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"Aventures en un État douteux – 1656 jours dans les geôles de Boumediene" relate une affaire sordide, mettant en cause des proches du président Boumediene – en premier chef Yacef Saadi –, qui n’ont pas hésité, pour escroquer une banque suisse, à faire vaciller la vie de l’auteur de cet ouvrage, lequel luttera pendant quatre ans, six mois et dix jours, pour recouvrer sa liberté, peu avant ses 30 ans, grâce au soutien des siens et du consulat général de France à Alger. Ces écrits retracent ses épreuves et révèlent les dessous troubles d’un État qui pourrit toujours par la tête et expose ses voisins au danger.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après son service militaire,
Jean Claude Genoud-Prachex a tracé son chemin dans le conseil en investissements, dans les fonds de placement américains, puis dans la promotion foncière en Californie. De retour de son aventure dans les geôles algériennes, il s’exerce dans l’import-export en produits alimentaires, mais aussi dans la traduction. Sa retraite et la disparition de sa compagne lui ont fourni le temps libre nécessaire pour se rappeler et décrire ses expériences en Algérie et ce qu’il sait de la gouvernance de ce pays.
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Seitenzahl: 157
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Jean Claude Genoud-Prachex
Aventures en un État douteux
1656 jours dans les geôles
de Boumediene
© Lys Bleu Éditions – Jean Claude Genoud-Prachex
ISBN : 979-10-422-3036-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
– Rosslyn, Splendeurs, Mythes et Réalités,
Traduction du livre The Rosslyn Hoax ? : Viewing Rosslyn Chapel from a New Perspective, de Robert L. D. Cooper, professeur d’histoire à l’Université d’Édimbourg, conservateur du musée et de la bibliothèque de la Grande Loge d’Écosse. Cette traduction a obtenu le prix de littérature française maçonnique en 2011.
– Islam et relations internationales,
Traduction du livre A World without Islam ? de Graham E. Fuller qui fut, des années durant, Operation Officer de la CIA au Moyen-Orient, puis vice-président du National Intelligence Council, enfin professeur d’histoire à la Fraser University de Vancouver, Canada. (À paraître.)
– Kid Ordinn, vraiment ?
Réflexions à propos de diverses idées reçues. (À paraître.)
– Les aïeux et les pairs de Monsieur Paul,
Grands chefs cuisiniers dans l’histoire (en préparation).
Ceci n’est pas un roman
Il s’agit, en fait, du récit autobiographique d’une épreuve dont j’ai vécu chaque instant. Raconter les épisodes de cette situation fâcheuse, dont je n’ai jamais été certain de sortir jusqu’à la fermeture des portes de l’avion qui me ramenait en France, ne fut pas une mince affaire, et il me fallut du temps pour trouver la manière d’en revivre les détails, sans souffrir de cauchemars récurrents que leur rappel ne manquait pas de déclencher.
Finalement, et grâce aux conseils avertis d’un frère écrivain, j’ai fini par comprendre qu’ils provenaient surtout du fait d’écrire à la première personne, et qu’en confiant leur récit à Stan, il agissait en paravent et calmait mon inconscient : tel un entomologiste penché sur ma propre équipée, Stan m’évitait de retomber dans la fange de réminiscences détestables et que j’avais fini, à la longue, par évacuer de mes pensées.
20 ans, le temps de vivre et de me reconstruire une vie privée et professionnelle, puis 20 autres années, pour me risquer à me rappeler en détail ce qui m’était arrivé, enfin la cruelle maladie neurovégétative dont fut atteinte celle qui demeurera l’amour de ma vie et sa récente disparition qui m’a – hélas – fourni bien trop de temps libre.
Et voilà que tout est finalement reparu – enfin presque, assez pour expliquer mon expérience dure et involontaire, dans ce beau pays si honteusement mis à sac par une junte mafieuse qui tient sa population en otage et l’exploite depuis 1962 en lui répétant sans cesse qu’elle est libre et formidable. Dame, Allemands, Cubains, Russes, Chinois et autres Nord-Coréens sont ou ont aussi été mystifiés par un Adolf, un Fidel, un Vladimir, un Mao, un Kim et leurs complices…
Non, je n’ai pas oublié, chantait Enrico. Moi non plus, et j’en ai même profité pour mieux comprendre. Au lecteur, je livre une version dépouillée de nombreux instants interminables, scories sans intérêt pour qui ne les a pas vécues, pour mieux réaliser ce qui se passait et se poursuit, dans cette Algérie ou je ne remettrai sans doute jamais les pieds, même si j’ai eu maintes fois l’occasion de constater combien son peuple est attachant.
Je passe la plume à Stan, noble rossignol qui va se charger, comme celui d’Esposito, de relater les péripéties d’une époque sordide, mais finalement mémorable parce que je m’en suis sorti, je vous en souhaite bonne lecture, sans jamais oublier que TOUT EST VRAI.
Alger, un jour de juillet 1972.
— Antoine ?
— Marc ?
C’est ainsi que Stan (Marc) rencontra et se fit reconnaître de Yacef Saadi (Antoine), au bar de l’hôtel St Georges, sur une des hauteurs d’Alger, non loin de Hydra. L’hôtel avait connu ses heures de gloire dans l’entre-deux-guerres, et durant la Seconde Guerre mondiale. Une plaque l’attestait, sur la porte des chambres où avaient séjourné, entre autres, Kipling, Churchill et Eisenhower. Relativement bien entretenu, il donnait l’impression que le temps s’était arrêté depuis, ce qui ne manquait pas de charme.
Au bar de l’hôtel, selon les instructions de Genève, Stan lisait ostensiblement La Tribune de Genève du jour. Il connaissait assurément son interlocuteur, mais Yacef, vieux renard qui, pendant la guerre d’Algérie, avait été le chef du FLN dans la Casbah, en avait gardé quelques automatismes aussi gourmands que superflus : plus connu qu’un loup blanc, il paraissait prendre plaisir à jouer aux espions d’opérettes… Nostalgie, quand tu nous tiens !
Ils trinquèrent au succès de leur entreprise : un film, Les Vautours, que Yacef devait tourner dans le pays. Stan lui remit le gros sac plein de dinars, dont il vérifia vaguement le contenu, et ils se quittèrent sur la promesse de se retrouver, le lendemain matin, à la réception de l’hôtel, pour se rendre ensemble à l’aéroport et s’envoler pour Genève.
Une heure auparavant, Stan avait rencontré un Suisse, dont il connaissait le numéro de chambre, qui lui avait livré le fameux sac : Yacef l’avait prié, ou plutôt avait prié le patron suisse de l’opération, son ami Charles Delitroz, de procéder ainsi pour que lui soit remise, avec la plus grande discrétion, une très forte somme, que certains retrouveraient sûrement quelque part en Suisse. Officiellement, la somme était une participation à la production du film, et Stan, en quelque sorte, représentait la société suisse de Delitroz, attestant ainsi de la remise des fonds…
Tout cela semblait très singulier, mais parfaitement licite… Autre lieu, autres mœurs, avait-on affirmé à Stan : tant Delitroz et Rémy, à Genève, que Yacef, à l’hôtel St Georges, l’avaient assuré que le procédé était parfaitement légal et sans risque aucun.
Yacef entretenait des relations amicales étroites avec un certain Bouteflika, ministre des Affaires étrangères de l’époque, et Stan avait une confiance absolue en Rémy, son jeune et brillant patron, pour lequel il travaillait depuis trois ans.
Tout se passa sans anicroche, et le lendemain, un taxi embarquait Stan et Yacef à l’aéroport d’Alger, où ils ne passèrent pas même les formalités.
En Algérie, ce Yacef était un véritable héros national. Le temps de siroter un thé, on leur rapportait les passeports tamponnés, et les tickets de leurs bagages inscrits pour le vol.
À Genève, ils se quittèrent sur une poignée de main. Stan apprit qu’il repartait avec Yacef, une semaine plus tard, sans autre détail que de se munir d’un billet Genève Alger Oran Genève. Yacef avait besoin de ses services…
Une semaine plus tard, ils se retrouvaient donc dans le même avion pour Alger. Les formalités furent aussi simplifiées, et Yacef pria Stan de l’attendre au St Georges. Une heure plus tard, il débarquait avec le même sac, noir, expliquant à Stan qu’il avait rendez-vous à la station de la pêcherie d’Oran, avec celui qui avait procédé aux repérages de lieux de tournage du film.
Celui-ci, en déplacement à Paris, lui donnerait sur place les instructions téléphoniques pour remettre le montant qu’il transportait, environ cinq cent mille dinars, à une personne de confiance, pour financer la location des emplacements retenus pour le tournage. Yacef le conduisit à l’aéroport où Stan grimpa dans un vieux, mais vaillant DC3, un avion qu’il ne pensait plus utiliser un jour…
Une chambre lui était réservée à l’hôtel Martinez, autre survivant de l’époque héroïque, moins bien entretenu que le St Georges, toutefois. Par téléphone, Yacef lui précisa les coordonnées du lieu de rendez-vous, et les instructions pour la remise du montant que Stan trimballait avec lui. Simple, il se rendait à la seule station-service du port, et aurait au téléphone, de Paris, un certain Marco Kader, qui lui confirmerait de remettre l’argent aux deux gérants de la station, présents à ce moment-là.
Pourquoi avoir besoin de Stan ? Yacef lui expliqua chaleureusement qu’il préférait que tout soit bien chapeauté par la société de Delitroz, et que lui ne désirait apparaître que comme superviseur du tournage… Pourquoi Stan ne l’aurait pas cru ? Tout se passa comme annoncé. Sitôt arrivé à la station, le gérant appela Marco qui se fit connaître à Stan. L’argent fut remis au gérant présent, et Stan, libre, visita la ville, en attendant son avion du lendemain.
Le Boeing d’Air Algérie le reconduisit à Genève, où l’attendaient deux semaines de vacances. Contrairement à l’année précédente, il avait décidé de rester sur place, pour profiter des joies du lac Léman et des discothèques des alentours, qu’il connaissait par cœur. L’été battait son plein, avec son lot de touristes, et Stan avait passablement bourlingué, depuis le début de l’année, dans plusieurs pays du continent africain : son terroir et les demoiselles en virée suffiraient amplement à ses plaisirs de saison…
Aussi, quand, ce 17 août 1972, à 15 heures, la porte d’une cellule se referma sur lui, dans un crissement métallique, Stan, 24 ans, se crut en proie à un très mauvais rêve. Il venait d’être victime de ce qui ressemblait fort à un enlèvement, par trois supposés policiers en civil, qui l’avaient prié de les suivre pour un contrôle d’identité, sous prétexte qu’on aurait trouvé, dans son sac, une sortie de bain appartenant à l’hôtel…
Sitôt dans la voiture, ils lui avaient braqué un pistolet sur la tempe et intimé l’ordre de se coucher à l’arrière du véhicule. On l’avait recouvert d’une couverture, et le véhicule, roulant à vive allure, tourna beaucoup en faisant crisser ses pneus, pendant un temps qui sembla très long à un Stan totalement décontenancé.
Toujours aveuglé par la couverture, on l’avait extirpé de la voiture, puis conduit à travers en labyrinthe jusqu’à une sorte de cave, où on l’avait ordonné de se dénuder. Il avait refusé, on l’avait menacé de le faire de force. Ils étaient quatre et armés de kalachnikov, il avait fini par obtempérer et on lui avait jeté une immonde tenue bleue, sans ceinture au pantalon, et de vieilles savates éculées, puis on l’avait conduit dans la cellule en question.
Paradoxalement, il ne trouva pas meilleure parade à ce cauchemar éveillé que de s’allonger sur le châlit douteux, à la maigre paillasse, et de plonger dans un sommeil lourd et instantané. Réveillé en sursaut, par le grincement de la porte qu’on ouvrait, il ne savait plus où il était, mais les souvenirs de l’après-midi revinrent à toute allure. Deux soldats lui ordonnèrent de les suivre et par une porte métallique, ils gagnèrent un escalier en colimaçon, qui montait à l’étage. À travers une fenêtre grillagée, Stan vit qu’il faisait nuit.
On le conduisit dans une pièce, petite et insonorisée par des panneaux blanchis et truffés de petits trous, avec une table, une chaise et une lampe au plafond. Face à lui, un homme, assis devant une antique machine à écrire, lui fit signe de s’asseoir. L’endroit exsudait l’agressivité.
Alors commença un long interrogatoire. Djilali, la quarantaine moustachue, amorphe et binoclarde, se présenta comme officier de police judiciaire militaire. À Stan qui lui demanda ce qu’il avait à voir avec l’armée algérienne, il répondit, avec un sourire mi-narquois, mi-embarrassé, qu’il ne tarderait pas à le savoir.
Ce Djilali, avec un accent tellement pied noir que Stan crut d’abord qu’il en rajoutait, commença par lui poser des rafales de questions, à propos de sa famille, au sens le plus large.
Celle de Stan était imposante. Djilali désirait la connaître dans tous ses détails, et Stan, parfois surpris par la minutie des questions, ne pouvait pas toujours répondre. Stan en comprendra plus tard la raison. Ces bornés l’avaient cru membre de la famille d’un banquier suisse, célèbre antisémite et défenseur, voire héritier d’Hitler, qu’ils avaient bien connu…
Ce banquier infréquentable, actif partisan des factions palestiniennes les plus extrémistes, avait cependant connu les joies d’une geôle algérienne.
Dans ce pays régi par une clique maffieuse, hardi défenseur des droits de l’homme chez les autres, on avait arrêté le banquier pour lui extorquer des fonds, parce qu’on le croyait alors dépositaire du trésor du FLN. Stan n’avait aucun lien de parenté avec lui, ce qu’avaient dû regretter les tchékistes, toujours prompts à dénicher des scoops, si possible inavouables, donc exploitables par leur dictateur et sa clique.
Avant toute chose, Stan voulut présenter ses excuses si, comme on l’en avait accusé, il avait enfoui, par mégarde, une tenue de bain de l’hôtel dans son sac. À peine eut-il prononcé ces mots qu’il comprit que là n’était pas la question.
L’interrogatoire se poursuivait. La famille de Stan procura matière à multiples questions, insidieuses et parfois ridicules : qui avait fait la guerre d’Algérie, s’il en était de juifs, etc. Stan tentait de comprendre ce qu’il faisait là, sans succès.
Passés les premiers instants d’émois, il reprenait ses esprits, confiants, puisque certain qu’il n’avait rien à se reprocher. Sans doute une erreur, se dit-il pour se réconforter. Sa voix était claire, ses réponses précises. Curieusement, l’activité professionnelle de Stan ne paraissait pas intéresser l’investigateur, qui avait vite passé outre.
Soudain entra un autre homme, plus petit, trapu, au regard noir : Antar, inspecteur-chef de police judiciaire militaire. Son costume défraîchi semblait avoir du mal à le contenir.
Son ventre rebondissait sur un pantalon tirebouchonné qui parachevait le spectacle. Délaissant le questionnaire de Djilali, Antar entama de suite un interrogatoire sur les raisons de la présence de Stan en Algérie. Sans vraiment craindre d’en donner les causes exactes, Stan était surtout désireux d’en finir. Peu enclin à entrer dans des détails que ces demeurés auraient du mal à comprendre, il décida de prétendre qu’il faisait du tourisme…
Après quelques questions, Antar réfuta les explications de Stan. Il avait fait quatre séjours en Algérie, au cours des derniers mois, et devait avoir une autre raison. Stan comprit que ses explications manquaient de crédibilité, d’autant plus qu’interrogé au sujet de ce Marco qui se trouvait à sa table, quand on avait arrêté Stan, il apprit qu’il en ignorait le véritable patronyme.
Les deux inquisiteurs discutèrent en arabe, une langue inconnue de Stan, puis Antar se tourna vers lui :
— Bon, parle-nous de ton petit trafic de drogues… Tu es venu pour en acheter ou pour en vendre ?
— Quoi ? Vous n’êtes pas sérieux.
Antar lui lança un rictus hostile et l’accusa sans ambages :
— On a trouvé de la drogue, dans ton sac !
— De la drogue dans mon sac ? Impossible. Ou alors, c’est que vous l’y avez mise. J’ai fait mon sac moi-même, et je sais ce qu’il y a dedans.
— Ah oui ? Et le linge de bain ?
— J’ignore comment il a atterri dans le sac.
Antar n’insista pas sur le linge. Stan non plus… Après tout, il était possible qu’il l’ait glissé dans le sac, sans y prêter garde, tandis qu’il devisait avec Marco… Peu intéressé par le sort du linge de bain, Antar rebondit instantanément. Brandissant, sous le nez de Stan, une grosse boule, vaguement semblable à de l’herbe séchée, il se mit à hurler :
— Et ça ?
Stan protesta, avec l’énergie de l’outragé :
— Mais je n’ai jamais vu ce truc. J’ignorais qu’on trouvait du haschich en Algérie, je croyais que le Maroc…
— Comment sais-tu que c’est du haschich ?
— Vous me parlez de drogue, j’en déduis que c’est du haschich. C’est brun. On voit assez de drogue dans les films pour savoir que les autres sont blanches et ne viennent pas d’Afrique du Nord…
Antar le coupa, hargneux :
— Tu en as déjà fumé ?
— Une fois ou deux. Mais depuis, j’ai arrêté de fumer, même du tabac. Et je ne suis pas là pour parler de ce que je fume en Suisse, non ?
— Oh ! Nous avons affaire à un gros malin ! Mais face au témoignage de deux officiers assermentés, tes dénégations ne pèseront pas lourd, devant un juge !
Antar devenait de plus en plus agressif :
— Bon, parlons de prostitution…
— Prostitution, drogue… Pourquoi pas du trafic d’armes, pendant que vous y êtes ! lança Stan, de plus en plus remonté.
Sous le choc de telles accusations, il devenait combatif, oubliant où il se trouvait. Il ne vit pas venir l’énorme baffe qui lui coupa le souffle et lui cloua le bec.
— Debout contre le mur ! lui lança Antar, qui s’approcha de lui, menaçant, tandis que Djilali se levait à son tour. Stan comprit que ce n’était pas le moment de tergiverser, et qu’il était temps de dire la vérité.
— Je travaille dans une société financière suisse, qui organise la production d’un film pour Yacef Saadi.
— Ah oui ! Et pourquoi tu ne l’as pas dit tout de suite ?
— Parce que vos méthodes m’ont effrayé…
Antar prit l’aveu pour un compliment et se fendit d’un large sourire. Son rictus mettait en évidence la ridicule demi-couronne en or dont il avait affublé une de ses incisives supérieures. Stan en frémit de dégoût et respira, avant de poursuivre :
— J’avais décidé d’attendre, pour comprendre ce qu’on me voulait. Je ne voulais pas risquer de créer des ennuis à Yacef, avant de comprendre ce que je faisais dans cette… Ici.
Antar dressa l’oreille :
— Des ennuis à Yacef ? Comment, ça ?
Stan respira et répondit :
— Je ne sais pas, moi ! Je ne suis pas dans le secret des dieux et j’ignore ce qu’il a le droit de faire ou non.
— Ne blasphème pas, ici tu es en terre d’islam, c’est haram ! Péché, comme on dit chez toi ! Un blasphème peut te faire condamner à mort, ici ! Bon, assieds-toi et explique-nous un peu tout ça.
Antar se fit apporter une chaise, s’installa à gauche de Djilali et alluma tranquillement une cigarette.
Stan prit une aspiration. Il avait cessé de fumer depuis 6 mois et une envie lui vint d’en avoir une, mais il se retint et réalisa tout l’inconfort de sa position.
Les deux argousins lui rappelaient sans cesse que l’Algérie était un pays révolutionnaire et que leur justice était révolutionnaire, ce qui ne laissait rien présager de bon. Stan décida de dire tout ce qu’il savait. En fin, presque tout. Au fond, Yacef était suffisamment puissant pour se défendre, pas lui. Et le temps n’était plus à tergiverser, si sa propre sécurité était en cause.
Il raconta l’épisode du sac qui l’attendait à l’hôtel, et qu’il avait remis à Yacef. La participation de quelqu’un avec lequel Yacef ne voulait pas être aperçu. C’est ainsi que Yacef lui avait présenté la chose. Stan tenta de passer sous silence la vraie raison de son déplacement à Oran, mais les deux sbires ricanaient. Ils semblaient en savoir presque autant que lui.
Qu’était-il allé faire dans la station-service de la pêcherie, et pourquoi avait-il appelé Paris depuis cet endroit. Comment ils connaissaient ces détails, Stan ne parvenait pas à se l’expliquer.