Citoyens Animaux Phénomènes - Tristan Bernard) - E-Book

Citoyens Animaux Phénomènes E-Book

Tristan Bernard

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Beschreibung

Citoyens Animaux Phénomènes, est un recueil de nouvelles de Tristan Bernard publié en 1905.
Extrait
| HISTOIRE DE DEUX FRÈRES SIAMOIS
Vous avez tous appris par cœur cette fable de La Fontaine, où un vieillard, à son lit de mort, conseille à ses enfants de rester unis, s’ils tiennent à prospérer dans la vie.
A qui cette recommandation peut-elle mieux s’adresser qu’à deux frères siamois, qui, tant qu’ils sont unis, peuvent se faire jusqu’à cent cinquante francs par jour dans un cirque, alors que, s’ils s’avisaient de se séparer, ils gagneraient péniblement chacun trente sous par jour, à écrire des adresses de prospectus??
J’ai connu, à Londres, deux de ces jumeaux unis, appelés communément frères siamois et dénommés scientifiquement xiphopages. Edward-Edmund avaient une fortune assez considérable, qui les dispensait de s’exhiber comme phénomènes.
Edward était né à Manchester, il y a vingt-cinq ans.
Edmund était né également à Manchester, vers la même époque.
Ils se ressemblaient dans leur adolescence d’une façon extraordinaire. A tel point que les personnes qui ne connaissaient pas leur droite de leur gauche n’arrivaient pas à les distinguer...|

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SOMMMAIRE

HISTOIRE DE DEUX FRÈRES SIAMOIS

LE TUYAU

VISITES ACADÉMIQUES

UN PIGEON VOYAGEUR

LA VRAIE NOBLESSE

LA VENGEANCE DE GALUCHE

FUREUR TRAGIQUE

UN JEU NOUVEAU

RÉVÉLATIONS

L’HEUREUX CHASSEUR

MISE AU POINT

BOUTEILLES A LA MER

DÉCONFITURE DE M. LEIVÉLÉ-PFACHT

CHRONIQUE DES SCIENCES, DES ARTS ET DE LA VIE PRATIQUE

LE TALISMAN

DÉGOUTÉ DE L’ORTHOGRAPHE

REVUE DE L’ARMÉE MONÉGASQUE

DERNIÈRES VOLONTÉS DE WALTER CALF

L’HABITUÉ DU CAFÉ DU THÉÂTRE

FEU BILLARD

DEUX MESSIEURS SPIRITES

L’HOMME A LA MOUSTACHE VERTE

VA VOIR DANS LA RUE SI J’Y SUIS

LA TOUR DE BABEL

L’AFFAIRE DU VAL D’ACRAN

VOYAGEUR MODÈLE

LE PRESTIGE

SPORT TRADITIONNEL

LE TUEUR DE VIPÈRES

L’AUTOMOBILE A BRAS

MAMAN, LES P’TITS BATEAUX

SOUVENIR DE L’EXPOSITION

ROMÉO

NOUVEAUX FAITS D’ARMES MARITIMES

L’ENLÈVEMENT D’AGATHE

LES DEUX PLUS HEUREUX DES TROIS

TRISTAN BERNARD

CITOYENS

ANIMAUX

PHÉNOMÈNES

RECUEIL DE NOUVELLES

Ernest Flammarion, Paris 1905

Raanan Editeur

Livre 749| édition 1

HISTOIRE DE DEUX FRÈRES SIAMOIS

Vous avez tous appris par cœur cette fable de La Fontaine, où un vieillard, à son lit de mort, conseille à ses enfants de rester unis, s’ils tiennent à prospérer dans la vie.

A qui cette recommandation peut-elle mieux s’adresser qu’à deux frères siamois, qui, tant qu’ils sont unis, peuvent se faire jusqu’à cent cinquante francs par jour dans un cirque, alors que, s’ils s’avisaient de se séparer, ils gagneraient péniblement chacun trente sous par jour, à écrire des adresses de prospectus ?

J’ai connu, à Londres, deux de ces jumeaux unis, appelés communément frères siamois et dénommés scientifiquement xiphopages. Edward-Edmund avaient une fortune assez considérable, qui les dispensait de s’exhiber comme phénomènes.

Edward était né à Manchester, il y a vingt-cinq ans.

Edmund était né également à Manchester, vers la même époque.

Ils se ressemblaient dans leur adolescence d’une façon extraordinaire. A tel point que les personnes qui ne connaissaient pas leur droite de leur gauche n’arrivaient pas à les distinguer.

Pourtant, avec l’âge, des différences morales assez profondes s’accusèrent entre eux. Edward avait des goûts sévères et studieux, Edmund des instincts populaciers. Ce dernier ne se plaisait que dans la société des voyous et des buveurs. Le malheureux Edward, son livre d’étude à la main, était obligé de suivre Edmund dans les tavernes et dans les bouges. Et quand Edmund rentrait saoul au logis, Edward, le rouge au front, était obligé de zigzaguer avec lui, pour ne pas se faire de mal à leur membrane.

Edward devint un érudit distingué. Mais on ne put l’inviter longtemps aux banquets des Sociétés savantes, où le crapuleux Edmund, dès le potage, commençait tout de suite à raconter de ces histoires obscènes que les gens convenables réservent d’ordinaire pour la fin du repas.

L’année dernière, Edward demanda la main d’une belle et riche jeune fille. Le mariage eut lieu en grande pompe. On fut bien forcé d’inviter Edmund, qui se tint d’ailleurs assez bien pendant la cérémonie. Il semblait que sa belle-sœur lui en imposât un peu. Dans le cortège nuptial, la femme d’Edward, Edward lui-même, Edmund et sa demoiselle d’honneur s’avancèrent, tous quatre sur un rang, au milieu de l’admiration générale.

Edmund, le soir du mariage, fut très convenable et très discret. Il s’endormit le premier, et fit semblant, le lendemain matin, de se réveiller très tard. Pendant la lune de miel de son frère, il s’adonna moins à la boisson, surveilla ses paroles et s’habilla proprement, puisqu’il sortait avec une dame.

La jeune femme — ai-je dit qu’elle s’appelait Cecily ? — exerçait sur Edmund une grande influence... Au bout de quelque temps, il advint ce qui arrive bien souvent quand on introduit un célibataire dans un ménage. Des relations coupables s’établirent entre Cecily et le perfide Edmund.

Pendant six mois, Edward ne s’aperçut de rien.

Mais tout finit par se savoir.

Edward trouva des lettres dans un tiroir mal fermé, et apprit d’une façon irrécusable que sa femme et son frère le trahissaient tous les jours.

Quel parti lui restait-il à prendre ?

Se battre en duel avec Edmund, ce n’était guère conforme aux usages anglais. Il craignit aussi les discussions chinoises des témoins. Le duel au pistolet, à vingt-cinq pas, n’était guère possible, non plus que le duel à l’épée, avec l’interdiction habituelle des corps-à-corps.

D’ailleurs, qu’arriverait-il s’il tuait son frère ? Pourrait-il continuer l’existence commune avec sa femme ? Toujours ce cadavre entre eux deux !

Il fit venir Cecily :

— A partir de ce jour, lui dit-il, vous ne profanerez plus le domicile conjugal. Partez.

— Bien, dit-elle.

— Bien, dit Edmund. Je l’accompagne.

Le mari fut obligé de les suivre.

Edmund installa Cecily dans un appartement confortable. Et, comme tout finit par s’arranger chez les xiphopages, ils vécurent tous trois très heureux.

LE TUYAU

Tire-tes-Pieds n’avait pas mangé depuis trente-six heures, quand il fit près du pont de Chatou la rencontre d’un jeune homme sans domicile, qu’on appelait communément le Petit Baron, probablement à cause d’un court paletot beige qu’il portait depuis huit ans.

Ce paletot conservait encore beaucoup d’élégance, malgré certaines coutures supplémentaires qui n’étaient sans doute pas dues à l’aiguille du tailleur originel.

Le Petit Baron n’avait pas trouvé de chaussure assez fashionable pour aller avec son pardessus et avec son pantalon d’artilleur. Aussi marchait-il presque toujours nu-pieds.

Il portait sa nourriture dans un sac de toile. Il se nourrissait des mêmes plats que les habitants des plus riches villas ; il les mangeait simplement deux ou trois jours après eux.

Il offrit à Tire-tes-Pieds un pilon de faisan un peu dégarni, un gruyère et du pain.

Puis il lui confia que les habitants de la villa des Azalées étaient partis le matin même aux bains de mer.

Tire-tes-Pieds s’intéressait beaucoup aux « déplacements et villégiatures ». Le Petit Baron était mieux renseigné que n’importe quel informateur mondain, du moins en ce qui concernait la banlieue Ouest.

Tire-tes-Pieds résolut de visiter la villa des Azalées, puisque l’occasion lui permettait de s’y présenter sans déranger personne. Il ne fallait compter que pour mémoire un vénérable serviteur qui couchait au rez-de-chaussée. « C’est rare, dit Tire-tes-Pieds en montrant son couteau à virole, si ce vieux aura le cou plus dur que ce bougre de morceau de pain. »

Tire-tes-Pieds promit au Petit Baron de lui rapporter quelque souvenir, une timbale d’argent ou une douzaine de petites cuillers.

Vers une heure du matin, il arriva devant la grille. Il grimpa après les barreaux en se servant de ces volutes de fer que les architectes ménagent pour les pieds et les mains des malfaiteurs. Il traversa le jardin, en évitant modestement, bien qu’il fût le personnage principal de ce drame, de se placer sous la projection électrique de la lune.

La porte d’entrée était ouverte : ce qui l’étonna un peu. La porte de la chambre où couchait le vieux serviteur était ouverte aussi.

Tire-tes-Pieds entra dans cette chambre avec précaution, après avoir retiré ses souliers. Il eut d’abord l’impression désagréable de se mouiller les pieds dans un liquide tiède, attrapa le fer d’un lit, tâta un corps étendu, qu’il cribla de coups de couteau rapides. Puis, comme rien ne remuait, il frotta une allumette, alluma une bougie, et vit qu’il avait poignardé un corps sans tête.

Tire-tes-Pieds pensa alors que ce corps sans tête n’était ans doute pas loin d’une tête sans corps. Il aperçut en effet une tête brouillée de sang et de poils gris, près de la cheminée.

— Tiens, se dit Tire-tes-Pieds, il est déjà venu du monde...

Puis il fit une petite tournée dans les tiroirs, qui ne laissa pas d’être fructueuse (car l’autre, comme toujours, en avait beaucoup laissé).

Il rejoignit le Petit Baron près du pont :

« Sacré farceur, lui dit-il, t’avais donné le tuyau à un autre. » Il lui remit tout de même six petites cuillers en vermeil. Le métier est assez dur sans qu’on aille encore se mettre mal avec les gens.

VISITES ACADÉMIQUES

Quand on a publié la liste des candidatures au dernier fauteuil vacant, j’ai été tout surpris d’y voir figurer le nom d’un vieux camarade à moi, Honoré Dubouloir.

Rien, jusqu’alors, dans la vie du gros Dubouloir ne me paraissait justifier une telle prétention. Depuis que je le connais, il ne s’est jamais occupé que de courtages divers. S’il me rencontre, il me tend une main énorme, comme si j’allais y déposer une haltère, secoue d’une toux puissante et amicale ses bajoues et son double menton, et me dit joyeusement : « Ça va toujours, la littérature ? » Mais le fait de s’intéresser, de loin en loin, à mes travaux, ne me paraît pas, je le dis sincèrement et sans fausse modestie aucune, constituer un titre suffisant aux suffrages de l’Académie.

Dubouloir a-t-il pensé qu’il serait bon de faire enfin figurer un commerçant dans cette illustre compagnie qui comprend généralement, à titre de gracieux échantillons, un évêque, un avocat, un ingénieur, un militaire ?

A ce compte, pensais-je, on trouverait dans le haut négoce des personnalités plus marquantes que celle de Dubouloir.

Maintenant, qui sait ? Dubouloir s’est peut-être décidé à faire de la littérature ? Alors, on allait s’amuser.

Cette dernière hypothèse s’est confirmée. Le facteur des imprimés m’a apporté une jolie plaquette intitulée : Les Raisins noirs. 

C’est une petite réunion de vers assez médiocres, où l’on rencontre les couples d’inséparables bien connus, voiles et étoiles, maîtresses et caresses, sans parler, bien entendu, de treille et de vermeille, qui sont de toutes ces fêtes. 

Mais enfin tout cela était d’une prosodie régulière. Ce ne pouvait être l’œuvre de Dubouloir.