C’est encore loin ? - Xavier Deutsch - E-Book

C’est encore loin ? E-Book

Xavier Deutsch

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Les sœurs Bertrude, Pernille et Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte sont trois gamines extraordinairement insupportables et insupportablement coquines. Ces trois pestes de compétition sont chargées d’apporter un courrier très important au roi en contrepartie d’une glace (trois boules), de douze crayons de couleur, et d’une grenouille empaillée pour chacune. Arriveront-elles au bout de leur voyage parsemé d’embûches, de trésors, d’hommes bleus et de lutins en tout genre ?Un roman déjanté et drôle aux effluves de marmelade à l’abricot pour les jeunes de 8 à 12 ans et leurs parents.

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Seitenzahl: 129

Veröffentlichungsjahr: 2017

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C’est encore loin ?

    

Xavier Deutsch

C’est encore loin ?

Éditions Luc Pire (Renaissance S.A.)

Avenue du Château Jaco, 1 - 1410 Waterloo

éditions Luc Pire

www.editionslucpire.be

                

C’est encore loin?

Corrections : Christelle Legros / La Plume alerte !

Mise en pages : Martine Gillet

                

ISBN : 978 2507 05521 9

                

© éditions Luc Pire, 2017

Tous droits réservés. Aucun élément de cette publication

ne peut être reproduit, introduit dans une banque de données ni publié sous quelque forme que ce soit, soit électronique, soit mécanique

ou de toute autre manière, sans l’accord écrit et préalable de l’éditeur.

À Marie-Julie, l’eau de printemps

Chapitre 1

Les trois filles les plus merveilleuses du monde

rencontrent un homme qui est peut-être mort ou peut-être pas

Je vais vous raconter l’histoire extraordinairede Bertrude, Pernille et Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte.

Je n’ai pas spécialement envie de vous la raconter, cette histoire. En plus, je ne la trouve pas du tout extraordinaire, mais je suis obligé d’employer des mots de ce genre-là.

Pour le moment, alors que je commence à rédiger cette histoire sur des feuilles de papier, je suis assis dans une taverne et j’ai trois filles devant moi. La plus petite (qui est la plus cinglée à mon avis) tient une espèce de gros fusil qu’elle empoigne dans ses deux mains et il faut faire attention avec ce genre de chose. Si elle trébuche, et qu’elle touche la détente, et que la pierre jette une étincelle, et que la poudre s’allume, la balle va sortir du canon. Et devinez ce qu’elle va faire ensuite, la balle ? Elle va entrer dans ma tête !

Parce que cette fille dirige le fusil vers moi, je suis obligé d’écrire leur histoire idiote alors que j’aimerais beaucoup mieux dormir dans le bon lit qui m’attend là-haut dans ma bonne petite chambre.

Mais qu’est-ce que vous voulez ? Sapristi, on ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie.

Elles veulent absolument que j’écrive « chapitre 1 » en haut de la page. Elles disent que, dans une histoire, il faut des chapitres. C’est complètement idiot, mais je suis bien forcé d’obéir. Elles ont choisi le titre du chapitre, mais j’espère qu’après ça, elles vont me laisser écrire cette histoire comme je veux. C’est mon métier ! Ce ne sont pas trois gamines stupides, méchantes et autoritaires qui vont me dire comment je dois faire.

Elles ont bien de la chance de posséder un fusil.

Dans la vie, quand on possède un fusil, ça rend les choses plus faciles.

À mon avis, elles ne savent même pas lire ! Si j’écrivais, par exemple, « Un beau jour, les trois filles les plus nulles du monde ont tellement cassé les pieds de leur mère qu’elles ont été mises à la porte », elles ne s’en rendraient pas compte.

Mais je vais leur écrire leur histoire. Plus vite ce sera fait, plus vite j’aurai la paix, et plus vite j’irai dormir dans mon bon lit.

Vous voulez savoir comment l’histoire a commencé ?

Un beau matin, dans le village de Montjoie-la-Jolie, trois sœurs sortirent de leur maison pour aller voler des œufs dans le poulailler de la voisine. Il s’agissait bien sûr de Bertrude, Pernille et Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte.

Avant de continuer le début de cette histoire, laissez-moi vous dire quelque chose. Ces trois filles avaient la même mère : elles étaient donc trois sœurs. Mais elles avaient chacune un père différent.

Le père de Bertrude était un bûcheron qui, un jour, passait par là. Il se rendait à la foire aux vaches de Grandchâteau. Bien sûr, un bûcheron n’a pas besoin d’une vache pour exercer son métier. Un bûcheron a besoin d’une hache, d’une scie, d’un couteau, d’un tire-bouchon, d’une longue corde, d’un mouchoir, d’une boîte d’allumettes et d’une bouteille de vin. Mais ce bûcheron était spécial, il aimait les vaches, il avait envie d’en regarder à la foire de Granchâteau et c’est bien son droit. Justement, sur la route qui le conduisait à la foire, il trouva un soir la maison de Vulfégonde et frappa sur la porte, car il désirait se reposer. Vulfégonde lui ouvrit et, un peu plus tard, Bertrude naquit. Bertrude était donc la première fille de Vulfégonde, et c’était une petite fille très forte, très grosse et fort laide.

Un an après la naissance de Bertrude, ce fut un moine très savant qui passa sur la même route que le bûcheron. Il ne se rendait pas à la foire aux vaches de Grandchâteau, mais au pèlerinage de Noirechapelle pour prier sur la tombe de saint Jean-Claude.

Il était fatigué, le soir tombait, il frappa sur la porte de Vulfégonde, il rit aux éclats en voyant le visage tout rond de Bertrude, Vulfégonde rit avec lui, puis tout le monde alla se reposer et, un peu plus tard, Pernille vint au monde. Elle était assez grande aussi, mais beaucoup moins grosse que sa sœur Bertrude. Très vite, on s’aperçut que Pernille possédait une intelligence remarquable et qu’elle retenait tout ce qu’on lui disait.

Un an après la naissance de Pernille, un cavalier passa par là et il frappa contre la porte de Vulfégonde, qui lui ouvrit. Le cavalier laissa son cheval dehors et il entra. Il vit le visage tout moche de Bertrude et la grande Pernille qui, à l’âge d’un an, mesurait déjà un mètre dix, et connaissait la table de multiplication par 37, le nom de trente-huit différentes espèces d’araignées, tous les fleuves du Brésil et la recette du pain aux cerises. Cependant, même si la chose en étonnera certains, elle ne savait pas lire.

Le cavalier était très beau et, comme il demandait à Vulfégonde s’il pouvait passer la nuit dans sa maison, elle répondit qu’elle était d’accord. Et, un peu plus tard, Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte vint au monde. C’était une petite fille merveilleusement jolie, avec de longs et fins cheveux blonds, des yeux bleus, une petite frimousse délicieuse, et tous les habitants de Montjoie-la-Jolie (c’est-à-dire Vulfégonde et la voisine) n’en finissaient pas de dire que Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte allait, plus tard, provoquer des incendies de forêt dans le cœur des garçons. Les femmes adorent dire ce genre de chose. Et c’est sûr que, avec Bertrude, ça ne risquait pas d’arriver : elle était vraiment trop moche ! Quant à Pernille, personne ne la regardait, même si elle grandissait encore et devenait de plus en plus intelligente (mais ne savait toujours pas lire).

Je sais ce que vous allez vous dire : c’est tout de même bizarre, tous ces hommes qui traversent le village de Montjoie-la-Jolie, surtout que c’est un village minuscule. Il y a deux maisons : celle de Vulfégonde et celle de la voisine. Mais, à part les deux maisons, le village comportait aussi une route qui le traversait. Une route, c’est fait pour que des gens marchent dessus, donc il ne faut pas s’étonner que, de temps en temps, des voyageurs visitent Montjoie-la-Jolie. Par exemple, un bûcheron, un moine et un cavalier. C’est comme ça.

Après avoir fait la grosse Bertrude, l’intelligente Pernille et la belle Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte avec le bûcheron, le moine et le cavalier, Vulfégonde prit une chaise qu’elle posa devant sa maison et décida de se reposer un peu.

Les filles grandirent, surtout Pernille, et, au moment où cette histoire commence, elles ont huit ans, neuf ans et dix ans. Un beau matin, elles sortirent de leur maison pour aller voler des œufs dans le poulailler de la voisine. La voisine habitait de l’autre côté de la route. Il faisait beau et Vulfégonde prenait le soleil sur le pas de sa porte, assise sur sa chaise.

Elle vit passer les trois filles et leur dit :

- Vous allez voler des œufs chez la voisine ? Dans ce cas, profitez-en pour lui prendre aussi un bidon de lait, car nous n’en avons plus.

- Oui, Maman, répondirent Bertrude et Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte (car on n’entendait pas souvent le son de la voix de Pernille).

Elles n’avaient que la route à traverser, mais les trois filles de Vulfégonde ne faisaient pas souvent les choses de la même façon que tout le monde et, pour se rendre chez la voisine, elles marchèrent jusqu’à la forêt de Pied-de-Loup. Les oiseaux, dans les arbres, se disputaient comme d’habitude. Les gens normaux qui ne comprennent pas la langue des oiseaux croient tout le temps que les oiseaux chantent, qu’ils sont joyeux, qu’ils s’amusent à dire des choses comme : « Oh ! regardez, j’ai trouvé un joli ver de terre, miam ! » ou bien « Venez tous voir mes petits oisillons qui sont sortis de leurs coquilles, je suis bien fier ! » ou « Que le soleil est doux ce matin ! » alors qu’en réalité, ils s’envoient des insultes d’une branche à l’autre : « Léon, si tu remets une patte ici, je te vole dans les plumes ! » et Léon répond : « T’as qu’à venir jusqu’ici pour me le dire, si tu oses ! » et des choses comme ça. Les animaux, ça se dispute tout le temps.

En marchant dans la forêt, les trois sœurs faisaient comme les oiseaux. Elles se disputaient. Elles faisaient ça tout le temps, elles aussi, surtout Bertrude et Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte. Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte disait à Bertrude : « De toute façon, toi, t’es tellement laide que tu ferais peur aux éléphants de la forêt ! » et Bertrude répondait : « Et toi, t’es si faible que, si un éléphant te voyait, il t’écraserait d’un tout petit coup de son pied, alors que moi, je le prendrais par la trompe et je le ferais voler au-dessus des arbres ! »

Il arrivait que Pernille fît une observation : « Il n’y a pas d’éléphants dans la forêt de Pied-de-Loup », mais les autres ne l’écoutaient pas souvent.

Ce jour-là, elles se disputaient comme d’habitude lorsque, tout à coup, elles virent une forme étendue contre le talus qui longeait le chemin dans la forêt.

- Hé, les gars, il y a quelqu’un ! dit Bertrude.

Je sais bien que ça paraît bizarre que Bertrude appelle ses sœurs « les gars ». Des gens penseront qu’elle aurait dû leur dire « les filles », mais c’est comme ça. Elles s’appelaient souvent « les gars », même si elles étaient bien trois filles. Moi, j’écris ce qu’elles me disent d’écrire, et la petite a toujours son fusil dans ses mains pendant que je raconte leur stupide histoire, alors je ne vais pas faire le malin.

Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte s’approcha la première de cette forme et puis elle tourna son visage vers ses sœurs et elle dit :

- C’est un homme, je crois bien.

- Oui, c’est bien ça, dit Bertrude, après qu’elle se fut approchée.

Il faut reconnaître la vérité lorsqu’elle se présente : c’était bien un homme qui se trouvait allongé contre le talus. Pernille, qui s’était approchée elle aussi, affirma :

- Il s’agit d’un courrier spécial du roi comme l’indique cette petite couronne brodée sur sa sacoche. Il vient de fort loin car il a des souliers poussiéreux et usés. Je pense qu’il a reçu un coup de poignard dans le ventre et un coup de bâton sur la tête, car vous voyez le sang qui coule de son ventre et de sa tête à la fois. À présent, nous allons voir s’il vit ou s’il est mort.

Elle s’approcha davantage de l’homme et se pencha vers sa bouche pour sentir s’il y avait de la respiration, mais c’était difficile à dire, alors Bertrude donna un coup de pied dans les fesses de l’homme et celui-ci remua faiblement la tête afin de prononcer le mot « argh ! » Et Bertrude affirma :

- Il est vivant, il a dit « argh ». Les morts ne sauraient pas dire ça.

- Je vous demande pardon, répondit Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte, parfois les morts savent parler ! Maman me l’a dit. Un jour, elle a vu le mari de la voisine qui était en train de mourir, et la voisine a dit « il est mort, c’est fini », et son mari a encore dit quelque chose comme « argh » !

- Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte a un peu raison, mais Bertrude a raison aussi, trancha Pernille qui savait tout. Il arrive qu’un mort dise quelque chose, mais c’est rare.

- Et celui-ci ?

- On va voir.

Bertrude donna un autre coup de pied un peu plus fort et l’homme répéta « argh ! », et les traits de son visage bougèrent. Donc il n’était pas mort. D’ailleurs il ouvrit faiblement les yeux et, regardant les trois visages qui étaient penchés sur le sien avec curiosité, il murmura :

- Je… vais… mourir…

- Hé oui, que voulez-vous ? dit Pernille. La mort est un phénomène habituel dans l’existence, ne croyez-vous pas ? C’est ça qui est bien, d’un autre côté : la vie réserve des surprises, mais on sait toujours comment ça se termine.

- C’est malin, aussi, ajouta Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte. Forcément, quand on se promène dans les forêts, on ne doit pas s’étonner de faire des mauvaises rencontres. C’est vrai que vous êtes facteur ?

- Je suis… estafette… murmura l’homme. Pas facteur, mais… estafette. J’y tiens !

- C’est le même ! Vous apportez des lettres, alors c’est comme un facteur !

- Estafette…

- Et vous portez des lettres à qui ? demanda Bertrude.

- Au… roi ! répondit l’estafette.

- À mon avis, c’est loupé. Si vous avez une lettre pour le roi, ce n’est pas après-demain la veille qu’il la recevra.

- Il faut que…

L’homme perdait tant de sang, devenait si faible que sa parole devenait un murmure.

- Vous pourriez parler plus fort ? demanda Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte, on n’entend rien !

- Je disais : il faut que ce courrier arrive chez le roi. C’est très très très très important !

- Ça ! Il fallait y penser avant !

- C’est vrai, facteur, il fallait y penser avant et rester sur la route au lieu d’aller dans des forêts pleines de brigands qui vous estourbissent avec des poignards et des gourdins !

- Estafette, pas facteur ! Et j’étais… obligé d’entrer dans la forêt, car le terrible bandit Brizli me poursuivait… Je devais me cacher !

- Vous n’étiez pas très bien caché, si vous voulez mon avis.

- Heureusement, il n’a pas trouvé la lettre que je devais porter au roi. Je l’avais bien dissimulée ! Et la Providence vous a conduites jusqu’à ce misérable talus contre lequel je vais rendre mon dernier souffle. Vous allez pouvoir achever la mission qui, pour moi, hélas, va se terminer ici.

- Vous voulez qu’on fasse quoi ? demanda Bertrude.

- Portez ce courrier au roi ! Portez-le ! Il le faut !

- Une petite minute ! dit Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte. Qu’est-ce qu’on va recevoir en échange, si on apporte sa lettre au roi ?

- Tout ! Tout ce que vous lui demanderez, car c’est très très très très important !

Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte mit ses deux mains sur les hanches et demanda encore :

- Oui, mais QUOI ?

- Tout ce que vous voudrez ! Le roi est très très très riche ! Il vous donnera un tas d’or ! Ou le quart de tout son royaume !

- Ça ne va pas bien ? Qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse de ça ? Trouvez autre chose !

- Je ne sais pas, moi, gémit l’estafette, car il sentait que ses dernières forces s’échappaient de son ventre. Un beau voyage aux Caraïbes ? Dix-huit robes brodées d’or et d’argent ? Quatre chevaux vigoureux ? Trente esclaves ?

Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte se frappa le front de sa main et geignit :

- Mais c’est pas possible !

- Mais alors quoi ? demanda l’estafette.

- Moi, je voudrais une jolie grenouille empaillée pour mettre sur l’armoire, dit Bertrude.

- Et moi, douze crayons de couleur, dit Pernille.

- Et moi, une glace, trois boules, melon, violette et rhubarbe, dit Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte.

- Moi aussi, une glace, en plus de la grenouille, dit Bertrude. Trois boules aussi.

- Alors moi, en plus de la glace, je veux aussi une grenouille empaillée ! dit Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte.

- Moi aussi, dit Pernille, une glace avec trois boules !

- Alors moi aussi, en plus, je veux des crayons ! ajouta Joséphine-Camille-Lotte-Charlotte !

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