Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Alison, ou plutôt Heather, une adolescente au caractère bien trempé, se transforme en une créature de la nuit après un accident mortel. Sa famille, désormais réduite à l’oubli, poursuit sa vie comme si le passé n’avait jamais existé. À travers de nouvelles rencontres, Heather se retrouve plongée au cœur d’histoires qui façonnent son destin. Mais des conflits imprévisibles menacent de la faire sombrer. Elle devra compter sur les personnes qui l’entourent, ou peut-être pas… Parviendra-t-elle à trouver sa place dans ce monde ? Son existence trouvera-t-elle enfin un sens ? Peu importe les choix qu’elle fera, un tournant inéluctable s’annonce, propulsant son nouveau monde vers une évolution radicale.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Claire Coronas a commencé à écrire les premières pages de cet ouvrage dès l’âge de 16 ans, guidée par une imagination débordante et une créativité sans limites. Au fil des années, elle a approfondi et affiné son récit, le sortant de l’ombre pour enfin le partager avec ses lecteurs.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 268
Veröffentlichungsjahr: 2025
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Claire Coronas
Blood red
Roman
© Lys Bleu Éditions – Claire Coronas
ISBN : 979-10-422-6805-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Les pensées existent pour ne pas être dites, elles sont les ennemies de la réflexion.
Nos pensées sont le fruit de nos imaginations.
Claire Coronas
Je m’appelle Alison Smith, j’ai dix-sept ans et il est minuit. Je me suis réveillée dans la nuit de jeudi en ayant les gencives gonflées accompagnées d’une forte douleur aux dents. Je me suis levée, j’ai allumé la lumière du chevet et me suis regardée dans le miroir de ma chambre, situé à côté de mon lit. Horrifiée par la personne que je devenais, j’aifait plusieurs pas en arrière. J’ai mis mes mains au visage et j’ai posé mon index sur l’une de mes dents pointues. Mes yeux se sont mis à changer de couleur, amenant le marron à un rouge sang très vif. Mes deux canines se sont allongées et sont devenues d’un blanc éclatant. Par peur, je me suis tiré les joues et j’ai aperçu mes ongles devenir plus longs et plus robustes. Je me suis arrêtée, une chose m’a interpellée, l’odeur du sang me prenait au nez et j’avais cette impression de soif. Je devenais un monstre et, moi-même, je ne pouvais pas me contrôler. Prise de panique voyant ma transformation, j’ai attrapé mon sac bleu à une vitesse incroyable sans que je le veuille réellement. Je suis restée figée un bon moment, puis j’ai ouvert le placard pour récupérer quelques fringues. Je me suis rendue à la cuisine et j’ai ouvert la porte du frigo. Mon odorat me conduisait tout droit à un bon beefsteak que l’on devait cuisiner ce midi. J’ai pris la décision de prendre à la place le saucisson, sachant que cela se remarquerait moins et j’ai attrapé un morceau de pain. Le tout que j’ai enroulé dans un chiffon à carreaux blanc et rouge. Je suis retournée en direction de ma chambre et me suis arrêtée instantanément face à celle de ma sœur. Sa porte était entrouverte. Je suis entrée et me suis approchée d’elle à pas de velours. Son sang qui coulait dans ses veines m’attirait par mégarde. Je me suis penchée à sa nuque. Emmy se mit à marmonner, se retournant dans ses draps. Je suis revenue à moi, choquée par ce que j’aurais pu commettre. Je l’ai regardé un dernier instant, puis j’ai quitté sa chambre à vive allure et j’ai récupéré mon argent de poche dans le couloir. J’ai pris le temps de la réflexion. J’ai ouvert un cahier vierge et j’ai écrit : Maman, papa n’en voulaient pas à Emmy. Vous savez, tous les jours, elle fait de son mieux pour vous satisfaire. Emmy reste toi-même, je serai toujours avec toi. Quant à moi je dois partir. Il le faut. Sachez que j’ai été heureuse durant ces quatorze ans passés avec vous. Même si vous m’avez adopté, je n’en ai jamais ressenti la différence. Vous allez beaucoup me manquer. Je vous le demande, aucune recherche ne devra être faite. Cela sera inutile et en vain. Je vous aime. Alison.
Je suis retournée dans ma chambre, j’ai ouvert une fenêtre et j’ai quitté les lieux, laissant tout derrière moi, mes parents et ma sœur. Je savais que je ne les reverrais plus jamais, je marchais m’éloignant peu à peu de la maison sans me retourner, en pensant à eux comme pour faire mes adieux. Par mes pensées j’avais la gorge nouée et le ressenti d’un poignard dans le cœur. Alors que je gardais ma main sur la bouche pour couvrir mes pleurs, des larmes rouges coulèrent sur mes joues pâles et froides. Ce beau quartier si calme et prisé des habitants était devenu pour moi le pire de mes cauchemars. Je devais partir et sans attendre. Je me répétais sans cesse : Maman, papa, Emmy, pardonnez-moi. Je dois disparaître, alors oubliez-moi. Je vous aime.
***
Voilà aujourd’hui cent treize ans que je vis seule depuis mon départ, nouvelle vie, nouvelle moi. Depuis mon arrivée ici, je ne suis jamais retournée dans ma ville natale. Je n’ai pas cherché à joindre ma famille. J’ai préféré me faire oublier pour éviter tout incident. Je ne voulais pas revivre ce malheur. Que ce soit pour moi ou eux. Je me suis installée en Californie à Los Angeles loin de mon ancienne vie dans un appartement luxueux dont tout le monde rêverait d’avoir ou presque… Un lustre en cristal qui orne le salon, des rideaux en soie rose pâle retombant sur le parquet ciré de la chambre, un petit balcon orné de fleurs grimpantes, une grande cuisine ouverte sur le salon et je passe les détails. J’ai réussi à me procurer tout ceci avec le temps. La séduction et les petits boulots sont la clé. J’ai changé d’identité pour éviter toute recherche. Heather Fost ! Voilà comment je m’appelle. Ma vie a complètement changé depuis ce jeudi 08 janvier 2009. Alison Smith, la fille gentille et généreuse qui pensait avant tout aux autres avant de penser à elle et qui menait sa petite vie insouciante et calme. Mais je ne suis plus cette fille-là, je suis Heather, la fille qui ne se laisse pas marcher dessus. Alison Smith est morte, il y a de ça bien des années. Depuis ce malheureux évènement, je suis devenue plus forte intellectuellement et physiquement. Je deviens plus résistante de jour en jour. Je me suis entraînée pendant seize longues années à contenir mon envie de boire du sang. Je me nourris de plasma fruit. Ils sont à base de sang d’animal, je ne suis pas pleinement rassasiée, mais cela me suffit à couper la soif. Cela permet d’éviter l’envie de tuer un être humain. Moi, le mien, cela fait longtemps qu’il s’est arrêté… Je suis immortelle, mais j’ai tout de même des points faibles. Les croix, l’argent et l’ail sont des superstitions. Si l’on veut nous tuer, il faut viser le cœur ou la tête. J’ai appris tout ça avec les années, au début, on ne comprend jamais ce qui nous arrive. Même si je reste une immortelle, je continue à suivre des études. Je suis scolarisée dans un lycée non loin de chez moi. Le Lycée Brookfield de Los Angeles, autrement dit « Brook ». C’est le plus grand et le plus beau lycée de la ville. Là-bas seuls les meilleurs étudiants sont admis. Le niveau est très élevé ! J’arrive à suivre les cours grâce à mes capacités. Cela me permet d’apprendre plus rapidement et de retenir facilement. Notamment les cours les plus ennuyeux et les plus complexes… Il m’arrive même de connaître déjà les réponses avant que le professeur ne les aborde. Je dois l’avouer, si j’avais été Alison Smith, je n’aurais jamais pu avoir la chance de mettre les pieds dans ce fabuleux lycée. Ça peut paraître fou, mais j’aime m’y rendre, cela me procure de la compagnie même s’il m’arrive d’avoir des difficultés à retenir mes envies. Dans le pire des cas, je me rends aux toilettes et m’enferme à clé pour prendre un plasma fruit. Cela m’a souvent sauvé, surtout à mes débuts. Au lycée, je reste avec deux amies, Kim à fort caractère et June, la fille calme qui fourre toujours son nez dans les bouquins. Dans ce lycée on peut différencier plusieurs groupes. Celui des punks par référence à leur physique et à leur tenue vestimentaire plutôt étrange et difficile à porter. Il y a les solitaires qui restent dans leur coin et qui refusent le dialogue, il y a les populaires que tout le monde connaît et le groupe simple qui ne cherchent pas les ennuis et mènent leur vie tranquille, je suis de ce groupe ou presque. Bien sûr, je n’oublie pas les trois pénibles du lycée, la règle d’or : toujours se méfier d’elles. On compte Abigail, Alyx et la plus pimbêche de toutes Stacy Mil qui se dit toujours à la pointe de la mode. Les garçons du lycée lui tournent autour, mais elle n’en a rien à foutre d’eux. Elle et ses amies restent près du groupe à Kurt. On y trouve Duncan et Blaze. Toutes les filles du lycée craquent sur ces trois beaux gosses, très matures et musclés pour leur âge. Elles en sont raides dingues, si elles pouvaient sortir avec l’un d’eux, elles n’hésiteraient pas une seconde. Mais comme partout, il y a un favori. Leur chouchou c’est Kurt. Elles ont une préférence pour lui. Il est grand, avec une musculature proportionnée, les cheveux ténébreux et épais. Je n’ai jamais réussi à distinguer sa couleur des yeux, on dirait que le jaune et le rouge se mélangent et forment un orange pur et intense. Je suis déjà parvenue à croiser son regard, rien qu’une seule fois en l’espace de deux semaines. J’ai eu une drôle d’impression, comme si mon corps était enveloppé d’une douce couverture. Une bulle hermétique m’a entouré, me faisant oublier l’activité autour. Je rêvais de belles choses. Plus personne n’existait, comme si le temps s’était arrêté…
— Heather, ça va ? Allo la lune, ici la terre !
— Hein, quoi ?
— Je te demande si ça va, t’as l’air ailleurs… À quoi tu penses ? répondit Kim d’un air interrogateur.
— Ah euh… rien d’important, dis-je avec hésitation en regardant ailleurs.
— Bon tu viens ou quoi ? On va manger !
Kim me prit la main et m’emmena avec elles. Forcée, je me suis assise sur la chaise grise à côté de June. Kim se trouvait face à moi.
— Écoute Heather ont se fait beaucoup de soucis en ce moment pour toi, tu sais ? répliqua June.
Je ne répondis pas et déroula mon chiffon dans lequel contenait seulement un petit morceau de pain.
— Regarde-toi Heather, tu ne manges presque rien ! répliqua Kim d’un ton énervé. Tous les midis tu manges ce fichu morceau de pain… si ça continue, tu vas finir par faire un malaise.
— Si je mange… c’est juste que je n’ai pas faim.
Je me sentais mal. Obligée de lui mentir, car je sais qu’elle n’aurait pas lâché l’affaire. Je ne suis pas fière de moi après tout ce qui est arrivé. Si les gens savaient la vérité, ils seraient terrifiés par l’être que je suis. La peur que je les attaque ou que je les tue, mais je ne ferais jamais une chose pareille. Il faut que je cache ma vraie nature. Depuis cent treize ans, j’ai réussi à vivre comme ça dans l’ignorance des humains, je peux très bien continuer ainsi. Mais il y a toujours une fin à tout, il faut partir dans une autre ville, changer de nom. Tout changer. Parfois je me regarde dans le miroir de ma chambre qui est situé face à mon lit et je me demande ce que je vois. Un monstre, un vampire assoiffé de sang qui peut céder à ses pulsions, un être immortel gentil qui se cache parmi les humains ? Cela m’arrive d’avoir peur de moi-même, la peur que je ne puisse plus me contrôler et que ma vraie nature ne me dévore de l’intérieur. Chaque jour est une étape de plus à passer, une étape qui me terrifie et qui ne cesse jamais. Voyant que Kim ne me regardait pas consommer mon repas, je me suis forcée à mordre dans mon pain. Mais une odeur irrésistible m’a pris au nez. Je me suis tournée et vis Stacy couper en rondelle un boudin qu’elle partageait avec ses amies, y compris avec Kurt, Duncan et Blaze qui se tenaient à sa table. J’ai senti mes canines s’allonger, et j’ai immédiatement mis ma main devant la bouche. Prise de panique j’ai couru jusqu’aux toilettes sans avoir laissé le temps à Kim de me parler. Je suis entrée et j’ai trébuché en arrivant à la vasque. Je me suis regardé en passant mon regard près du miroir. Mes yeux devenaient rouges. Je me suis précipitée dans les toilettes les plus proches et me suis enfermée à clé. J’ai sorti de la poche arrière de mon jean bleu délavé, une petite fiole contenant le liquide du plasma fruit. Mes mains se sont mises à trembler et j’ai laissé glisser la fiole entre mes doigts. Je me suis baissée pour la ramasser au moment où un vertige m’a pris de court. Je me suis retenu la cuvette de la toilette et me suis assise dessus. J’ai entendu Kim et June dans le couloir arriver, elles entraient alors que je tentais de reprendre mes esprits.
— Heather, tu es là ? s’interrogea Kim.
Oh non pas elles, pas maintenant. Pourquoi vous ? Kim réitéra sa question.
— Oui !
— Est-ce que ça va Heather ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette depuis quelques jours, laisse-moi entrer, s’inquiéta Kim.
— Non c’est bon, ne t’inquiète pas, j’ai simplement des maux de ventre. C’est tout. Retournez à table, je vous rejoins.
June insista.
— Heather, tu es sûre que…
Je lui ai coupé la parole.
— C’est bon, je vous dis, j’arrive ! criai-je énervée.
Auparavant cela ne m’était jamais arrivé de m’énerver, j’arrivais à rester calme. Je parvenais à me contenir. Mais je sentais en moi mon sang couler dans mes veines et ma tension monter. Les filles sont ressorties des toilettes sans rien dire. J’ai soufflé un bon coup et pris à mon tour le pas pour rejoindre les filles. Elles se retournèrent et me regardèrent sans un mot. Je savais qu’elles attendaient une réponse de ma part. Aucune n’osait entamer le sujet. Elles me regardaient étrangement et n’en pensaient pas moins.
— Excusez-moi de m’être emportée, mais je ne me sentais pas bien.
— Bon, tu vas mieux c’est tout ce qui importe. Retournons à table avant la sonnerie, rétorqua Kim sans me regarder.
J’ai suivi les filles jusqu’au self. J’ai posé un pied dans la salle lorsque j’ai senti un regard lourd et pesant sur moi. Cette onde ne me lâchait pas et me pointait au corps. Je me suis figée et me suis tournée vers le regard observateur. L’onde provenait de la table à Stacy. Il était là, à me regarder longuement. Kurt me dévisageait d’un air suspicieux. Je l’ai regardé avec réflexion. J’ai posé mon regard sur sa nuque. Quelque chose en lui n’allait pas. Il n’était pas normal. Son sang ne m’attirait pas et je n’arrivais pas non plus à lire en lui. J’ai froncé les sourcils et l’ai fixé dans les yeux comme pour le défier, essayant de trouver en lui la moindre odeur ou une pensée. Mais rien. Il détourna sa tête avec panique. J’ai lâché mon regard et je suis partie rejoindre la table de Kim et June qui m’attendaient de nouveau. La sonnerie retentit. À cette heure-ci, nous avons cours d’histoire. Dans la salle de classe, Kim et June se trouvaient à l’avant-dernier rang contre les fenêtres. Celle qui occupait le dernier rang derrière elles, c’était moi. Monsieur Mourre, notre professeur entra dans la classe talonnée par un homme à la silhouette grande et mince. Kurt regardait vaguement la classe. Une cohue amplifia la salle, les questions se bousculaient et partaient dans tous les sens. Moi-même, je me posais la question. Pourquoi était-il là ? Je ne perdais pas de temps, je me suis mise à lire dans les pensées du professeur. Kurt était là pour une seule raison,avoir des cours d’histoire avec monsieur Mourre. Soi-disant, car il adorait l’histoire, le temps et comprenait mieux les cours de notre professeur. Je n’y croyais qu’à moitié… je pouvais entendre les filles de la classe toutes excitées, sauf moi. June et Kim chuchotaient. Évidemment j’entendais tout ce qu’elles se disaient, je n’avais pas besoin de tendre l’oreille, ne serait-ce qu’un millimètre… j’aurais préféré ne pas savoir. Rien qu’en les regardant, j’ai compris qu’elles étaient contentes, même si elles essayent de le cacher. J’ai lu en chacune des personnes, ici présente comme dans un livre ouvert sauf un, Kurt. Monsieur Mourre lui a demandé d’aller s’asseoir où il restait de la place. Stacy lui faisait signe. Il l’a regardé un bref instant et s’est approché de ma table, me fixant d’un pas sûr. Il posa son sac par terre et tira la chaise en arrière comme pour s’asseoir. Il se pencha vers moi avec des yeux de braise.
— Salut. Je peux ?
— Pourquoi es-tu ici ? dis-je en fixant monsieur Mourre. Il regarda le professeur.
— Je pense que tu sais déjà pourquoi je suis là… répondit Kurt d’une hésitation.
Je l’ai regardée en essayant de croiser son regard, mais en vain. Je lui fis signe d’un « non » de la tête en avalant ma salive. Il prit place à côté de moi et me fit un sourire. Ses dents étaient blanches et brillaient comme neige au soleil. Tout comme les miennes. Ses yeux purs et profonds, dont je ne voyais pas la fin, perçaient mon être immortel.
— Au fait, que s’est-il passé à midi ? chuchota-t-il.
— À midi ?
— Oui à midi ! Je t’ai vu sortir en vitesse du self, répondit-il en me regardant comme pour me forcer à répondre.
— À midi… euh oui ! Je ne me sentais pas bien, rétorquais-je en détournant les yeux des siens.
— Et alors, ça va mieux depuis ?
J’ai placé mes mains moites sous la table et j’ai répondu en regardant par la fenêtre afin d’éviter de croiser son regard. Je savais qu’il pouvait comprendre mes émotions. Je le voyais lire sur moi.
— Oui, ça va beaucoup mieux, merci, dis-je sanshésiter.
Depuis tout ce temps j’ai menti à tant de personnes pour cacher qui je suis, je devrais être habituée, mais Kurt lui restait étrange. Il a, pour je ne sais quelle raison, une part d’ombre dont je n’en connaissais pas encore la réponse. Cependant je me sentais bien en sa présence et, quand ses yeux se mélangeaient aux miens, cela me réconfortait. Je suis sûre d’une chose, il est différent de toutes les personnes que j’ai pu croiser. Il rangea ses affaires et se leva de sa chaise.
— À plus Heather.
Il me fit signe de la main avec un grand sourire, et partit une seconde avant que la sonnerie de quatorze heures ne sonne. Les étudiants pressaient de sortir, se bousculaient dans la classe. Kim et June impatientes m’attendaient à la porte.
— Alors ? s’exclamèrent-elles en même temps.
— Alors quoi ? répondis-je agacée en continuant de marcher, les cahiers dans les bras.
— Alors, comment c’était avec le beau brun ? On vous entendait discuter. D’ailleurs tu n’es pas très bavarde avec lui. Heather, tu sais que toutes les filles du lycée craquent sur lui et auraient voulu être à ta place… Tu en as de la chance, tu ne fais pas trop d’efforts, rétorqua Kim.
Voyant que je ne répondis pas, je sentais que June allait prendre la parole.
— Bon raconte, c’était comment avec Kurt ?
Je l’ai regardé et je me suis mise à souffler. Au moment de répondre, Stacy arriva et poussa June par terre pour se placer face à moi. J’ai tourné la tête pour voir si June allait bien. Kim se baissa pour l’aider accroupie sur le sol. Stacy me regarda dans les yeux, son regard froid ne me quittait plus.
— Eh toi, la greluche ! Écoute-moi bien. Tu sais qui je suis ?
— Que veux-tu ? Tu n’as rien d’autre à faire plutôt que de venir me voir par jalousie, répondis-je sans quitter ses yeux.
— Ja… Moi jalouse !?
Elle éclata de colère. Elle me prit par le cou et me poussa contre les casiers du couloir. Le bruit attira les étudiants qui se regroupèrent autour de nous. La foule se mettait à crier nos noms. On pouvait voir des échanges de billets dans la foule.
— Ne t’approche plus de lui ! Ou la prochaine fois tu sais ce qui se passera. Il est à moi, c’est clair ?
— Enlève immédiatement ta main de mon cou ! dis-je énervée en fronçant les sourcils.
Elle me saisit plus fortement sur un air hystérique. J’ai attrapé son poignet d’une main pour l’obliger à me relâcher. J’ai saisi le col de son tee-shirt rose à paillettes et l’ai poussé en arrière. Je me suis baissée et l’ai agrippé par le bras pour la relever. Elle s’est débattue et m’a porté une gifle. J’ai ressenti ma force augmenter. Énervée, je n’arrivais plus à me contrôler. Avec la colère mes yeux, mes canines et mes ongles se transformaient. Je lui ai porté un coup de poing au visage qui l’a étourdi. Kim cherchait à passer entre les étudiants pour arriver jusqu’à nous. La foule nous entourait et criait. June paniquée regarda autour d’elle pour essayer de chercher de l’aide. Elle vit Kurt dehors et courut le voir pour lui expliquer l’histoire. Kim m’attrapa par l’épaule et me repoussa de Stacy, sans y parvenir. Je continuais de m’approcher d’elle. Elle voulait en découdre et je n’allais pas m’arrêter là. Je devais lui mettre une bonne raclée pour en finir. Le monstre qui était en moi ne faisait que décupler mes émotions.
— Heather, je t’en prie, calme-toi ! cria Kim sans trouver de solution.
— Espèce de folle ! cria Stacy en me pointant du doigt.
Kurt traversa la foule, poussant ceux qui étaient sur son passage. Il m’attrapa les bras par-derrière pour m’éloigner de l’emprise de Stacy. Il agrippa mon cou avec sa main droite, puis m’emmena jusqu’à dehors sur le parking du lycée afin de me calmer.
—Lâche-moi ! criais-je en me débattant.
— Arrête Heather ! Je t’en prie regarde ce que tu deviens. Ne laisse pas la colère prendre le dessus.
Kurt prit mon visage entre ses mains, et plongea son regard dans le mien. Ses mains blanches étaient glacées. Je me suis laissé tomber par terre, essoufflée et agenouillée au sol, je regardais mes mains inhumaines en me répétant : Qu’ai-je fait ? Kurt s’agenouilla face à moi.
— C’est bon, Heather, je suis là maintenant, c’est fini, dit-il en me serrant dans ses bras.
Ma tête plaquée contre son torse, je n’entendais aucun battement de cœur. Il se releva et me tendit sa main droite.
— Viens, je te ramène chez toi.
J’ai regardé sa main un instant, et l’ai repoussée. Je me suis relevée et partie sans le regarder. Duncan et Blaze stupéfaits me fixaient. Kim et June angoissées m’attendaient à l’entrée.
— Qu’est-ce qui t’a pris ? Tu as perdu la tête ou quoi ? s’interrogea Kim.
Je lui ai laissé un regard froid.
— Elle n’a pas voulu sortir sa main de mon cou, elle m’a giflé et elle a poussé June… Alors oui, je voulais lui en coller une ! Elle aurait bien mérité cette peste.
Kim souffla désespérée et porta un coup de coude à June pour la faire parler.
— Tu n’as pas besoin de me protéger Heather, rétorqua-t-elle avec un sourire.
J’ai regardé son visage crispé par le faux sourire. June est bien trop gentille. Elle refuse que l’on s’en fasse pour elle. J’abandonne. Je lui fis un sourire en retour.
— Bon, il faut que je rentre. Après ce qu’il vient de se passer, je pense que c’est mieux ainsi. Je vais rentrer maintenant, dis-je en faisant un signe de la main.
Je suis montée dans mon Range Rover de couleur blanc. J’ai tenté de me calmer, puis j’ai démarré pour quitter le parking du lycée. Arrivée dans le hall, je me suis regardée dans le miroir, essayant de comprendre qui j’étais. Je suis montée à l’appartement, fatiguée de la journée. J’ai lancé mon sac à l’entrée, et je suis partie dans ma chambre. Dos au lit, les bras et jambes écartés, je me suis laissétomber en arrière. J’ai fermé les yeux en pensant à voix haute : « On est toujours mieux chez soi qu’ailleurs. Ici je n’ai plus besoin de me retenir ». J’ai enlevé le nœud qui maintenait mes cheveux en chignon. J’ai ouvert les yeux qui se colorèrent d’un rouge vif. Je me suis déplacée en une fraction de seconde à la cuisine, j’ai ouvert le frigo et en sortie une bouteille en verre de plasma fruit. Je me suis allongée sur le canapé du salon et l’ai consommée jusqu’à ne plus en pouvoir. J’ai levé la bouteille en l’air au moment où des pas se faisaient entendre dans le couloir. Le son résonnant se rapprochant de ma porte. Quelqu’un sonna. J’ai posé ma bouteille de plasma fruit sur la table basse du salon. L’odeur me parlait. June était là, derrière ma porte. Je pouvais sentir en elle sa tristesse. Je lui ai rapidement ouvert la porte.
— June ! dis-je d’un air surpris.
Dos à moi, prête à faire demi-tour, elle se retourna et entra sans me regarder.
— Ouais, c’est moi… dit-elle les yeux rouges comme si elle venait à l’instant de pleurer. Écoute-moi Heather je… je déménage. Mon père a été muté pour son travail dans un autre quartier de Los Angeles. Mes parents ont déjà fait leurs bagages et on part tout de suite. J’ai insisté auprès de mon père pour avoir le temps de venir te faire mes adieux. Je reviens de chez Kim. Cela n’a pas été de la joie comme tu peux le voir. Je t’en prie, ne pleure pas toi aussi. Je refuse de vous voir ainsi. Je préfère avoir un départ moins catastrophique. Cela me rend déjà assez triste, dit-elle les yeux larmoyants.
Les larmes me montaient. Je ne pouvais pas le croire. D’un ton calme et détaché, je répondis.
— June, je comprends, ne te tracasse pas plus. Je vais bien. Mais comment se fait-il que tu ne nous aies jamais parlé de ce projet ?
— Car mon père a préféré ne rien me dire. Tant que la décision n’était pas décisive.
— Je vois… Mais on pourra toujours essayer de rester en contact ?
Elle me regarda et fit un « non » de la tête.
— Non, cela est impossible. Le quartier où nous sommes logés pour le travail a un très faible réseau. Le peu que nous parviendrons à obtenir sera utilisé par mon père. Et mes parents refusent que j’ai tout appareil électronique afin d’éviter tout débordement.
J’ai lu dans ses pensées et découvris qu’elle n’emménage pas à Los Angeles, mais à San Francisco. June qui nous sort un mensonge… Il me semble que c’est bien la première fois.
— C’est faux… N’est-ce pas ?
— Que dis-tu ? rétorqua-t-elle comme si je me trompais.
— C’est faux ton déménagement à Los Angeles.
Je la regardai dans les yeux en serrant les poings. Elle redressa sa tête.
— Comment as-tu su ?
— Je te connais assez pour savoir que tu mens et que tu ne nous fais pas confiance. Je restais dans mes pensées : Excuse-moi, June, moi aussi, je mens. Je le sais et je n’en suis pas fière, mais je suis obligée, je n’allais tout de même pas lui dire la vérité alors que cela fait deux ans qu’on se connaît. Cela peut paraître égoïste, mais je n’ai pas d’autres choix.
— Pourquoi avoir menti ?
— Je ne voulais pas vous faire encore plus de peine, en vous disant quand faites je n’emménage pas à Los Angeles, mais à San Francisco, qui se trouve être à l’autre bout…
— Tu ne devrais pas mentir June. Surtout à nous pour ce genre d’informations. On aurait pensé à toi comme si tu étais à Los Angeles. On aurait programmé des séjours ensemble pour se voir.
Je sais que je suis mal placée pour dire ce genre de choses, mais ça ne peut pas être comparé avec ce que je suis devenue. Le téléphone dans sa poche du short marron vibra à trois reprises. Elle le regarda et le rangea aussitôt.
— Je n’arrive pas à y croire. Notre trio dissous… Sans toi rien ne sera plus pareil. Kim est au courant du mensonge ?
— Non, elle ne sait rien. Tu pourras lui dire plus tard s’il te plaît. Je ne veux pas la contrarier plus.
— Je comprends, tu vas beaucoup me manquer, dis-je en essayant de rester forte devant elle.
June se remit à pleurer et me prit dans ses bras.
— Je suis désolée de devoir faire si vite…
Elle ferma les yeux aux cils mouillés et me glissa près de l’oreille : Adieu Heather. Elle m’enlaça puis me desserra et partit la tête baissée. La porte d’entrée ouverte, je restai là sans bouger, entendant les pas de June s’éloigner, résonnant dans l’immense bâtiment. Je n’arrivais pas à y croire. Le dernier pas de June quitta l’étage, puis le silence interminable prit place. Je me suis effondrée en pleur, l’une de mes mains me retenant de tomber. Je suis partie d’un pas déterminé jusqu’à ma voiture et pris la direction de chez June. Arrivée en face de chez elle, les volets et portes étaient fermés. Sur la porte d’entrée, une pancarte en polystyrène était accrochée. On pouvait y lire : À vendre. Ils étaient partis et avaient tout emporté avec eux. Je suis retournée à la voiture et pris la décision de rentrer noyer mon chagrin seule sans en parler à Kim. Je savais que je ne pourrais pas lui cacher la vérité en la voyant aujourd’hui. Kim et June se sont connues à la maternelle, elles étaient très proches. Depuis, elles ne se sont jamais quittées.
Le lendemain, au lycée, je me suis stationnée sur le parking, à ma place habituelle. Dans mes pensées, à propos du départ soudain de June, Kurt toqua à ma vitre. J’ai sursauté et ouvert ma porte.
— Salut, Heather, j’ai appris pour June. Je suis désolé…
Il me regarda les sourcils froncés. Sans dire un mot, je descendis de la voiture et le laissa derrière moi pour rejoindre Kim assise seule sur les marches de l’entrée du lycée. Je ne pouvais pas lui cacher la vérité. Je devais parler.
— Salut… dit-elle calmement.
— Salut.
— Je ne comprends pas. June refuse que l’on reste en contact.
— Je sais… Je dois te dire une chose importante concernant son départ. June nous a menti, j’ai fini par le savoir.
— Que dis-tu ?
— Oui elle emménage à San Francisco. C’est pour cette raison.
— Oh mon dieu… Je comprends maintenant. Moi qui réfléchissais déjà aux moyens de la contacter… répondit Kim en larmes.
Notre discussion du matin s’arrêta à ça. On ne voulait pas vraiment parler de nouveau de son discours et de son emménagement. On préférait ne pas en dire plus. Dans les couloirs Stacy, Abigail et Alyx me regardaient de travers, j’essayais de les ignorer malgré leurs pensées qui devenaient insupportables. Je me suis rendue au cours d’anglais et me suis assise à l’avant-dernier rang. J’ai passé l’heure à penser à June me posant toujours les mêmes questions.
La sonnerie retentit dans les couloirs.
Kim et moi nous rejoignons à l’entrée du self.
— Alors ton cours de ce matin. C’était comment ? dis-je pour lancer un sujet.
— Oh, eh bien comme d’habitude. À écouter et à participer, si on veut… Et toi ?
Je pouvais comprendre qu’elle n’avait pas passé son heure à écouter et à participer comme elle le disait, mais plutôt à penser à June. Tout comme moi.
— Moi pareil, dis-je en avalant ma salive et en secouant la tête.
On s’est dirigé à une table en coin du self. On s’est assise et j’ai sorti comme d’habitude mon pain du chiffon. Kurt est arrivé par-derrière et s’est assis à côté de moi. Il regarda Kim.
— Salut !
— Salut ! dit-elle en le regardant dans les yeux.
Une chose n’avait pas changé. Elle craquait encore sur lui. Les pensées de Kim étaient du genre, il faut le dire, plutôt tordues. Il détourna son regard d’elle et me regarda.
— Ça va Heather ?