Bruxelles sur scène - Fanny Urbanowiez - E-Book

Bruxelles sur scène E-Book

Fanny Urbanowiez

0,0
20,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

En 1895, l'Alcazar Royal donne une revue de Luc Malpertuis et Théo Hannon intitulée Bruxelles au vol. Un acteur y incarne « Fuller Boom » et chante un couplet sur les récentes illuminations de la Ville de Bruxelles. Si les spectateurs de l’époque rient, c’est qu’ils apprécient probablement l’allusion à la célèbre danse serpentine de Loïe Fuller. Ce qui paraît en revanche moins évident aujourd’hui, c’est qu’ils auront sans doute aussi décelé dans le personnage une caricature de Jules Vandenpeereboom, un ministre bruxellois de l’époque.
Plus que toute autre forme théâtrale, la revue est liée au temps de sa représentation et est conditionnée par son rapport au public. Jouée traditionnellement en fin d’année (d’où son qualificatif), elle se présente la plupart du temps comme le compte rendu satirique et théâtralisé de l’année écoulée. Reposant d’une part sur le commentaire de l’actualité et des mœurs, d’autre part sur un type d’humour bien particulier, elle se conjugue toujours au présent.
Entre autres raisons, ce caractère éphémère a fait de la revue un phénomène théâtral peu étudié dans sa globalité. Cet ouvrage entend combler cette lacune. Il porte sur les revues théâtrales en Belgique, et en particulier sur celles de Luc Malpertuis, jouées entre la fin du XIXe siècle et le XXe siècle. S’inscrivant tout à la fois dans des perspectives d’histoire culturelle, d’histoire du spectacle et de la sociologie de la littérature, ce livre aborde la revue en tant que forme théâtrale spectaculaire. Il l’examine à travers ses thématiques et ses aspects poétiques, mais aussi en tant que genre médiatique et phénomène culturel porteur d’imaginaires sociaux.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Fanny Urbanowiez est docteure en langues, lettres et traductologie de l'Université libre de Bruxelles. Elle s’est intéressée aux rapports entre la presse et la littérature et a consacré sa thèse de doctorat aux revues théâtrales belges. Elle travaille actuellement comme professeure de français dans l’enseignement secondaire.



Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Les Éditions de l’Université de Bruxelles ont choisi d’accorder une plus grande place à la littérature dans leur catalogue, et pour ce faire, elles créent aujourd’hui une nouvelle collection : Littérature(s). Cette collection a pour vocation d’accueillir aussi bien des études monographiques que des ouvrages thématiques collectifs, des anthologies, ou des essais, relatifs aux littératures, prioritairement francophones, mais également étrangères, à la littérature comparée et à l’intermédialité. Les textes, publiés en français, sont assortis d’un appareil critique, d’un index et, le cas échéant, d’un supplément iconographique. Les manuscrits sont soumis à la double évaluation par les pairs. Direction de la collection :Valérie André

 

Bruxelles sur scène

Luc Malpertuis et l’histoire de la revue théâtrale en Belgique (1880-1930)

Fanny Urbanowiez

Paweł Machcewicz

Bruxelles sur scène

Luc Malpertuis et l’histoire de la revue théâtrale en Belgique (1880-1930)

    Éditions de l’Université de Bruxelles

 

Dans la même collectionLire, se mêler à la poésie contemporaine. A. Césaire, B. Noël, D. Fourcade, F. Pazzottu Béatrice Bloch, 2021

Illustration de couverture : Adolphe Crespin et Édouard Duyck, affiche de la revue Bruxelles-Au-Vol, Alcazar Royal, 1896 (KBR)ISBN 978-2-8004-1764-6eISBN 978-2-8004-1765-3ISSN 2736-6170 D2022/0171/1 © 2022, Éditions de l’Université de Bruxelles Avenue Paul Héger 261000 Bruxelles (Belgique) [email protected] Avec le soutien du Fonds national de la recherche scientifique (FNRS-FRS).

À propos de l’auteur

Fanny Urbanowiez est docteure en langues, lettres et traductologie de l’Université libre de Bruxelles. Elle s’est intéressée aux rapports entre la presse et la littérature et a consacré sa thèse de doctorat aux revues théâtrales belges. Elle travaille actuellement comme professeure de français dans l’enseignement secondaire.

À propos du livre

En 1895, l’Alcazar Royal donne une revue de Luc Malpertuis et Théo Hannon intitulée Bruxelles au vol. Un acteur y incarne Fuller Boom et chante un couplet sur les récentes illuminations de la ville de Bruxelles. Si les spectateurs de l’époque rient, c’est qu’ils apprécient probablement l’allusion à la célèbre danse serpentine de Loïe Fuller. Ce qui paraît en revanche moins évident aujourd’hui, c’est qu’ils auront sans doute aussi décelé dans le personnage une caricature de Jules Vandenpeereboom, un ministre bruxellois de l’époque. Plus que toute autre forme théâtrale, la revue est liée au temps de sa représentation et est conditionnée par son rapport au public. Jouée traditionnellement en fin d’année (d’où son qualificatif), elle se présente la plupart du temps comme le compte rendu satirique et théâtralisé de l’année écoulée. Reposant d’une part sur le commentaire de l’actualité et des moeurs, d’autre part sur un type d’humour bien particulier, elle se conjugue toujours au présent. Entre autres raisons, ce caractère éphémère a fait de la revue un phénomène théâtral peu étudié dans sa globalité. Cet ouvrage entend combler cette lacune. Il porte sur les revues théâtrales en Belgique, et en particulier sur celles de Luc Malpertuis, jouées entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. S’inscrivant tout à la fois dans des perspectives d’histoire culturelle, d’histoire du spectacle et de la sociologie de la littérature, ce livre aborde la revue en tant que forme théâtrale spectaculaire. Il l’examine à travers ses thématiques et ses aspects poétiques, mais aussi en tant que genre médiatique et phénomène culturel porteur d’imaginaires sociaux.

Pour référencer cet eBook

Afin de permettre le référencement du contenu de cet eBook, le début et la fin des pages correspondant à la version imprimée sont clairement marqués dans le fichier. Ces indications de changement de page sont placées à l’endroit exact où il y a un saut de page dans le livre ; un mot peut donc éventuellement être coupé.

Table des matières

Remerciements

Liste des abréviations

Introduction

Partie I

Revues et revuistes en France et en Belgique

Chapitre I

Le genre de la revue

Éléments de définition et origines

Un format spécifique : invariants et évolution du genre

Un genre populaire ?

Chapitre II

La revue en Belgique

Paris comme modèle

Le renouvellement du genre : « l’école belge de la revue »

Un contexte spécifique

Chapitre III

Un revuiste belge : Luc Malpertuis

Une trajectoire entre presse, scène et littérature

Les débuts : ambitions littéraires et pratique journalistique

Entrée, carrière et positions dans le monde du spectacle bruxellois

Le collectionneur, l’homme « de grande distinction »

Le fonds Malpertuis : une source idéale pour appréhender la revue

Aux imprimés : une production massive d’inspiration française

À la section musicale : le phénomène éditorial des couplets

Aux imprimés anciens et précieux : les pièces des précurseurs

Un corpus spécifique : les manuscrits

Partie II

La fabrique d’un genre

Chapitre IV

Conception, production et réception des revues

« Faire » une revue : une affaire de collaboration

Retour sur la collaboration entre revuistes

Les autres collaborateurs au service du spectacle

Pour la musique : un chef d’orchestre compositeur et « arrangeur »

Pour les décors et les costumes : des artistes en devenir

Pour la « mise en scène » : équilibre entre collaborateurs internes et externes

Les rapports étroits avec la presse

Télescopages des journaux et de la scène

« On ne raconte pas une revue » : intentions et expressions de la critique

Informer, critiquer ou faire rire ?

Les codes, les techniques, les modes de présentation

Le choix des titres : conventions et effets de mode

Procédés récurrents, scènes typiques

Une division séquentielle

Les stratégies publicitaires

Autour du spectacle : une publicité ciblée

La revue comme espace promotionnel : la publicité sur scène

Le détournement publicitaire : reflet de la nouvelle culture de masse

Les comédiens de revue, personnages de l’espace public

Compétences multiples et différenciées

Artistes français et artistes « du terroir » : quelques trajectoires

Des vedettes de proximité

Dans la salle : modalités pratiques et réception

Habitudes spécifiques et conditions variables : un genre qui s’adapte

Le(s) public(s) : un brassage social relatif

Un public d’apparence mixte

Un public cible différencié

Chapitre V

Quelques types de revues

Les revues provinciales : entre adaptation et reprise

Les procédés d’adaptation

Retour sur le phénomène de reprise

Une différence de public ?

Les revues en cercle restreint

Les revues mondaines

Les revues étudiantes

Les revues en temps de guerre

Divertir l’ennemi : les « mauvais patriotes »

Les revues de guerre, reflet de nouvelles préoccupations

Les nouveaux « types »

L’abandon des cibles traditionnelles

Un changement de composition ?

En guise de conclusion

Partie III

Un imaginaire en revues

Chapitre VI

Représentations (auto)parodiques

Reprises parodiques

Une dimension événementielle : des parodies « médiatiques »

Une dimension sérielle : des parodies « complices »

Autoreprésentations

Commentaires métathéâtraux et mise en scène de « l’envers du décor »

Représentations microsociologiques du public de revue

Les spectateurs mis en scène dans les revues : quelles fonctions ?

Le public des revues bruxelloises : essai de typologie

Chapitre VII

Images de la ville

L’ancrage local

L’espace représenté : Bruxelles pittoresque et moderne

Fierté nationale, quotidien et folklore : une fonction identitaire

Jeu sur la langue : l’usage du « marollien littéraire »

« Och ! », « Oye, oye, oye » et « volle gaz ! » : expressions récurrentes

Godverdom, potferdek et zievereir : jurons et insultes comme marques du Brusseleir

Un aspect folklorique avoué

Les types populaires : un geste caricatural

En guise de conclusion : un langage artificiel au service de l’autodérision

La mise en scène et l’éloge du progrès

La science au service du spectacle

Le plaisir du spectateur : faste et érotisme

Les progrès scientifiques comme sujets privilégiés

La revue comme métadiscours d’une classe sociale

Chapitre VIII

La revue : une forme théâtrale contestataire ?

La caricature sur scène : un outil de revendication politique ?

Entre satire locale et règlements de comptes privés

La « contestation complaisante »

Conclusion

Références bibliographiques

Sources primaires

Les œuvres de Luc Malpertuis

Pièces existantes, par ordre chronologique

Autres pièces

Correspondance à Luc Malpertuis

Correspondance de Luc Malpertuis

Bibliothèque de Luc Malpertuis

Journaux auxquels Malpertuis a collaboré

Textes de Malpertuis parus dans La Basoche, par ordre chronologique

Périodiques belges consultés

Périodiques français consultés

Archives

Archives de l’État en Belgique

Archives de la Ville de Bruxelles

Archives de l’Université libre de Bruxelles

Publications de contemporains et travaux sources

Sources secondaires

Articles de périodiques

Chapitres d’ouvrages, articles de collectifs

Dictionnaires, encyclopédies et outils biographiques

Autres travaux et publications

Autres sources et ressources en ligne

Annexe Inventaire du fonds Malpertuis

Section des imprimés (659 documents)

Section de la musique (99 documents)

Section des imprimés anciens et précieux (42 documents)

Section des manuscrits (134 documents)

Index des noms

Table des figures

← 6 | 7 →

Remerciements

Ce livre est l’aboutissement d’un projet de recherche dans lequel s’inscrivait ma thèse de doctorat. Il a bénéficié du sou-tien du Fonds de la recherche scientifique (FNRS) et de l’aide de nombreuses personnes que je tiens à remercier très chaleureusement.

Mes remerciements s’adressent en premier lieu à Paul Aron. Ce livre lui doit beaucoup. En tant que promoteur, il a suivi mes questionnements et guidé mes recherches avec attention ; ses réflexions m’ont été d’une aide précieuse, et sa bienveillance d’un réel soutien. Je remercie aussi les membres de mon jury de thèse, Nancy Delhalle, Romain Piana, Cécile Vanderpelen-Diagre et Karel Vanhaesebrouck ; leurs commentaires ont permis d’orienter ma recherche, d’en préciser les enjeux et d’en affi-ner les résultats.

Si ce livre est richement illustré, c’est en grande partie parce que le pro-jet qui le soutient a tiré profit d’un important travail de numérisation réalisé à la Bibliothèque royale de Belgique (KBR) par l’équipe du service DIGIT. Je remercie Frédéric Lemmers, qui a coordonné l’entreprise, et Marie-Catherine Tassin, qui l’a concrétisée. Olivier Bara, Jean-Didier Wagneur et Jean-Claude Yon ont ap-porté leur concours au projet en matière de recherche : qu’ils en soient vivement remerciés.

Durant mon doctorat, j’ai pu intégrer plusieurs équipes qui m’ont permis d’évoluer dans un cadre de travail aussi stimulant qu’agréable. Je remercie les membres des revues COnTEXTES et Textyles, ainsi que l’équipe réunie autour du projet sur la presse satirique des années 1930, avec qui j’ai pris plaisir à collaborer. À l’Université libre de Bruxelles, je remercie celles et ceux qui furent mes collègues et qui sont désormais mes amis : Christophe Bertiau, Chanel de Halleux, Julie Fäcker, Florence Huybrechts et Hugo Rodriguez. Je remercie aussi les membres de l’Université – corps scientifique, académique et administratif confondus – qui m’ont accompagnée à un mo-ment ou un autre. J’adresse un merci tout particulier à Vanessa Gemis, qui m’a donné goût à la recherche.

Merci à Éric Van Trappen, l’actuel propriétaire de la maison qui appartenait à Luc Malpertuis, de m’avoir si aimablement permis de visiter et de photographier ce magnifique lieu encore imprégné d’histoire.

Merci enfin à mes proches. À mes amies, notamment Marie Dossin et Fanny Makoudi, qui ont porté beaucoup d’attention à mon travail. À Cédric Lesciauskas et Thibault Martin, pour leur aide dans le décryptage du patois anversois, et pour leur esprit de dérision qui s’accorde si bien avec ce livre. À Dominique Heymans, vraie source de sagesse et d’assurance. À ma famille, pour son soutien tout au long du parcours. Merci surtout à ma mère, Laurence Lefebvre, et à mon mari, Quentin de Martelaere, pour leur affection et leurs encouragements quotidiens. ← 7 | 8 →

← 8 | 9 →

Liste des abréviations

AEB

Archives de l’État en Belgique

AML

Archives et Musée de la littérature (Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles)

ARLLFB

Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (Palais des Académies, Bruxelles)

AVB

Archives de la Ville de Bruxelles

BNF

Bibliothèque nationale de France

CEDOM

Centre d’études et de documentation maçonniques (Bruxelles)

KBR

Bibliothèque royale de Belgique (Bruxelles)

UCL

Université catholique de Louvain

ULB

Université libre de Bruxelles

VUB

Vrije Universiteit Brussel

APB

Association de la presse belge

POB

Parti ouvrier belge

BN

Biographie nationale

NBN

Nouvelle Biographie nationale

SACD

Société des auteurs et compositeurs dramatiques

SACEM

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de mu-sique

SBIB

Société des bibliophiles et iconophiles de Belgique

← 9 | 10 →

← 10 | 11 →

Introduction

En janvier 2017, nous assistions à la revue du Théâtre des Galeries, à Bruxelles. Parmi les chorégraphies, caricatures politiques et imitations variées, une scène en particulier nous avait amusée : le comédien Bernard Lefrancq, photographies projetées à l’appui, y raillait la mauvaise gestion des pistes cyclables bruxelloises, dont tout cycliste local fait de nos jours les frais. En novembre 1898, le même Théâtre des Galeries donnait une revue de fin d’année écrite par Luc Malpertuis et George Garnir. Une des nombreuses scènes de la pièce satirisait la mauvaise gestion des travaux entrepris autour de la Montagne de la Cour, l’actuel Mont des Arts1. À plus d’une centaine d’années d’écart l’une de l’autre, ces deux revues exploitent ainsi avec humour et de manière relativement similaire une question de gestion urbanistique. Pourtant, elles sont chacune résolument liées à leur époque et à leur public : si le spectateur de 1898 ne peut concevoir les désagréments actuels des pistes cyclables et ne peut donc en rire, qui peut encore s’émouvoir aujourd’hui du tumulte causé jadis par les transformations du quartier royal bruxellois ?

Plus que toute autre forme théâtrale, la revue est liée au temps de sa représentation et est conditionnée par son rapport au public. Jouée traditionnellement en fin d’année (d’où son qualificatif), elle se présente la plupart du temps comme le compte rendu satirique et théâtralisé de l’année écoulée. Reposant d’une part sur le commentaire de l’actualité et des mœurs, d’autre part sur un type d’humour bien particulier, elle ne fonctionne que de manière éphémère. Une blague portant sur tel ministre, un type de personnage interprété par telle vedette, une mise en scène novatrice pour présenter tel effet de mode sont autant d’éléments qui ne peuvent être compris et appréciés que par un spectateur contemporain de la pièce. Entre autres raisons, ce caractère peu pérenne du genre a sans doute découragé les chercheurs ; même si de plus en plus de travaux lui sont consacrés, la revue reste un phénomène théâtral peu étudié dans sa globalité. Dans une certaine mesure, le présent ouvrage entend combler cette lacune. Il porte en particulier sur les revues produites en Belgique entre 1880 et 1930. Le choix de limiter l’étude de la revue à cet ancrage géographique et à cette période n’est pas anodin, il est principalement motivé par deux raisons. La première, c’est que la revue constitue en Belgique une sorte de tradition ; elle a une longue histoire, qui demeure encore peu connue aujourd’hui. Elle est surtout très en vogue à la fin du XIXe siècle et au début du siècle suivant, époque particulièrement marquée par les pièces du Bruxellois Luc Malpertuis, qui connaissent un succès considérable. Nous avons donc logiquement restreint cet ouvrage à la période qui couvre l’activité de cet homme de lettres. La seconde raison qui justifie les limites de ce livre tient précisément du fait que nous ← 11 | 12 → avons la chance de disposer à Bruxelles des archives de Malpertuis, bien conservées et jusqu’ici jamais exploitées dans leur totalité.

À travers l’analyse de ces archives, nous souhaitons contribuer à l’enrichissement de deux champs d’études. Il s’agit d’abord d’élargir la recherche sur les genres théâtraux dits mineurs, domaine en pleine expansion ces dernières années. À l’instar de la parodie, de la féerie ou encore du vaudeville, la revue a trop longtemps été occultée des études littéraires par manque de sources et d’intérêt des chercheurs pour les formes jugées populaires ; son importance historique justifie pourtant une recherche approfondie. Étudier la revue, et en particulier la revue belge du tournant du siècle, présente aussi un intérêt dans la perspective d’une sociologie littéraire. En Belgique, elle concerne tout un monde, constitué en réseau2 où se côtoient des personnalités issues des milieux littéraire, journalistique, artistique, politique et même judiciaire ; il importe d’en témoigner.

Étant donné que la revue est un phénomène complexe, son étude nécessite une perspective pluridisciplinaire, qui permette d’en examiner toutes les facettes. Surtout, puisque le genre est inexorablement lié à son temps, il faut le resituer dans son contexte pour l’appréhender, le comprendre et en saisir tous les enjeux. À cet effet, l’examen des modes de réalisation des pièces s’avère aussi important que leur analyse en elles-mêmes, dans leurs aspects formels autant que dans leurs thématiques. Le présent ouvrage propose de répondre à ce double objectif. Il entend montrer que les revues sont la trace d’un imaginaire social et culturel. À travers les sujets qu’elles investissent ou qu’elles n’investissent pas (choix des thèmes) et la manière de les présenter (développement d’une poétique), les revues permettent de comprendre comment une partie de la société s’imagine, perçoit, conçoit, met en scène et joue avec sa propre actualité, avec son propre milieu. Le fonds d’archives de Malpertuis, entièrement numérisé, permet d’en rendre compte. Par son analyse détaillée, nous souhaitons essentiellement examiner deux aspects propres à la revue. Le premier tient à son rapport avec la presse, qui a déjà été démontré et que nous entendons confirmer : la revue fin de siècle, en tant que genre d’actualité, ne peut se concevoir qu’en lien étroit avec les journaux de son temps. Le second aspect porte sur sa dimension sociale. Il s’agit de prouver que la revue véhicule des valeurs, qu’elle répercute et qu’elle construit des fantasmes, qu’elle reflète des préoccupations particulières. Nous souhaitons montrer qu’elle est tout à la fois un genre de mémoire sélective (elle cible des sujets bien précis) et un lieu de mémoire collective (elle est le fondement identitaire d’un groupe social qui se met en scène). En Belgique en particulier, elle apparaît comme un espace privilégié de représentation pour une partie de la société. C’est aussi ce que nous souhaitons mettre en évidence, tout en esquissant une évolution dans la pratique du genre ainsi que les spécificités liées à l’ancrage belge.

Dans un premier temps, nous reviendrons donc sur l’évolution historique de la revue. Cette première partie doit être envisagée comme une synthèse théorique et contextuelle : elle a pour objectif de faire l’état de la recherche sur la revue, en France et en Belgique, dans une visée comparative. Il s’agira surtout de dégager ce qui apparaît comme propre à l’espace belge. De ce point de vue, le cas de Luc Malpertuis est ← 12 | 13 → éclairant : l’examen de sa trajectoire permet de mieux comprendre le contexte de la revue belge à l’époque qui nous intéresse. Sa riche collection offre par ailleurs un corpus de premier choix : nous en dégagerons les spécificités et les intérêts.

Après ce panorama d’ordre théorique et contextuel, une deuxième partie portera sur la fabrique des revues de façon générale. Suivant une démarche inductive, il s’agira d’approfondir la connaissance du genre à partir de notre corpus belge. Nous reviendrons ainsi sur les modes de conception, de production et de réception de la revue. Pour dégager les caractéristiques propres à l’ancrage belge, nous examinerons en détail les différents types de revues qui sont jouées en Belgique au tournant du siècle. D’un point de vue sociologique, nous insisterons sur ce que ces différents cas particuliers permettent de conclure sur la pratique de la revue belge de manière plus globale.

Enfin, pour dresser un bilan complet du phénomène en Belgique, certaines particularités locales nécessitent une étude plus détaillée, à travers un retour aux textes. C’est surtout en matière de représentation que l’analyse du cas belge est intéressante. L’examen de l’imaginaire – notamment de l’imaginaire social – qui transparaît dans les revues belges repose sur trois grands axes : la mise en scène du théâtre lui-même, la mise en scène de la ville et la mise en scène de ses personnalités locales. Or, ces trois éléments renvoient à des aspects essentiels du genre, souvent mentionnés, mais encore trop peu analysés : ses dimensions parodique, urbaine, comique et satirique. ← 13 | 14 →

1L. Malpertuis et G. Garnir, Bruxelles au passage, Bruxelles, Théâtre des Galeries Saint-Hubert, 1898, acte II, n.p., KBR : Ms II 6745.

2Voir D. de Marneffe et B. Denis (éds), Les Réseaux littéraires, Bruxelles, Le Cri / Ciel-ULB-ULg, 2006.

← 14 | 15 →

Partie I

Revues et revuistes en France et en Belgique

← 15 | 16 →

 

← 16 | 17 →

Cet ouvrage n’ambitionne pas de réaliser une histoire générale des revues de fin d’année. Celles-ci ont déjà été en partie théorisées. Néanmoins, un retour sur leurs principales caractéristiques et sur leur évolution s’impose, parce que la revue fonctionne de façon tout à fait particulière. Contrairement à la plupart des genres littéraires, elle procède sur le très court terme : intimement liée à l’actualité (et par conséquent à la presse), elle joue sur l’immédiateté. C’est même là que réside l’essentiel du plaisir de ses spectateurs. Les codes de ce type de spectacle, relativement inchangés au fil du temps, doivent être examinés pour en saisir les enjeux, tant esthétiques qu’économiques, culturels ou sociaux. Un bref historique du genre en Belgique est également nécessaire, pour mieux comprendre d’une part l’héritage des revues françaises, d’autre part la manière dont les auteurs belges s’approprient la forme en développant une série de spécificités à la fin du XIXe siècle. De ce point de vue, la figure de Luc Malpertuis est emblématique : ce revuiste belge fait office de précurseur, en créant dès les années 1880 des revues locales d’un style neuf. Ses pièces, mais aussi son profil, ses choix de carrière et le milieu dans lequel il évolue reflètent une vision du monde et rendent compte du fonctionnement de la vie culturelle belge, bruxelloise essentiellement. Le contexte de la Belgique et de sa capitale justifie par ailleurs que l’on s’y attarde : les revues qui se jouent à la fin du siècle ne peuvent être lues et comprises qu’à la lumière des changements sociaux qui s’opèrent simultanément. ← 17 | 18 →

← 18 | 19 →

Chapitre I

Le genre de la revue

La revue a longtemps été négligée par la recherche universitaire essentiellement pour deux raisons. La première tient à l’une de ses caractéristiques propres : censée rendre compte de l’actualité sur scène, la revue théâtrale est par nature momentanée, ce qui rend sa compréhension a posteriori difficile. La seconde relève de son statut : considérée comme illégitime sur le plan littéraire, elle a souffert d’un manque de reconnaissance de la part de la critique. Ces deux dernières décennies, le genre a cependant fait l’objet d’un regain d’intérêt. De mieux en mieux défini dans les dictionnaires littéraires, il est aujourd’hui relativement bien étudié ; s’il ne fait l’objet d’aucune monographie à proprement parler, la Revue d’histoire du théâtre lui a toutefois consacré un numéro entier en 20151. Dans la lignée des recherches menées sur d’autres formes dramatiques « spectaculaires » du XIXe siècle2, plusieurs chercheurs contemporains sont revenus sur l’histoire de la revue et sur ses particularités ; l’on peut citer, entre autres, les travaux de Paul Aron3, de Christophe Charle4 et de Romain Piana5, qui ont ouvert la voie et dont nous retraçons ici les principales observations.

Éléments de définition et origines

La revue peut se définir comme une forme théâtrale mixte, qui mêle textes et musiques. Elle se compose de séquences plus ou moins satiriques, où les dialogues ← 19 | 20 → alternent avec les couplets chantés6. Ce type de pièce consiste traditionnellement en un « défilé allégorique d’actualités »7, sélectionnées parmi les événements marquants de l’année écoulée8 et transposées sur scène de manière plus ou moins spectaculaire. La représentation se clôt généralement par un vaudeville final (à l’origine) ou par un final en apothéose, chanté et chorégraphié (à partir du Second Empire). L’ensemble se veut comique ; à travers une succession de scènes souvent déliées les unes des autres, les auteurs raillent les faits quotidiens, caricaturent les personnalités en vue (à des degrés divers selon les politiques en place, plus ou moins répressives) et usent de ressources de type populaire pour faire rire leur public. La connivence avec les spectateurs est un élément clé : « la reconnaissance […] du monde qui leur est familier est le topos essentiel du genre »9, qui fonctionne en grande partie sur le « plaisir de l’allusion »10.

La revue est très proche d’autres genres comme le vaudeville et la féerie, au croisement desquels elle s’est formée11. Sorte de « pot-pourri »12 sur le plan formel, elle emprunte aussi certains de ses procédés à la comédie, à l’opérette et à la parodie. Sa poétique même se fonde sur des mécanismes liés à ces formes ; la dimension parodique, notamment, est inhérente à son fonctionnement. En tant que genre composite, la revue peut aussi constituer un espace de diffusion pour des ballets13, des pantomimes ou une variété de numéros issus du café-concert, du cirque et du music-hall. En fait, tous ces genres se recoupent à bien des égards au fil du temps et il est fréquent que des revuistes signent également des parodies, des féeries, des fantaisies, etc. Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle, marqué par la multiplication des pièces à grands effets, les frontières entre ces différentes formes sont floues parce que celles-ci partagent des procédés similaires, tant formels que fonctionnels. Toutes visent en premier lieu à divertir (le ton plutôt léger l’atteste) et bien souvent, elles déploient un même faste sur le plan visuel. Elles confèrent aussi à la musique un rôle crucial (parfois à travers l’usage d’airs communs) et témoignent d’un goût pour les commentaires métathéâtraux, jouant sur différents processus d’autoreprésentation issus de la tradition satirique14. Les sous-titres de plusieurs pièces affichent très clairement cette ← 20 | 21 → mixité formelle : comédie-vaudeville, comédie-drame-actualité, parodie-actualité, revue-fantaisie, etc. sont autant de termes génériques courants à l’époque.

Cette proximité avec d’autres formes théâtrales s’explique lorsqu’on remonte aux origines du genre. Si l’on a souvent fait d’Aristophane le premier revuiste de l’histoire, au point que s’est forgé un véritable cliché généalogique15, l’origine de la revue est à chercher beaucoup moins loin. Malgré des rapprochements formels évidents avec la comédie satirique antique, la revue de fin d’année naît en réalité à Paris au XVIIIe siècle. De création française, donc, elle découle du théâtre de la Foire, qui renoue au début du siècle avec la tradition des spectacles d’actualité et de parodie en s’attaquant aux spectacles en vogue. Les acteurs italiens de la foire Saint-Laurent, pour « affronter les interdits imposés par les comédiens français », inventent avec la revue un « territoire spécifique par rapport au théâtre officiel »16. C’est là que le genre « prend véritablement son essor », « en reprenant à son compte les techniques de l’opéra-comique : alternance de vaudevilles ou fredons dont les airs étaient connus de tous et de dialogues vifs où interviennent des représentants de toutes les classes sociales »17. En 1728, La Revue des théâtres – le titre est caractéristique – par les Italiens Dominique fils [Pierre-François Biancolelli] et [Jean-Antoine] Romagnesi « présente déjà toutes les formes topiques de la revue »18 telle qu’elle se développera au siècle suivant : des personnages qui sont des types ou des abstractions, des allusions au théâtre à succès, un prologue, un final, ainsi qu’un défilé de scènes référentielles. Par la suite, Charles-Simon Favart excelle dans le genre. En 1758, sa pièce intitulée La Soirée des boulevards, jouée par la Comédie-Italienne, fait usage du procédé métathéâtral typique, en représentant déjà des artistes jouant en plein air devant les tables de café des boulevards parisiens illuminés19.

À la fin du XVIIIe siècle, l’on assiste à une multiplication des salles de spectacle sur les boulevards ; ces « petits théâtres », notamment ceux situés sur le fameux boulevard du Temple, se spécialisent dans les pièces de divertissement facile, dont font partie les revues20. Alors qu’originellement celles-ci ne dépassent pas un acte21, elles prennent au XIXe siècle de plus en plus d’ampleur. Le genre se développe considérablement sous la Restauration, puis sous la Monarchie de Juillet, avec des auteurs emblématiques comme Clairville [Louis-François Nicolaïe, dit Clairville l’aîné] et les frères Théodore et Hippolyte Cogniard. Très vite, la revue s’instaure comme un genre à succès, éminemment codifié, et dont les traits apparaissent comme des conventions imprescriptibles. ← 21 | 22 →

Un format spécifique : invariants et évolution du genre

Malgré une forme hybride et un dispositif structurel en apparence aléatoire, la revue est un genre très conventionné. Elle repose sur une série de codes, de mécanismes, qui font partie de l’horizon d’attente des spectateurs et avec lesquels les revuistes jouent constamment22. Le rapport particulier établi avec le public, qui abolit les frontières entre scène et salle et qui se conçoit à travers un jeu métathéâtral affirmé, est l’un de ces procédés caractéristiques. La manière d’utiliser la musique répond aussi à une sorte de code : les airs choisis sont presque toujours des ponts-neufs ou des airs à la mode, qui permettent au public de se sentir en connivence avec le spectacle parce qu’il les reconnaît ou qu’il saisit leur détournement23. La musique joue donc un rôle central au sein de la pièce : elle ne se contente pas de la rythmer, elle entre dans sa composition et sert son ambition satirique ou parodique.

Un autre procédé distinctif réside dans le traitement des personnages. La plupart d’entre eux sont soit des types (par exemple le gamin des rues), soit des personnifications d’objets, d’institutions ou d’entités abstraites (l’Électricité, la Ville de Paris, la Justice, etc.), ce qui facilite non seulement l’introduction des différents sujets d’actualité sur scène, mais aussi leur détournement comique, voire critique24. Ce processus de personnification, lorsqu’il concerne plus particulièrement les actualités représentées, confirme le caractère intermédial du genre, déjà largement démontré par Romain Piana. La revue peut en effet se voir comme la transposition scénique de certains contenus journalistiques ; si elle emprunte directement à la presse son matériau (l’actualité), devenant une sorte de journal théâtralisé, elle recourt aussi à une esthétique visuelle comparable à celle du dessin de presse, de la caricature. Les journaux personnifiés, personnages récurrents des revues théâtrales, ainsi que le choix des cibles, qui sont calquées sur celles des journaux, confirment la proximité avec le monde de la presse25.

À côté des personnifications, qui nécessitent généralement peu de finesse dans l’interprétation, ce sont surtout deux personnages spécifiques qui confèrent à la revue ← 22 | 23 → sa forme prototypique : la commère et le compère26. Sorte de personnages-guides censés incarner tacitement les opinions du public sur scène27, ils constituent les « meneurs » de toute revue et en établissent le cadre. Traditionnellement, ils sont présentés en début de spectacle, au sein de la scène d’ouverture rituelle, le prologue28. Ils commentent ensuite le défilé des actualités et assurent la transition entre les différentes scènes qui s’enchaînent selon une esthétique du tableau29. Ils rythment véritablement la pièce comme un leitmotiv, permettent au public de comprendre les changements de sujets, facilitent l’identification de chaque personnage et garantissent une certaine continuité à la revue. C’est là leurs fonctions premières, qui leur sont attribuées dès les origines. Au fil du temps, leurs rôles tendent à se distinguer et à se fixer plus précisément. Le personnage féminin de la commère (le terme apparaît dans les années 1870, on l’appelle auparavant « génie »30) est de plus en plus souvent une figure personnifiée qui sert de guide au compère (le terme apparaît dans les années 1850), personnage masculin un peu niais ou ridicule31, multipliant les calembours. Alors que la commère se voit attribuer une fonction de présentatrice puisqu’elle introduit les différentes actualités, le compère – qui les découvre en même temps que le public – a plutôt une fonction de commentateur, incarnant le bon sens populaire. Très rapidement, un code s’établit : le compère pose des questions prototypiques (« qui vient là ? », « qui est ce personnage ? », etc.) auxquelles la commère répond. Leur apparence physique se formalise aussi ; le compère revêt souvent l’habit bourgeois (avec parfois un haut-de-forme et une canne) alors que la commère porte les attributs allégoriques qui permettent de l’identifier32 et qu’elle se déshabille à mesure que le genre s’oriente vers le music-hall (voir fig. 1). ← 23 | 24 →

Fig. 1 Le compère [M. Deschamps] et la commère [Mme Diony] de Bruxelles port de mer, Bruxelles, Alcazar, 1893. La commère personnifie ici l’été. KBR : Ms II 6739.

Même si certains dispositifs formels constituent des invariants, la revue évolue. Centrée au départ sur la parodie des pièces contemporaines et sur le commentaire critique de l’actualité, elle se transforme peu à peu en « grand spectacle », multipliant les effets de mise en scène au détriment du texte. À la fin du XIXe siècle, les décors et les costumes, qui bénéficiaient certes souvent d’un certain soin, sont de plus en plus luxueux pour s’adapter aux goûts du public qui accorde désormais plus d’importance à l’aspect visuel. Dans une perspective de surenchérissement des plaisirs sensoriels, la partie musicale gagne aussi en importance. Par contamination avec d’autres genres spectaculaires et avec les revues de café-concert, lui-même influencé par le music-hall anglais33, la revue théâtrale devient une « pièce à femmes » parmi d’autres, davantage centrée sur l’exhibition de décors magnifiques et de danseuses plus ou moins dévêtues34. ← 24 | 25 →

Certains y voient alors une forme de décadence et réactivent le discours sur le déclin du genre (sous la Restauration déjà, on reprochait à la revue d’être indécente, triviale, et d’avoir « perdu son esprit »35). Cela ne l’empêche pas de poursuivre sa carrière, attirant toujours un public nombreux. Jusqu’au début du XXe siècle, la revue se diffuse largement et est rentable dans l’ensemble, en dépit des frais occasionnés par une mise en scène fastueuse36. Dans une certaine mesure, elle résistera même mieux que certains genres à la concurrence du cinéma et de la télévision37, avec lesquels elle entretient des liens étroits38. Les comédies musicales cinématographiques ou certaines émissions télévisées satiriques et populaires ont d’ailleurs repris plusieurs de ses mécanismes39.

Aujourd’hui, des revues sont encore jouées, mais elles ont un rôle social nettement moins important qu’autrefois. Elles ont gardé leur forme spectaculaire proche du music-hall et s’adressent toujours à un public relativement large, même si des pièces destinées à des spectateurs plus spécifiques et présentant moins d’artifices ont aussi survécu, comme les revues universitaires (conçues et jouées par des étudiants, qui caricaturent les professeurs de telle ou telle faculté) ou les revues de société (données en comité restreint, par et pour un cercle d’individus précis).

Le genre s’est rapidement importé hors de France40 et se joue dans plusieurs pays, de préférence à la fin de l’année civile. En Angleterre, les revues sont par exemple présentées au cours de la période précédant Noël. En Suisse et en Allemagne, elles font partie des divertissements du carnaval et sont représentées dans les cafés41. Elles ont une longue histoire au Portugal, où elles servent d’arme de contestation politique sous le régime de Salazar42, et où une recréation contemporaine du genre a encore vu le jour en 201443. Dans le prolongement de la revista portugaise, les revues brésiliennes connaissent aussi une certaine vogue. Les plus représentatives sont données dans les années 1930-1950, puis au début des années 1960 (lorsque des intellectuels renouvellent le genre en y apportant un recul critique) et ensuite à la fin des années 1980, sous ← 25 | 26 → l’étiquette de teatro besteirol44. On trouve également des revues en Grèce, où elles connaissent leur âge d’or entre 1907 et 192145, ainsi qu’au Québec à partir de 189946, ou encore en Italie (teatro di rivista) vers la même période. En Belgique, on en donne encore sous une forme spectaculaire dans les villes côtières, au moment des fêtes de fin d’année. Des revues se jouent aussi à la même période à Bruxelles, où elles ont conservé leur dimension de satire locale.

Un genre populaire ?

Comme l’a rappelé à juste titre Roxane Martin, la critique a longtemps conçu le théâtre en termes opposés (notamment élite versus populaire ou littéraire versus spectaculaire), et plusieurs formes ont été marginalisées sur la base de préjugés47. Le caractère spectaculaire de la revue explique en partie sa relégation parmi les genres dits populaires et illégitimes. Comme pour le café-concert, ses thématiques légères, le langage plutôt relâché de ses comédiens et ses allusions parfois grivoises ont probablement aussi conditionné le jugement critique48. Mais c’est surtout son mode de diffusion large, impliquant évidemment des choix esthétiques49, qui l’a inscrite au sein du sous-champ de la grande production. Parce qu’elle se destine dès l’origine à un public vaste, et qu’elle se présente rapidement comme une production stéréotypée aux intentions mercantiles avouées, elle a été rangée dans cette culture qualifiée d’« industrielle », de « commerciale »50.

Au XIXe siècle, les discours qui font de la revue une forme « mineure » sont nombreux, même s’ils n’excluent pas une certaine valorisation. En 1848, Théophile Gautier fait par exemple l’éloge du genre « à l’allure si libre », mais regrette qu’aucun « vrai poète »51 ne s’en empare. Dans la seconde moitié du siècle, la revue est définie comme un « genre inférieur »52, qui ne tient « à la véritable littérature que par un lien ← 26 | 27 → singulièrement ténu »53. Ce type de caractérisation se voit renforcé au moment où les effets scéniques se multiplient. Robert Dreyfus écrira alors que l’opérette est la « transposition supérieure »54 de la revue.

Si certains tiennent un discours dépréciatif sur le genre, d’autres montrent qu’il peut s’écarter d’un modèle vulgaire. En Belgique particulièrement, certains critiques – et non des moindres – soulignent ses qualités potentielles. En 1905, le comte Félix Goblet d’Alviella écrit par exemple à propos de la revue : « pourvu qu’elle soit fine, spirituelle, agrémentée par-ci par-là d’une scène empruntée à la vie populaire, qu’elle se moque sans blesser, qu’elle plaisante sans grossièreté, elle est digne de figurer parmi les productions les plus littéraires et de divertir gaiement et sainement le spectateur »55. Il note aussi l’évolution du genre en Belgique, mentionnant la prééminence des beaux costumes et des exercices chorégraphiques sur l’esprit et la satire, mais il précise que « la tendance nouvelle n’est point blâmable »56. Un peu plus tôt, le journaliste Louis Dumont-Wilden voyait même dans l’étalage de « petites femmes » sur scène un élément positif, affirmant que le souci d’une mise en scène splendide participait au renouvellement du genre. Il ajoutait :

Ce n’est pas de l’art dramatique, dit le poète grincheux en se drapant dans le caban des fortes convictions. Possible, mais c’est le théâtre de l’avenir. Un temps viendra où l’on ne donnera pas autre chose sur nos scènes subventionnées. En ce temps-là on représentera peut-être encore des drames hautains, mais ce sera devant vingt-cinq personnes ; ces drames seront ceux de Paul Claudel, et il faudra passer un examen pour être admis à la représentation57.

La revue semble donc réussir là où le théâtre canonique échoue : elle mobilise les foules. C’est en cela, et en cela surtout, qu’elle peut être qualifiée de populaire. Il faut toutefois nuancer cette étiquette. D’abord, il faut rappeler qu’à l’époque qui nous intéresse, il n’existe pas de vraie séparation entre le théâtre populaire et le théâtre académique : les mêmes comédiens se retrouvent sur toutes les scènes (de grands chanteurs « populaires » sont tout aussi réputés que des chanteurs de formes plus nobles58), certains décorateurs réutilisent les décors de pièces sérieuses pour leurs transpositions parodiques jouées dans les petits théâtres, plusieurs librettistes font des parodies de leurs propres livrets (la parodie présumant la circulation des publics) et de grands auteurs s’illustrent dans des genres dits mineurs59. Le cas du décorateur Eugène Frey, dont le dispositif de la « lanterne magique » circule à l’opéra comme au cabaret ou au music-hall, illustre bien cette porosité des frontières entre les genres60. ← 27 | 28 →

Si l’on regarde du côté de la production et de la réception des revues, plusieurs revuistes écrivent aussi des pièces sérieuses et le public est loin d’être uniquement constitué des couches populaires de la population. Nous reviendrons sur ces questions, mais l’on peut déjà noter que certains auteurs, qui ont généralement fait des études et appartiennent à une partie favorisée de la société, peuvent s’adresser à des spectateurs plus proches de leur milieu, même s’ils ambitionnent de toucher le « grand public ». C’est le cas du revuiste belge Luc Malpertuis : ses revues données dans les théâtres bruxellois comme l’Alcazar, l’Olympia ou les Galeries attirent un public important, mais ce public est sans doute varié. À côté des spectateurs « populaires », disons plutôt issus en majorité de la petite bourgeoisie, son assistance comprend certainement aussi le « gratin mondain, artistique, politique et commercial de la capitale »61.

Évoquons un exemple qui témoigne du plaisir qu’éprouve une certaine élite à se rendre dans les théâtres de genre : dans une lettre écrite à Malpertuis, le prince Albert de Ligne (1874-1957) demande au revuiste d’accéder aux coulisses lors de la représentation d’une revue. Il précise : « étant gens bien élevés, nous [le prince et un ami à lui] aurons une tenue des plus correcte envers acteurs et actrices »62. Du reste, pour s’en tenir au domaine belge, il n’est pas rare que des comédiens de revues soient invités à se produire chez des personnalités de haut rang : le comique bruxellois Nicolas Ambreville [Van Berkel] est par exemple reçu à Spa par la reine Marie-Henriette, qui fréquentait assidûment le théâtre du Casino et affectionnait les pièces d’Adolphe d’Ennery, de Paul Féval et de Pierre Decourcelle63. En octobre 1954, la comédienne bruxelloise Esther Deltenre est quant à elle reçue au château de Stuyvenberg par la reine Élisabeth64.

La revue est par ailleurs une forme privilégiée du théâtre de société, en vogue au XIXe siècle. Plusieurs amateurs, constitués en sociétés nobles ou bourgeoises, se plaisent à représenter en privé des pièces dans lesquelles ils se mettent eux-mêmes en scène. En tant que genre parodique, la revue répond parfaitement aux fondements et aux intentions de ce type de théâtre, qui sert de « ciment social » en créant un « sentiment de complicité entre auteur, acteurs et publics », et qui vise à « resserrer les liens » entre les différents membres d’un groupe65. Des revuistes composent donc des revues pour certains cercles d’individus privilégiés, qui les jouent ensuite (secondés parfois par des comédiens professionnels) et qui peuvent même parfois participer à la conception du spectacle.

À Paris, le marquis Philippe de Massa [Alexandre-Philippe Régnier] donne ainsi plusieurs revues pour des cercles mondains. Ces spectacles sont généralement joués lors d’événements spéciaux. Représentés pour une occasion unique, ils poursuivent souvent des ambitions philanthropiques. La revue Le Cœur de Paris est par exemple ← 28 | 29 → représentée à l’Opéra-Comique au profit des œuvres de la Société philanthropique le 23 mai 1887. De la même manière à Bruxelles, Malpertuis rédige en 1902 une revue mondaine intitulée La Revue improvisée, à l’attention des membres du Concert noble. La pièce, donnée au profit des pauvres, caricature différentes personnalités de la noblesse belge et est précisément interprétée par des membres du cercle. Malpertuis correspond à ce sujet avec la comtesse de Spoelberch, qui lui écrit pour complimenter ses couplets, mais aussi pour lui demander certaines modifications relatives à la trame de la pièce ou même pour lui communiquer les horaires des répétitions66.

Le caractère populaire de la revue apparaît donc nuancé au regard de telles pratiques. L’analyse détaillée des textes le confirmera, et nous verrons en quoi le genre constitue un espace de brassage social tout relatif. Les revues belges, peut-être plus que les revues françaises, illustrent ce phénomène d’une manière particulièrement probante. ← 29 | 30 →

1O. Bara, R. Piana et J.-Cl. Yon (dir.), « En revenant à la revue. La revue de fin d’année au XIXe siècle », dossier de la Revue d’histoire du théâtre, no 266, avril-juin 2015.

2Voir notamment l’étude remarquable que Roxane Martin a consacrée au genre de la féerie : R. Martin, La Féerie romantique sur les scènes parisiennes : 1791-1864, Paris, Champion, 2007.

3P. Aron, « Les revues théâtrales de fin d’année », in M. Quaghebeur et N. Savy (dir.), France-Belgique 1848-1914 : affinités-ambiguïtés, actes du colloque des 7, 8 et 9 mai 1996, Bruxelles, Labor, 1997, p. 369-370.

4Chr. Charle, « Le carnaval du temps présent : les revues d’actualités à Paris et à Bruxelles. 1852-1912 », Sociétés du spectacle, dossier de la revue Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 186-187, no 1, 2011, p. 58-79.

5Romain Piana a consacré plusieurs articles à la revue, ainsi qu’un chapitre entier de sa thèse : R. Piana, « La revue de fin d’année : Aristophane à Paris », La Réception d’Aristophane en France de Palissot à Vitez (1760-1962), thèse de doctorat sous la direction de P. Pavis, Paris, Université de Paris VIII, 2005, p. 300-368. Nous le remercions de nous avoir communiqué ce chapitre particulièrement éclairant. Pour ses autres publications sur le sujet, nous renvoyons à notre bibliographie.

6P. Aron, « Revue théâtrale », in P. Aron, D. Saint-Jacques et A. Viala (dir.), Le Dictionnaire du littéraire, 2e édition revue et augmentée, Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 675.

7R. Piana, « Du dramaturge au feuilletoniste : Aristophane hors de la scène française au XIXe siècle », in S. Triaire et P. Citti (dir.), Théâtres virtuels, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2001, p. 185-203.

8A. Pougin, Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s’y rattachent, Paris, Librairie de Firmin-Didot & Cie, 1885, p. 653.

9P. Aron, « Les vingt premières années du siècle : en quête de divertissement », in Un siècle en cinq actes : les grandes tendances du théâtre belge francophone au XXe siècle, actes établis par N. Leclercq et Fr. Pint, Bruxelles, Le Cri, 2003, p. 23 ; P. Aron, « Revue », in M. Corvin (dir.), Dictionnaire du théâtre à travers le monde, Paris, Bordas, 2008, p. 11-63.

10R. Dreyfus, Petite Histoire de la revue de fin d’année, Paris, Fasquelle, 1909, p. XIII. L’ouvrage de Dreyfus, quoique daté, constitue à ce jour l’étude la plus détaillée sur l’histoire de la revue française.

11R. Piana, « La revue de fin d’année : Aristophane à Paris », op. cit., p. 317 ; R. Piana, « “Pièces à spectacle” et “pièces à femmes” : féeries, revues et “délassements comiques” », in J.-Cl. Yon (dir.), Les Spectacles sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 2010, p. 328-338.

12Chr. Charle, « Le carnaval du temps présent… », op. cit., p. 67.

13Sur la revue comme espace de diffusion de représentations de la danse, voir E. Delattre-Destemberg, « La danse académique dans la revue de fin d’année Rothomago », in O. Bara, R. Piana et J.-Cl. Yon (dir.), En revenant à la revue. La revue de fin d’année au XIXe siècle, dossier de la Revue d’histoire du théâtre, no 266, avril-juin 2015, p. 217-228.

14Il s’agit là de caractéristiques fondamentales du genre de la revue. (P. Aron, « Revue théâtrale », op. cit., p. 676.)

15Sur la question, voir R. Piana, « La revue de fin d’année : Aristophane à Paris », op. cit. Romain Piana a bien montré que la relation hypertextuelle entre revue et comédie aristophanienne était un effet d’optique (voir en particulier p. 314).

16A. Pierron, Dictionnaire de la langue du théâtre, Paris, Le Robert, 2002, p. 475.

17P. Aron, « Revue », op. cit., p. 11-63.

18Ibid.

19Ibid. ; P. Aron, « Revue théâtrale », op. cit., p. 675. Voir Ch.-S. Favart, La Soirée des boulevards : ambigu mêlé de scènes, de chants et de danses, Paris, N.-B. Duchesne, 1759.

20R. Dreyfus, Petite Histoire de la revue…, op. cit., p. 34.

21Fr. Caradec et A. Weill, « La Revue de fin d’année », Le Café-concert (1848-1914), Paris, Fayard, 2007, p. 356.

22La revue partage avec le vaudeville cette codification formelle, voir J.-Cl. Yon, « Comment se fait un vaudeville : une leçon d’écriture dramatique par Henri Meilhac », in J.-L. Diaz (dir.), Et la BD fut !, Le Magasin du XIXe siècle, no 6, Ceyzérieu, Champ Vallon, Société des Études romantiques et dix-neuviémistes, novembre 2016, p. 236-244.

23P. Aron, « Revue théâtrale », op. cit., p. 676.

24Sur le théâtre allégorique, qui favorise le détournement, voir M. Poirson (dir.), L’Allégorie au théâtre, dossier de la Revue d’histoire du théâtre, no 265, janvier-mars 2015.

25Le terme même de « revue », l’appartenance de plusieurs auteurs aux deux sphères théâtrale et journalistique ainsi que l’essor simultané de la presse satirique et des revues accréditent l’intermédialité du genre. Pour plus de détails, voir R. Piana, « L’imaginaire de la presse dans la revue théâtrale », in O. Bara et M.-È. Thérenty (dir.), Presse et scène au XIXe siècle, Médias 19 ; R. Piana, « Du périodique à la scène, et retour : la revue de fin d’année illustrée », in É. Stead et H. Védrine (dir.), L’Europe des revues (1880-1920) : estampes, photographies, illustrations, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2008, p. 183-206 ; R. Piana, « La presse comme source analogique dans l’historiographie de la revue de fin d’année », in R. Martin et M. Nordera (dir.), Les Arts de la scène à l’épreuve de l’Histoire : les objets et les méthodes de l’historiographie des spectacles produits sur la scène française (1635-1906), Paris, Champion, 2011, p. 91-105.

26Leur traitement rapproche également la revue du journal. Voir R. Piana, « La revue de fin d’année : Aristophane à Paris », op. cit. Piana étudie en détail les fonctions de ces personnages. Nos analyses du corpus belge rejoignent ses constats établis à partir des revues françaises ; nous reprenons ici des éléments d’un article dans lequel nous avons abordé cette question. (F. Urbanowiez, « Représentations microsociologiques du public dans les revues théâtrales de fin d’année », Le Sens du social, dossier de Romantisme, vol. 175, nº 1, 2017, p. 39-48.)

27Ils rempliraient à cet égard la même fonction que le chœur antique. Voir R. Dreyfus, Petite Histoire de la revue…, op. cit., p. XXV ; Franc-Nohain, « Les revues de fin d’année », La Revue hebdomadaire : romans, histoire, voyages, Paris, E. Plon, Nourrit & Cie, 1922, nº 52, p. 540-541. Voir aussi C. Braconnier, « Paris en revues : la production de communautés imaginées au café-concert au tournant du XXe siècle », Sociétés & Représentations, 2004, nº 17, p. 211-245.

28Pour une définition précise du prologue, scène métathéâtrale par excellence, voir J.-M. Hostiou, « Prologue », in P. Aron, D. Saint-Jacques et A. Viala (dir.), Le Dictionnaire du littéraire, 2e édition revue et augmentée, Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 611-612.

29Sur cette forme de structure héritée de la seconde moitié du XVIIIe siècle, voir P. Frantz, L’Esthétique du tableau dans le théâtre du XVIIIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1998.

30Le personnage est directement emprunté au genre de la féerie.

31Chr. Charle, « Le carnaval du temps présent… », op. cit., p. 64.

32R. Piana, « Du périodique à la scène… », op. cit., p. 187-188.

33Sur les liens entre music-hall et revue, voir J. Feschotte, Histoire du music-hall, Paris, Presses universitaires de France, 1965, p. 76-91.

34L. Suquet, « L’érotisation massive des revues de cafés-concerts à la Belle Époque », in O. Bara, R. Piana et J.-Cl. Yon (dir.), En revenant à la revue. La revue de fin d’année au XIXe siècle, dossier de la Revue d’histoire du théâtre, no 266, avril-juin 2015, p. 269-282.

35R. Dreyfus, Petite Histoire de la revue…, op. cit., p. 62. Plus tard, un discours similaire sera tenu sur l’opéra-comique, voir O. Bara, « L’opéra-comique “à grand spectacle” sous le Second Empire : une mise en cause du genre ? », in I. Moindrot (dir.), Le Spectaculaire dans les arts de la scène du romantisme à la Belle Époque, Paris, CNRS, 2006, p. 70-77.

36Chr. Charle, « Le carnaval du temps présent… », op. cit., p. 60-63.

37M. J. C. Hodgart, La Satire, Paris, Hachette, 1969, p. 207.

38Nous reviendrons sur les liens entre cinéma et revue, mis en évidence par St. Tralongo dans sa thèse intitulée Faiseurs de féeries : mise en scène, machinerie et pratiques cinématographiques émergentes au tournant du XXe siècle, sous la direction d’A. Gaudreault et M. Barnier, Université de Montréal et Université Lumière Lyon 2, novembre 2012.

39V. Paci, « That’s Entertainment. Les lumières de la comédie musicale », in O. Asselin, S. Mariniello et A. Oberhuber (dir.), L’Ère électrique. The electric age, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2011, p. 264 ; P. Aron, « Revue théâtrale », op. cit., p. 676.

40Dès 1737, Henry Fielding fait par exemple représenter à Londres The Historical Register for the Year 1736, qui, en plus de caricaturer des personnalités influentes du milieu théâtral londonien, constitue une véritable satire de l’actualité politique, puisque l’auteur s’en prend au gouvernement de Robert Walpole. (Fr. Laroque, A. Morvan, Fr. Regard et al., Histoire de la littérature anglaise, Paris, Presses universitaires de France, 1997, p. 333.)

41A. Pierron, Dictionnaire de la langue…, op. cit., p. 476.

42Voir S. Berjeaut, Le Théâtre de Revista : un phénomène culturel portugais (1851-2005), Paris, L’Harmattan, 2005.

43R. Piana, « Teatro Praga et la revue. Autour de Tropa-Fandanga. Entretien avec Pedro Penim et José Maria Vieira Mendes », in O. Bara, R. Piana et J.-Cl. Yon (dir.), En revenant à la revue. La revue de fin d’année au XIXe siècle, dossier de la Revue d’histoire du théâtre, no 266, avril-juin 2015, p. 297.

44R. Roux, « Revue », in M. Corvin (dir.), Dictionnaire du théâtre à travers le monde, Paris, Bordas, 2008, p. 11-65.

45A. Varopoulos, « Revue », ibid.

46De la revue découle le burlesque québécois, voir J.-M. Larrue, « Les véritables débuts de la revue québécoise : anatomie d’un triomphe », L’Annuaire théâtral, no 3, 1987, p. 39-70.

47R. Martin, La Féerie romantique…, op. cit., p. 471.

48M. Wisniewski, « Métamorphoses de la revue de fin d’année au café-concert : l’exemple de l’année 1886 », in O. Bara, R. Piana et J.-Cl. Yon (dir.), En revenant à la revue. La revue de fin d’année au XIXe siècle, dossier de la Revue d’histoire du théâtre, no 266, avril-juin 2015, p. 98-100.

49P. Alexandre-Bergues et M. Laliberté, « Introduction », in Les Archives de la mise en scène : spectacles populaires et culture médiatique 1870-1950, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016, p. 10.

50Ibid., p. 13. Sur cette question de la grande production commerciale, voir P. Bourdieu, « Le marché des biens symboliques », L’Année sociologique, vol. 22, 1971, p. 54 et suivantes.

51Th. Gautier, « Feuilleton de La Presse. Théâtres. Théâtre de la Montansier. Les Lampions de la veille et Les Lanternes du lendemain, par M. Clairville et Dumanoir », La Presse, 25 décembre 1848, n.p.

52P. Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, littéraire, artistique, scientifique, etc., etc., t. XIII, Paris, Administration du grand dictionnaire universel, 1875, p. 11-29.

53A. Pougin, Dictionnaire historique et pittoresque…, op. cit., p. 653.

54R. Dreyfus, Petite Histoire de la revue…, op. cit., p. 321.

55F. Goblet d’Alviella, « Chronique théâtrale : les revues », Revue de Belgique, t. VI, 1905, p. 272.

56Ibid.

57L. Dumont-Wilden, « La vie à Bruxelles », La Province, 28 novembre 1902, n.p., AML : ML 2392/133.

58O. Goetz, « La chanson : “spectacle” de la Belle Époque », in I. Moindrot (dir.), Le Spectaculaire dans les arts de la scène du romantisme à la Belle Époque, Paris, CNRS, 2006, p. 148.

59R. Martin, op. cit., p. 471-472.

60St. Tralongo, Faiseurs de féeries…, op. cit., p. 166-202.

61Fr. Fischer, Bruxelles d’autrefois, Bruxelles, Labor, 1941, p. 134. Ce mélange du public est relatif : les spectateurs sont toujours séparés dans la salle selon des espaces définis en fonction de leur classe sociale.

62Lettre du prince de Ligne à Malpertuis, s.l.n.d., AML : ML 2593/124.

63G.-H. Dumont, La Vie quotidienne en Belgique sous le règne de Léopold II (1865-1909), Paris, Hachette, 1974, p. 40.

64F. Servais, « Figures théâtrales de la “Belle Époque” : Nicolas Ambreville », Le Soir, 20 juin 1956, p. 5.

65M.-Cl. Canova-Green, « Théâtre de société », in P. Aron, D. Saint-Jacques et A. Viala (dir.), Le Dictionnaire du littéraire, 2e édition revue et augmentée, Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 764-765. Le théâtre de société offre un cadre particulièrement favorable à la parodie, voir M.-E. Plagnol-Diéval, « Séries tragiques parodiques dans le théâtre de société », in S. Menant et D. Quéro (dir.), Séries parodiques au siècle des Lumières, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2005, p. 123-124.

66Voir les lettres de la comtesse de Spoelberch à Malpertuis, AML : ML 2593/602-606.

← 30 | 31 →

Chapitre II

La revue en Belgique

Nous l’avons dit, la revue parisienne s’importe rapidement hors de France. En Belgique, elle s’adapte en modifiant les lieux évoqués et les actualités mises en scène, mais aussi en créant de nouveaux personnages, qui incarnent des types plus locaux. Les revues belges se basent néanmoins sur un modèle français, dont elles reprennent la structure et les principales thématiques.

Paris comme modèle

Le théâtre français, qui diffuse une conception « moderne » de l’homme et de la société, domine très nettement les autres théâtres nationaux tout au long du XIXe siècle, conservant sa suprématie culturelle en vigueur depuis les temps modernes1. Dans la seconde moitié du siècle, Paris est d’ailleurs la « principale pourvoyeuse d’acteurs et de spectacles européens »2. À Bruxelles, ce sont surtout les grandes étoiles parisiennes qui font se déplacer les foules : malgré des conditions souvent exorbitantes pour les faire venir de Paris3, plusieurs directeurs belges (quand ils ne sont pas français4