accordé. Et voici ce qui suit :
— Tu as eu peur des juges, papa ?
— Oui, un peu, mais ça a disparu quand on m’a questionné !
— Tu as dit quoi ?
— Que je suis un papa et un mari, alors qu’il fallait que je revienne pour vous protéger et retravailler pour maman et toi, c’est là qu’un juge m’a demandé pourquoi j’ai ouvert la porte de mon voisin de cellule ?
J’ai répondu que je l’aimais bien, mon Arabe d’infortune, donc je désirais l’emmener avec moi ! Je pense que ça a amusé et attendri tout le monde, car pas de sanction !
Maman et moi nous regardons par dessous, car ça ressemble tellement à papa, ce genre de drôle de réponse, et nous éclatons de rire !
— Et le juge t’a laissé partir comme ça ?
— Oui, et non, je suis « réserviste » !
— C’est quoi ?
— Si l’armée a besoin de moi, je suis rappelé et je dois repartir !
Charles et sa maman ont le cœur tout serré, mais papa les rasséréna, en disant :
— Hé, je suis là, soldats !
La vie de famille à Alger
La vie reprend, papa travaille, maman aussi, mais un peu moins, Charles va à l’école, joue et fais des bisous à ses parents sans cesse, car la peur le tenaille !
Jusqu’au jour, où, ses copains se bousculent en voyant Charles arriver, lui, ne comprend pas, il s’embrase vite, c’est donc avec des éclairs dans ses yeux noirs, normalement : verts ou noisettes, selon son humeur, que le garçon les interroge, pour apprendre, avec stupéfaction, qu’il y a un grand changement dans l’air, chez lui, en effet, tout le quartier du « champ de manœuvre » où il réside, ne parle que de ça !
Ses parents vont se marier !
Haaaaaaaaaaaaaaaa, mais c’est pour ça que maman ne cesse de chanter des « canzones » du matin au soir !
Charles est perplexe, il a toujours pensé que des parents, c’est toujours marié, il réfléchit dans un coin de la cour de récréation, bon, papa n’était pas toujours là, depuis sa naissance, oui, mais il était militaire de carrière !
Néanmoins, une chose l’a toujours interrogé : parfois, les gens s’adressent à maman en l’appelant madame S., d’autres fois, madame G. ? Et lui, Charles a toujours été appelé S, comme ses grands-parents maternels !
Donc l’acte de mariage de ses parents, qui est dans le tiroir de la table de chevet de maman, c’est pas vrai ?
Bref ! Il va régler ça ce soir, en attendant, la tentation de jouer aux billes l’emporte sur la curiosité comme il a une taille de plus que ses copains, ils se poussent lorsqu’il se présente dans le jeu !
Le jour se passe, Charles est mal, il n’aime pas ne pas comprendre les évènements qui le concernent ni le mensonge, et là, il a l’impression qu’on lui a caché des choses !
La vérité
Charlot monte les marches quatre à quatre, et rentre dans l’appartement, là, maman admire quelque chose sur son lit, il s’approche comme un chat, et découvre… une belle robe d’un blanc immaculé, et un chapeau noir, immense ; à terre il y a une paire de chaussures blanches avec une petite patte sur le dessus, c’est une tenue de mariée ?
Non, les chaussures ont des petits talons, et maman ne peut marcher qu’avec des chaussures plates ! Ouf ! Pas de conversation difficile pour ce soir ! les copains lui ont fait une farce !
Maman se retourne et découvre son fils, en nage, les yeux écarquillés, elle se met entre Charlot et le lit, en disant : « Tu veux ton goûter, mon chéri ? »
Charlot fait non, de la tête, il n’a pas faim, trop secoué par sa journée ! Il redescend dans la cour, pour faire face aux gamins qui attendent les nouvelles, aussitôt, il leur exprime son écœurement, en disant qu’ils se comportent tous comme des bébés !
Alors, Robert le pousse en le traitant de « fillette ». « Tu n’as pas eu les couilles de parler à ta mère ! » s’ensuit une bagarre, d’où Charlot se tire honorablement, avec juste une ecchymose au menton.
Il remonte donc, car Angèle, qui a tout suivi, de son balcon, lui en intime l’ordre.
Il remonte donc à la maison où maman a préparé l’un des plats favoris de ses « hommes » ; l’osso-buco ! Papa est rentré et passé en catimini, près de son fils, Le fumet du plat est couvert par une odeur de fleurs, très entêtante, en effet, papa est revenu avec un monceau de bouquets bleu et blanc, garnis d’asparagus, maman les a mis dans ses grands baquets de bois, remplis d’eau froide, pour les conserver, aussitôt le cœur de Charlot bat la chamade !
Il devient blême et tombe sur le tapis, maman se rue sur son fils et le ranime en lui tapotant les tempes à l’eau froide, pendant que papa le revigore en frottant son plexus, poing fermé, à l’aide de ses phalanges, le tout conjugué, Charlot ouvre des yeux incrédules, papa lui pince la joue, et maman pleure de joie en le couvrant de baisers en dévidant un verbiage en italien, ce qui n’est pas de bon augure !
Papa l’assoit à table, avec un clin d’œil, le calme revient lorsque maman pose le plat sur la console, c’est à ce moment, qu’elle s’adresse à son fils : « Charles, demain, nous irons chez les frères Bianquis, tous les deux ! » quand maman l’appelle Charles, c’est important, ce qu’elle dit n’attend pas de commentaire !
Alors, il baisse la tête sur son assiette et acquiesce.
Après dîner, Charlot rôde autour des fleurs, maman regarde papa et dit :
« Demain, c’est la fête de l’Immaculée Conception, papa sait combien c’est important en Italie, le pape va porter des fleurs aux pieds de la statue de Notre-Dame, place d’Espagne à Rome… Des fleurs bleues et blanches, tu le sais, mon Grand ! »
Oui, Charlot le sait, mais il n’est pas convaincu, alors, il embrasse doucement ses parents et va au lit, après avoir brossé ses dents.
Toute la nuit, Charlot fait des cauchemars, il va, avec maman, acheter un costume chez les Bianquis, comme on dit, il ressort avec un costume trop grand et un nez rouge, ses copains sont là, et rient de son accoutrement, il saute, pour les faire taire en les cognant les uns contre les autres, il est en sueur lorsque sa mère, assise au bord de son lit, le réveille, un verre de lait froid à la main, il se blottit contre elle, quand elle passe sa main dans sa crinière crantée, c’est alors qu’il se décide à poser les questions qui brûlent ses lèvres et son cœur :
— Maman, papa et toi, vous êtes mariés ?
— Oui, quelle question !
— Les copains, ils sont fadas, ils disent que vous vous mariez bientôt !
— Et c’est pour ça que tu t’es battu hier ?
— Oui, papa et toi, vous ne mentez jamais, alors, je ne pouvais pas leur laisser dire de méchantes choses, sur vous !
Angèle
Révélations
Elle était aussi belle qu’une femme,
Aussi forte qu’un homme.
Louis XIII
Allez, allez ô gens de lettres
Couper le gui, rue Ravignan.
André Salmon
— Ce ne sont pas des choses « méchantes », c’est beau un mariage ! est-ce que ça valait un menton égratigné, et des disputes entre copains ?
— Oui, je ne permettrais jamais à personne de se mêler de notre vie ni te manquer de respect !
— C’est très chevaleresque, mon ange, je suis très touchée, mais nous ne méritons pas ton courage !
— Si, je suis votre fils !
— Oh, pour ça oui ! Ton sang bout comme celui de tes ancêtres !
— Ben oui, Italien et Espagnol, et fier de l’être !
Maman pleure d’émotion, puis :
— Tu es grand maintenant, il y a des choses que tu dois savoir, dit-elle, tendrement, et ce sont les yeux dans les yeux qu’Angèle confesse :
— Il y a bien des années, j’ai voulu connaître mes grands-parents paternels, et voir la France où a vécu mon père, alors, j’ai travaillé chez une dame, et quand j’ai eu assez d’argent, avec la bénédiction parentale, j’ai pris le bateau, pour Marseille.
L’arrivée fut magique, on peut se croire arriver à Alger, le port grouille de bateaux, de marins, de caisses, le soleil inonde la ville qui étincelle sur la mer, de très loin, blanche, en espaliers.
— En espaliers ? Ça veut dire quoi ?
— Comme de grands étages en escaliers, mon ange ! Comme ici !
— Et tu as eu peur sur le bateau ?
— Non, je suis arrivée toute bronzée, je passais mon temps à manger et à regarder la mer, il y avait aussi beaucoup de voyageurs, bien habillés, qui me posaient des questions, car je partais sans mes parents, je me suis fait une amie : Lisette, enfin, je pensais qu’elle serait sincère, je t’expliquerais ensuite !
La sincère amitié, dût-elle être importune, veut partager bonne ou mauvaise fortune.
Publius Syrus
Marseille
À l’approche du débarquement, on a vu du vieux port en premier, le fort Saint-Nicolas, construit par le chevalier Nicolas Cerville, sur les ordres du roi Louis XIV, qui se méfiait du caractère indépendant des Marseillais, sous la fronde ! (Ce qui fit rire mère et fils, complices !)
Je suis passée au travers des grèves, heureusement, sinon, je ne serais pas encore de retour ! surtout celle de mille neuf cent trois, qui a durée cinquante jours !
Panique dans le cœur de Charles dont les larmes se remettent à couler !
Maman rassure immédiatement : « Mais, c’est loin, je suis là ! » Et la maman, qui connaît bien son fils et son humour froid et mature, lui dit :
— Les journalistes de l’époque ont écrit : sur les docks, on y parle trop, pour y travailler beaucoup ! c’est vrai qu’à Marseille, on parle, mais pas que sur les docks ! Charles rit, et réplique : « Oui, même en Algérie, et surtout dans cette maison ! » en clignant de l’œil ; aussitôt Angèle réplique :
— Justement, jeune homme, sais-tu pourquoi les dockers se mirent en grève à Marseille ?
Intéressé, le « jeune homme » réplique :
— Non, pourquoi ?
— Il y avait trop de charges et moins d’argent, alors ils s’en sont pris aux patrons qui embauchaient la main-d’œuvre italienne, qui arrivait !
— Ha oui, ça, nous travaillons dur et sans rechigner ! répond Charles, très fier !
Angèle rit :
— Parce que tu travailles, toi, maintenant ?
— Oui, tous les jours, à l’école, et je fais ici, les courses, je fais mon lit je t’aide !
— C’est vrai, mon chéri ! Tu es un vrai Napolitain !
Une nuit tourmentée
Le petit matin, trouva mère et fils endormis, blottis l’un contre l’autre, tandis que le père rentrait, les bras chargés de cartons et d’un pain fleurant bon le fournil chaud. Il regarda ce tableau, attendri, puis, de sa voix chantante, le patriarche madrilène réveilla sa nichée, après avoir préparé un copieux petit-déjeuner.
Aussitôt debout, les dormeurs se disputèrent le lavabo, avec des rires complices, et ce sont les dents étincelantes, qu’ils s’installèrent à table, non sans avoir embrassé’ l’époux et le père qui les avait surpris dans leur intimité, aussitôt le chef de famille dirigea ses troupes, il était tard, Angèle et son fils devaient aller faire les emplettes prévues la veille.
Prévues, oui, sauf que le petit ignorait ce qui se tramait !
Le repas ingurgité, nos retardataires vont, chacun leur tour, faire une grande toilette, devant la table creusée par papa, et où se trouvent encastrées deux cuvettes en faïence, achetées par maman, lorsque le broc d’eau tiède est vide, Charles et sa mère, brillants comme de l’argenterie, se glissent dans l’embrasure de la chambre parentale et regardent ébahis, Michel, qui se mire dans le miroir de l’armoire en souriant à son reflet. Il est beau comme un sou neuf, il porte un pantalon noir sur une chemise blanche, sur laquelle un petit gilet près du corps souligne sa sveltesse. Quelques minutes après, il sort raide et digne, dans la grande pièce, coiffé d’un hait de forme, une grande canne à la main, on dirait un roi !
Les deux complices se sont cachés derrière le lit, mais leurs rires les découvrent, alors, papa fait semblant d’être en colère et ses yeux noirs lancent des éclairs, alors d’une voix autoritaire, il ordonne :
— Allez, soldats, oust, dehors !
Complicité
Les deux compères se ruent sur la porte, endimanchés, une légère brise venant de la mer leur soulève des mèches de cheveux, il fait bon, le soleil est déjà chaud, ils descendent les escaliers extérieurs et se retrouvent rapidement dans la cour.
La rue est là, bleu et blanc, plus loin, les fleuristes soignent leur marchandise et les mettent en valeur, Charles attend sa maman au coin de la rue, il hume l’air du large et les senteurs de la pêche, en regardant la mer, au loin… au loin, il y a Marseille !
Angèle, arrive à sa hauteur en remontant sa jupe longue et en la nouant à la ceinture, en un gros nœud, elle a fière allure, malgré ses sandales plates, elle est assez grande et papa peut faire le tour de sa ceinture, avec ses deux mains ! Charlot est fier de ses parents, il reste là, les yeux dans le vague, Angèle n’aime pas voire son fils en cet état extatique, elle le ramène à la réalité en lui disant :
— Je te signale que nous sommes en retard, mon fils !
D’autorité, elle lui prend le bras et l’entraîne vers le magasin des frères Bianqui, en sautant par-dessus les flaques d’eau, jetées çà et là, par les commerçants et occupants de la rue, afin de laver et refroidir un peu leurs devantures.
Charlot bougonne :
— Y a pas le feu ! On peut se promener, c’est mardi, c’est les vacances !
— Ton père nous attend, allez, on prendra un peu de bon temps après nos achats !
Arrivés devant la boutique, le jeune garçon se pose encore la question : que vient-on acheter ?
Immédiatement, la porte s’ouvre, sur un homme gris de partout : les cheveux, la moustache, le costume, jusqu’aux chaussures ! C’est l’un des frères Bianqui, il se plie en deux devant les arrivants, en disant cérémonieusement :
— Ha, chère madame, nous vous attendions avec monsieur votre fils !
Angèle est confuse et rougit, mais, ce que voyant, un autre homme se précipite, avec un fauteuil et nous fait asseoir, en proposant un thé, que nous refusons, nous préférons le café au lait, chez nous, aussitôt, le patron gris, présente ce jeune homme ;
— Et voici la relève : mon fils Maurice ! Il a le métier dans le sang, jusqu’aux traits de notre visage ! Nous ne pouvons renier nos enfants, chère madame !
Aussitôt, Charlot prend la parole, pour occuper son ennui :
— Oui, moi je suis fier d’être l’enfant d’un Mahonnais et d’une Napolitaine, né ici, donc, Algérien !
Sur ce, la maman qui souriait tendrement réagit en reprenant son fil :
— Non, Carlito, tu es Algérois, et Français, parce que tu es né ici, mais, nous, tes parents sommes nés ailleurs, donc, l’Algérie était Française en mille neuf cent vingt, par conséquent, tu es Français issu d’Italie et Espagne, tu comprends ?
— Ben, c’est pas grave, on est tous frères ! mais je suis honoré d’être votre fils ! dit Charles en couvrant sa maman de baisers.
Le vendeur se tourne, gêné d’avoir provoqué tant d’émotions, alors, Charles s’adresse à lui :
— Mon père est militaire de carrière, il a donné toute sa jeunesse à la patrie, et maman a dû travailler et s’occuper de mon frère et moi toute seule, sa jeunesse, elle nous l’a offerte aussi ! alors, ma nationalité est autant d’un côté que de l’autre de la mer !
Le monsieur en gris essuie une larme et dit :
— Vous avez raison, vous êtes bien mature pour votre âge ! Aussi, je vais vous offrir vos chaussures, elles doivent être dignes d’une famille pied-noire comme la vôtre !
Il s’éloigne et revient avec des chaussures noires vernies, il les chausse au garçonnet, malheureusement, elles sont trop grandes, il n’a plus que celles-là ! Mais Charles en est bien content, il désire des chaussures qui lui serviront en toutes occasions, monsieur Blanqui fait un aller-retour, et ho, Miracle ; des chaussures noires en cuir, brillantes de cirage, habillent les pieds de Charles, ravi.