Comme sur un fil - Virginie Braud - E-Book

Comme sur un fil E-Book

Virginie Braud

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Beschreibung

Je me sentais tellement coupable au début, mais en fin de compte, avec le temps et l’habitude, je finissais par vivre avec, et accepter d’être si différente. J’aurais voulu avoir le courage de me tirer une bonne balle dans la tête. En même temps, je voulais vivre, j’avais encore tant de choses à voir et à faire, j’étais si jeune… Et puis, j’étais toujours en attente de quelque chose, pourtant j’ignorais ce que c’était.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Virginie Braud a un goût prononcé pour le dessin, et pour l’écriture depuis son adolescence. Ces deux arts l’ont toujours accompagnée et ont été d’une certaine manière thérapeutiques. De véritables exutoires. Par le biais de Comme sur un fil, sorte de journal intime qui retrace son parcours qui fut si incertain parfois, elle transmet un message d’espoir.

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Seitenzahl: 183

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Virginie Braud

Comme sur un fil

© Lys Bleu Éditions – Virginie Braud

ISBN : 979-10-377-9029-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mes parents, à ma famille,

À mes enfants, Julia et Sacha,

À Mathieu

La vérité, rien que la vérité.

La douleur intime, personnelle, vécue au plus profond de moi-même.

Une douleur intense, infinie, que je ressentirai à jamais.

Des troubles qui m’empêcheront de vivre toujours.

À moins que cette tentative d’introspection cousue de secrets et de révélations ne soit vraiment l’issue à tout mon mal de vivre depuis toutes ces années. Que mon appel soit enfin entendu... Ou bien que cela ne me conduise à ma propre perte, que je ne décide de ne plus jamais souffrir...

Mes pulsions démoniaques auront-elles raison de moi ? Laisserai-je mes maladies me détruire encore longtemps ?

L’Anorexie et la Boulimie sont des maux terribles, une lente et cruelle Descente aux Enfers…

L’anorexie mentale

Elle frappe neuf filles pour un garçon et commence le plus souvent vers 13/14 ans, parfois plus tôt ou plus tard.

Symptômes

L’anorexie signifie absence de faim, terme impropre, car la faim peut être obsédante, il s’agit en fait d’un refus de la nourriture ;

L’amaigrissement souvent masqué au début peut atteindre des proportions extrêmes ;

L’aménorrhée ou perte des règles consécutive à l’amaigrissement, mais parfois la précédant ;

L’hyperactivité physique et intellectuelle ;

La dénégation de tout mal-être, fatigue ou faim d’où le refus de consulter, car l’anorexique ne se sent pas malade ;

L’hostilité voire l’agressivité vis-à-vis de l’entourage familial, l’isolation progressive pouvant aller jusqu’à la désinsertion sociale.

L’évolution

L’anorexique est écartelé(e) entre son désir d’autonomie et d’indépendance et son besoin inavoué de dépendance et d’amour. Une fois installée, l’anorexie tend à se perpétuer et à devenir une sorte de citadelle mentale, une construction défensive contre les assauts pulsionnels du corps, en particulier les pulsions boulimiques, mais aussi contre la sexualité et la vie affective.

Le corps de l’anorexique subit d’importantes souffrances telles que : insomnie, troubles circulatoires, sensation de froid, perte des cheveux, décalcification et ostéoporose, fatigue permanente, perte de mémoire et de concentration, dépression, désespoir...

Des crises de boulimie surviennent dans plus d’un cas sur deux, accompagnées fréquemment de vomissements provoqués dont les conséquences (ulcération de l’œsophage, usure de l’émail des dents, perte de potassium avec troubles cardiaques et rénaux...) aggravent l’état physique de l’anorexique.

Traitement de l’anorexie

L’hospitalisation est parfois nécessaire pour écarter tout danger vital avant d’entreprendre une démarche psychothérapique.

La boulimie

La boulimie est un syndrome multifactoriel qui se caractérise par des périodes de pulsions incontrôlables vers la nourriture suivies de réactions déclenchées par la peur de grossir : vomissements provoqués, prise de diurétiques, de laxatifs, restrictions alimentaires, activité sportive intensive… Le cycle boulimique peut se répéter plusieurs fois par jour.

Origines de la boulimie

S’il est difficile de déterminer exactement ce qui prédispose à la boulimie, il s’avère que pour la plupart des patient(e)s, les problèmes alimentaires commencent à l’adolescence, mais peuvent survenir plus tard à la naissance d’un enfant, lors d’une séparation, d’un divorce, d’un décès… À une période de stress, d’angoisse ou d’anxiété, voire de grande solitude, s’ajoutent un manque d’estime ou d’amour de soi et l’obsession du poids alors que la majorité des boulimiques sont normopondérales(aux).

Déroulement de la crise de boulimie

Quelle que soit la fréquence des crises, celles-ci débutent par une sensation de tension interne qu’on s’efforce en vain de dominer, un sentiment de détresse ou d’angoisse grandissante à l’idée de céder à la pulsion, surviennent ensuite l’accès boulimique proprement dit, l’apaisement de la tension et enfin la culpabilité de n’avoir pu résister suivis d’éventuelles tentatives d’annulations de l’accès boulimique (vomissements…). Le plus souvent, la mauvaise image de soi, la haine du corps, l’impossibilité de se contrôler mènent à un état dépressif et à une profonde dévalorisation, d’où une tendance à l’isolement qui renforce la détresse liée à ce comportement vécu en secret.

Traitement de la boulimie

Renoncer à la boulimie qui envahit peu à peu la vie au point d’éliminer progressivement tout autre centre d’intérêt impliquel’acceptation de se faire aider par un psychothérapeute afin d’apprendre à reconnaître ses réels désirs, ses rancœurs, ses frustrations et même sa colère refoulée depuis longtemps.

Si les méthodes diffèrent en fonction de la sévérité et l’ancienneté de la boulimie ainsi que du type de personnalité, elles ont toutes pour but la modification du comportement alimentaire, une meilleure connaissance de soi, l’apprentissage de l’expression de ses sentiments et émotions, l’affirmation de soi et bien entendu, la mise en place de divers centres d’intérêt.

Comme sur un fil, penchant d’un côté ou de l’autre, en perpétuelle quête d’équilibre, mais tombant toujours.

Voilà l’impression que j’ai.

C’est si difficile parfois de ne pas céder, encore aujourd’hui, de ne pas savoir si je vais tenir, et si tel est le cas, jusqu’à quand et pourquoi, en réalité ? Je ne le sais guère, et personne, de toute manière, ne saurait me répondre concrètement.

Ce déséquilibre, aussi bien physique que mental, je l’éprouve et le subis depuis douze ans à peu près.

À présent, j’ai presque trente ans. En apparence, tout va bien ou plutôt mieux. Or, au fond de moi, je ne parviens pas à oublier. En fait, si, quelque part, car j’ai la sensation que tout cela est arrivé à une autre. Mais en dépit de cela, je n’arrive pas à oublier combien j’ai pu me faire souffrir et peut-être même faire souffrir les autres.

Cela faisait si longtemps que j’avais envie d’écrire pour parler de cette expérience, de cette « Descente aux Enfers », lente et cruelle, afin de pouvoir extérioriser tout ce que je peux avoir au fond de moi, de tout révéler enfin… Peut-être que ce sera une bonne thérapie… J’ai toujours pensé que l’écriture était l’une des meilleures, un véritable exutoire.

Il est possible que certaines fois, il me soit très difficile, voire insurmontable d’évoquer certains souvenirs sans en éprouver de la honte, de l’humiliation et certainement du mépris de la part de ceux qui me liront, or je cherche avant tout de la compréhension, qu’ils ne me jugent pas trop vite.

Tout cela aurait pu arriver à n’importe quelle autre jeune fille, ou jeune femme, mais je ne le souhaiterais même pas à ma pire ennemie.

Je l’ai vécu au plus profond de moi-même, je pense n’avoir échappé à rien. J’ai ressenti toutes les phases de cette maladie « fin de siècle ». Et j’en garderai des séquelles à vie…

Si j’ai décidé d’en parler aujourd’hui, c’est également pour que toutes celles qui souffrent ou ont souffert de ce mal, comme moi, puissent être mieux comprises et sachent qu’elles ne sont pas seules, comme elles peuvent le croire. Et aussi pour qu’elles se donnent les moyens d’en parler librement. Pour que l’Anorexie ne soit plus un sujet tabou.

L’Anorexie et la Boulimie, plus exactement.

J’ai toujours ressenti le besoin de me confier, et malheureusement je n’ai jamais su à qui m’adresser. Je crois qu’en réalité, j’éprouvais tellement de honte que cela m’a constamment paru au-dessus de mes forces ; on me jugerait ensuite. Le dégoût et le mépris s’inscriraient sur leurs visages. Je n’ai pas voulu courir ce risque. À présent, oui.

Je veux qu’ils sachent, qu’ils essaient de réaliser ce que je me suis fait endurer.

Bien des maux sont pires, telles la perte d’un être cher ou encore l’atteinte d’une maladie incurable. Je connais bien la mienne. J’aimerais l’exorciser. J’ai trouvé ce moyen le meilleur pour tenter de ranger ce passage de ma vie. C’est comme si dorénavant, je pouvais repartir à zéro, espérer une nouvelle existence, une fois mon travail achevé.

Texte écrit en 1999

Je me souviens de cette légèreté de corps et d’esprit que je ressentais alors, au tout début.

C’était si bon de se sentir telle une plume, peut-être même plus aérienne encore.

Ce petit régime que j’avais commencé s’est très vite dégradé.

En effet, en l’espace de quelques mois, cinq ou six, il me semble, j’ai perdu près d’une trentaine de kilos. Il faut dire que sur une jeune fille ayant un rapport taille/poids tout à fait satisfaisant – avec quand même quelques rondeurs bien placées – cela avait fait sensation à l’époque.

J’allais au lycée, j’étais en terminale et je devais passer mon Baccalauréat.

Pourtant, j’étais sûre de pouvoir me contrôler malgré ce que pouvaient me dire les autres. J’étais si certaine d’aller parfaitement bien.

Et je me sentais si légère, si limpide, plus rien ne me touchait et ne pouvait m’atteindre. Je n’étais pas consciente de ce qui se passait réellement en moi. J’étais tellement heureuse d’avoir réussi et de réussir encore à perdre tous ces kilos qui m’angoissaient, me complexaient. Je me souviens que j’étais souvent à bout de nerfs, éclatant en sanglots, sans aucune raison ou pour si peu de choses.

Je n’avais plus mes règles et il est vrai qu’en premier lieu, je m’en inquiétais. Elles avaient disparu et finalement, à bien y réfléchir, j’en étais plutôt satisfaite, car elles me faisaient carrément horreur. Je me sentais si sale, si impure à cause de ce sang. Comme s’il souillait mon corps. C’était une véritable délivrance pour moi de ne plus les subir. Après tout, j’étais bien mieux ainsi. Les mois défilaient et je ne les avais toujours pas. Presque un an, le temps d’une grossesse, plus précisément. J’étais victime d’aménorrhée en raison de ma dénutrition, mon organisme était complètement perturbé.

Ne voulant plus ni écouter et ni faire confiance à qui que ce soit, je me renfermais petit à petit sur moi-même et d’ailleurs, durant cette période, beaucoup ont essayé de m’aider, mais je le refusais. Je ne voyais plus que le mal partout.

Mon poids était devenu mon unique obsession. Le reste n’avait plus aucune importance à mes yeux.

Devant le miroir, j’étais une autre à présent. Je me regardais sous tous les angles, j’étais si fière que tout puisse m’aller.

Je ne m’étais pas rendu compte que je n’étais plus qu’un squelette, la peau sur les os, une « échappée de Somalie ».

Mon entourage me disait de me nourrir un peu plus or je mangeais très équilibré et sûrement trop équilibré.

J’avais l’impression d’être si parfaite. Cette situation me plaisait au fond. Je m’aimais ainsi, en dépit de ce qu’en pensaient les autres.

J’ai appris par la suite que certains croyaient que je me droguais, puisque la drogue fait maigrir très rapidement.

Sous l’effet de menaces d’hospitalisation, j’ai accepté de consulter. Il le fallait. J’étais un peu sceptique et je me disais que je ferais malgré tout ce que je voudrais. Que personne ne pourrait me faire changer d’avis. Même mon professeur de sport me le conseillait. D’ailleurs, c’est elle qui m’a donné l’adresse d’un endocrinologue*. Alors, j’y suis allée, irrégulièrement. Je me rappelle que lors de ma première visite, j’ai fait une crise de nerfs. Ce que je faisais plutôt habituellement à cette époque en cours de mathématiques, le lundi matin. Il a tout de suite compris que tout était dû à la situation de mes parents, au fait qu’ils ne s’entendaient plus depuis très longtemps, ne se parlaient plus et s’évitaient carrément, tout en vivant sous le même toit.

J’étais devenue anorexique pour eux et à cause d’eux.

Je n’avais plus de repères. Ils étaient là, mais ne se parlaient pas et ne me parlaient pas. Ils ne semblaient pas s’intéresser à moi. En dépit de mon état physique qui empirait de jour en jour. Nous n’avions plus de vie de famille. Ma mère n’était pas là de la journée, elle ne rentrait que tard le soir. Quant à mon père, il déjeunait et dînait chez ma grand-mère. Elle lui préparait son petit déjeuner pour le lendemain matin. Il avait l’habitude de prendre ses repas chez elle, puisqu’une seule porte nous séparait. L’absence de ma mère m’a fait énormément de mal. Et celle de mon père également. Nous nous croisions ou bien nous nous voyions lorsque nous avions réciproquement besoin de quelque chose. Ma scolarité et surtout ma santé ne paraissaient pas les préoccuper. Mon frère et moi étions complètement libres. Libres de ne pas faire nos devoirs, libres de sortir, libres de voir qui il nous plaisait. Moi plus que lui, ayant dix-sept ans, alors qu’il n’en avait que douze. Tout leur semblait égal. Jamais ils ne m’ont appris la confiance. Et leur plus grand tort a peut-être été de ne m’avoir jamais montré qu’ils m’aimaient vraiment et que je comptais à leurs yeux. Jamais d’encouragements, de mots agréables, de questions sur mes activités, mes fréquentations. J’étais livrée à moi-même. Totalement seule pour gérer ma vie, pour prendre de grandes décisions, pour m’assumer. Ils me décevaient tellement. Et plutôt que de leur faire du mal, leur dire tout ce que j’avais sur le cœur, la vérité, je préférais me détruire, me tuer petit à petit. Je me sentais si inutile, et incapable de faire quoique ce soit vis-à-vis d’eux. Pourtant, Dieu seul sait que je les aimais. Peut-être trop à vouloir les protéger et m’annihiler, me suicider.

L’ambiance à la maison était insoutenable pour moi. Je n’arrivais pas à l’accepter. D’après ce spécialiste, je n’avais pas encore fait le deuil de leur relation. J’étais en danger de mort. Le terme si juste qu’il a su employer m’a certainement alertée. Il ne fallait pas que je reste avec eux, il fallait que je m’éloigne d’eux. Je ne pensais pas frôler la mort. Je n’en avais pas pris conscience.

Je suis partie, quelque temps après, dans de la famille à Bordeaux.

Et puis, c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’arrêter le lycée, à quelques mois de l’examen, pour une école privée. Mon professeur principal m’en a alors dissuadée et m’a dit que si je n’avais pas mon diplôme cette année, je l’aurais à coup sûr l’année suivante. Il en paraissait si convaincu, il a su m’en persuader. Je l’ai donc écouté, et terminé l’année scolaire tant bien que mal.

Je devais m’en sortir. Je ne devais pas continuer à me suicider pour eux. Il me fallait changer au plus vite, être à nouveau une jeune fille comme toutes les autres. Mon état avait bien sûr carencé mon organisme. Une fois même, je me souviens de ma jambe gauche, me faisant défaut. Je ne la sentais plus. Elle me faisait boiter. Je ne savais pas ce qu’il m’arrivait, alors je suis allée chez mon médecin traitant qui m’a conseillé de consulter un neurologue spécialiste du système nerveux. Je le voyais me planter des aiguilles de dix centimètres dans la jambe. Un vrai film d’horreur en direct. Pourtant cela ne me faisait pas réellement mal. Mes carences en étaient la cause. « Plus jamais ça », c’est ce que je me suis dit et promis en partant, enfin libérée. Le voir me charcuter ainsi fut éprouvant pour moi qui ne supporte pas une simple piqûre et encore moins la vue du sang. C’était pour mon bien, néanmoins.

Tout cela était fini. J’avais décidé de mon propre chef d’y mettre un terme.

Il faut que cette décision vienne de soi-même et que l’on n’y soit pas forcé.

Je voulais m’en sortir pour eux, et avant tout pour moi.

J’avais tout compris, mais tout subsistait en moi.

L’endocrinologue m’avait averti : après l’Anorexie, la Boulimie.

Il est presque impossible de passer outre. Lorsqu’il m’a prévenue, je ne savais pas ce que c’était et bien sûr, je pensais que cela ne m’arriverait pas...

La Boulimie est peut-être pire que tout. Pas au début, parce que le nombre de kilos à reprendre vous paraît si surréaliste. Vous avez une si grande marge.

Tout était permis désormais, les graisses, les sucres... Et encore une fois, vous ne prenez pas conscience de ce que vous faites et de ce qu’il vous arrive.

Alors j’ai recommencé à me nourrir, équilibré, évidemment. C’était un vrai plaisir dont je ne mesurais pas encore les limites et les excès. Je ne mangeais plus, je dévorais. Et j’étais heureuse. Reprenant peu à peu tous ces kilos que j’avais perdus. En dépit de moi-même. Manger était une vraie jouissance à présent. Je mangeais de plus en plus. J’étais devenue une véritable machine à ingurgiter. Je me complaisais ainsi, car mon poids était encore très tolérable. Or, je n’avais pas réalisé que le besoin de sucre et autres nutriments que je bannissais auparavant pouvait devenir une drogue à la longue. En s’y accoutumant, on n’y échappe pas.

Après cette épreuve qu’a pu être l’Anorexie, j’aurais voulu en sortir vainqueur, sans plus aucun problème, plus aucune angoisse.

Malheureusement, il n’en fut pas ainsi. Je croyais que tout m’était bénéfique. Je recommençais à m’alimenter, mais il n’y avait, encore une fois, aucune limite. J’aurais certainement dû m’en fixer, or, je n’y parvenais pas. La nourriture était devenue une drogue à part entière. J’adorais manger et me sentir « pleine » ensuite de ces aliments, qui ne me feraient que du bien. Et toutes mes carences étaient comblées à présent. Donc, j’ai commencé à prendre un peu plus de poids que ne m’en avait fait perdre ma maladie initiale. Me croyant permise toute liberté, l’alimentation – quelle qu’elle soit – devenait mon seul intérêt. Après le fait de ne pas avoir assez de kilos, je complexais du fait que maintenant, j’en avais trop. Ridicule, passer d’un extrême à l’autre aussi facilement, même sordide. Et pas facile à assumer, qui plus est. Je ne vivais plus que pour me nourrir. La diète à laquelle je m’étais tant consacrée ne signifiait plus rien pour moi ou je préférais l’oublier et ne plus m’y référencer. Rien ne m’aura été épargné au cours de ces si longues années de Boulimie. J’aurais tout vécu dans ce domaine et surtout le rejet de moi-même. Je dois aussi voir le bon côté : tout cela m’a certainement renforcée, rendue moins sensible. Il m’avait pourtant averti...

C’était sur les aliments sucrés que mon choix se portait. J’étais capable d’engloutir plusieurs paquets de gâteaux à la suite. Et le chocolat, combien ai-je pu dévorer de tablettes... Je mangeais malgré le fait que je n’arrivais plus à me supporter physiquement. J’avais repris bien plus de poids qu’il ne fallait. Et pourtant, je n’arrêtais pas de me goinfrer, c’était impossible. Je ne savais plus quoi faire. Peut-être qu’à ce moment précis, j’aurais dû m’adresser à nouveau à cet endocrinologue. Sûrement...

Or, je désirais m’en sortir seule. Je le désirais, et en même temps, je n’arrivais pas à vaincre ma dépendance. C’était terrible à vivre au quotidien.

Et un jour, j’ai trouvé la solution idéale. Je pouvais librement m’adonner à mes crises sans pour autant prendre trop de poids. Me faire vomir. Me forcer à rejeter toute cette nourriture. J’avais grossi et je ne me tolérais plus. Je voulais dévorer, mais sans en subir les conséquences physiques. Plus de changement. C’était le seul moyen. Alors, à partir de ce moment-là, ayant trouvé seule le remède idéal à mes crises, tout allait mieux. Du moins, en apparence. Je pouvais manger tout ce que je voulais sans que cela se voie par la suite. Comme avant. Combien de fois ai-je eu recours à cette méthode... Je me souvenais que durant trois ou quatre mois, il m’arrivait de me faire vomir trois ou quatre fois par jour. Crise sur crise. Une vraie drogue. Une horreur. Je croyais être la seule à vivre cet enfer. Je ne savais pas à qui m’adresser. Et je songeais que de toute manière, on ne me comprendrait pas, on se contenterait de me juger et de me faire des reproches. Je ne me rendais pas compte de la gravité de ma situation, de mon état. La vie ne serait pas ce qu’elle est si personne n’avait de problèmes, si « tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », me disais-je. Alors j’assumais, seule, désespérée.

Bien sûr, autour de moi, quelquefois, on tentait d’aborder le sujet, mais je restais sur la défensive. Je ne concevais pas que l’on puisse parler de cela. Quelqu’un de confiance me manquait pour me délivrer. Je ne ressentais rien de plus que de la honte pour mes actes. Et je ne voulais pas me sentir encore plus humiliée. Et comment oser révéler des choses pareilles... Qu’auraient-ils pensé de moi ? Que j’étais folle, certainement...

En attendant, ma vie sentimentale était un vrai flop, voire inexistante. Et puis, de toute façon, je n’y ai jamais vraiment attaché une grande importance. J’avais un combat à mener, plus essentiel et qui me prenait tout mon temps.

J’avais si mal intérieurement, de manquer de stabilité, d’équilibre. Je n’arrivais pas à me supporter moi-même.

C’est lorsque je suis partie à Poitiers, à la faculté, après avoir eu mon baccalauréat, que les choses ont changé. Moi-même, j’avais réussi à changer. Je me plaisais alors. Mais j’étais toujours boulimique. Mes crises étaient bien moins régulières, beaucoup plus espacées. Je tentais de m’alimenter sainement. J’avais si peur que tout recommence, d’être à nouveau prise au piège. Je vivais au jour le jour, avec toujours cette crainte, tout comme aujourd’hui. Je laissais les choses se passer...