Avoir vécu cela - Yves Breton - E-Book

Avoir vécu cela E-Book

Yves Breton

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Beschreibung

Frappé par un AVC aussi brutal que tragique, l’auteur partage l’histoire bouleversante de son accident, entrelacée de souvenirs qui surgissent comme des éclats du passé, éclairant les ombres d’un présent troublé. Ces fragments, tantôt doux et réconfortants, tantôt douloureux et poignants, lui rappellent les moments décisifs qui ont forgé l’être qu’il est devenu. Son récit est une quête de sens, une lutte incessante pour trouver la lumière dans les ténèbres, une histoire de résilience et de recherche continue de clarté.Frappé par un AVC aussi brutal que tragique, l’auteur partage l’histoire bouleversante de son accident, entrelacée de souvenirs qui surgissent comme des éclats du passé, éclairant les ombres d’un présent troublé. Ces fragments, tantôt doux et réconfortants, tantôt douloureux et poignants, lui rappellent les moments décisifs qui ont forgé l’être qu’il est devenu. Son récit est une quête de sens, une lutte incessante pour trouver la lumière dans les ténèbres, une histoire de résilience et de recherche continue de clarté.

 À PROPOS DE L'AUTEUR

En 2017, un AVC a interrompu les passions créatives d’ Yves Breton, transformant chaque jour en une lutte pour retrouver sa vie d’avant. Cet ouvrage lui sert d’exutoire pour guérir de ses blessures passées.

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Seitenzahl: 174

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Yves Breton

Avoir

Vécu

Cela

© Lys Bleu Éditions – Yves Breton

ISBN : 979-10-422-6749-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

Ce récit retrace l’histoire de son auteur, bouleversé par un accident vasculaire cérébral.

« Je me sens tel un poisson hors de l’eau, perdu dans un monde qui m’échappe. Les ténèbres de l’incompréhension s’épaississent, mon angoisse grandit dans cette obscurité. Mes pensées sont des éclats de verre brisé, mes gestes des ombres tremblantes. Mon être tout entier se dérobe, et la terreur s’installe dans les reculs de mon esprit. »

Sa vie, jusqu’alors paisible et prometteuse, bascule brutalement dans le chaos. Alors qu’il touchait presque du doigt une existence sereine, cet accident s’abat sur lui, comme une foudre cruelle frappant un ciel sans nuages. Ce coup du sort le plonge au cœur d’un monde médical impitoyable, où chaque jour devient une lutte pour survivre et accepter l’irréversible. Lorsqu’il en sort enfin, ce n’est plus en tant qu’homme debout, mais prisonnier d’un fauteuil roulant, condamné à porter à jamais les stigmates de cette épreuve.

Prologue

Maman disait toujours : la vie c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.

Cette petite phrase tirée du film« Forrest Gump »résume très bien les circonstances de mon AVC.

J’avais tout autour de ce chocolat empoisonné une quantité de délicatesses qui agrémentaient mon existence.

J’avais alors une évolution professionnelle prometteuse, mes affaires ne s’étaient jamais aussi bien portées – et cette évolution était tout aussi positive pour moi que pour ma famille.

Mais il a fallu que je tombe sur un mauvais chocolat…

Comment vais-je pouvoir surmonter le dégoût engendré par cette maladresse exécrable ? Comment dépasser ce bouleversement dans ma vie et dans mon évolution professionnelle ? Comment reprendre mes affaires ? Comment évoluer alors que tout s’est écroulé comme un château de cartes du jour au lendemain ?

Ainsi, ce précieux volume entre vos mains, fruit du hasard et né d’un caprice du destin, n’aurait jamais été qu’une page blanche, si cet AVC ne m’avait pas jeté dans l’abîme d’une existence tourmentée. Il est étonnant de constater comment une simple collision d’éléments peut engendrer une série d’événements, un enchevêtrement de circonstances qui m’a conduit à entreprendre cet ouvrage.

Dans les méandres de ces pages, je trace l’histoire de ma vie, une épopée tumultueuse ponctuée d’instants lumineux et d’ombres profondes. C’est ici, dans ces mots, que je dépose le témoignage de mon passage sur cette terre, laissant une empreinte indélébile pour les générations à venir. Ce livre, tel un phare dans la nuit, brille pour guider mes descendants, leur offrant peut-être un message, un ressenti, une part de mon âme gravée dans l’encre.

Cet AVC aurait pu être le point final, la conclusion prématurée de mon histoire, mais il n’en fut que le prologue. La vie, la vraie, ne s’arrête pas aux détours de nos destinées contrariées. Elle exige de nous une résilience, une force intérieure, une capacité à surmonter les épreuves et à persévérer.

Il faut se battre, non pas contre le destin, mais avec lui, en forgeant son propre chemin malgré les obstacles. Avec l’amour, cette douce mélodie qui réchauffe nos cœurs, avec le partage, qui nous relie les uns aux autres, avec la bienveillance, qui adoucit les rugosités de l’existence, avec la tempérance qui modère nos passions et nos désirs. Tous ces éléments sont autant de phares qui illuminent notre voyage. Et, bien sûr, avec la beauté de notre terre, un trésor fragile et précieux, théâtre de nos vies.

Ici je tisse le récit de mon existence, transformant l’ombre de mon accident en une lumière qui va éclairer ma route.

Chapitre 1

L’accident

La maladie subite est un rappel brutal de la fragilité de la vie, mais aussi une opportunité de redécouvrir la force de la résilience humaine.

Auteur anonyme

Un son léger, à peine perceptible, me tire de mon sommeil. Sans doute Sabine, en bas à la cuisine ou dans les escaliers…

Une certitude s’impose : elle n’est plus dans la chambre. Je relève la couette et bascule mon corps pour me lever.

Mais soudain, c’est la brutalité qui me terrasse, me projetant sur le sol à côté de mon lit.

Je finis par me relever pour aller prendre une douche, mais ma jambe semble se liquéfier sous mon propre poids… Je retourne vers le lit, un effort titanesque pour chaque pas, avant de m’effondrer à son pied.

Qu’est-ce qui m’arrive ?

Les fragments de la soirée précédente tentent de revenir à ma mémoire. Oui, c’est ça ! Hier soir, nous avons convié des amis et toute la famille à un barbecue. Les rires, les discussions, les éclats de joie… tout prend enfin sens. Tout s’explique, j’ai une gueule de bois carabinée.

Pourtant, je me souviens que j’avais évité de trop boire, conscient de ma grande fatigue. Après tout, j’avais passé la semaine à effectuer des travaux de terrassement dans le jardin, m’ayant littéralement épuisé.

Alors ? Pourquoi cette gueule de bois assommante ?

La panique s’insinue, grandit inexorablement, comme une ombre menaçante. Sabine est absente, et je suis seul face à ce mystère glaçant. Mes appels restent prisonniers de ma gorge, étouffés, muets. Mon téléphone, ultime espoir de communication, me nargue depuis sa position lointaine. Je tends mes bras vers lui, une détermination féroce me pousse à l’atteindre, mais mes muscles flanchent, mon corps défaillant sous l’effort. Je retente ma chance, cette fois avec une force surhumaine, me hissant péniblement, m’accrochant au fil fragile de ma résolution. Le parquet m’échappe. Je m’écrase, me traîne, et rampe, ma dignité soumise à une réalité cruelle. Mes propres urines me souillent et mon impuissance devient la toile de fond de cet effroyable spectacle.

Je me sens tel un poisson hors de l’eau, perdu dans un monde qui m’échappe. Les ténèbres de l’incompréhension s’épaississent, mon angoisse grandit dans cette obscurité. Mes pensées sont des éclats de verre brisé, mes gestes des ombres tremblantes. Mon être tout entier se dérobe, et la terreur s’installe dans les profondeurs insaisissables de mon esprit.

Sabine surgit enfin, un éclair d’espoir dans cette nuit désespérée, me pose mille questions auxquelles je ne peux répondre. Ma bouche, jadis porteuse de paroles, n’est plus qu’une façade déformée, impuissante à émettre le moindre son. La gravité de la situation lui paraît évidente, elle saisit son téléphone et compose le numéro du salut : le SAMU.

Les minutes passent comme des heures, et l’ambulance arrive enfin. Une urgentiste entre, portant avec elle un brancard qui deviendra mon unique support. Un chemin tortueux s’ouvre devant nous, une descente périlleuse guidée par la main secourable de mon fils Olivier. L’étroitesse des escaliers en colimaçon se fait sentir, mais rien ne peut entraver notre détermination à rejoindre le véhicule de secours. M’installant tant bien que mal, l’urgentiste cherche àme réconforter, sa voix douce tente de repousser les ombres. « Avez-vous déjà été dans une ambulance ? » me demande-t-elle. Et, tandis que je plonge dans les souvenirs d’un passé douloureux, c’est une chute à moto qui refait surface dans ce moment de désarroi.

Maman et moi en 1975

Chapitre 2

Maman

Les mamans sont mères veilleuses !

Sandrine Fillassier

Nous sommes au mois de juin 1974. Ce jour-là, je file à toute allure à bord de ma petite Yamaha 125 cm3 sur la place de Bordeaux. Les rayons du soleil dansent sur la chaussée tandis que je me laisse emporter par le frisson de la vitesse. La voiture qui me précède va un peu vite et pile brutalement pour laisser passer un piéton. Mon cœur bondit alors que j’agrippe les freins de ma moto dans un réflexe désespéré. Mais le destin a déjà tracé son chemin, et, avant de pouvoir réaliser ce qui se passe, je suis en l’air, mon corps en apesanteur au-dessus du véhicule avant.

Le monde semble ralentir, comme si le temps avait suspendu son souffle pour mieux observer ma trajectoire aérienne. Je suis une créature éthérée, un oiseau égaré dans un ballet céleste, en harmonie avec les lois de la physique et de la chance capricieuse. Puis, la réalité s’impose avec une violence brutale. Je m’écrase contre le sol avec une force inouïe, laissant échapper un cri de douleur qui se perd dans le tumulte de la rue.

Heureusement, les secours ne tardent pas à arriver. Des visages apparaissent dans mon champ de vision, des mains habiles s’activent pour stabiliser mon corps meurtri. C’est la première fois que je monte à bord d’une ambulance, un voyage empli d’incertitude et de peur, mais aussi de réconfort grâce à la présence rassurante des professionnels de santé.

Un moment étrange et réconfortant survient alors. Un technicien de FR3, le hasard l’ayant guidé vers cet endroit précis à ce moment précis, se fige en me reconnaissant.

À cet instant, une connivence silencieuse s’établit. Il se charge là, témoin involontaire de mon accident, de prévenir maman.

Maman, figure maternelle qui a toujours été ma bouée de sauvetage dans les eaux tumultueuses et agitées de ma vie, travaille à FR3. Un lieu familier qui trône fièrement en face du Lycée Kléber, là où je poursuis mes études. Une simple traversée de la place de Bordeaux me sépare d’elle.

Quelques heures plus tard, inquiète et préoccupée, elle se retrouve à mes côtés au centre de traumatologie. Elle m’apporte ce réconfort familier, celui qui guérit autant l’âme que le corps.

Le verdict médical tombe, et je suis soulagé d’apprendre que mes blessures ne sont pas graves. Une luxation de l’épaule droite, certes douloureuse, mais temporaire. Des larmes de joie voilent les yeux de ma mère, et son étreinte douce enveloppe mon être meurtri.

Un souvenir angoissant, évoquant un stress intense de l’un de ses passages à l’hôpital, remonte en elle. Et elle me raconte comment je suis venu au monde. Ce jour-là, lorsque les premières contractions se sont manifestées, elle était seule. Le papa ayant certainement d’autres affaires beaucoup plus pressantes....

Sans hésiter, elle a enfourché son fidèle scooter pour parcourir le chemin de la clinique, rue Sainte Sabine. Chaque secousse accentue la montée de l’adrénaline et des douleurs, faisant peut-être naître en moi, ce jour-là, ma passion pour la moto.

Ce jour-là encore, le hasard avait orchestré une rencontre particulière. La rue de ma naissance portait le prénom de Sabine, un prénom qui deviendra plus tard celui de ma deuxième épouse, un lien troublant entre le passé et le présent.

À cette époque lointaine, maman était une artisane de la télévision, une créatrice d’illusions qui travaillait dans les coulisses. Ses talents la menaient d’un studio à l’autre, peignant des tableaux et mettant en scène des mondes imaginaires. Les pas de mon enfance m’ont porté maintes fois à travers les méandres de ce bâtiment, un dédale de studios d’enregistrement que je connaissais mieux que les plis de ma propre poche. Parfois, je la voyais en train de mettre la touche finale à un décor qui allait servir de toile de fond pour des histoires et des aventures fascinantes, qu’il s’agisse de pièces de théâtre ou de spectacles de variétés. Elle créait ainsi des scènes incroyables en studio, où elle reconstituait parfois des villages alsaciens entiers avec une équipe de menuisiers qui lui donnaient souvent du fil à retordre.

J’occupais son bureau avec une patience infinie, attendant le retour de celle qui donnait vie à des mondes hors du temps. Aujourd’hui encore, j’entends le rythme de ses pas cadencés si singuliers dans le couloir lorsqu’elle venait me rejoindre, les talons résonnant comme un signal, celui de sa présence à mes côtés.

Entre midi et deux, je retrouvais mon frère Alain et ma sœur Sylvine au restaurant d’entreprise. Nous y mangions tous ensemble et admirablement bien, car la cantine était très sélecte.

Mes parents ont divorcé en 1960 alors que j’avais 3 ans et maman s’est retrouvée seule à nous élever et nous assumer financièrement. Ma sœur, Sylvine, l’aînée de la fratrie, puis moi et Alain, mon frère, trois ans d’écart nous séparant tous les trois.

La profession de maman engendrait un certain engouement et un intérêt évident pour nos connaissances et nos amis. Comme si elle travaillait à la NASA aujourd’hui. Car travailler dans les studios de télévision à l’époque était une aventure unique, un voyage fascinant dans le monde de la création et de l’illusion.

Elle avait même son nom aux génériques qu’elle écrivait elle-même à la main, ou au pinceau, sur des rouleaux de papier cartonnés noirs. Des gestes artistiques presque mythiques à une époque où l’informatique n’avait pas encore volé la vedette.

C’est pendant cette période, à FR3, que maman rencontrera René, un comptable. Un homme d’une douceur rare, calme, apaisant, patient, tendre, et d’une générosité sans limite. Il sera son compagnon de vie pendant de longues années. Ils vivront ensemble à Mundolsheim, dans sa belle maison. Là-bas, ils partageront des années remplies de bonheur, ponctuées de magnifiques voyages au Mexique, au Portugal, et jusqu’en Chine. Ces souvenirs resteront gravés pour eux comme des instants de pure complicité et de découverte. Malheureusement René nous quittera beaucoup trop tôt à l’âge de 88 ans.

Il arrivait fréquemment à maman de ramener du travail à la maison. En parallèle à FR3, elle façonnait les vitrines de petits commerçants de la ville, transformant des espaces banals en scènes féeriques. Je me souviens d’une vitrine qui incarnait le manège enchanté avec un majestueux Pollux. En plus de sa rémunération chez Feyel, de belles quantités de foie gras, récompenses de ses créations, envahissaient parfois notre foyer. Elle reçut également un chien en chocolat géant des chocolats Schaal qu’il fallait briser à coups de marteau pour en obtenir un morceau.

Mais vous décrire maman consisterait à tenter de décrire un arc-en-ciel à un aveugle tant sa dynamique et son énergie peuvent dépasser l’imagination !

Pendant toute mon adolescence, les déménagements en HLM s’enchaînaient. Chaque changement de domicile apportait son lot de rénovations, maman métamorphosant les intérieurs pour qu’ils expriment nos goûts et nos aspirations. C’était une valse incessante, une danse avec le temps, où les murs et les papiers peints se pliaient à nos désirs changeants.

Et puis, un jour, une opportunité se présenta, offrant à ma mère l’appartement d’une amie speakerine à la télévision. Un saut qualitatif immense, un cadre somptueux de plus de 200 m² avec une entrée spacieuse et un escalier en bois de chêne évoquant le charme d’une autre époque. Chaque recoin de cet appartement respirait l’élégance, des plafonds de moulure aux détails minutieux.

Une mansarde, ancienne chambre de bonne, fut transformée en garçonnière, une retraite individuelle pour mon frère et moi-même où les secrets et les rêves prenaient vie en musique.

Dans le sous-sol du bâtiment, nous avions deux caves et j’avais transformé l’une d’elles en atelier de mécanique. C’est là que je pus réparer ma moto après l’accident en changeant la fourche avant. Au grand dam de mes parents m’ayant cru définitivement guéri et dégoûté de cet engin.

Il faut dire que j’étais à bonne école avec mon père, virtuose de la mécanique et amateur passionné de voitures anciennes. Un virus qu’il a su me transmettre, car comment pourrais-je oublier cette imposante moto Peugeot, une bête de 600 cm3 monocylindre de 1936 ? Des dizaines d’heures s’écoulaient comme des gouttes de sueur alors que je ponçais méticuleusement chaque composant, préparant le terrain pour la magie de la peinture et des chromes. Cette moto, c’était bien plus qu’une simple machine. C’était le reflet de notre investissement commun, le fruit de notre persévérance conjointe, un symbole tangible de notre complicité.

Mais revenons à l’époque où j’arpentais les couloirs du Lycée Kléber avec autant de grâce qu’une girafe en équilibre sur des échasses !J’ai squatté ces lieux jusqu’à mon BAC que j’ai obtenu grâce à la philo, ce truc où l’on parle sérieusement de licornes et de l’infini. J’ai décroché un 16 en parlant de Rousseau et de son histoire où l’homme se retrouve transformé en koala philosophe. Car oui, pour Rousseau, l’homme est un animal !

Par contre, en allemand, c’était une autre paire de manches ! Je me sentais aussi à l’aise avec cette langue qu’un poisson dans le désert. Assis là, en compagnie du radiateur, j’observais ces dialectophones alsaciens et leurs discussions enflammées avec le prof. Pendant que mon esprit s’échappait vers des contrées lointaines où les koalas faisaient des courses enflammées sur des Peugeot de 600 cm3.

Oui, en matière d’allemand, j’étais le champion du monde… à l’envers. Mes notes ressemblaient à une sinusoïde ayant fait un tour de montagnes russes. Et pourtant, mon père avait réussi à décrocher des cours particuliers avec un ami, Monsieur Loux, qui enseignait la langue dans le même établissement où je peinais à aligner trois mots cohérents.

Un personnage haut en couleur qui débarquait au lycée à bord d’une Bugatti décapotable digne des années folles.

Chaque fois qu’il stoppait son bolide, notre héros devait carrément dévisser le volant ! Pourquoi me demanderez-vous ? Eh bien, tout simplement parce que son véhicule n’était pas pourvu de cette petite chose si banale qu’on appelle une clé de contact. Imaginez-le, dévissant le volant comme s’il était sur le point de démonter un vaisseau spatial au lieu de garer une voiture.

Mais ce n’est pas tout. Notre homme sortait du véhicule, vêtu d’un long manteau en fourrure… de léopard ! Oui, vous avez bien lu, un manteau en léopard qui aurait fait pâlir de jalousie la faune entière. Et que faisait-il de cette parure sauvage une fois arrivé sur son estrade ? Eh bien, il l’accrochait au portemanteau, à côté de ce fameux volant dévissé, comme une sorte de trophée exotique.

Monsieur Loux était très sympathique au demeurant et nous prenions le thé en écoutant de la musique classique pour accompagner ses leçons. Sa compagnie était une invitation à la détente, une échappée du tumulte quotidien vers un monde de tranquillité.

C’étaient des moments très agréables dont je garde un excellent souvenir.

« Monsieur Breton ? Monsieur Breton ! Vous m’entendez ? »

Chapitre 3

Les urgences

Le risque de perdre la vie rend la vie d’autant plus précieuse.

Molière

« Réveillez-vous, Monsieur Breton », susurre une voix glaciale, déchirant les ténèbres. Un écho funeste résonne dans ma conscience alors que je m’extirpe du néant.

« Vous êtes arrivé à l’hôpital, vous êtes aux urgences », murmure cette même voix.

Mon regard errant, encore embué par la torpeur, se heurte à la vision d’un trio de silhouettes inquiétantes penchées sur moi. Leurs contours flous semblent se déformer, comme des ombres cauchemardesques dansant autour de ma vulnérabilité.

Je cherche à saisir le sens de leur présence, mais leur activité mystérieuse demeure un voile impénétrable. Le médecin – si c’était bien un médecin – tente de m’expliquer l’urgence de la situation, un sentiment grave perçant à travers ses paroles. Une de mes artères, le lien fragile entre la vie et l’obscurité éternelle, semble bouchée.

On m’emmène à travers les couloirs et les étages de l’hôpital pour me faire un scanner, puis je pars directement en salle d’opération.

C’est le moment ! Comme un acteur sur le point d’entrer en scène, je suis conduit dans le bloc opératoire. Le silence de cette pièce blanche est brisé par le rythme de mon cœur tambourinant dans ma poitrine, le témoin palpable de ma vulnérabilité. Des mains expertes s’apprêtent à danser sur le clavier de mon destin, et j’essaie de rassembler mon courage.

Devant moi, une multitude d’écrans phosphorescents clignotent en cadence, tissant une toile électronique de mon sort funeste. Mon être s’engouffre dans la salle des tourments, les machines impitoyables prêtes à me dévorer dans leur symphonie macabre.

Le chirurgien en chef, une figure autoritaire, incarne l’espoir fragile dans ce mauvais rêve. Sa voix, chargée d’expertise et de détachement, résonne comme un écho dans un caveau sinistre. Une thrombectomie paraît nécessaire, un mot étrange et sinistre, une danse avec la mort elle-même.

L’assurance de l’absence de séquelles sonne comme une cruelle ironie, un masque trompeur sur un visage d’horreur.

La table froide d’opération m’accueille telle une pierre tombale, la promesse d’une plongée sans retour dans l’obscurité. Suspendu, vulnérable, les ténèbres semblent se refermer autour de moi, les cieux étoilés de l’inconnu attendant leur proie. Le rail au plafond, une guillotine invisible, retient ma vie comme une marionnette frêle.