Belize - Christian Satgé - E-Book

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Christian Satgé

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Beschreibung

Dans une ville de « l’Espagne du Siècle d’Or », période où l’opulence côtoie la misère, une jeune orpheline désargentée, Belize, dont la beauté est chantée par les poètes locaux, à peine libérée d’un long deuil paternel, doit épouser contre son gré un vieux soldat enrichi qui, a priori, n’en demandait pas tant. Celui-ci, Don Antonio, dont la maison n’est qu’ordre, grâce à la poigne de Doña Catarina et à l’habileté d’Alonso, mais aussi calme, sous la férule de son serviteur Abdul, à défaut de volupté, ne cesse hélas d’être importuné. Ainsi se bousculent sans cesse des solliciteurs toujours trop intrusifs à son goût… et presque aussi envahissants que sa nouvelle belle-mère quand ils ne sont pas aussi inattendus que son neveu, frais arrivé d’Amérique.
Sans manquer de faire allusion au théâtre classique français mais aussi à la littérature picaresque méconnue chez nous et, surtout, librement inspirée d’une courte pièce peu prisée de Federico García Lorca, cette création vous convie, entre attendus et rebondissements, rires et émotions à un voyage qui dépasse le pays et le temps dans lesquels elle se déroule. En effet, rythmés autant que rimés, ses cinq actes vous conduiront de fortunes subies en destins assumés, en suivant des personnages pris dans une histoire qui, d’anicroches en imprévus, aura eu le mérite de les construire… ou de les conforter, si besoin était, dans leurs certitudes.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Christian Satgé joue les fabulistes souvent. Or « la fable est une comédie légère, et toute comédie n’est qu’un long apologue : leur différence est que, dans la fable les animaux ont de l’esprit, et que dans notre comédie les hommes sont souvent des bêtes, et, qui pis est, des bêtes méchantes. » (Beaumarchais, Préface au Mariage de Figaro, 1784). Fort de cette affirmation, notre rimeur retrouve une scène abandonnée jadis mais jamais oubliée…

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Christian Satgé

Belize

Pièce en V actes & en vers

Du même auteur

Petites fables affables… des villages du coin

5 Sens Édition, mars 2021

Hors cadre

5 Sens Édition, décembre 2020

Petites fables affables… des champs d’en face

5 Sens Édition, décembre 2019

Préface

Belize, qui êtes-vous ?

Une jeune fille de l’Espagne du Siècle d’Or (oh, le joli nom !), vivant en recluse avec sa mère, la pittoresque Ana, depuis la mort du maître de maison, puisque le deuil imposé alors cloîtrait les femmes plusieurs années, histoire de leur donner tout le loisir de regretter de n’être pas descendues au tombeau avec leur mari ou père.

Une jeune fille d’autrefois, d’aujourd’hui ou de toujours qui aspire de toute son âme à autre chose, qui rêve de pouvoir choisir pour qui battra son cœur.

Une jeune femme au destin tracé par sa mère qui se voit contrainte d’épouser Don Antonio riche, puissant et déjà barbon, comme on disait alors.

 

Mais cet Antonio, qui est-il ?

Un ancien jeune homme, ancien aspirant à l’aventure, à la renommée, à la fortune, revenu d’Outre-Atlantique avec la renommée, la fortune… Et les blessures inguérissables que sont le remords et la culpabilité.

Un homme qui cherche l’apaisement dans les livres, les beautés de son jardin et qui distribue largement des richesses qui lui brûlent les mains.

Un homme à qui la vie accorde un dernier trésor, inattendu : Belize.

 

Amis lecteurs, les voyez-vous nos deux héros ?

Vous allez entrer chez eux, les accompagner en spectateurs privilégiés puisque la magie de la fiction nous y conduit. Leur monde est-il romantique ? Classique ? Faut-il le décider ?

Vous y sentirez en tout cas le parfum du théâtre classique français, des romans picaresques, des contes où les Belles font de curieuses rencontres et vous y frôlerez l’ombre d’un Cyrano de Bergerac.

Vous serez vite tout étonnés de voir qu’ils ne sont pas seulement ce qu’ils paraissaient être et vous les aimerez sûrement.

Attendez-vous à rencontrer autour d’eux d’autres personnages savoureux, attachants parfois, mais aussi agaçants, amusants et vous regretterez peut-être de les abandonner au dernier vers.

 

Car c’est une pièce en vers.

 

Les doigts de l’auteur ont dû jouer une réelle symphonie sur son clavier pour nous donner ce récit si fluide, qui court, ralentit, rebondit, gronde, chante ou murmure des douceurs. Ils ont créé ces personnages qui vivent tellement, ces scènes où l’on passe du rire à l’inquiétude, de la consternation à l’espoir ; où l’ironie, la candeur, l’hypocrisie, la bonté, l’avidité s’entrechoquent ; où la farce côtoie le drame.

En peu de mots, c’est une nouvelle fois à l’éternelle comédie humaine à laquelle nous assistons.

 

Je ne saurais donner une analyse littéraire, ni même une simple référence constructive à la brève pièce de Federico García Lorca où apparaît ce prénom : Belize. Il y a tellement de lecteurs avertis qui le feraient bien mieux…

 

Pourtant, je mesure la chance mais surtout la joie intime et inoubliable d’avoir vu naître ces personnages et, aux côtés de leur auteur, de les avoir aidés à grandir, à vivre, à être.

 

Marielle, le 2 octobre 2021.

Le lieu de l’action : Un riche hôtel particulier d’une ville espagnole au milieu du XVIe s.

 

Les personnages :

 

• Belize : fille d’Ana.

• Don Antonio : Ancien compagnon de route d’H. Cortés au Mexique.

• Le chapelain : moine dominicain ventru, pilier de l’Inquisition locale.

• Ana : veuve etmère de Belize.

• Doña Catarina : Veuve du meilleur ami de Don Antonio, mort au Mexique que celui-ci, à son retour, a recueilli et qui lui sert d’intendante pour tenir sa maison.

• Alonso : Fils de Doña Catarina. Homme de confiance de Don Antonio dont il est le secrétaire ; il tient aussi les comptes de la maison.

• Diego : neveu métis de Don Antonio, frais arrivé du Mexique pour faire ses études en Espagne.

• Abdul : colosse noir souvent impassible. Habillé en costume oriental (turban, babouches, saroual et gilet sur torse nu) il sert de garde du corps et de serviteur à Don Antonio.

• Les trois galants : trois jeunes musiciens, sûrs de leur art. Toujours avec leur guitare, ils se chamaillent et se taquinent. Le premier d’entre eux en pince pour Belize.

• L’aveugle : mendiant qui a ses quartiers sur la Place de la fontaine.

• Les enfants : les deux « fils » de l’aveugle, attachants feux follets.

ACTE I

 

 

ACTE I - SCÈNE 1

La place du quartier. Dans le lointain la façade de l’hôtel particulier de Don Antonio avec une porte double et deux ou trois marches permettant de descendre sur la rue où DEUX JEUNES ENFANTS (des picaros) font les poches à TROIS GALANTS allant, guitares à la main, et un balcon de pierre qui barre toute la façade sur lequel donnent deux portes-fenêtres. Deux rues, côté cour - venant de la chapelle - et jardin, courent de part et d’autre de celui-ci. Côté jardin la façade d’une taverne sous les arcades de laquelle UN AVEUGLE est assis, sébile en main. Côté jardin la façade de la maison d’Ana et Belize, dont on voit, au rez-de-chaussée, une jalousie qui ne masque pas vraiment une fenêtre toujours ouverte donnant sur la place et le début de la rue qui mène au marché et, à l’étage un petit balcon par lequel on accède par une simple porte. En avant-scène une fontaine. Auprès de la maison d’Ana et de Belize, le premier galant s’apprête pour l’aubade.

 

Le premier galant (dépité) :

Je n’ai jamais ouï tant piètres chanteurs !

Voix et verbe, Amis, se doivent d’être enchanteurs.

Le second galant(moqueur) :

C’est fort vrai pour qui a une face de fesse…

Le troisième galant :

Ce qui n’est pas notre cas, on te le confesse.

 

Ils rient.

 

Le premier galant(continuant) :

Les rêves de nuit partis au loin s’égailler,

Il faudrait que celle qu’on veut désommeiller,

D’une aubade s’égaye, vive un moment plus tendre

Qu’un songe éveillé…

Le troisième galant :

Et non aboiements entendre.

Le deuxième galant(le moquant) :

Pour la toucher là, sans faille ni faute, au cœur !

Le troisième galant :

Pourquoi viser si haut pour se sentir vainqueur ? !

Le premier galant (pendant que les autres rient) :

Gaussez-vous vaunéants, succombera Belize

À ma voix timbrée plutôt qu’à vos vocalises :

 

Chantant, en s’approchant du balcon.

 

Mon cœur fuit les frivoles et gît sous mon pourpoint

Mais la nuit vient à point et ma douleur s’envole,

Lors une douceur point car mes mots vers vous volent ;

La lune, malivole, en perd son embonpoint.

 

Mon cœur enfin convole et bat sous mon pourpoint.

Venus en contrepoint, des chants d’oiseaux survolent

Votre ombre frêle qui point à l’huis bénévole ;

Mon âme pour vous vole, une étoile en appoint.

 

Ah, les plaisirs de mai, aux aurores orange,

Et le désir d’aimer que rien ne dérange,

C’est, ma mie, de l’aubade, et la lettre et l’esprit.

De baisers essaimer vos sourires ou vos franges,

Et ne plus carêmer, comme ça vous arrange,

C’est, ma mie, d’une aubade, et tout l’être, et le prix.

 

Les deux autres rient.

 

ACTE I - SCÈNE 2

L’AVEUGLE assis, sébile en main, LES DEUX ENFANTS statufiés à l’ouverture violente de la porte de Don Antonio. LES TROIS GALANTS, n’ont pas le temps de réagir ; ABDUL sort de chez Antonio et brise la guitare du chanteur sur la tête de ce dernier et s’en retourne sans un mot.

 

ACTE I - SCÈNE 3

L’AVEUGLE impassible ; LES DEUX ENFANTS qui commentent à voix basse. LES TROIS GALANTS, le premier étant dépité.

 

Le troisième galant : Voilà un esthète qui goûta à sa juste

Valeur tes verbe et voix !

Le premier galant : Rien qu’un balourd, un fruste !

Le second galant : On a le public que l’on mérite, l’ami…

Et celui-ci ne fait pas les choses à demi !

Le troisième galant(jouant) :

Ta nouvelle fraise va te valoir conquêtes :

Tu vas faire fureur auprès de nos coquettes…

Le deuxième galant :

Créer la mode plutôt que la suivre est art…

Le premier galant (ôtant l’objet) :

Que tu sais mieux que la guitare, bavard !

Car, oui, à ma chanson, le voile des fenêtres

De Belize a frémi… J’ai touché le doux être.

Le deuxième galant (sûr de lui) :

C’était soulagement…

Le troisième galant(bas) : Exaspération ?

Le premier galant :

Mots vains de vils jaloux : à moi la passion !

 

ACTE I - SCÈNE 4

L’AVEUGLE sursaute et LES DEUX ENFANTS s’effrayent à l’ouverture violente de la porte par ABDUL. LES TROIS GALANTS n’en mènent pas large, le premier se remet la guitare autour du col, l’un cache la sienne en son dos l’autre la jette au loin… et la brise. Abdul s’efface devant ALONSO qui sort.

 

Alonso(allant aux galants, une bourse en main) :

Cent pardons messieurs, notre ami ne supporte

Pas que l’on réveille les gens avec la sorte

De tapage que vous fîtes. Fils de Damas,

S’il ne parle pas, il n’est guère sourd, hélas.

Son maître, mon patron, veut que tous les dommages

Soient vite réparés, tenant à son image.

 

Le premier galant ôte la guitare qu’il gardait au col et tend la main. Alonso sort précautionneusement deux pièces de la bourse et les lui donne ; dépit du récipiendaire car il attendait l’aumônière. Le troisième galant qui a brisé sa guitare lui-même tend aussi la main. Abdul le voyant s’approche, l’air méchant. À cela, celui-là renonce et montre qu’il est désolé.

 

L’aveugle : Pour l’amour de Dieu, juste un petit billon.

 

Alonso fait tinter trois pièces dans le godet du mendiant ce qui vexe les galants mais ils ont l’œil sur Abdul et n’osent rien redire alors que les enfants les délestent. Alonso rentre non sans avoir été bousculé par les enfants qui lui font des politesses et lui prennent sa bourse, Abdul incliné ne voit rien et jette un œil noir aux galants qui font mine de n’y être pour rien.

 

ACTE I - SCÈNE 5

L’AVEUGLE rejoint par LES DEUX ENFANTS, LES TROIS GALANTS.

 

L’aveugle :

Un homme généreux mais mauvais compagnon.

C’est le secrétaire-intendant d’Antonio, brave

Soldat qui, pour le roi et la croix, vit agaves

De nos Indes et conquit cette terre sans foi

Ni loi avec Cortès. Mais c’était autrefois…

Il rentra au pays, honoré et fort riche,

Et depuis vit enfermé avec la godiche

Qui joue sa gouvernante et son esclave noir.

Il a pris ce ladre pour gérer son manoir.

Sur ce, chers damoiseaux, mes fils vont me conduire

Au marché d’à côté où l’on va se produire.

 

Sous le regard étonné des galants, les enfants aident le mendiant à se lever et le guident, emplissant son sac de leurs larcins. Ils croisent le chapelain, qu’ils volent discrètement aussi au passage…

 

ACTE I - SCÈNE 6

LES TROIS GALANTS ramassent leurs guitares.

LE CHAPELAIN arrive avec DIEGO.

 

Le premier galant :

Heureusement qu’il ne peut voir que ses enfants

Sont de fieffés fripons… (Il se tâte en vain les poches)

Le troisième galant : Plus que tendres faons !

Le premier galant(rageant) :

La peste soit de ces deux morveux, la morsure

De leurs doigts m’a frappé ! (Les autres rient)

Le chapelain(arrivant) : Mon fils, je vous assure

Que ce n’est plus très loin. Il doit être chez lui,

Nous y arriverons, c’est sûr, avant la pluie.

Diego (de même, anxieux) :

Serai-je, mon frère, bien reçu ?… J’ai la crainte

De lui être importun, de devenir contrainte…

Le chapelain : Sa générosité, par la ville, est connue :

Il n’est pas homme meilleur qui vive sous ces nues !

Le deuxième galant :

Allons donc préparer la soirée de Belize

Ce sera plus beau que… les cantiques d’église !

Le chapelain (interpellant les galants) :

Comment, à moins d’être mécréants, osez-vous

Venir en ce lieu comme à un rendez-vous ?

Il est en deuil : les femmes y portent encor’ le crêpe !

Le troisième galant (à lui-même) :

Elles ont une taille faite au tour : de guêpes !

Le premier galant :

Mais nous n’avons, Dieu, que la très saine ambition…

Le deuxième galant :

… De les préserver de toute autre tentation…

Le troisième galant :

Que celle d’un mariage honnête et pourfendre…

Le premier galant :

Les cavaleurs de tout poil qui osent prétendre…

Le deuxième galant :

À toute autre chose que leur main !… Sûr !… Pas plus…

Le troisième galant :

Et ce au jour qui, au Créateur, aura plu !

Le chapelain :

Ainsi soit-il !… Veuillez pardonner ma méprise,

Mes braves enfants, et comprenez ma surprise :

Je vous ai pris pour des Don Juan de bazar,

Des séducteurs tout en artifices et en art.

Le troisième galant :

Ciel, nous, nous ne voulons que rendre service…

Le deuxième galant :

Non nous adonner au péché, sombrer en vice !

Le chapelain : Deo gracias !…

Le premier galant : Lors : Amen !

Le deuxième galant : Et Serviteur !

Le troisième galant :

Allons communier avec le fondateur…

Le premier galant :

… De l’ordre des dives bouteilles.

Le deuxième galant : J’ai soiffarde

Faim de spiritueux…

Le troisième galant : calices…

Le chapelain : Dieu vous garde !

Les galants (ensemble) :

Excellence, à regret, on va vous abandonner

La place pour aux muses et catins… nous donner.

 

Ils entrent dans la taverne en riant laissant Diego songeur. Le moine se signe, effrayé.

 

ACTE I - SCÈNE 7

LE CHAPELAIN, DIEGO, DON ANTONIO et ALONSO sortant par la porte qu’a ouverte ABDUL.

 

Don Antonio(mécontent) :

Encore un concile vain avec ces eunuques,

Et l’aréopage de vils singes à perruques ?

Alonso : Un hidalgo, héros de surcroît, au Conseil

Doit paraître : il vous fit, naguère, en un pareil

Moment, chef de la police et grand responsable

Du guet. Et c’est là un honneur impérissable

Qui tient tout autant à vos talents de soldat…

Don Antonio : Qu’à l’absence d’autre possible candidat…

Et aux trésors qu’on me prête avoir en cassette

Lesquels augmentent prou au fil de leurs causettes !

Ma pauvre épitaphe sera par ces sangsues

Ainsi libellée si gens cossus, quoique ossus,

Ont leur place en terre que l’Église consacre

Pour notre ultime repos… ou son simulacre :

 

« Défiant tous les Mexicains

Au service de Charles Quint,

Mais préférant son baldaquin,

Ses livres mis de maroquin,

Ses fleurs à l’or qui rend fébrile

Le sot, tente fourbe et faquin,

Ci gît, Messer Don Antonio

Qui manque tant à cette ville…

Mais bien moins que ses bons pesos. »

 

Le chapelain(interrompant) :

Non, Mon fils, aujourd’hui, point de pensées amères

Ou la Providence vous les veut éphémères :

Je suis porteur d’une nouvelle inattendue…

Don Antonio (goguenard) :

Vous ne viendrez plus à moi la main tendue ? !

 

ACTE I - SCÈNE 8

LE CHAPELAIN, DIEGO, DON ANTONIO et ALONSO dans la rue ; BELIZE et ANA derrière leur jalousie.

 

Le chapelain : Dominique voulut que l’on vive d’oboles ;

Mendiants nous fûmes et restons, sans faribole.

De nos Indes arrive, ce jour, votre neveu ! (il présente Diego)

Ana (à Belize) : C’est lui…

Don Antonio : Diego ? !

Belize(à sa mère) :

Un homme suivant tous mes vœux :

Beau et noble de port ; il est tout en prestance !

Voilà être avec qui finir son existence…

Alonso (surpris, à Antonio) :

Vous avez un parent ? !

Ana (admirative, à elle-même) :

Et à qui le dis-tu ?

Belize (surprise, à Ana) :

Mais à vous, ma mère !

Alonso : Je suis peut-être obtus

Mais vous m’avez toujours…

Don Antonio : dit que nul fils ni fille

Ne m’est venu et que mes gens sont ma famille.

Mais mon jeune frère, avec qui j’ai tant couru

L’aventure, au-delà de l’océan, lui, crut

Bon de faire souche sous ces brûlants tropiques

Quand il aspira à une vie moins épique…

Belize (rêveuse) : Ah, les Indes !

Ana(à Belize) : Ce doit être bien plus riant

Que nos murs décrépits, cet antre en rien brillant

Qui clôture nos vies pis que cloître de nonnes !

Le chapelain :

Mon fils : voilà son fils !

Don Antonio (heureux) :

Dans mes bras… mon neveu !

La vie, je l’avoue, ne me fut pas toujours bonne :

Elle me gâte sans compter !

Belize (rêveuse) : Et ses cheveux !

Ana (qui n’a pas compris) :

Oh, de nos jours, on fait de fort belles perruques !

Diego (donnant un pli à Antonio) :

J’ai couru tout le pays, me suis brisé nuque,

Dos et fessier pour vous trouver. Enfin, c’est fait :

La cause valait bien certains de ses effets !

Alonso (à lui-même) :

Bah, il ne fallait pas se donner tant de peine !

Don Antonio (rangeant le pli sans le lire) :

Ta quête est finie… Et désormais, sois sans gêne :

Tu es chez moi chez toi !… Merci, Frère !… Alonso,

Donnez pour ses bonnes œuvres quelque cadeau.

 

Alonso compte à regret quelques pièces, le chapelain ne bouge pas.

 

Je crois qu’il est déjà l’heure de la prière.

Le chapelain (sans bouger, l’air détaché) :

Pas encore !

Don Antonio : Rondissez donc de manière

Dévote le pécule, Alonso, que ce saint

Homme fasse brûler des cierges à dessein…

 

Alonso ajoute des pièces, le moine ne bouge pas. Même manège jusqu’à ce qu’il donne la bourse.

 

Le chapelain (partant) :

Que le Très Haut vous garde en sa miséricorde !

Alonso(à lui-même) :

À ce prix-là, il le peut bien, je vous l’accorde 

 

ACTE I - SCÈNE 9

DIEGO, DON ANTONIO et ALONSO dans la rue ;

BELIZE et ANA derrière leur jalousie.

 

Don Antonio :

Dis-moi Diego, comment donc se porte Octavio !

Diego (surpris) :

Oc… Octavio ?

Don Antonio : Mon frère : … ton père !

Diego(comprenant) : Oh quel sot,

Je fais ! La fatigue du voyage, je gage.

Il va… et du mieux qu’on le peut à son âge !

Don Antonio :

Il peut : il est mon cadet ?… Et ta mère ?

Diego : Pareil !

Don Antonio(sans écouter) :

Moi je me suis lassé de l’or et du soleil

Ayant pris ma part de butin dans la Conquête,

N’étant pas envieux ni encor’ moins en quête

De pouvoir. L’estime du Marquis suffisait…

Au fait comment va donc ce renard si rusé ?

Diego (sans comprendre) :

Du mieux qu’on peut à son âge !

Don Antonio : À la bonne heure !

On dit qu’il enrage que Pizarre, gageure,

Ait déjà conquis un plus riche Eldorado ?

Diego : Père en était !

Don Antonio : Mais il est plus gros qu’un bedeau

Et souffre de goutte me disait une lettre

D’il y a cinq ans… Mais il a changé, peut-être…

Depuis l’Amérique, le courrier est si lent.

Diego : L’attrait de l’or, le goût du sang… sont stimulants

Belize (à elle-même) :

Il est si étoffé…

Ana(sans comprendre) : Le plus riche d’en ville !

Seul le comte aurait plus belle liste civile.

Tu penses : les Indes en ont fait un vrai héros.

Diego : Si vous voulez m’offrir et le pot et le rôt,

Comme le demande père dans sa missive,

Je compte faire des études moins poussives

Qu’à Mexico, ici !

Don Antonio : Tu dois être harassé

Autant que je suis, moi, d’affaires embarrassé.

Mais Alonso peut pourvoir à ces dernières

Sans moi. Il sait toujours et quoi et comment faire.

 

Il congédie d’un geste Alonso, celui-ci acquiesce et sort

 

ACTE I - SCÈNE 10

DIEGO et DON