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"Comment ça va ?" offre une immersion dans le quotidien de Sandrine Seoulou, aide-soignante dévouée, qui dévoile avec sensibilité les réalités d’un métier exigeant et souvent méconnu. À travers des récits touchants, elle partage les défis, les instants de grâce et l’empathie indispensable à son rôle. Elle révèle comment un simple geste ou une parole bienveillante peut profondément transformer la journée de ses patients, et elle vous convie à des rencontres inattendues avec des personnalités.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Ardente défenseuse de la profession de soignant,
Sandrine Seoulou exprime sa passion à travers ses écrits. Après avoir publié son œuvre biographique "Shelsea" en 2023 aux éditions Baudelaire, elle marque son retour sur la scène littéraire avec "Comment ça va ?"
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Seitenzahl: 98
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Sandrine Seoulou
Comment ça va ?
© Lys Bleu Éditions – Sandrine Seoulou
ISBN : 979-10-422-4440-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
L’importance du corps médical n’est plus à démontrer, la fonction de soignant est un véritable sacerdoce. Les différents métiers de la santé sont indispensables, pourtant peu reconnus à la hauteur de leur tâche. Un médecin ne guérit pas forcément une maladie, mais il soulage les douleurs et les souffrances. Ce livre relate quelques témoignages, histoires et expériences personnelles, afin de souligner le rôle parfois difficile d’une modeste aide-soignante. Confrontée parfois à une dure réalité, elle doit faire preuve de patience, d’empathie, et d’humanité, en faisant abstraction de sa fatigue et de ses soucis personnels. Les établissements de santé sont de véritables entreprises dans lesquelles il faut gérer le personnel, les patients, le matériel, la sécurité et il faut pallier les fréquents aléas et nombreux dysfonctionnements. Le sourire et la satisfaction d’un patient demeurent notre récompense, ils effacent souvent les tensions et désagréments de notre métier !
***
Il nous arrive parfois d’être confrontés à des situations cocasses, voire dangereuses. Les repris de justice aussi peuvent être souffrants et dans ce cas, ils sont naturellement conduits à l’hôpital ou en clinique, où ils doivent être soignés, au même titre que tout autre patient. Le nombre de policiers dépend alors de la dangerosité du prisonnier. Nous devons ainsi un jour accueillir un jeune homme, encadré de deux policiers, que nous installons en chambre particulière, les deux policiers restant de faction devant la porte. Pour une raison inconnue et sans nous donner d’explication, les deux surveillants disparaissent le soir venu, nous laissant seules avec le jeune homme. « Il ne doit pas être bien dangereux », me dit ma collègue infirmière, un peu rassurée. Nous apprendrons par la suite que cet homme est en fait inculpé de meurtre et incarcéré depuis cinq mois… et qu’il est vivement recherché par des gens de son milieu pour de sombres histoires de trafic de drogue.
Tard dans la soirée, quatre personnes, toutes de noir vêtues, font irruption dans notre service. Ils sont parvenus à pénétrer dans l’établissement en trompant la vigilance des gens de l’accueil. L’un d’eux déclare vivement : « Nous cherchons monsieur X. » La situation exige une réponse évasive. La réponse de l’infirmière énerve l’un d’eux : « Vous mentez ! » Ils semblent parfaitement informés de la présence du monsieur à notre étage, très agacés, ils entreprennent bruyamment une inspection en règle de chaque chambre. Les patients sont effrayés, certains crient et nous appellent à l’aide. Ma collègue parvient à donner l’alerte discrètement et le tohu-bohu ne fait qu’accentuer notre peur. Devant leur détermination et leurs actions violentes, nous n’osons plus intervenir.
Le prisonnier, se sachant menacé, était autorisé à fermer sa porte à clé. À chacun de nos passages, médecin, infirmière aide-soignante doivent décliner leur identité, avant d’obtenir l’ouverture de la chambre.
Les quatre hommes arrivent alors devant la porte close de notre hôte prisonnier. « Pourquoi celle-ci est-elle fermée ? »
« Parce que nous y stockons du matériel ! »
La voix tremblante de l’infirmière ne les convainc pas, l’un nous ordonne d’ouvrir immédiatement et brandit une arme de poing. Je sens mes jambes se dérober sous mon corps, mes mains tremblent, le plus fort commence à défoncer la porte, à coups de pied, lorsqu’arrivent enfin les gens de la sécurité accompagnés de quelques policiers. Les quatre malfrats sont arrêtés et menottés sans résistance. De nombreuses personnes des autres étages, intriguées par le bruit et la présence policière, obstruent le passage dans le couloir, la police doit faire preuve de fermeté pour embarquer ces gens manu militari.
À notre grande surprise, lorsque la sécurité ouvre la porte de la chambre, le prisonnier, conscient de leur présence, est parvenu à s’enfuir par une fenêtre, au risque de faire une chute mortelle. Nous ne connaîtrons jamais l’issue judiciaire de cette histoire, mais rétrospectivement ma collègue et moi avons eu la peur de notre vie !
Ce récit montre les risques que nous courrons parfois, agressées verbalement ou physiquement par des patients en colère, des visiteurs mécontents, et dans ce cas, nous avons peu de moyens de défense.
***
Ce jour-là, nous étions comme souvent en sous-effectif. Devant le retard accumulé, je décide de prendre sur mon temps de pause pour assurer la propreté d’une patiente, dont l’état nécessite habituellement la présence de deux soignants. La prise en charge est très compliquée, la résidente s’agrippe fortement aux barreaux du lit et je suis contrainte de retirer ses bras pour assurer une toilette complète et correcte. Les manipulations la font souffrir, je fais de mon mieux pour la rendre propre en limitant ses mouvements. Le résultat est là, la dame est propre, les draps sont changés, je prends même un peu de temps pour la masser et atténuer ses douleurs. Son regard désapprobateur me signifie son mécontentement.
Nous sommes samedi, jour de visite de ses petites filles, à qui elle s’empresse de se plaindre de mes soins et de ma brutalité. À ma grande surprise, ces femmes m’interpellent violemment, m’injurient copieusement, me menacent et me couvrent de propos racistes. Je suis au bord des larmes, mais je reste digne et silencieuse malgré ce manque de reconnaissance et leur méchanceté totalement injustifiée.
Insatisfaites de leur esclandre, elles adressent un mail poignant à ma direction exigeant mon renvoi pour maltraitance. Fort heureusement, redoutant une convocation, j’ai pris la précaution de raconter cette histoire à ma cadre responsable, qui apprécie ma démarche et me confie être déjà informée de l’incident. Je vais devoir à plusieurs reprises relater les faits, dans les détails, expliquant que seule pour effectuer les manipulations d’une telle patiente handicapée et âgée j’ai cru bon pallier le manque d’effectif afin de la rendre propre avant la visite de sa famille. Pour ma défense, je sollicite une rencontre avec cette famille en présence de mon staff afin de me disculper et expliquer que je ne suis nullement maltraitante, mes années passées dans l’établissement et ma réputation peuvent en témoigner.
J’ai effectivement dans ma carrière été témoin de maltraitances ou reçu des confidences de patients maltraités : une pratique abjecte contre laquelle je lutte constamment. À mon grand regret, cette rencontre n’aura jamais lieu. Si mes supérieurs me renouvellent toute leur confiance, ce que j’apprécie, je garde néanmoins le goût amer d’une injustice criante, qui aurait pu me faire perdre mon emploi… En dépit d’une telle ingratitude, je ne change nullement ma façon d’agir professionnellement envers les patients, je conserve ma personnalité et mes valeurs !
***
Je découvre un nouveau patient, un homme presque centenaire au regard perdu, qui cherche désespérément autour de lui un repère pour se rassurer et comprendre la raison de sa présence dans cet hôpital. Les pompiers l’ont amené en ces lieux la veille et transféré aux urgences, suite au signalement d’un voisin bienveillant, inquiet de ne pas l’apercevoir depuis plusieurs jours. Tous deux, me confiera-t-il plus tard, ont pour habitude d’échanger quelques banalités sur le palier. Ce contact quotidien à un âge avancé revêt une importance capitale pour soulager un peu la solitude et s’assurer de la bonne santé du voisinage. Victime d’un malaise, il est probablement resté longtemps inanimé, incapable de solliciter du secours. Il se trouve donc ici, complètement hébété, et je suis impressionnée par la tristesse de son regard. À l’heure du repas, je le trouve inerte devant son plateau, ses vieilles mains tordues et recroquevillées ne lui permettent plus de s’alimenter facilement, je décide de l’aider, et le nourris alors comme un bébé. Comment peut-on déposer un plateau-repas, sans s’assurer que le patient est encore capable de s’alimenter tout seul ?
« Vous êtes très gentille, je vous remercie pour votre aide et pour l’attention que vous me portez ! »
« Je ne fais que mon travail monsieur ! »
Je tente d’engager la conversation :
« Avez-vous des enfants ? »
« Oui, me dit-il. J’ai eu deux fils et ils sont morts. »
Je perçois les larmes dans ses yeux. Je suis gênée et je regrette d’avoir posé une telle question, mon empathie pour ce vieil homme redouble et j’ose poursuivre :
« Des petits enfants ? »
« Oui, dit-il avec un sourire. Une petite fille ! »
« Que l’âme de vos fils repose en paix, profitez de votre petite fille, les souvenirs nous donnent le courage de poursuivre et d’aller de l’avant ! »
Je n’oublierai jamais son regard soudain apaisé et ses yeux brillants. Cette petite conversation lui fait du bien, il parle et ose me confier la brutalité récente d’un infirmier trop pressé, qui lui a enfourné les médicaments dans la bouche, comme on gave une oie.
Ce geste brutal, pour quelqu’un de cardiaque comme lui, peut provoquer une crise grave. « Sans vous embêter, j’aimerais pouvoir me brosser les dents, s’il vous plaît ! » Le monsieur a encore quelques dents et prend grand soin de son hygiène buccale, je fais donc mon possible pour lui procurer le nécessaire et l’aide à nouveau dans cet exercice, puis je lui lave les mains. Comme tous les patients, il souhaite m’accaparer gentiment. Je dois lui expliquer qu’il y a encore de nombreux malades à soigner. Lorsque je lui annonce enfin que je ne serai pas là le lendemain, son visage pâlit et se ferme, je le rassure en lui disant que mes collègues veilleront sur lui avec la même attention. Il saisit ma main délicatement, m’attire vers lui et comme un père aimant, il pose alors un long baiser affectueux sur mon front.
Attendri, je n’ose plus le quitter, je lui ai donné un peu de mon temps, un peu de considération. Il me remercie à sa façon. C’est ma récompense du jour ! Mes collègues me reprochent souvent gentiment une certaine lenteur : « Elle n’est pas vraiment lente, mais elle prend le temps de poser des questions aux patients, sa curiosité la pousse à connaître leurs origines, leurs situations familiales, leurs métiers, eux adorent ces confidences et le temps passe ! »
***
Cette hormone n’existe pas, ce n’est qu’une pure invention de ma part qui fait sourire mes collègues, pour exprimer quelquefois la montée d’un état colérique face au comportement irrespectueux, agressif ou vulgaire d’un patient. Je frappe un jour à la porte d’un monsieur, demande si je peux allumer et déclare : « Bonjour monsieur, comment allez-vous ? » Très agressif, il me somme alors d’éteindre immédiatement, ce que je refuse de faire : « Je viens faire votre toilette ! » Il entre dans une rage incroyable et me traite de tous les noms. Les murs et les portes sont maculés d’excréments, l’odeur pestilentielle ne fait qu’augmenter ma colère. Mes réprimandes le mettent hors de lui et il enchaîne sur des propos racistes : « Je suis d’origine maghrébine, l’esclavage nous l’avons inventé. Alors toi qui es noire, tu es une esclave et tu nettoies mes déchets ! » J’avoue m’être octroyé ce jour-là, un droit de réponse à ses propos haineux.