Ces surdoués de la relation - Julien Perfumo - E-Book

Ces surdoués de la relation E-Book

Julien Perfumo

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Beschreibung

Des témoignages qui bousculent bon nombre d’idées préconçues et de stéréotypes sur la trisomie.

Trisomie : ce simple mot déroute, angoisse et peut faire peur. Il est associé à celui d’un handicap qui dérange visuellement, surprend et déstabilise. La trisomie 21 demeure le symbole du handicap mental, l’icône de la différence. Quel regard pose-t-on sur les personnes porteuses de trisomie ? Leur présence est souvent ressentie comme une catastrophe ; elles sont alors considérées comme des « gêneurs », des « inutiles » et des « improductifs » qui, de surcroît, coûtent cher à la société. À l’heure où le dépistage prénatal, de plus en plus facilité et perfectionné, conduit à une demande d’interruption médicale de grossesse (IMG) dans 96% des cas de trisomie diagnostiquée, cet ouvrage apporte de nombreux témoignages qui bousculent bon nombre d’idées préconçues et de stéréotypes à leur égard ; certains sont véritablement émouvants, notamment celui d’Éléonore Laloux. Au-delà d’une vie professionnelle normale et pleinement réussie, Éléonore, avec le soutien de ses parents, sillonne la France pour porter le message de non stigmatisation et de respect de la dignité des personnes atteintes, comme elle, de trisomie 21. Un périple qui l’a conduite jusqu’à l’Assemblée nationale. La réalité de ces personnes n’est peut-être pas celle que nous pressentons, imaginons ou craignons. Ne seraient-elles pas porteuses d’une réponse à un mal profond, bien installé dans notre société dite avancée : un manque de lien ? De par leur sens de la convivialité, leur chaleur et leur gentillesse exceptionnelles, Ces surdoués de la relation font expérimenter à leur entourage une joie de vivre qui fait si souvent défaut.

Découvrez un ouvrage qui invite au questionnement : les personnes trisomiques ne seraient-elles pas porteuses d’une réponse à un mal profond, bien installé dans notre société dite avancée : un manque de lien ?

EXTRAIT

« Ce dont ils ont besoin pour évoluer et espérer s’insérer professionnellement, c’est l’apprentissage de gestes professionnels. À ce stade, Carole avait besoin de suivre une formation professionnelle adaptée à ses compétences. Il a fallu inventer du sur-mesure. Malgré ses difficultés d’élocution et son non-alphabétisme, elle a pu obtenir un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’employée technique de collectivité. »
Carole est aujourd’hui employée dans une école maternelle. Elle prépare le réfectoire pour les repas du midi, dresse la table et remplit les carafes d’eau. Elle aime beaucoup les enfants ; elle les sert à table, les aide à couper la viande ; elle agit un peu comme une maman. Puis, vient l’heure de les préparer pour la sieste. Elle assure ensuite le nettoyage de la cantine, avec ses collègues de travail.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Alors il a choisi de leur donner la parole. Son livre est truffé de témoignages, de personnes trisomiques elles-mêmes, de parents, de professionnels, qui tous disent les joies et les difficultés de leur vie et de leurs engagements. A la lecture de ces histoires, on sent émerger une évidence : ces personnes trisomiques ont une puissante capacité au bonheur, et les plus grandes souffrances qu’elles rencontrent ne sont pas les conséquences de leur handicap, mais bien plus celles de la méfiance, voire du rejet qui s’exerce à leur égard. - Philippe de Lachapelle, www.och.fr

A PROPOS DE L'AUTEUR

Julien Perfumo, éducateur spécialisé, a eu pour mission durant trente ans, au sein d’institutions spécialisées, d’inclure en milieu ordinaire de travail de jeunes adultes en situation de handicap mental, dont certains atteints de trisomie 21. Un combat difficile mais passionnant, qu’il a mené tout au long de sa vie professionnelle. Aujourd’hui à la retraite, il continue ce combat, dont ce livre est une expression.

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Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères ; sinon, nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.Martin Luther King

PRÉFACE

Une grande association française de personnes handicapées mentales que j’apprécie par ailleurs propose à ses adhérents de signer une pétition pour qu’un mémorial soit érigé en souvenir des enfants, femmes et hommes, fragilisés par la maladie et le handicap qui furent exterminés par le régime nazi. Cette proposition résume à elle seule la question de la place des personnes handicapées mentales en France aujourd’hui.

Faut-il rappeler brièvement l’histoire et la nature de la politique organisée, financée et contrôlée par la puissance publique à l’égard des enfants trisomiques ?

Jusqu’en 1997, le diagnostic prénatal était défini par le Code de la Santé publique sans la mention d’une obligation systématique pour toute grossesse, ni pour la femme, ni pour le médecin.

Un arrêté du 23 janvier 1997, en élargissant la prise en charge des amniocentèses pour toutes les femmes dépistées « à risque », a créé une généralisation des tests de dépistage prénatal. Dans la pratique des médecins, une forme d’obligation s’est installée, renforcée par les jurisprudences Quarez (CE, 1997) et Perruche (C. Cass, 2000). Ainsi, la France est passée en 1997 à un dépistage prénatal généralisé de la trisomie 21.

Dès cette époque, une telle généralisation du dépistage de la trisomie 21 était déjà contraire aux critères définis par l’OMS en matière de dépistage. En effet, ceux-ci exigent notamment l’existence d’« un traitement d’efficacité démontrée » de la pathologie. Or, il n’existe pas de traitement de la trisomie 21, alors même que la généralisation du dépistage systématique de cette pathologie n’a cessé de s’accentuer.

En juin 2007, la Haute Autorité de Santé, dans un rapport au titre explicite, « Évaluation des stratégies de dépistage de la trisomie 21 », a recommandé une modification du cadre réglementaire pour autoriser un dépistage plus précoce et efficace. Il s’appuie notamment sur un argumentaire économique (les trisomiques coûtent cher) pour justifier la généralisation du dépistage de la trisomie 21.

Sur cette base, un arrêté du ministre de la santé de 2009 prescrit que « toute femme enceinte, quel que soit son âge, est informée de la possibilité de recourir à un dépistage […] permettant d’évaluer le risque de trisomie 21 pour l’enfant à naître ». La formulation est impérative et la proposition de dépistage devient une obligation pour le médecin. Cette disposition a systématisé le diagnostic prénatal de la trisomie 21 et produit un effet incitatif pour toutes les femmes enceintes de recourir au dépistage de la trisomie 21. Ce qui était une pratique généralisée des médecins est ainsi devenu une obligation prescrite par un texte réglementaire.

En 2011, cette obligation d’information passe au niveau de la loi en ces termes : « Toute femme enceinte reçoit, lors d’une consultation médicale, une information loyale, claire et adaptée à sa situation sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse. »

Le système français du dépistage prénatal de la trisomie 21 (plus de 80 % des femmes enceintes dont les trois quarts ne savent pas à quoi il correspond) a conduit en quelques années à l’élimination de 96 % des enfants détectés trisomiques pendant la grossesse, soit la quasi-totalité d’une population discriminée sur le fondement arbitraire d’un critère, celui d’un génome jugé imparfait.

D’un eugénisme de fait, on est passé à un eugénisme de droit.

Cette réalité de l’eugénisme avait été décrite sans ambiguïté par l’un de ses instigateurs, le Professeur Jacques Millez, il y a plus de dix ans : « Il est généralement admis, par exemple, qu’[…]un fœtus atteint de trisomie 21 peut, légitimement au sens de l’éthique collective et individuelle, bénéficier d’une interruption médicale de grossesse. Il existe une sorte de consensus général, une approbation collective […], un consensus d’opinion, un ordre établi en faveur de cette décision, au point que les couples qui devront subir une interruption de grossesse pour une trisomie 21 ne se poseront guère la difficile question de la pertinence de leur choix individuel1. »

La mise en place du dépistage systématique et généralisé de la trisomie 21 renvoie à la perspective de l’éradication non pas d’une maladie, mais d’une catégorie de personnes malades, sous pavillon de complaisance de la médecine, ce qui est inédit dans les annales.

Face à ce constat, quelques voix autorisées alertent depuis des années.

Dès 1999, Jean-Yves Nau, journaliste et médecin, publiait dans Le Monde un article mettant en garde contre « l’éradication programmée du mongolisme ».

En 2007, le Professeur Didier Sicard, alors président du Comité consultatif national d’éthique, a tiré la sonnette d’alarme dans Le Monde :

« Osons le dire : la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l’eugénisme […]. La vérité centrale est que l’essentiel de l’activité de dépistage prénatal vise à la suppression et non pas au traitement : ainsi ce dépistage renvoie à une perspective terrifiante : celle de l’éradication2. »

Quatre ans plus tard, il insistait à nouveau sur l’urgence de « réintroduire du discernement, de la pensée, dans un processus trop souvent vécu comme un automatisme3 ».

En 2009, dans le cadre des travaux préparatoires à une révision de la loi de bioéthique, le Conseil d’État a rappelé que l’eugénisme pouvait être « le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les parents ». Or, la suppression de 96 % des enfants atteints de trisomie 21 rend compte de l’existence d’« une pratique individuelle d’élimination presque systématique4 », a relevé le Conseil d’État sans en tirer d’autres conséquences.

Le Professeur Jean-François Mattéi, ancien ministre de la santé, s’est également exprimé clairement en ce sens : « Quand 99 % des couples font le choix de l’IMG, l’addition des volontés individuelles dessine l’orientation d’une société tout entière sans que chacun en ait conscience : un certain eugénisme de masse prétendument au nom de l’humanisme5. »

Même le Professeur Israël Nisand, gynécologue favorable au dépistage, a déclaré lors d’une intervention devant des médecins en formation : « Le dépistage de la trisomie 21 est sûrement le moins légitime et le plus discutable de ce qu’on fait en médecine fœtale. Comment faut-il que les médecins que nous sommes […] réagissent par rapport à ce que l’on est obligé d’appeler un projet eugénique, c’est-à-dire un projet de tri des enfants à naître dans notre pays ? C’est tellement entré dans les mœurs, c’est tellement normal qu’on fasse la chasse au handicap et aux handicapés qu’il n’y a plus personne qui se pose la question là-dessus6. »

Malgré ces alertes et mises en garde, le dépistage suivi de l’éradication des personnes malades s’accentue en France. L’arrêté du 27 mai 2013 impose désormais aux praticiens de transmettre un certain nombre de données, sur la mère et le fœtus, à ceux qui vont mesurer l’efficience du diagnostic de la trisomie 21, au moment même où arrive des États-Unis un nouveau test de la trisomie 21 encore plus performant, qu’il faudra nécessairement faire financer par l’assurance-maladie. Or, son coût, selon le Comité d’éthique qui n’y trouve rien à redire, s’élèverait à un milliard d’euros pour la France.

Ces quelques lignes n’ont apparemment que peu de rapport avec le titre magnifique de ce livre Ces surdoués de la relation. Disons plutôt que mon texte est à celui de Julien Perfumo ce que la guerre est à la paix. Cette préface est un faire-valoir. L’important n’est pas ce que vous venez de lire, c’est ce que vous allez lire sous la plume de Julien Perfumo. Mais pourra-t-il encore l’écrire demain s’il n’y a plus de naissances d’enfants trisomiques ?

Pour que ce livre ne soit pas un mémorial mais plutôt un projet, je ne pouvais pas ne pas écrire cette préface. Elle décrit l’enfer que nous devons éviter à « ces surdoués de la relation ». Elle laisse à Julien Perfumo le soin de dépeindre, sinon le Paradis, du moins la société civilisée qui devrait les accueillir, étant entendu que la qualité d’une civilisation se mesure au respect qu’elle porte aux plus faibles de ses membres. Il n’y a pas d’autre critère de jugement.

Jean-Marie LE MÉNÉprésident de la Fondation Jérôme Lejeune

(1) L’Euthanasie du fœtus, éditions Odile Jacob 1999.

(2) 4 février 2007.

(3) La Vie, mars-avril 2011.

(4) Conseil d’État, La Révision des lois de bioéthique, 2009, p. 30.

(5) Famille chrétienne, 30 mai 2009.

(6) Intervention au centre médico-chirurgical obstétrique de Strasbourg. Documentaire Naître ou ne pas naître d’Éric Lemasson, France 5, 23 mars 2010.

JE DÉDIE CE LIVRE À FRANÇOIS BATTISTELLI ET À CHRISTIAN HERNANDEZ

Je suis profondément reconnaissant envers mon ami François Battistelli, médecin pédiatre, avec qui j’ai eu le bonheur de travailler, de 1969 à 1976, et de qui j’ai beaucoup appris. Nous faisions alors partie de l’équipe pluridisciplinaire de l’externat médico-professionnel de Suresnes (92), accueillant des jeunes en situation de handicap mental et dirigé à sa création par Jack Germonneau, une personne très estimée de tous, d’une rare qualité et dotée de talents multiples et exceptionnels. Dans cette même ville, François Battistelli assurait également une vacation à l’externat médico-éducatif auprès d’enfants porteurs du même type de handicap.

Outre ces activités, il a exercé des fonctions diverses en milieu hospitalier et associatif, auprès de nourrissons et d’enfants touchés par le handicap et tout particulièrement la trisomie 21, et auprès de leurs parents, qui avaient grand besoin d’être écoutés, compris et accompagnés. Il a travaillé dans le service du professeur Lestradet, à l’hôpital Hérold de Paris, et a été membre de l’équipe de consultation du CESAP7 de cet hôpital. Il lui fut proposé également par la directrice médicale de cette association de faire partie de l’équipe de consultation d’une pouponnière à Montrouge (92) et de prendre en charge les nourrissons porteurs de handicap. Toujours dans le cadre du CESAP, François Battistelli fut ensuite nommé médecin responsable d’un nouvel établissement situé à Thiais (94), accueillant une centaine d’enfants polyhandicapés de 2 à 12 ans. Parmi eux, certains étaient porteurs de trisomie 21 avec malformations associées. Au sein de cette structure, une palette d’offres était proposée aux parents – une première en région parisienne.

Pendant quatre ans, il a également assuré la fonction de secrétaire général d’une association de parents d’enfants avec handicap, située dans l’Eure. J’ajoute qu’il a été aussi coauteur d’un livre intitulé L’Enfant déficient mental polyhandicapé : quelle réalité ? quels projets ?8

Une grande partie de la vie professionnelle de François Battistelli a donc été essentiellement tournée vers les plus démunis des enfants.

J’ai pu apprécier au fil des années la manière dont il s’acquittait de ses différentes missions, marquées par ses larges compétences, sa grande conscience professionnelle et un sens très aiguisé de l’écoute : « savoir écouter », précisait-il, « ne pas intervenir avec suffisance… Même si la situation paraît absurde, savoir comprendre », « être disponible ». Il s’est toujours considéré non pas seulement comme un « technicien de santé », mais comme un médecin dont la mission était de « soigner, sauver, défendre la vie, accompagner, et parfois guérir ».

C’est en 1982, dans le cadre de mes activités professionnelles, que je rencontrai Christian Hernandez, alors chargé de mission pour les personnes handicapées sous le gouvernement Mauroy et dont l’un des deux fils, Yves, était porteur de trisomie 21. Ce fut le début d’une longue et profonde amitié qui nous a liés pendant près de trente ans. Une amitié faite de sentiments partagés et d’une complicité dans le combat pour une véritable inclusion sociale et professionnelle des personnes atteintes de cette forme de handicap.

J’ai eu la joie de connaître également son épouse ; tous deux, avec ardeur et courage, ont consacré leur vie à cette cause et, plus largement, à celle des plus démunis.

Le professeur Claude Hamonet, médecin spécialiste de médecine physique et de réadaptation à l’Hôtel-Dieu de Paris, a travaillé avec Christian Hernandez, dans le cadre de l’inclusion de personnes en situation de handicap dans le Val-de-Marne (94). Il le cite comme « un acteur efficace et enthousiaste de la réadaptation et de l’inclusion sociale […] » Il fait état également d’une communication faite par Christian Hernandez à l’occasion d’un colloque, tenu en 2005, et qui apparaît comme un message qu’il nous laisse : « Plus que jamais le handicap est une question de société. Il est temps de faire prendre en compte que, dans la société moderne, la ségrégation est devenue insupportable. »

(7) Comité d’Études, d’Éducation et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapées.

(8) L’Enfant déficient mental polyhandicapé : quelle réalité ? : quels projets ?, Chantal BARAT, Monique BARTSCHI, François BATTISTELLI, Christiane BAUDRY, édité par le CFRPE (Centre régional de formation des professionnels de l’enfance – Lille).

- 1 -CRI DU CŒUR

Les handicapés

Avec mon handicap

Je me suis battue

Et défendue.

Souvent la déprime

M’a prise au dépourvu.

Avec mon handicap

J’ai franchi des étapes

Faciles et difficiles.

Jamais mon cœur

N’a gardé le silence.

Avec mon handicap

J’ai construit une maison,

J’ai allumé un feu.

Personne ne pouvait venir

Se réchauffer un instant,

Tellement était grande ma révolte.

Qu’est-ce que tu ferais, toi,

Si tu étais handicapé ?

Peut-être une chanson,

Quelque chose d’autre.

Qu’est-ce que tu inventerais, toi,

Si tu étais handicapé ?

N’importe quoi,

Ou la même chose que moi.

Qu’est-ce que tu dirais, toi,

Si tu étais handicapé ?

Des autres,

De toi-même.

Nous sommes tous les deux des handicapés,

Donnons-nous la main.

Nous avons besoin de nous connaître,

De bâtir des liens d’amour,

Et peut-être aux ailes de demain,

La vie changera !

Avec son talent poétique, Nathalie Nechtschein, une Grenobloise de 48 ans porteuse de trisomie 21, nous lance, à travers ce cri douloureux, son désir de vivre et d’être reconnue comme une personne à part entière. Nous la retrouverons plus loin.

Les témoignages tiendront une place prépondérante tout au long de la lecture de ce livre. Quoi de mieux, en effet, que des témoignages pour donner authenticité et réalité aux idées exprimées ?

Les deux premiers qui vont suivre nous invitent à aller aux sources de la problématique de l’accueil de l’enfant porteur de trisomie, et à ne pas nous laisser abuser, tromper ou impressionner par des on-dit ou des propos erronés et tendancieux, si souvent exprimés à son égard, fût-ce par des spécialistes. François Battistelli nous dévoilera comment l’amour d’une mère l’emporte, dans une situation dramatique et apparemment irréversible, et nous suivrons avec émotion et admiration le combat mené par Christian Hernandez et son épouse, une fois passé le choc de l’annonce du handicap de leur fils Yves.

- 2 -QUAND L’AMOUR D’UNE MÈRE L’EMPORTE

Il y a des choses qu’on ne voit bienqu’avec des yeux qui ont pleuré.Lacordaire

Nous l’avons déjà précisé dans la dédicace, François Battistelli a travaillé dans une pouponnière à Montrouge, en région parisienne. Celle-ci accueillait des enfants de 0 à 3 ans. C’est là, dit-il, qu’il a appris, grâce à la directrice infirmière de cette structure, « ce long travail de “raccommodage” et de réconciliation avec des parents qui avaient abandonné leur bébé atteint de trisomie ». Il ajoute : « C’est là que je compris aussi le regard ambivalent des parents qui voulaient tout et le contraire : leur vie et leur mort à la fois. »

Il nous livre ici ses réflexions et une étonnante et émouvante expérience dont il a été le témoin :

« Annoncer le diagnostic de trisomie 21 n’est pas facile, et les décisions qui vont en découler ne sont pas évidentes pour les parents qui se trouvent face à cette grande épreuve. Les progrès de la science sont si considérables qu’ils ont beaucoup modifié le comportement des parents, des médecins, des soignants, depuis ces cinquante dernières années.

« En effet, autrefois, l’arrivée dans notre monde d’un enfant atteint de trisomie 21 était une “surprise”, et parfois, même, le diagnostic n’était certain qu’au bout de quelques mois seulement. Le grand journaliste, Georges Hourdin, en a fait l’expérience, qu’il a bien racontée dans le beau livre On n’a plus besoin de toi9. Ces délais de plusieurs mois permettaient d’établir avec le bébé des liens affectifs durables, voire irréversibles.

« Mais, depuis, ces progrès rapides ont permis d’abord, grâce au caryotype10, d’établir un diagnostic sûr avant la sortie de la maternité (8e jour) et même, aujourd’hui, d’affirmer la présence de trisomie 21 au troisième mois de la grossesse, par amniocentèse. Enfin, dans certains pays, une prise de sang permet désormais d’établir sans risque la fiabilité du diagnostic (risque de 1 % d’avortement, lié à l’amniocentèse). Cette pratique ouvre la voie au dépistage général des anomalies et le droit de sélectionner, brandi au nom de la liberté (eugénisme).

« Je voudrais ici relater la façon courageuse dont certains parents ont su assumer cette grande épreuve. La question posée est donc, aujourd’hui encore : Faut-il assumer ? Comment assumer ?

« Les faits remontent à la fin des années 1970. La pouponnière accueillait à ce moment des enfants handicapés de 0 à 3 ans. Mme M. dirigeait cet établissement à effectifs réduits, de 25 enfants, ce qui permettait une qualité rare de relation avec les parents et aussi interpersonnelle.

« Mme M. reçoit une demande d’admission d’un bébé atteint de trisomie 21, âgé de huit jours. Accompagnée de l’assistante sociale, elle se rend à la maternité où était né l’enfant. En pareil cas, le diagnostic tombait comme un couperet dur et froid qui mettait les jeunes parents en état de crise. Et voici ce qui avait été dit à l’infortunée maman : “Cet enfant sera idiot… Si vous gardez cet enfant, vous n’aurez pas ‘un’ handicapé, mais ‘trois’ (l’enfant et les parents). Ne vous attachez pas à lui… Si vous vous attachez à lui, il vous aimera. Vous ne pourrez plus vous en séparer. Votre vie sera un calvaire.”

« Dès lors, la projection dans l’avenir est trop crue, trop insupportable, et les parents, ne s’étant jamais préoccupés de ce problème, ne pouvaient manifestement pas faire face à un pareil dilemme. Ainsi, ils perçoivent une immense solitude, prennent donc des décisions radicales, à savoir : abandon légal, prise en charge par la DDASS11 de la responsabilité juridique du bébé, et placement en pouponnière.

« Cet enfant est donc admis dans notre établissement. Il semble se développer facilement, a une croissance correspondant à son état et ne présente aucune malformation associée, notamment cardiaque.

« Or, un beau jour (l’enfant avait environ six mois), la maman se rend à notre pouponnière pour “voir” son enfant. Théoriquement, elle n’avait pas le droit de faire cette démarche, puisqu’elle l’avait légalement l’abandonné. Cependant, elle brave cette interdiction et, nous dit-elle, “n’en pouvant plus”, elle raconte son désespoir et sa situation psychologique de grande culpabilité qui lui rend la vie intolérable. Cela devenait une grande obsession… Toute la journée, elle se demandait si son enfant allait bien, était heureux, en un mot, s’il recevait toute la chaleur affective qu’elle aurait pu lui donner, elle, sa maman. Devant le désarroi de cette mère éplorée, Mme M. décide de lui montrer son enfant.

« La maman regarde longuement son enfant. Il n’a pas l’air d’un monstre, et même il sourit, la regarde, bouge, tend sa main. Mme M. le donne à sa mère qui le prend dans ses bras en le berçant. En insistant un peu, Mme M. lui demande si elle veut lui donner son biberon. Elle hésite quelques instants puis accepte et, pour la première fois, elle peut enfin effectuer un geste de vraie mère.

« Elle reviendra toutes les semaines pour lui donner son repas, le laver même, et le changer, et s’habituer tout doucement aux gestes naturels de contacts physiques, affectifs et psychologiques. L’instinct maternel n’est pas inné, et il faut beaucoup de patience pour reprendre le contact et les liens naturels normaux.

« Devant la persistance et l’insistance de ce comportement, Mme M. lui offre la possibilité de reprendre le bébé chez elle, durant les week-ends.

« En fin de compte, les parents vont réintroduire une procédure légale, et reconnaîtront leur enfant une deuxième fois. L’enfant sera repris définitivement au foyer parental.

« Je dois ajouter qu’aucune pression n’a été effectuée sur ces parents.

« Assumer totalement cette épreuve semble avoir été une solution libératrice ; on a abouti à une véritable renaissance. Nier un événement de cette sorte conduit à un inconfort psychologique durable.

« Mais, bien sûr, ces parents courageux ne doivent pas être laissés seuls, et toute la réussite de ce qui va se passer ensuite sera liée à la manière d’accompagner, de suivre, d’aider cette famille.

« Nous pouvons augurer que toute cette histoire se poursuive favorablement, puisque, à quelques années de là, les parents sont venus nous présenter solennellement leur deuxième enfant qui était le plus normal possible. »

(9) Georges HOURDIN, journaliste (1899-1999), a fait paraître ce livre en 1991, aux éditions Desclée De Brouwer.

(10) Étude des chromosomes humains.

(11) Direction départementale des affaires sanitaires et sociales.

- 3 -LE COMBAT D’UNE VIE

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent.Victor Hugo

Je suis plein d’admiration pour le courage dont Christian Hernandez et son épouse ont fait preuve, depuis le jour où ils ont découvert, désemparés, que leur fils Yves était porteur de trisomie 21. Ils ont été contraints à faire face à de grandes difficultés, qui auraient dû leur être largement épargnées si le climat social avait été autre. Nous reviendrons sur cette question essentielle du « climat social », qui se révèle être l’une des conditions déterminantes de la qualité de vie de toute personne en situation de faiblesse.

Christian Hernandez et son épouse ont trouvé la force de surmonter cette épreuve de façon exemplaire, et se sont appliqués à éduquer Yves de manière structurante et épanouissante. Le combat qu’ils ont mené tout au long de leur vie, au bénéfice des plus faibles et des plus démunis, n’est pas moins admirable. Ce témoignage de Christian Hernandez le démontre :

« Je suis né d’une famille française d’Algérie. Je me suis longtemps investi dans la défense des personnes handicapées, à la fois par la force des choses et grâce aux circonstances. Sur le plan éthique, je dois dire que mon épouse et moi-même, en tant que jeunes catholiques, étions disciples de François d’Assise, ce qui explique notre longue route auprès des plus pauvres, des plus exclus. Ma femme a passé ses dernières années comme bénévole des Restos du Cœur.

« Nous avons eu deux enfants. L’aîné est manager d’un organisme d’étude du logement social, avec la France pour champ d’action. Le second, Yves, est trisomique. Il a cinquante-trois ans.

« Quand Yves est né, mon épouse avait vingt-sept ans ; moi, trente. Nous ignorions complètement les questions liées au handicap. C’est dire notre immense désarroi, à sa naissance. Le patron du journal où je travaillais nous envoya consulter un de ses amis, grand médecin. Celui-ci nous indiqua que l’on pouvait comparer notre enfant à une bûche, et si nous le mettions dans un placard nous constaterions qu’il serait toujours une bûche. Donc, il n’y avait rien à faire. Ce fut un vrai drame. Mon épouse en conçut une extraordinaire culpabilité, au point de penser au suicide, sentiment qu’elle finit par surmonter grâce à son courage exceptionnel et à son sens du devoir de mère. Je fus moi aussi assommé, mais finis par réagir face à ce coup du sort. Faire face et tenter de survivre, c’était la seule chose à faire, en essayant d’épargner à notre fils aîné les douleurs inhérentes à la situation.

« À partir de ce moment, nous nous embarquâmes pour une très longue traversée qui dure jusqu’à aujourd’hui, et qu’il s’agissait de réussir de notre mieux, en gérant toutes les contradictions issues de la situation et en essayant d’être des parents dignes et responsables et, surtout, en nous appuyant l’un sur l’autre, nous aidant l’un l’autre, en vivant d’un amour indéfectible, jusqu’à ce que la mort nous sépare.

« Ce que nous avons eu à vivre supposa beaucoup d’efforts, de sacrifices, de don de soi, dans une société qui, au mieux à l’égard des parents, est compatissante et nous plaint, mais nous laisse encore à l’écart. Personne n’était capable de nous informer ou de nous donner des conseils.

« Mon épouse et moi avons été animés d’une rage de faire le maximum pour obtenir pour nos enfants le meilleur avenir possible. Des spécialistes nous confirmèrent ce que je pensais, à savoir que mon épouse, contrairement à son obsession, n’avait aucune responsabilité dans l’état d’Yves, d’autant qu’il n’y avait, ni de son côté ni du mien, d’antécédent héréditaire.

« Nous sommes donc devenus, bien malgré nous, des spécialistes du handicap. Mon épouse, malgré sa santé précaire et une vie professionnelle bien remplie, réussit à faire l’éducation d’Yves d’une façon admirable. Pour ma part, je m’étais très fortement impliqué dans la création d’institutions.

« Alors que la loi obligeait les parents à envoyer leurs enfants à l’école, nous autres, parents d’enfants handicapés, handicapés nous-mêmes, avons vu nos enfants rejetés de l’école et avons été contraints de “bricoler” quelque chose leur convenant plus ou moins. Je signale, à ce propos, que mon fils Yves a été par deux fois expulsé de l’école maternelle par deux inspecteurs d’Académie : à Marseille tout d’abord, puis en région parisienne. Je note au passage l’errance sémantique qui montre l’embarras de la société devant cette catégorie de personnes : Yves fut successivement considéré comme inadapté (remarquez que c’est lui l’inadapté, et non la société qui ne fait pas face à ses obligations), puis affublé de l’adjectif “mongolien” qui vient du mongol, et donc un barbare. Encore faut-il noter les appellations antérieures, du genre “idiot du village” ou, pire, le pseudo-scientifique “crétin”, remplacé par “débile léger” ou “profond”, pour en arriver au terme de “trisomique”.

« Face aux carences de l’État qui était aux abonnés absents, et donc par nécessité, je me lançai dans la création d’institutions. Ma profession et mes relations m’y ont aidé. Je créai donc une association locale, autour de trente familles, et ensemble nous ouvrions un IMP (Institut médico-pédagogique).

« Après l’IMP que je gérais complètement en tant que parent, président de l’association et conseiller municipal délégué, il fallut prévoir la suite, c’est-à-dire l’ouverture d’un IMPro (Institut médico-professionnel)12, sorte de centre d’apprentissage. Mais il fallait encore voir plus loin, et prévoir l’âge adulte qui arrivait pour certains jeunes. Je trouvai un lieu pour créer un CAT (Centre d’aide par le travail)13. Après ces “exploits”, je passai la main à ma vice-présidente.

« Pour moi le moment était venu de diriger l’hebdomadaire départemental dont j’étais le rédacteur en chef. De fil en aiguille, je créai encore un CAT, flanqué d’un foyer de vie, dont je passai la direction effective à une autre association, l’APAJH14. J’encourageai encore la création de plusieurs autres établissements. Tout ceci avait attiré l’attention sur moi, et un dirigeant du PCF15 me demanda de prendre des responsabilités au plan national. Je fus “bombardé” responsable de la politique du handicap qui, alors, n’existait pas, puis coordinateur d’un secteur de travail intitulé “Santé – cadre de vie”. Au PCF j’étais une sorte d’ovni rebelle à la discipline, sans ambition de carrière, préoccupé seulement du bonheur des petites gens.

« J’ai été amené à faire des études supérieures in vivo, et j’ai grandi intellectuellement au contact de nombreux spécialistes de très haut niveau, occupant diverses fonctions, au plan national ou européen. En 1981, à la demande du ministre de la Fonction publique, je devins chargé de mission interministérielle pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, jusqu’en 1984. J’ai pu faire entrer de nombreux jeunes ayant un handicap dans la fonction publique, avec le soutien d’associations de parents. Mission extraordinaire pour l’ancien apprenti métallo SNCF que j’étais au tout début de ma carrière.

« De 1984 à 1987, je fus directeur de cabinet pour l’action sociale, au Conseil général du Val-de-Marne. Puis, au moment de ma retraite, je créai une entreprise commerciale d’étude politique et sociale. Sur le plan professionnel mon épouse occupa divers postes, jusqu’à assurer des responsabilités de cadre. Tout au long de sa carrière, elle a été constamment guidée par le souci de venir en aide, le mieux possible, aux plus pauvres et aux plus démunis.

« Après avoir convaincu mon épouse que nous avions assez travaillé et beaucoup donné, nous devînmes des retraités paisibles mais occupés, elle par les Restos du Cœur et moi par une association d’aide aux jeunes drogués. »

(12) Pour les IMP et les IMPro, voir précisions au chapitre « L’école, portes ouvertes ? », note 32 p. 61.

(13) Établissements accueillant des travailleurs en situation de handicap. Voir précisions au chapitre « Travailler : Où ? Comment ? », note 46 p. 85.

(14) Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés.

(15) Parti communiste français.

- 4 -PLUS SEMBLABLES QUE DIFFÉRENTS

Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis.Antoine de Saint-Exupéry

Trisomie : ce simple mot déstabilise, angoisse et peut faire peur. Il est en effet directement associé à celui d’un handicap mental qui, de surcroît, dérange visuellement, attire et polarise les regards. La trisomie 21 demeure le symbole du handicap mental, l’icône de la différence.