Conflit d’intérêts - Lilou Sarmentier - E-Book

Conflit d’intérêts E-Book

Lilou Sarmentier

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Beschreibung

Issu d’une histoire vécue, Conflit d’intérêts relate une succession qui de prime abord traîne en longueur. Au fil des années, on découvre qu’il s’agit d’une trahison de l’héroïne par le notaire qui brouille et sème des embûches afin de freiner le bon déroulement de cette succession pour favoriser l’autre héritière dont il est proche, fait que l’on ignore. Pour arriver à ses fins, le notaire ne reculera devant rien et maintiendra sa cliente dans un climat de maltraitance psychologique durant vingt-cinq ans.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Si elle a toujours manifesté le désir d’écrire, Lilou Sarmentier, qui aujourd’hui peut regarder sa vie avec plus de recul, a décidé de laisser un témoignage de tout ce qu’elle subit depuis plusieurs années de sa vie, marquée par une succession « foireuse ». Véritable exutoire, la lecture d’auteurs, classiques comme modernes, par leur intrigue et leur énigme, lui permet d’entrer en contact avec des personnes autres que son entourage. Elle découvre à travers leurs œuvres leur style, leurs difficultés, d’autres vies, d’autres histoires.

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Seitenzahl: 475

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Lilou Sarmentier

Conflit d’intérêts

Roman

© Lys Bleu Éditions – Lilou Sarmentier

ISBN : 979-10-377-5657-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mes chers parents

Le mal fait son lit là où on ne trouve aucun article de loi pour rendre une justice équitable.

En ce monde gémir n’est pas de mise.

Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Avant-Propos

Être escroqué c’est être condamné à avoir un vautour qui plane à jamais au-dessus de votre tête.

Plus d’orgueil, plus de certitude, seule la crainte comme unique repère.

Vivre chaque jour avec la peur au ventre d’être la prochaine victime dont l’animal viendra se repaitre.

Chapitre 1

Janvier 2013 – Le vert tiigo

En sortant de chez le médecin, je levais les yeux vers le ciel afin de voir si le temps menaçait et vis sans trop y prêter attention un nuage noir foncé. J’en conclus qu’il allait pleuvoir, mais ne fus pas surprise pour autant car il pleuvait depuis l’automne.

Je montais dans ma voiture, filais à la pharmacie, puis fis quelques courses et regagnais enfin mon domicile. Sur le chemin du retour au loin mon attention fut attirée sur la gauche par une énorme colonne de fumée noire compacte issue, semblait-il, d’un foyer assez large de deux à trois centimètres, s’élevant droite dans le ciel clair, à une distance que je n’arrivais pas bien à déterminer, une dizaine de kilomètres peut-être. Je pensais qu’il s’agissait sans doute du feu d’une entreprise car je ne voyais pas ce qui pouvait bien donner lieu à un feu d’une telle ampleur et de cette nature dans la région, avec des rejets d’une semblable couleur. Le nuage dense s’étirait sur une distance de 15 kms environ.

Arrivée à la maison, le nuage passait au-dessus de ma tête, et s’éloignait vers le fleuve Pancier. Je humais l’air à la recherche d’un indice, mais ne sentis rien de particulier. Je tentais de me rassurer.

L’après-midi s’écoula et le soir, quelle ne fut pas ma stupéfaction d’apprendre aux informations régionales que l’entreprise de peinture Chourdibeau de la ville de Briac avait pris feu, ce qui allait monopoliser les forces des pompiers durant deux jours. Je me connectais aussitôt à Internet afin d’en apprendre un peu plus et là un spectacle impressionnant apparut. Les images présentées montraient d’emblée des volutes de fumées noires épaisses parcourues de flammes dès le sol. Les personnes alentour avaient été évacuées par précaution. À la vue de ces images, je ne m’étonnais plus de ce que j’avais vu de loin le matin même et de mon inquiétude.

Je fus quelque peu choquée par ce fait divers d’importance d’autant que Gilles mon beau-frère avait fait partie des effectifs de cette entreprise florissante quelques années auparavant. Ce feu me donna le frisson.

Chapitre 2

Rétrospective

Presque trente années séparaient ce week-end cauchemardesque, de l’arrivée de Gilles et d’Agathe dans la région.

Au souvenir de ces années, mon cœur se serra. Combien d’épreuves s’étaient succédé durant tout ce temps, sans jamais faiblir.

J’avais assumé la moisson de soucis que le destin m’amenait régulièrement. La seule chose qui m’aidait à supporter la vie, c’était un espoir insensé dans un avenir meilleur, un jour me disais-je les nuages disparaitraient de ce ciel. Il m’avait fallu pourtant une bonne dose d’optimisme. Cette évocation soudain me donna le vertige.

Après avoir travaillé dans la capitale, durant les premières années de vie commune avec Agathe, dans plusieurs grosses entreprises en qualité d’ingénieur chimiste, Gilles avait trouvé l’opportunité de revenir dans la région de naissance de son épouse nostalgique du pays et de sa famille. Il travaillait donc aux établissements Chourdibeau, entreprise de peinture très connue des Briaçais.

La famille Decharme, Colette et Pierre les parents de Valentine et d’Agathe, nos parents, connue dans la région, était fière de cet évènement car dans les petites villes de province, tout se sait très vite, et cette promotion rejaillissait sur elle. Ils n’avaient pas tellement eu d’occasions d’être flattés dans leur vie.

Ce changement s’était déroulé sans difficulté dans son travail où ses supérieurs étaient très satisfaits de lui, ainsi qu’au sein de la famille où l’harmonie semblait régner.

De cette union étaient nées trois ans après leur mariage deux jumelles, Eloïse et Lise qui faisaient le bonheur de tous aussi bien des parents que des grands-parents.

Gilles travaillait à un projet qui l’accapara suffisamment pendant quelques années, durant lesquelles les jumelles grandirent en malice et complicité. Après les premières dents, les premiers pas et mots, les voilà désormais à l’école maternelle, avec leurs petits cartables et leur nounours sous le bras. Elles étaient trop mignonnes, avec leurs cheveux dorés et bouclés, et leurs grands yeux émerveillés de tout. De vrais petits bouts de femmes. Elles étaient mon point de mire, pour moi qui n’avais pas d’enfants. Je jouais mon rôle de tatie à merveille.

Je trouvais qu’Agathe n’était pas très démonstrative dans l’affection quelle portait à ses filles. Je la trouvais distante et pas très câline. Certains constatèrent qu’imperceptiblement l’humeur d’Agathe s’était modifiée, depuis la naissance des jumelles. Elle était moins gaie, plus prompte à faire des remarques désagréables aussi bien à Colette qu’à Pierre, nos parents. Pierre notre père qui pourtant n’était pas un mauvais homme n’aimait pas se faire remarquer en public. Il encaissait ses réflexions comme une punition et n’y répondait jamais.

Ses blessures, il les gardait pour Colette sa seule confidente. Colette était tout pour lui, la mère, l’épouse. Dernièrement il lui avait confié :

— Tu sais Colette, Agathe exagère, je suis allée lui poser les étagères pour sa bibliothèque, comme tu sais ; elle n’était pas d’humeur et m’a dit que je n’avais qu’à me mettre les planches au cul, si j’étais incapable de réaliser ce qu’elle souhaitait. Elle est insolente et ingrate.

Je ne sais pas s’il lui tenait rigueur au fond de lui-même de ces insolences, mais il revenait toujours vers elle en d’autres occasions, ne lui faisant aucune remarque. Il était trop patient, et Agathe ne se rendait pas compte que Pierre prenait sur lui sans regimber.

Le temps passa, les jumelles grandissaient complices dans leurs jeux. Elles étaient attentives, intelligentes, mais un peu nerveuses. Leur rentrée en maternelle fit envisager à Agathe de retravailler. La vie dans nos petites villes de province n’a rien de comparable à la vie plus trépidante de la capitale et peut être moins monotone.

Elle tenta donc de travailler et fit une expérience à l’imprimerie Planchon mais cela ne dura pas puisqu’elle fut de nouveau enceinte de leur troisième enfant. Les épisodes désagréables semblaient oubliés et grâce à la venue de ce nouvel enfant la famille songea que la tempête s’était calmée.

Gilles continuait de travailler pour l’entreprise Chourdibeau, et à force de recherche venait de mettre au point un nouveau procédé dans la confection des peintures et plus précisément de certaines laques. Il était le seul à connaitre cette formule et il en était assez satisfait, car il avait travaillé d’arrache-pied. Il venait de créer une laque qu’il nomma le vert « TIIGO ». M. Chourdibeau l’avait félicité et remercié de son investissement personnel. Désormais l’entreprise allait voir les ventes croitre. Dans la région l’entreprise Chourdibeau était réputée pour sa rigueur et pour ses produits de très haute qualité. Les agents commerciaux allaient très loin pour prospecter de nouveaux marchés. Gilles était heureux, ses nombreux voyages en Chine et au Japon avaient enfin porté leurs fruits. Agathe ne lui reprocherait plus ses absences répétées, où elle se retrouvait seule face à sa solitude. Elle serait fière de lui.

De sa direction il avait obtenu un très bel avancement. Il pouvait honorablement avec une telle découverte accéder à la direction de l’entreprise plus tôt que prévu, ou peut-être devenir actionnaire. C’était sa manière à lui de se dépasser, car contrairement à Agathe il ne se plaignait jamais.

Le temps passa Agathe porta à son terme sa grossesse et accoucha d’une petite poupée nommée Justine. Une année dût s’écouler à pouponner cette nouvelle arrivée ainsi que les jumelles qui butinaient autour de leur petite sœur, sans qu’aucun fait majeur ne vienne ternir cette ambiance familiale chez Agathe.

Cependant un matin, sans que rien ne le laisse présager Gilles fut convoqué par le Président Directeur Général, qui d’emblée jeta sur la table une lettre anonyme dans laquelle il était directement mis en cause, par des preuves irréfutables, dans la revente de son brevet à l’entreprise concurrente Maxime. Celle-ci mettant d’ailleurs depuis quelques jours le produit en publicité sur tous les panneaux d’affichage de la ville. Il ne pouvait y avoir aucun doute c’était bien sa découverte. Choqué et n’ayant aucun argument de défense il ne sût quoi dire. Il se trouva mis à la porte en moins de quelques heures.

Gilles atterré ne sut que répondre pour se défendre mais avança tout de même qu’il avait des charges familiales dont trois enfants en bas âge dont une qui n’avait pas un an. Ce ne fut pas suffisant comme argument. Le Président Directeur Général lui intimant l’ordre de ne pas rétorquer. L’incident était sans appel. Je crois bien que jamais Gilles ne saura d’où lui venait ce coup bas.

De ces ennuis, la famille ne sut que peu de choses, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase, à partir de ce jour-là rien ne fut plus comme avant.

Gilles resta prostré quelques jours, accablé par le déshonneur et la perte de son emploi. Il repassait dans sa tête l’entretien avec sa direction, les arguments avancés contre lui, et il butait toujours sur la même chose, comment ce brevet était-il arrivé entre les mains des Ets Maxime ? et pourquoi.

Pourquoi ses supérieurs ne l’avaient-ils pas défendu alors qu’ils détenaient tous les arguments qui auraient pu lui être utiles. C’était incompréhensible. Comment allait-il faire pour calmer la tempête qui se déchainait dans sa tête.

Certes Gilles était licencié mais c’était toute la famille qui était affectée par ce coup bas incompréhensible.

Le temps s’écoulait très lentement sur ce coup porté, mais peu à peu Gilles bien que très abattu se força à chercher un nouveau travail, ce qui n’était guère aisé vu les circonstances dans lesquelles il avait été congédié.

Il fallait réagir, songer à déménager, trouver un logement, changer les filles d’école. C’était la galère. Mais surtout ce qui le souciait le plus, c’était la perte de son brevet. Comment ses employeurs avaient-ils pu croire qu’il avait trahi alors qu’il s’était donné sans compter dans cette recherche. Ce tracas venait en lame de fond, pensée récurrente et lancinante, à tout instant de la journée.

De ses grandes ambitions il ne restait rien à cet instant que le déshonneur d’être accusé d’avoir cédé un brevet à un concurrent, de ne pas en être coupable, de prouver son honnêteté et de retrouver une vie digne de lui.

Finalement contre toute attente, en peu de temps Gilles finit par trouver un travail dans le département voisin duPancier, dans une vieille entreprise de cosmétiques, l’entreprise Banjo spécialisée dans les vernis à ongles. Il était encore dans sa partie.

Quant à Agathe ce changement de situation lui apporta comme une bouffée d’oxygène lui faisant envisager la vie sous l’aspect « Baba cool ». Grâce à des fonds personnels tenus de notre grand-père Papy Jean Costier le père de Colette, petit viticulteur reconnu dans la région par la vente d’un vin rouge de table sans prétention « le Miloune » elle acheta quelques hectares de terre non loin de l’entreprise Banjo ainsi que plusieurs ânesses et s’engagea dans la confection de savon bio.

L’installation en Chantre se fit relativement vite, leur permettant de dépasser tous les soucis récents auxquels ils avaient été confrontés. Ils pouvaient redémarrer dans de bonnes conditions. Ils étaient jeunes et pleins d’enthousiasme.

Agathe avait également dégoté dans les relations de Gilles un ingénieur en Équateur qui l’avait dirigé vers une entreprise de textile spécialisée dans l’alpaga et désormais elle réalisait grâce à l’acquisition de quelques alpagas des pull-overs vestes en laine, faits main, et vendait sur les marchés de Chantre des écharpes, étoles, bonnets, gants, châles et plaids en alpaga, ainsi que les savons de sa création.

La vie rude des marchés ainsi que les horaires ne semblaient pas la gêner, elle qui du temps de sa jeunesse, n’était jamais satisfaite de son quotidien, n’était en rien reconnaissable.

Cependant Agathe s’était confiée en maintes occasions à notre mère, lui faisant apparaitre Gilles comme un homme autoritaire qui décidait de tout, avare de surcroit, arguant qu’elle n’avait pas le droit de donner son avis, indiquant que cette vie lui pesait. Colette avait bien voulu la croire et lui avait cependant fait remarquer qu’elle avait choisi Gilles en toute connaissance, mais que si elle voulait rompre les liens du mariage il fallait prendre conseil d’un avocat. Jamais Agathe ne donna suite.

On avait le sentiment d’être en présence d’un couple où la femme est sous la domination constante du mari. Agathe en devenait désormais la victime toute désignée, obligée d’accepter ce que l’homme décide.

Le caractère de Gilles devient avec le temps et les soucis, plus distant, sarcastique, et critique. Cela coulait parfaitement avec la description qu’en faisait Agathe.

Gilles était toujours dans les vernis, sans grand changement fort heureusement pour lui. La mauvaise expérience chez Chourdibeau lui avait coupé toute envie de création. Donc il travaillait sous les ordres sans plus. L’éloignement de la famille ainsi que des sentiments rendit tout le monde malheureux.

Colette s’inquiétait pour sa fille, de sa vie rude, de son caractère qu’elle ne comprenait pas, de son manque de décision, de cette acceptation de se laisser faire des enfants par un homme qui la dominait. Cette situation n’avait rien pour combler une mère.

Souvent Colette me demandait d’intervenir auprès d’Agathe, qui avec le temps s’éloignait de plus en plus de chacun des membres de la famille. Mes interventions n’avaient aucun impact. Nous n’avions aucune affinité.

Colette ne savait plus comment interpréter ce caractère, n’ayant comme seul recours que celui de son ainée très conciliante, Pierre ne lui étant d’aucun secours en la matière, pour tenter de renouer le lien affectif qui se défaisait inexorablement. Il aurait été préférable qu’elle dise franchement qu’elle ne souhaitait voir personne. En quelque sorte elle méprisait et jouait avec ses parents.

De mon côté, je n’avais droit à aucune confidence de ma sœur très secrète, et je ne prenais que ce qu’elle voulait bien me livrer d’elle-même. Et c’était peu à vrai dire. Souvent j’avais culpabilisé songeant que mes parents et moi-même ne faisions peut-être pas l’effort nécessaire pour la comprendre.

Les enfants d’Agathe grandissaient loin de la tradition familiale, au grand désespoir de Colette et de Pierre qui auraient voulu jouer leur rôle de grands-parents. Robert et Victorine Chassang les parents de Gilles par contre n’en étaient pas écartés, ce qui amenait à conclure que Gilles jouait un mauvais rôle contre la famille. Souvent Colette et Pierre pleuraient, ne comprenant pas pourquoi ils étaient ainsi écartés de l’amour qu’ils souhaitaient donner à leurs petits-enfants. Paradoxalement Agathe envoyait parfois quelques photos des bambins, mais le couple limitait les visites prétextant le travail et l’éloignement pour ne pas se déplacer. Là encore l’attitude de Gilles fut mise en cause. Agathe ayant dit qu’il ne souhaitait pas que Colette influence en quoi que ce soit leur éducation.

Le chagrin et le déshonneur accablaient le clan dans son intégralité, sans que nous n’y puissions rien faire.

Pour ma part étant très proche de Colette et Pierre, j’étais une alliée contre Agathe, d’où ma mise à l’écart d’office également.

Ma vie se résumait au travail dans une grande compagnie d’assurances où je gérais les contrats de grosses entreprises du Pancier ainsi que de quelques placements financiers ; quant à ma vie affective, c’était le célibat suite au dramatique accident de Luc qui avait partagé ma vie et dont il avait fallu se remettre. Le célibat s’avérant être le meilleur remède contre la bêtise affective et les aventures sans lendemain car après Luc j’avais été éprise d’un homme qui plus est collègue, dont le meilleur ami n’avait rien trouvé de mieux que de jouer les confidents et de se comporter en rustre et en goujat avec moi alors que j’étais en plein chagrin affectif. Je me suis donc refermée sur moi-même et mes douleurs sentimentales.

Pour rebondir, le travail fut encore le meilleur moyen d’oublier les blessures de la vie. Colette et Pierre n’avaient malheureusement rien pour combler leur peine. Ce fut une période très rude pour eux, car il s’agissait de leurs enfants pour lesquels ils avaient fait beaucoup de sacrifices, et ils ne comprenaient pas cette mise à l’écart alors qu’ils n’étaient répréhensibles en rien. Il était loin le temps où les deux jeunes gens qu’ils étaient s’étaient mis en concubinage alors que leurs études n’étaient pas terminées, venaient se plaindre de l’incompréhension de M. et Mme Chassang, et demander le soutien financier et affectif de Colette et de Pierre.

Tout ceci avec en trame de fond, les non-dits le manque d’amour, toutes ces choses qui font que l’on vous isole, pour vous nuire, gratuitement.

Accablé par ailleurs par des histoires de familles respectives très difficiles, Pierre avait été également obligé de renoncer à un héritage sans gros avantage certes, mais pour le principe, car il ne voulait pas poursuivre une guerre familiale contre ses cinq frères et sœur. Bien lui en avait pris car treize ans plus tard la succession n’était toujours pas terminée.

Pierre avait le sens de la famille, second de fratrie il avait été de bonne heure, soutien de famille à 18 ans, alors que son père était à la guerre, aidant sa mère aux travaux domestiques. Ce fut une période rude pour lui, car aidant également aux champs, son grand-père. Cela avait dû être sans doute une grosse peine que de renoncer à sa part, alors qu’il avait passé une période de sa jeunesse au service de tous les autres enfants et de ses parents. En quelque sorte se désister s’était reconnaitre qu’il n’existait pas. Aucun de ses autres frères ou sœur n’ayant pu empêcher cette décision, ni, semble-t-il, pris la mesure de celle-ci.

En fait la discorde étant tellement enkystée, qu’elle risquait de durer encore fort longtemps, obligeant Pierre à plaider et à dépenser beaucoup d’argent, pour un résultat très incertain. Donc il valait mieux renoncer, mais à quel prix affectif et quel impact sur l’estime qu’il avait de lui-même.

J’étais de tout cœur avec mes parents, les soutenant et recevant leurs confidences et commentaires du moment sur les situations en cours, faisant les courriers à l’encontre des avocats ou notaires selon le cas. C’était comme si j’étais entrée en succession moi-même avec cette indivision qui pesait lourdement sur la vie de tous les jours et durait, durait….

Agathe comme à son habitude ne s’intéressait à rien et restait éloignée, n’interrogeait personne sur cette triste histoire de famille, me laissant, me débrouiller seule et ne m’enviant pas pour une fois mon rôle d’ainée.

Pierre ne savait plus que penser. Homme très peu bavard, il avait tiré la conclusion sur ce couple dont il disait :

— Agathe n’a guère amélioré Gilles.

On pouvait donc en déduire que Pierre avait apprécié sa fille à sa juste valeur rejetant la faute de la situation présente sur celle-ci.

Chapitre 3

Nos jeunes années

Lorsque je l’aperçus, il était déjà là, stationnant sur les marches hautes de l’école communale de Lobret, par cette fraiche et lumineuse journée d’automne. Seul, vêtu d’un duffle-coat beige aux boutons comme les miens en forme de sifflet. Il tenait à la main droite son cartable de cuir marron foncé. Son visage doux était rond mais pas trop, le teint légèrement hâlé avec des cheveux châtain foncé que rien n’avait décoiffé. Il était calme, timide peut-être, mais à son allure on pouvait remarquer que c’était un élève sérieux et posé, un soupçon d’inquiétude peut-être marquait son visage. Il ne paraissait attendre personne, il était simplement là, posé à cet endroit dans le temps et dans l’espace, rien que pour moi pour que j’en fasse le constat dans cet instant de ma vie.

Il n’a pas, à notre approche, détourné le regard ni la tête vers nous qui arrivions dans sa direction. Il est resté là figé, le regard perdu au loin, absorbé dans ses réflexions sans doute, comme habité par autre chose que la réalité présente. Ce n’est que très longtemps après presque 65 ans plus tard que j’essayais de comprendre ce qu’il pouvait bien y avoir au bout de ce regard, une maison, une solution à mes interrogations. Ce petit garçon était soucieux, très préoccupé déjà par le métier de son papa sans doute… Celui-ci occupait un poste aux indirects, mais à 6 ans moi je ne le savais pas.

Il paraissait avoir entre 12 à 13 ans et comme je ne le connaissais pas pour l’avoir déjà croisé dans la cour de récréation je posais spontanément la question à la copine qui me suivait :

— Qui est-ce ?
— C’est le fils du professeur de français du collège Henri IV Mme la Bertonne.

On aurait dit un ange, tant ses traits étaient fins et délicats, c’est d’ailleurs parce qu’il était différent des autres petits garçons que je côtoyais que mon attention fut attirée vers lui.

Il ne nous a pas gratifiés d’un regard, n’a pas bougé même un cil, ni ne s’est retourné sur notre passage, nous n’existions pas, il était ailleurs dans une autre galaxie, dans son univers.

Positionné en hauteur comme une statue sur son piédestal, je pouvais ainsi, mieux l’observer, et je peux dire qu’à cet instant il m’a semblé que quelque chose de magique venait de se passer et que je n’avais jamais ressenti auparavant. Je devais avoir 6/7 ans. Nous passâmes notre chemin, je ne le revis plus et je n’entendis plus jamais parler de lui non plus.

C’était Luc la Bertonne.

Durant les nombreuses années qui suivirent dans ma vie, jamais je n’ai repensé à ce moment et d’ailleurs je n’en ai même jamais parlé chez moi ni à personne d’autre que la copine d’un jour et d’ailleurs je ne me souviens plus qui était la copine. C’est si loin est-ce que cela n’a jamais existé ?

Le temps passa, les jours, les mois, les années. La vie de famille comme dans beaucoup d’autres foyers fut ponctuée de Noël, de jour de l’an, de mariage, d’enterrement, communion, repas de famille où ma mère excellait en bonne cuisinière pour le plus grand plaisir et l’admiration de toute la famille.

Colette ma mère s’occupait telle une abeille laborieuse dans sa maison, au service de nous tous, mon père ne souhaitant pas qu’elle ait un travail à l’extérieur de la maison. Ceci n’était pas pour épanouir notre mère qui avait une grande soif de contact. Mais les temps étaient ainsi faits, les femmes n’avaient pas encore gagné leur liberté et restaient sous l’autorité du mari. Nous étions en 1958. Et chez nous dans cette famille il y avait des rituels dont je faisais partie et cela je n’en pris réellement conscience que vers la fin de ma vie.

Quelques années passèrent et je partis en 1963 au collège en internat plus précisément par un beau et chaud dimanche de septembre. Pour me faire oublier la séparation d’avec les miens, ma grand-mère maternelle avait concocté mon plat préféré, un civet de lapin. Je m’en souviens d’ailleurs comme si c’était hier, la gorge nouée, le délicieux lapin avait les « mille mal » à passer. Je ne pensais qu’à une chose, le nombre d’heures qui me séparait de cette rentrée dans l’après-midi à l’internat. Qu’allais-je découvrir ?…

Maintenant je faisais partie des grandes par rapport aux élèves du primaire, et je n’en étais pas peu fière. Cette période fut brève car bien vite j’allais en faire le constat je rejoignais le clan des petites par rapport aux terminales….

Mon année de 6e se passa fort bien et j’eus de bons résultats. Je fis l’apprentissage de l’anglais, avec tous ces nouveaux mots qu’il fallait apprendre et qui avaient un autre goût j’ai bien dit autre goût que les mots de la langue Française. L’histoire de la Crête vient terminer l’année. À cette époque je me réveillais de très bonne heure et me souviens que le jour s’infiltrait à travers les rideaux épais et clairs qu’une brise fraiche et légère de l’aube faisait se soulever doucement passant sur mon lit dans lequel je révisais. J’ai aimé cette période. Nous avions un collège entièrement neuf, aussi bien pour les classes que pour l’internat. Cela était fort agréable de pouvoir jouir de dortoirs, douches, lavabos individuels, cordonnerie, réfectoire, et autres salles de classe, propres et bien éclairées, chauffées, à l’abri du mauvais temps, pas de préoccupation matérielle, si ce n’est apprendre…

Le règlement était strict, il fallait savoir faire notre lit au carré, ranger nos armoires, prendre soin de nous et de nos affaires, nous coucher de bonne heure. Bref ! de bonnes habitudes que toutes les jeunes filles que nous étions n’auraient pas forcément apprises chez elles. De plus là il fallait obéir au règlement, mais moi cela ne me gênait pas puisque j’obéissais déjà chez moi. Là c’était une autre méthode parce que l’on n’était pas à la maison. Il fallait obéir et plier sous l’autorité.

Je n’avais pas de problème de cohabitation avec les autres internes et m’entendait bien avec les élèves de ma classe.

La 5e ses programmes ses professeurs moins gais qu’en 6e assortis des décès de mon arrière-grand-mère maternelle et de mon grand-père paternel virent le début de mes difficultés scolaires.

Ma mère éprouvée par ces deuils et mon entrée à l’internat fut moins à mon écoute, mieux c’est elle qui s’épanchait sur mes frêles épaules lorsque je rentrais le Week-end. Je lui manquais mais elle n’en disait rien. Ce n’est que des années plus tard qu’elle m’en fit part à mon grand étonnement. Elle n’en avait rien laissé paraitre.

Mon père très pris par son travail à la Banque et ses responsabilités n’était guère disponible. Ma mère n’avait de par le fait, personne à qui confier ses soucis en dehors de moi, qui étais l’ainée, Agathe ma sœur beaucoup plus jeune et d’un caractère difficile exigeait plus d’attention.

Mes notes s’en ressentirent. Je peinais, la 4e et la 3e passèrent avec difficulté et c’est à ce moment-là qu’il fallut envisager de me faire prendre des cours de mathématiques car mon niveau scolaire était au plus bas.

Colette toujours en contact avec mes anciens instituteurs et professeurs trouva un étudiant disponible en la personne de Luc La Bertonne pour assurer ma remise à niveau en mathématiques.

Ce fut à cette période que Luc entra de nouveau dans ma vie sans que je fasse le rapprochement avec le petit garçon aperçu des années plus tôt sur le perron de l’école. Bien sûr il avait changé et je ne le reconnus pas…

À l’époque il était étudiant à Breaux en biologie, car il se destinait à la recherche, je devais avoir 16 ans et lui entre 23/24 ans.

J’étais en plein éveil sentimental, quant à lui il avait dépassé la période « niaiseuse » de l’adolescence des garçons auxquels je pouvais prétendre à l’époque.

Il n’en fallut pas plus pour que de tendres sentiments naissent en moi.

Très vite ses cours portèrent leurs fruits. Mes notes redevinrent correctes et les mathématiques eurent de nouveau grâce à mes yeux.

— Je n’en reviens pas que tu obtiennes de telles notes me disait-il ?

Il doutait de mes progrès et des notes que je lui présentais comme si j’avais été capable de pouvoir lui mentir sur ce point, de le duper. Mais peut-être n’était-il pas convaincu qu’il puisse obtenir de moi de tels changements en si peu de temps.

Il faut dire que j’y mettais toute mon ardeur, d’autant qu’il avait l’art d’enseigner cela était sûr. J’aimais ce qu’il m’apprenait, j’étais enthousiaste.

De plus j’étais la seule élève dont il s’occupait ce qui n’était pas anodin pour moi qui étais en manque d’attention. Je l’admirais, il était posé sérieux calme et gentil, tout ce dont j’avais besoin, d’affection et d’intérêt. Il était attentif, rien de mieux pour éveiller un sentiment amoureux dans le cœur d’une jeune fille. Pour lui être agréable, j’aurais traversé le feu comme l’on dit. Inconsciemment il remplissait très bien sa tâche. Ce n’est que des années plus tard que je compris cela.

Mon esprit était en effervescence, je ne sentais plus aucune barrière, je comprenais les maths, mieux je devenais bonne.

Cela fit naitre en moi la confiance, et un certain épanouissement se fit jour, en me donnant d’autres idées : celles de la conquête amoureuse. Je n’avais pas de professeur en la matière et comme celui que j’avais sous la main ne me réprimandait pas, je pus laisser libre cours à mes désirs bien sages à l’époque, mais tout de même coquins.

Je jouais l’atout coquetterie à fond pensant le séduire, je n’eus de cesse de m’employer petit à petit à me faire remarquer de lui en me maquillant, en prenant soin de moi de mes habits de ma coiffure de me parfumer. J’allais en cours comme l’on se rend chez des amis je me mettais comme l’on dit sur son 31. Je n’en abandonnais pas pour autant les cours de maths, c’était un plus j’étais comme dopée.

Naïvement je pensais que c’était suffisant pour séduire un homme. Je me sentais invulnérable et je pensais bien arriver à mes fins un jour ou l’autre.

C’est bon d’avoir des illusions jeunes ou pas d’ailleurs, car sans cela on n’entreprendrait rien.

À l’époque apparut la mode du « panty », genre de caleçon avec de la dentelle que l’on portait sous sa jupe ou robe, mais qu’il ne fallait pas faire dépasser. Je fus assez coquine pour faire en sorte que le panty soit suffisamment bas pour dépasser de ma robe afin qu’il puisse être séduit par la dentelle et mes jambes bien évidemment lorsqu’il me suivrait dans l’escalier. Je jouais avec le feu. Mais rien n’y faisait. Il ne semblait ni rien voir ni rien sentir. Cela ne me rebutait pas, car il ne faisait aucun commentaire et gardait son calme. J’en étais toutefois surprise, agacée, énervée. Et plus il se taisait et plus je persistais. Qu’aurais-je fait s’il m’avait mis la main aux fesses ! hein ! je me le demande ? car il faut bien avouer, c’est un geste que je m’apprécie pas du tout. Heureusement il y a des anges gardiens.

J’abusais du parfum l’obligeant à ouvrir toutes grandes les fenêtres de sa chambre la fin du cours arrivant car de plus les cours étaient donnés dans sa chambre où il y avait un bureau et un tableau noir et deux lits anciens. De quoi nourrir l’imaginaire.

J’aimais tout chez lui, l’odeur des chaussures qui trainaient dans la chambre et même l’odeur du chien qui nous rendait parfois visite.

Rien ne se passa comme je l’aurais souhaité, tant mieux car maintenant avec le recul je me rends compte que ce garçon étant plus âgé que moi n’était pas attiré par moi, ou du moins avait de l’éducation. De plus il faisait des études longues et moi je n’étais même pas majeure. Où cela aurait-il pu bien nous mener, à rien. J’avais trop d’imagination certainement pour mon âge. Ce qui est sûr c’est qu’il me plaisait que j’aurais bien franchi le pas avec lui sans aucune réserve cela est sûr mais à l’époque les filles sérieuses ne couchaient pas comme cela avec les garçons. Je ne pensais pas coucher avec lui mais avoir une relation d’amour avec lui… Nous étions en 66/67. J’avais besoin de lui. Il m’apportait ce que sans doute mon père ne pouvait pas me donner bien évidemment, l’intérêt à une femme naissante.

La gamine que j’étais n’éveillait aucun tumulte en lui. Il semblait de glace et mes efforts pour le séduire ne le faisaient même pas sourire. Tant mieux il ne m’a pas frustrée, il m’a considéré, car ce ne fut pas toujours le cas dans ma vie.

J’obtins mon brevet et il alla même voir les résultats pour moi. Il s’intéressait à moi mais sérieusement comme un professeur honnête. Un garçon sérieux. Puis il se passa une année de plus et les cours cessèrent. Je fus déçue car il prétexta ne pas être assez compétent pour assurer les cours d’une seconde basée exclusivement sur les mathématiques. Je pense surtout qu’il ne voulait pas avoir une gamine de mon genre dans les « pattes » comme on dit.

Comme il habitait le même village que moi je le voyais assez souvent le week-end circuler dans sa voiture, toujours seul ou avec des garçons mais jamais avec une fille. Il n’en fallait pas plus pour que je continue à me faire des idées. Mes parents m’avaient également à l’œil comme on dit. Je pouvais circuler car j’avais le permis de conduire mais je restais arrimée à mes parents et comme Luc rayonnait non loin de chez moi, moi je restais dans les parages. Mes parents m’avaient éduquée en conséquence… j’étais vissée comme on disait à l’époque. Bref, je l’avais toujours à l’esprit, bien qu’ayant d’autres copains et copines de classe avec qui je sortais en boite à l’époque, j’avais en moi une nostalgie une peine que je ne savais pas identifier. Il me manquait ou quelque chose me manquait. Je ne m’amusais pas de bon cœur et en toute décontraction. Son image logeait dans un coin de mon esprit, sans que je force. C’était comme un aimant. Je l’attendais. Je n’avais pas échafaudé de projets à long terme tels que fiançailles, mariage, enfants, non simplement lui et moi. La tendresse d’être ensemble. J’avais besoin de lui.

Pour moi je l’avais assimilé à quelqu’un de mon âge car il faisait jeune, et c’est peut-être pour cela que je ne me suis pas rendue-compte de la différence d’âge. Mais peut-être l’était-il aussi mentalement ? Mais est-ce que l’âge m’importait vraiment, non.

Luc faisait également de l’avion et jouait du saxo. Il faisait partie de l’orchestre du village, où il se débrouillait ma foi pas mal du tout. Je ne lui trouvais que des qualités.

C’était un garçon avec beaucoup de qualités.

Le temps passa et l’année 1970 fut celle du baccalauréat. Durant l’hiver qui précéda l’épreuve, mes parents m’autorisèrent à faire une Boom dans leur maison de campagne à Saint-Martin.

J’invitais tous mes copains de mon âge et bien entendu je n’allais pas oublier Luc. Il répondit qu’il viendrait et il vint. Pas seul mais avec un autre copain de son âge. Bien sûr j’étais aux anges. J’avais grandi : à cet âge on a le sentiment de vieillir vite d’une année sur l’autre, et il était toujours dans mon esprit. C’était une obsession. Peut-être que si j’avais échangé avec mes parents sur le sujet je ne me serais pas accroché ainsi à ce qu’il représentait, et j’aurais passé à autre chose, mais comme j’étais très secrète je gardais au fond de moi ce que je croyais n’appartenir qu’à moi. En pensant à lui, j’avais le sentiment d’exister pour lui et de ne pas me sentir seule, ce que j’étais sans doute. Toutes mes amies avaient des flirts, je ne voulais pas être la seule à qui l’amour ne souriait pas !

La soirée se déroula très bien, tout le monde s’amusa gentiment, je crois même qu’il me fit danser un slow, mais il ne parla pas, moi non plus. Je n’étais pas douée pour la conversation depuis très longtemps, en terme puéril on dirait que j’avais mis ma langue dans la poche. Pourquoi à l’époque je ne savais pas qu’il y avait une raison. Ma cousine qui était là engagea la conversation avec lui, sur ses études à venir à la faculté. Il resta assis dans un coin de la pièce à discuter avec son copain. Puis la soirée s’acheva. Ils partirent tous les deux dans la nuit. Bon, il ne s’était rien passé comme à l’habitude. Je m’occupais à nettoyer des verres, déçue qu’il ne se soit rien passé quand soudain la porte s’ouvrit de nouveau sur le copain de Luc qui revenait :

— Luc voudrait te voir il faudrait que tu sortes

Surprise et prise de panique, je ne trouvais rien à dire qu’une parole violente :

— Si Luc veut que je sorte, il n’a qu’à me le demander lui-même.

Cependant j’avais tellement attendu cet instant pensant que Luc n’aurait pas besoin d’intermédiaire pour me parler que j’étais déstabilisée. Mon cœur battait la chamade. La porte se referma sur la nuit et sur le copain de Luc. Je pensais que la porte allait se rouvrir laissant apparaitre Luc qui viendrait tel un chevalier servant me déclarer sa flamme. Cet instant ne vient pas. S’en était finit. Je ne savais que penser. Partagée entre le fait qu’il ait osé par personne interposée ou bien avait-il voulu profiter de moi avec la complicité de son copain. Je ne devrais jamais être éclairée en rien sur cette situation.

L’année s’écoula j’obtins mon baccalauréat non sans difficulté et m’inscrivis à Breauxaux Beaux-Arts.

Ce fut une année merveilleuse, j’appris la liberté d’aller et de venir à ma guise, sans autorité ni de compte à rendre à mes parents. Le contexte familial était pesant suite au divorce de ma tante et je ne m’en rendais pas compte. Je respirais au rythme des gens de mon âge. Je résidais dans une pension de famille avec d’autres jeunes qui étaient dans d’autres facultés. Nous avions les mêmes préoccupations, celles de nos études.

Mon attrait pour la peinture et la sculpture se révélait jour après jour. L’histoire de l’art me captivait. Chaque jour qui passait était un enchantement.

J’appris toutes les délicatesses et finesses du pastel par les craies. Mes premières réalisations me laissèrent sans voix. J’avais des prédispositions. La peinture au couteau par contre m’obligeait à aller à l’essentiel pour créer.

Les blouses salies par la peinture et la craie m’apprirent la décontraction m’obligeant à revoir mon rapport aux choses et aux êtres et à la valeur que je leur accordais. La rigueur qui régnait en famille n’avait plus cours à Breaux. Mais j’étais trop jeune pour faire la différence, je ne remarquais qu’une chose la liberté.

L’aquarelle par contre n’avait pas mes préférences, je ne pouvais lutter contre le pouvoir de l’eau. Je barbouillais, je pataugeais, je ne m’y employais pas avec ravissement aussi je n’en faisais pas ma matière préférée.

La sculpture sur terre glaise me révéla la sensualité de la matière et ne me laissa pas insensible. Je pris conscience de ce qu’était le droit à l’erreur qui ne faisait pas vraiment partie de mon univers jusqu’à présent. Je modelais et déformais mes créations selon mes humeurs, j’expérimentais. Je réalisais des œuvres délicates au-delà de mes espérances. J’avais la vie entre mes mains. J’étais épanouie.

L’année vit son terme et comme malgré tout j’avais gardé un esprit assez cartésien, j’envisageais de travailler durant les vacances pour pouvoir financer en partie mes études. Je décrochais à l’époque, cela était encore assez facile de trouver un petit job d’été, un stage de 2 mois dans une compagnie d’assurances sur Breaux. J’étais aux anges. J’allais enfin gagner ma vie. Cela était très important pour moi de pouvoir satisfaire mes désirs en pouvant m’acheter, vêtements et autres bricoles sans compter ou sans devoir quémander auprès de mes parents qui n’avaient jamais été pingres car mon père gagnait bien sa vie, mais j’aurais voulu plus. Bien évidemment lorsqu’on ne tient pas les cordons de la bourse c’est plus facile.

Les deux mois s’écoulèrent très vite, le travail que j’avais à fournir n’avait rien de commun avec les arts mais c’était le monde du travail et je me rendis compte que cela ne me déplaisait pas.

Après avoir mûrement réfléchi sur mon avenir et sur les débouchés que je pourrais espérer après mes années des Beaux-Arts, je décidais de tenter ma chance en postulant dans cette agence d’Assurances qui avait pignon sur rue à Breaux, pour rentrer dans la vie active.

Mon année passée aux Beaux-Arts fut un atout, ma candidature fut acceptée moyennant une période de 6 mois d’essais en tant que temporaire avant de pouvoir prétendre décrocher un contrat à durée indéterminée.

On me confia un portefeuille de clients ayant des biens de valeurs à assurer tels que tableaux de maitres, sculptures, bijoux et autres objets de qualité.

Je plongeais dans cet univers à pleines dents, découvrant jours après jour les méandres du métier. On me trouva des qualités et je fus appréciée.

La vie àBreaux se passa sans plus de difficultés. Je sortais avec mes amis et collègues. Le temps passait sans ennui, mon travail me comblait.

Ma vie sentimentale était assez déserte, j’avais des flirts mais cela n’allait jamais bien loin, je ne m’engageais pas. Quelque chose en moi faisait obstacle se refusait sans que je puisse identifier à quoi cela était dû.

Personne ne trouvait grâce à mes yeux et chaque fois que j’y pensais et que je me disais pourquoi tu n’as personne, une voix intérieure me disait « je ne le veux pas ».

J’en concluais que c’était ma nature profonde qui refusait tout bonnement la vie de couple et que je n’étais pas faite pour la vie à deux. Il y avait une réelle différence entre ce que j’avais pu ressentir auprès de Luc et pour Luc et ce que je pouvais ressentir en me projetant dans une relation amoureuse maintenant que j’étais libre de mes mouvements. Cela me laissait tout de même un drôle de goût à la bouche, une amertume de ne pouvoir être comme les autres.

Ma sœur Agathe me rejoint à Breaux pour ses années de commerce, et finit par y rencontrer un fort beau jeune homme en la personne de mon futur beau-frère Gilles lors d’un bal de promotion.

Ce rapprochement de ma sœur à Breaux, ainsi que sa rencontre avec mon beau-frère, firent que la vie de famille prit un tournant qui me détourna de mes propres soucis et je me centrais sur un autre sujet que ma personne.

Nous étions dans les années 76

J’avais été remarquée dans mon travail et on me confia de nouvelles responsabilités. Les dossiers s’empilaient sur le bureau pour mon plus grand bonheur.

La séparation de fin d’études s’était faite radicalement en 70. Après mon entrée aux beaux-arts et le déménagement de mes parents pour un autre village. À Saint-Martin je me retrouvais loin des anciens copines et copains qui eux aussi étaient partis chacun de leur côté. L’entrée dans la vie active mit un terme au monde de ma jeunesse. Cela se fit sans que j’en prenne réellement conscience, sans souffrance apparente.

Cependant une ou plusieurs séparations avaient eu lieu dans ma vie, sans que j’y prête attention et avaient laissé leur blessure.

Il y avait bien sûr Luc, qui s’était enfoncé dans l’obscurité et l’oubli par une froide nuit de décembre, pour ne plus réapparaitre dans ma vie. L’éloignement dû aux années de fac et de travail m’avait irrémédiablement éloigné de lui et de ma ville de Briac. Il était loin de ma vue loin de mes yeux et de mon cœur. Mais cela je l’avais occulté. Pour quelles raisons mon cœur souffrait. Nous n’étions jamais sortis ensemble je n’étais donc pas amoureuse de lui, le mal devait donc venir d’ailleurs.

De plus j’avais été élevée d’une certaine façon ou on ne court pas après les garçons. Mes parents m’avaient bien éduquée je ne risquais pas de déroger au règlement, cela ne me venait même pas à l’esprit. Le garçon ne se manifestant pas c’est qu’on ne l’intéressait pas. Ce qui était logique, mais moi je restais avec mes interrogations mes pensées mes souffrances de jeune fille de l’époque…

Colette ma mère sur le sujet avait rendu son verdict qui était tombé tel un couperet

— Tu ne t’éprends que de garçons qui ne s’intéressent nullement à toi,

Cette phrase assassine me marqua tel un fer rouge me culpabilisant à vie dans mes choix.

Elle sema le trouble le désarroi et la perturbation. Cela induit une confusion dans mon jugement envers les hommes d’une part et dans l’estime que je pouvais avoir de moi dans mes choix affectifs.

Tout cela faisait que je travaillais d’arrache pieds je n’avais donc pas de soucis à me faire pour ma survie. La seule chose qui manquait à ma vie c’était l’âme sœur comme l’on dit. Mais avais-je droit à l’affection ?

Sur ce point j’étais l’handicapée de l’amour. Je vivais comme je le croyais à l’époque normalement, mais au fond de moi une petite voix presque inaudible se manifestait encore, parfois, je ne l’entendais presque plus, elle me disait qu’elle souffrait et cela me faisait souffrir. Je n’avais aucune réponse aucun remède que celui de subir ce que je croyais venir de ma nature profonde. Cela devait durer longtemps.

Chapitre 4

L’époque heureuse

Par l’entremise de Gilles mon futur beau-frère, je fis connaissance de ses copains plus jeunes que moi et ma famille pensait sans doute que je pourrais trouver chaussure à mon pied dans ce contexte-là.

Au demeurant ces jeunes gens étaient tous sympathiques, avenants mais cela n’était qu’une diversion dans ma vie. Ils étaient encore dans leurs études et je ne les trouvais pas assez matures pour moi. Le monde de mon beau-frère qu’avait choisi ma sœur n’était pas celui que j’aurais choisi pour moi. C’étaient des jeunes gens qui se destinaient à de beaux métiers certes, ceux de dirigeants d’entreprises mais je les trouvais trop rigides quelque part et trop sûrs d’eux-mêmes et de leur savoir. Je n’étais pas une femme à me laisser dicter ce de quoi mon quotidien devait être fait.

Certes cette période fut une période très agréable où un souffle nouveau sembla flotter sur notre famille. Tout le monde paraissait heureux. Colette et Pierre mes parents étaient fiers du choix de leur fille cadette Agathe en la personne de Gilles. Celui-ci avait une bonne formation universitaire qui allait lui apporter un métier très intéressant. Leur fille semblait heureuse, plus gaie que dans son adolescence et enfance où elle était le désespoir de Colette qui n’arrivait pas à s’en faire écouter.

Nous faisions le tour de tous les bals de promotions dans les villes de Vyn, Elute, Breaux.

Il y avait de fréquents repas chez les uns et les autres pour égayer le quotidien. L’ambiance était chaleureuse et fraternelle. Là aussi c’était un clan jeune mais c’était un autre clan que celui de ma famille. Je me croyais libre. L’est-on jamais.

Je me souviens d’un bal de promotion à Elute qui restera longtemps dans ma mémoire.

Elutemais encore et toujours Eluteet sa magie. Je me souviens encore aujourd’hui de ce bal, Il y a bientôt quarante ans. Toute la famille était « montée » comme on dit en province à Elutepour la promotion de Gilles.

La nuit immense s’enroulait autour de nous, laissant nos yeux curieux percer cette obscurité infinie, à la découverte des lieux environnants, cachés dans ses filets.

Le ciel d’un noir profond était parsemé d’étoiles scintillantes ; demain certainement il gèlerait. Les rues obscures malgré les réverbères allumés, étaient calmes et désertes. La traversée du pont ancestral à pied en ce début de soirée se faisait d’un pas rapide et alerte dans le froid sec et vif, nous rappelant que nous étions encore en hiver. Au loin, de l’autre côté du pont, presque désert à cette heure de la soirée, nous apercevions, illuminé et solennel, ce monument chargé d’histoire, qu’était la conciergerie.

Pour nous c’était un peu de notre histoire de famille qui était liée à cet endroit, puisqu’un de nos ancêtres, révolutionnaire avait voté pour l’exécution de Marie-Antoinette. Nous n’en faisions jamais état, certes la société de l’époque avait besoin de changement, et les révolutionnaires ne devaient pas être gens des plus commodes. Nous ne nous sommes jamais glorifiés, de cet aspect de notre histoire de famille, qui n’était d’ailleurs qu’un élément parmi beaucoup d’autres, mais presque 300 ans après, des partisans de la royauté qui ne fêtaient pas le 14 juillet m’en faisaient encore grief aujourd’hui.

J’avais du mal à comprendre cette attitude n’ayant baignée que dans une ambiance de démocratie, et surtout n’ayant jamais appartenu à la royauté.

Bref ! cet endroit était chargé de toute une histoire, à laquelle je ne pouvais pas être insensible puisqu’elle faisait référence à une période douloureuse pour notre pays qui acquit en ces temps difficiles le début d’une certaine liberté à laquelle il aspirait.

Donc la vue de cet édifice immédiatement me rappela l’histoire et la froidure des évènements. Mais à ceci se mêlait la vie d’aujourd’hui et surtout la soirée joyeuse qui s’annonçait.

C’était un froid solennel qui nous faisait rire, car il se faufilait sous nos robes longues et légères où il venait mordre nos jeunes corps parés d’une simple paire de collants.

Ma robe confectionnée dans une dentelle noire était réalisée d’un bustier, et d’un bas de robe constitué de volants en cascades. Mes pieds étaient chaussés d’escarpins légers. L’ensemble était du plus bel effet car j’avais opté pour m’envelopper une gandoura rouge.

Nous avions commandé des taxis pour nous conduire au bal, ainsi apprêtés, mais ils nous avaient fait faux bond nous obligeant à prendre le métro avec nos tenues de soirée. Les hommes en smoking et costume de l’école de Gilles.

Colette était un peu inquiète de devoir se déplacer ainsi, craignant de susciter jalousie et envie, mais nous n’avions pas d’autre choix. Fort heureusement à cette heure les wagons étaient très peu fréquentés ; certes nous n’étions pas passés inaperçus, mais le trajet s’était bien déroulé. Le métro avec son odeur particulière de sueur et de graisse brûlée était chaud, nous étions debout dans la lumière, accrochés aux piliers, et secoués par le balancement des voitures.

La découverte d’Elutela nuit, de ses habitudes de ses habitants, jouait d’attraction sur moi qui n’était guère aventurière. Je coupais ainsi avec mon quotidien, fait du travail quelque peu rigide dans la compagnie d’assurances qui m’employait.

J’appréciais tous les instants de gaité que la vie m’apportait, mais avec retenue. À l’époque j’optais pour la devise » tout le monde est beau tout le monde est gentil ». Un reste sans doute des années 68. Pour moi il fallait laisser une chance à chacun de prouver qu’il pouvait être quelqu’un de bien, malgré ses erreurs. Je devais quelques années plus tard revenir sur cette maxime qui ne collait plus avec la réalité que je vivais et aux déboires que la vie s’est empressée de m’envoyer avec largesse.

Nous arrivâmes enfin sur les lieux. Je m’imaginais l’endroit beaucoup plus vaste. Le bal avait lieu dans une salle dont les murs étaient en pierres apparentes, que je trouvais petite. Je fus déçue je ne saurais dire pourquoi. Pourtant tout était parfaitement organisé, et comble de bonheur l’artiste qui animait le bal était mon musicien préféré, Many Dubanlo joueur de jazz prestigieux s’il en fut.

Regroupés par « famille » à des tables rondes, nous partagions cette soirée avec des copains de promotion de Gilles très aimables et courtois. Nous dansâmes, mais sans plus.

Cette soirée, comme d’autres par la suite, me laissa sur ma faim sans que j’en prenne réellement conscience. J’avais longtemps attendu ces bals mais je dois bien constater avec le recul que je n’en garde pas un grand souvenir. Mais peut-être que les meurtrissures de la vie y ont participé pour beaucoup.

Gilles était toujours empressé auprès d’Agathe qui se laissait aimer, sans gêne. Elle avait eu le bonheur de le rencontrer à un bal également il y avait trois ans à Breaux. Il en était tombé éperdument amoureux, ébloui par sa chevelure rousse bouclée naturellement, et son port de reine dans sa robe verte. Elle était grande, plantureuse, et déterminée dans sa prestance.

À dater de ce jour, ils ne s’étaient plus quittés et semblaient couler des jours heureux que seuls les gens amoureux vivent.

Cette période d’insouciance ne dura qu’un temps qui passa relativement vite. Les études de mon beau-frère devaient se terminer à Eluteoù ils envisagèrent de se déplacer en 80.

Pour ma part ces années d’amitiés et de complicité avec mon futur beau-frère et ses copains me firent envisager de demander ma mutation àElutepour parfaire mon parcours dans les assurances mais seulement pour une période limitée à deux ans, souhaitant revenir sur Briac par la suite car mes parents vieillissaient et étant l’ainée je ne voulais pas leur donner le sentiment de les abandonner en étant loin d’eux. Je combinais ainsi le plaisir de suivre ce jeune couple et mon travail. Nous avions de bons rapports je m’entendais mieux avec Agathe que dans notre enfance et je voyais également une opportunité d’avancement en me rapprochant de la maison mère de ma compagnie d’assurances sur Elute. Je fis donc ma demande de mutation.

Cela faisait 7 ans que je travaillais à Breauxet mes supérieurs étaient satisfaits de moi. Je n’appréhendais pas le résultat, je souhaitais simplement qu’il soit accepté.

Il fallait attendre quelques mois pour avoir la réponse. Gilles et Agathe étaient déjà sur Eluteà la rentrée scolaire de 1980 moi j’étais encore sur Breaux. Ce fut à cette période qu’Agathe nous annonça qu’elle et Gilles envisageaient de se marier durant l’été 1981. Les 4 années de cohabitation leur ayant permis de mieux se connaitre, le couple songeait à la fin des études de Gilles régulariser leur situation pour fonder une famille et avoir des enfants. Cela se passerait à Saint-Martin en Pancier dans la propriété de Colette et Pierre nos parents. Ceux-ci disposant d’une grande propriété il pouvait être envisagé de recevoir tous les invités sur place sous de grands chapiteaux. Maintenant il fallait croiser les doigts et espérer que le jour choisi il fasse beau.

La nouvelle fut accueillie avec bonheur. Comme il fallait débattre de tous les préparatifs, Colette demanda à Agathe de descendre un Week-End à Saint-Martin. La date du 1er novembre fut choisie il était grand temps d’ailleurs. Ce jour-là toute la famille fut réunie au Domaine des Truffiers pour un grand plan stratégique.

Tout le monde se réjouissant de ces futurs moments heureux. L’ambiance était à l’euphorie. Chacun donnant son idée sur tout et rien. Il y avait de l’exaltation dans l’air.

Il fallut faire un planning, pour savoir ce que les mariés voulaient et ce que les parents pouvaient faire. Les derniers pour le bonheur et le plaisir des premiers étaient prêts à se couper en deux je dirais même en quatre, à se sacrifier c’était bien le mot pour satisfaire leurs enfants.

S’ensuivirent l’évocation de la date du mariage, religieux et civil, la location des chapiteaux, des tables et chaises, du choix du traiteur et du menu, l’achat de la robe de la mariée ainsi que de nos tenues réciproques et des costumes, la location des fleurs, la pièce montée les alliances les menus les faire-part, les dragées les garçons et demoiselles d’honneur le photographe et j’en passe. Nous étions comme des abeilles dans une ruche. Et il ne fallait pas oublier la couronne de la mariée pour l’entrée de l’église. Nous n’avions pas même un an pour réaliser tout cela. Chacun dit ce qu’il pouvait faire ou accepta la tâche qu’on lui affectait. Pour un premier plan de combat, c’était déjà pas mal. Il fut prévu de se revoir plusieurs fois pour des mises au point dans l’année en dehors des réunions familiales de Noël et Pâques.

Colette envisagea de se rendre àElute dans le courant de l’hiver afin de choisir la robe de mariée avec sa fille Agathe, moment de complicité entre une mère et sa fille, première fille d’ailleurs qu’elle mariait. C’était de l’émotion pour elle qui n’avait pas été très gâtée par sa mère qui lui avait brûlé son voile de mariée le matin de ses noces…

Il fallut dresser la liste des invités ce qui ne fut pas une mince affaire car les deux familles étaient nombreuses et il y avait du monde à inviter. Cela prit un certain temps.