Congo. Mémoires à vif - Françoise Germain-Robin - E-Book

Congo. Mémoires à vif E-Book

Françoise Germain-Robin

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Beschreibung

La rédaction de ce livre a été entamée à l'automne 2017 par Luc Beyer de Ryke, journaliste bien connu des auditeurs de la RTBF. La mort l'a fauché par surprise en janvier 2018. C'est sa compagne, Françoise Germain-Robin, qui a repris la plume. Comme un acte d'amour et en hommage à sa mémoire. Et à tous ces hommes et ces femmes, Belges et Congolais, qui ont vécu « le temps des colonies » et dont il voulait faire une galerie de portraits. Leurs témoignages, livrés tels quels ici, font partie de l'histoire de la Belgique et du Congo, intimement liés malgré les déchirures. Réflexion sur la question épineuse, posée dès le début du livre, du « ratage » de l’indépendance de 1960 et des raisons qui peuvent l’expliquer.
Une seconde question, tout aussi présente, celle de la personnalité du très controversé Patrice Lumumba et de ses positions.
D’autres questions encore, tout aussi actuelles : le Musée de Tervuren, désormais consacré à l’Afrique centrale, de sa rénovation en profondeur, de sa réinauguration en décembre 2018 et des nombreuses polémiques les ayant entourées ; la création, très discutée, d’une place « Lumumba » à Bruxelles, les interventions militaires successives des forces belges, françaises, mercenaires (Bob Denard e.a.), etc.

À PROPOS DES AUTEURS

Ancien présentateur du journal télévisé de la RTBF, à deux reprises parlementaire européen, Luc Beyer de Ryke, francophone de Flandre, fut également élu au conseil provincial et municipal de la ville de Gand. Observateur de la vie politique amoureux de l’histoire, il brosse ici une très belle analyse des courants sous-jacents qui font de la Belgique un souffle au cœur et l’épicentre des incertitudes européennes pour les années à venir.

Françoise Germain-Robin est française et vit à Paris. Ancienne journaliste pour le journal « L’Humanité », elle est une des spécialistes des conflits et de la question du Proche et du Moyen-Orient.

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CONGO. MÉMOIRES À VIF

Du même auteur

Théo Lefèvre, Éditions Pierre de Méyère, 1967.

Le Tiercé Belgique, Éditions Arts et Voyages, 1970.

L’Outre-mer portugais en procès, Éditions Pierre de Méyère, 1973.

Afrique noire, Pouvoir blanc, Éditions Pierre de Méyère, 1975.

Vagabondages (autobiographie), Éditions Didier Hatier, 1990.

Tocsin pour la Belgique, Éditions François-Xavier de Guibert, 1999.

Les lys de Flandre, Éditions François-Xavier de Guibert, 2002.

Chemins d’Orient, Éditions François-Xavier de Guibert, 2005.

La Belgique en sursis, Éditions François-Xavier de Guibert, 2008.

La Belgique et ses démons, Éditions Mols et François-Xavier de Guibert, 2011.

Ils avaient leurs raisons, Éditions Mols, 2016.

Luc Beyer de RykeFrançoise Germain-Robin

CONGO. MÉMOIRES À VIF

© Éditions Mols, 2019

Collection Histoire

www.editions-mols.eu

« De tout ce qui jamais advint, rien ne doit être considéré comme perdu pour l’Histoire »

(Walter Benjamin, philosophe et historien allemand).

Introduction au livre posthume de Luc Beyer de Ryke

C’est peu dire que le Congo chatouille la Belgique comme l’Algérie chatouille la France. On peut même poser la question à la manière du docteur Knock, que Luc Beyer adorait citer: ça vous chatouille ou ça vous gratouille? Tantôt l’un, tantôt l’autre et souvent les deux.

Il suffit de voir et de compter les pages et les pages que lui ont consacrées les journaux en 2017 et 2018, années de préparation de ce livre. Essentiellement pour relater l’actualité congolaise, riche en malheurs de tous genres. Du sang et des larmes, de la misère et du chaos.

Élections maintes fois repoussées, manifestations, répression, arrestations, corruption, guerres aux quatre coins du pays, impuissance de l’ONU, trafics en tous genres, chômage, pauvreté, violence, exils. La liste est longue comme des jours sans pain.

Si ce n’est pas cela qui se trouve à la Une de la presse belge, ce sont les polémiques nées de l’histoire. Celle de la colonisation du Congo par la Belgique. Le roi Léopold II, qui en fut le grand initiateur, était-il bien ce héros visionnaire qui a donné au pays son plus riche trophée? Ou était-il en réalité un monstre couvert de sang dont il faudrait déboulonner les statues? On en discute encore 110 ans après le « cadeau » qu’il fit en 1908 au pays, en lui remettant ce territoire immense et immensément riche, distant de 8000 km et 80 fois plus étendu que la Belgique.

Cadeau empoisonné ou pas? Le débat n’est toujours pas complètement tranché. Il rebondit 58 ans après l’accès à l’indépendance de l’ex-Congo belge sur la question de la décolonisation ratée.

Là-dessus, tout le monde est d’accord: ce fut un naufrage. Mais la faute à qui?

Les points de vue s’affrontent. La faute au gouvernement belge de l’époque, qui n’avait rien préparé et croyait pouvoir garder le Congo, sinon ad vitam aeternam, du moins quelques dizaines d’années encore? Ou celle de ce diable sorti de sa boîte qu’est pour nombre de Belges, aujourd’hui encore, Patrice Émery Lumumba, le premier Premier ministre du Congo indépendant? Il aurait tout gâché dès le premier jour, le 30 juin 1960, en répondant avec effronterie au discours du roi Baudouin. Et dressé les Noirs contre les Blancs. Et les Blancs contre les Noirs (voir en annexe les discours prononcés lors des cérémonies de l’indépendance).

Les mythes ont la peau dure, qu’il s’agisse du Roi ou de Lumumba. Et ils perdurent aussi longtemps qu’on les transmet de génération en génération et qu’on ne décide pas de les dépoussiérer.

C’est ce qu’on a voulu faire au Musée de l’Afrique Centrale de Tervuren dans sa nouvelle mouture désormais appelé, mondialisation oblige: Africa Museum.

Ce ne fut pas chose facile, comme en témoigne le retard pris pour son ouverture au public, prévue dans un premier temps pour le mois de juin 2018 et finalement opérée le 9 décembre de la même année. C’est d’ailleurs dans cette perspective que se plaçait Luc Beyer de Ryke lorsqu’il entreprit, l’été 2017, à la demande de son éditeur Philippe Comeliau, ses investigations et ses entretiens pour l’écriture de ce livre.

Journaliste, homme de télévision et de radio, il affectionnait tout particulièrement ces « Rencontres » dont il avait fait dans les années 1990 le titre d’une des émissions quotidiennes qu’il animait l’après-midi sur la Première, la chaîne généraliste de la RTBF (Radio télévision belge de langue française). Sa « maison », où il avait pendant 18 années présenté les journaux télévisés du soir. Il l’avait regagnée après un intermède de dix années au Parlement européen où, député et membre de la Commission Machrek puis de celle des ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), il s’était régalé de politique étrangère en parcourant le monde et ses surprises. Avec « Rencontres », son émission d’entretiens quotidienne, à la radio cette fois, il avait continué dans le registre des découvertes. Celles d’hommes et de femmes de tous horizons politiques et philosophiques, artistes, écrivains, savants, politiciens vers qui le menait son insatiable curiosité. « Je suis un badaud de l’Histoire », disait-il souvent. Et c’est pourquoi il en cherchait avec gourmandise les témoins.

C’est donc sur la base de rencontres et de témoignages qu’il entendait rédiger ce nouveau livre. Un peu sur le modèle de son précédent opus, Ils avaient leurs raisons, consacré à la collaboration en Flandre pendant les deux guerres mondiales, et basé, lui aussi, sur des interviews et des témoignages.

Luc s’était pourtant, dans un premier temps, montré plutôt sceptique: « Il y a déjà, remarquait-il, une abondante littérature sur le Congo belge. Que puis-je prétendre apporter de nouveau, moi qui ne suis ni historien ni sociologue? »

Mais au fur et à mesure des entretiens qu’il conduisait et auxquels j’ai toujours été associée – il m’incitait à poser des questions, moi, la journaliste française qui regardait le Congo d’un autre point de vue que le sien – non seulement son scepticisme s’évanouissait, mais encore découvrait-il qu’il y a toujours quelque chose à découvrir. Et que cela valait la peine de le dire, lui qui aimait tant « dire le monde ».

Le Congo, il le connaissait pour y être allé plusieurs fois. Comme journaliste d’abord lors d’événements marquants et souvent dramatiques. Ou pour interviewer des personnalités comme l’ancien « maréchal-président » Mobutu qu’il imitait avec humour. Plus récemment, il y était retourné comme observateur pour les élections de 2006, recommandé comme expert par le gouvernement belge à la Fondation Carter avec laquelle il avait déjà joué ce rôle, quelques mois plus tôt, pour les premières élections en Palestine. Contrairement à ce qui s’était passé en Palestine, où Jimmy Carter fut personnellement présent à Jérusalem pendant tout le processus et s’y montra très actif, l’ancien président américain ne vint pas à Kinshasa et se contenta d’y dépêcher ses équipes. Luc fut envoyé dans les districts de Matadi et Boma avec comme coéquipière une Américaine prénommée Valérie. Un jour que les employés congolais de la Commission électorale n’avaient pas reçu le salaire qui leur était dû, tous deux faillirent se faire lyncher et ne durent leur salut qu’à l’habileté et au sang-froid de leur chauffeur qui vint prestement les récupérer et les sortir de ce mauvais pas. Ce n’était évidemment pas l’image la plus avenante du pays.

Mais Luc le connaissait aussi par des reportages antérieurs pour la RTBF et, bien sûr, par les livres et la presse dont il était un lecteur attentif et passionné. Surtout, il avait des amis congolais qu’il connaissait depuis fort longtemps, parfois depuis l’université, et avec qui il avait gardé le contact.

Malheureusement, ce travail qui s’était mis à le passionner au fil des rencontres que nous faisions ensemble, Luc n’a pas pu l’achever. La mort l’a frappé par surprise le 18 janvier 2018. Il avait déjà rédigé une quinzaine d’interviews et comptait en réaliser quelques autres encore, dont il avait établi une liste non exhaustive. Il avait déjà pris des contacts dans cette perspective.

Pour que ce travail ne soit pas inutile, pour continuer une œuvre qui était le sens de sa vie, j’ai accepté, à la demande de son éditeur, de tenter de l’achever. Bien sûr, je ne suis pas lui et il n’était pas moi. Mais au fil de trente années de vie commune, de nombreux reportages réalisés ensemble, tout particulièrement au Proche-Orient – où nous nous étions connus en décembre 1987 à l’occasion d’élections turques où il dirigeait la délégation des observateurs du Parlement européen – nous avons tant échangé, tant partagé que je voulais relever ce défi, lui rendre cet hommage. Et réaliser, trop tard hélas pour lui, ce projet maintes fois caressé, de faire ensemble un livre à quatre mains.

Françoise Germain-Robin

Le casse-tête de Tervuren

La réorganisation du Musée royal d’Afrique centrale (MRAC) étant à l’origine de ce livre, c’est très logiquement par Guido Gryseels, son directeur, que Luc Beyer de Ryke a commencé les entretiens qui en constituent la chair. Il nous avait reçus au Musée en août 2017, en pleine polémique sur l’orientation qu’il convenait de lui fixer. À l’époque, la réouverture était prévue pour juin 2018. On n’avait aucune idée du nom qui lui serait donné. C’était un des nombreux sujets dont débattaient les membres du Comité scientifique chargé d’organiser la rénovation. Les abords du bâtiment historique voulu par Léopold II en 1910 étaient encore en chantier et le nouvel édifice de verre tout juste terminé.

Guido Gryseels nous reçoit en compagnie de son adjointe au département d’Histoire, le Docteur Patricia Van Schuylenbergh et du professeur Sabakimu Kivilu Jacob de l’Université de Kinshasa.

Il a pris la direction du MRAC en 2001, succédant à Boris Wastiau, devenu depuis directeur du Musée ethnographique de Genève. Formé à l’Université Catholique de Louvain, il est aussi agronome et a travaillé à la FAO. Il a notamment été en poste pendant huit ans en Éthiopie, avant d’être consultant au Ruanda-Urundi et au Burundi. Il n’est pas le seul de sa famille à se passionner pour l’Afrique puisque son frère est directeur de l’Institut tropical d’Anvers. Il termine ce rapide récit biographique dans un sourire en avouant qu’il espère bien prendre sa retraite dès qu’il en aura fini avec la rénovation, un véritable casse-tête.

S’agira-t-il d’évoquer prioritairement notre passé colonial? Ou plutôt, comme il le souhaite, d’ouvrir une réflexion sur l’Afrique en la resituant dans un contexte contemporain? Sans oublier que les Africains ont eu une histoire avant notre arrivée.

« Il faut, dit-il, ne négliger aucun de ces aspects et ne pas éviter les sujets tabous, comme la période léopoldienne pour laquelle nous nous heurtons à un manque de connaissances, même si parmi les Historiens règne un consensus global. » Aux yeux de Guido Gryseels, la colonisation fut et est immorale. « Qu’avions-nous à faire à des milliers de kilomètres de chez nous! » Et de nuancer aussitôt: « Cela étant, il faut établir une distinction. Ne pas confondre une exploitation où les Institutions et le Grand Capital se donnent la main en vue de s’accaparer des richesses qui ne nous appartiennent pas avec celles et ceux qui, partis au Congo, s’y sont dévoués pour venir en aide, soigner, enseigner les populations, les “civiliser” comme on le prétendait à l’époque. Si, aujourd’hui, des Congolais viennent se lamenter du sort qui est le leur, n’y voyez pas la nostalgie de notre présence, mais celle d’une bonne gouvernance. La population est jeune, 80 % est sans emploi. C’est la lutte pour la survie, pour la vie. Ceci explique cela. Les jeunes, pour la plupart, ignorent ce que fut le passé colonial. »

Un vide historique

Le professeur congolais Sabakimu Kivilu Jacob, qui enseigne l’Histoire à l’Université de Kinshasa, lui, est catégorique dans ses affirmations: « Aujourd’hui encore, rien de ce qui se passe ou se décide au Congo n’est étranger à la Belgique. Et le Musée de Tervuren constitue l’épicentre de l’Histoire Coloniale. Même ici on manque de véritables sources scientifiques sur la période léopoldienne. »

Il faut dire que lorsque le roi Léopold fut contraint, en 1908, de léguer à la Belgique l’État indépendant du Congo, qui était son domaine réservé, il en fit d’abord détruire les archives. Quant à celles de la Force publique pendant la période du Congo belge, leur transfert du ministère des Affaires étrangères de Bruxelles, où elles étaient conservées, vers le Service général du Renseignement de la Sécurité militaire a commencé en 2017. Ce qui ne va sans doute pas faciliter le travail des chercheurs.

Ce que déplore aussi notre interlocuteur, c’est que selon lui, « au Congo, il n’y a guère d’intérêt pour l’Histoire. Alors qu’il y a environ 1 500 étudiants en Histoire au Cameroun, parmi lesquels l’État puise nombre de fonctionnaires, à l’Université de Kinshasa nous en comptons 40! Il existe pourtant un consensus des chefs d’États africains pour que puisse enfin être forgée une conscience africaine. Il n’empêche que chez nous l’aide accordée par les pouvoirs publics est chichement mesurée. L’enseignement de l’Histoire est tenu pour “dangereux”. Quant à la connaissance de l’Histoire de la Belgique, parmi nos étudiants elle est inexistante. C’est un vide historique! »

« Pourtant, ajoute-t-il, rien ne se décide chez nous sans la Belgique. L’ancien ministre des Affaires étrangères Louis Michel soutenait le président Kabila. L’homme d’affaires George Forrest perpétue l’exploitation capitaliste. On voit parfois Didier Reynders, le ministre belge des Affaires étrangères, s’exprimer de manière critique, mais parfois seulement. Et l’on s’interroge sur le silence de la Belgique sur ce qui se passe à l’Est du pays. Quant aux Chinois, de plus en plus présents, ce sont des délinquants qui viennent racler notre sol pour en extraire et exporter chez eux ses richesses. Des Chinois qui partout s’installent en Afrique. Ainsi à Djibouti où on attend 10 000 hommes dans la base qu’ils y ont acquise, qui sera leur première base militaire sur le continent africain. »

Incertitudes et approximations

À propos de Léopold II, pour le professeur d’histoire de Kinshasa: « Les exactions sont une certitude indéniable. Mais dans quelle mesure? Comment les chiffrer? L’explorateur Stanley avait chiffré la population du Congo “à l’aveugle”1. En fait nous ignorons les chiffres exacts, voire approximatifs. Tout recensement était impossible. Les Congolais vivaient dans des hameaux dispersés et fuyaient l’homme blanc et les esclavagistes. Léopold II a eu recours à des Belges, des Italiens, des Scandinaves, des Américains. Une poignée d’hommes mais dont le bras armé fut la Force publique, composée de recrues locales, africaines, commandée par les officiers belges ou européens. C’est elle qui sévissait dans les villages “improductifs”. C’est elle qui obligeait les paysans à récolter “le caoutchouc du sang” et infligeait les punitions à ceux qui n’avaient pas réussi à fournir le quota prévu… N’oublions pas le rôle joué par des chefs de village dans la guerre contre les esclavagistes. Certains en étaient les complices. Comme dans la récolte de caoutchouc, la Force publique avait des sentinelles postées dans tous les villages pour la renseigner. »

La dépopulation du Congo résulte de facteurs divers. Les exactions, les maladies, dont certaines importées d’Europe, les armes européennes. Il existe toujours nombre d’interrogations et un faisceau de raisons qui font débat.

Par exemple la question du travail forcé. « Il a été aboli officiellement en 1908, précise le professeur, mais il a été remplacé par les cultures obligatoires2. Et cela durant toute la période coloniale, jusqu’après la seconde guerre mondiale pendant laquelle les efforts exigés de la population ont été très durs, voire inhumains. Par la suite, de 1949 à 1959 un effort important a été consenti par la Belgique tant dans le domaine sanitaire que dans les infrastructures routières. Nos manuels scolaires n’accordent que peu d’importance à la période léopoldienne et à l’État indépendant du Congo. Et tout le monde au Congo ne déteste pas Léopold II. Il existe même une Association congolaise pour lui rendre hommage. »

L’histoire, on le sait bien, est loin d’être une science exacte. Plus on recule dans le temps, moins on dispose de documents et de chiffres sûrs, avérés. Encore moins quand il s’agit de pays, de continents même, comme l’Afrique, où la tradition est plus orale qu’écrite. Le professeur Sabakimu Kivilu Jacob en convient volontiers. Interrogé sur l’héritage de la colonisation il souligne surtout son caractère pérenne: « On ne s’attache pas beaucoup à définir l’Héritage. Par contre on insiste sur le fait que la colonisation n’a pas été une parenthèse mais qu’elle a introduit durablement la domination. Celle qui s’est effectuée à notre détriment. Comment décoloniser nos mentalités? On pourrait le faire par l’étude de l’Histoire. »

Cette histoire compte beaucoup de chapitres et beaucoup d’acteurs. Comme le soulignait au début de notre entretien Guido Gryseels, la colonisation a correspondu à une étape de la révolution industrielle du XIXe siècle où le capitalisme avait besoin, pour se développer, de matières premières, de débouchés et de main-d’œuvre. On explorait le monde pour cela, en plus du goût de développer la connaissance. Mais tous ceux qui, de Belgique, s’en allèrent au Congo, pour un an, pour dix ou pour la vie, ne le firent pas par goût de la gloire ou du lucre. Il y a aussi tous ceux qui, pour citer le conservateur, sont partis pour « aider, soigner, instruire ». Ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit, comme on le verra en lisant leurs récits. Mais il en est qu’il faut citer en premier, tant leur rôle fut important, ce sont les missionnaires, Dans son livre Léopold II, Potentat congolais, Pierre-Luc Plasman cite ces trois piliers de la colonisation que sont les « 3 C: Commerce, Christianisme, Civilisation ». Au Congo belge tout particulièrement, les deux derniers ont été très largement pris en charge par des prêtres et des missionnaires catholiques.

Une galerie de portraits

C’est par le personnage peu ordinaire de l’un d’eux, Raf van Hecke que commence notre galerie de portraits. Nous poursuivrons avec les Pères de Scheut, toujours très présents dans la RDC (République démocratique du Congo) d’aujourd’hui où ils ont réussi à pérenniser leurs missions et à faire de très nombreux émules.

Viendront ensuite les portraits de personnages, belges et congolais, qui ont connu la période tourmentée de la fin du Congo belge et du début de l’indépendance et la racontent, s’exprimant à cœur ouvert, ce dont nous les remercions profondément. Chacun a sa propre vision d’une histoire dont la simple énumération des noms de ce pays – République démocratique du Congo (1960), puis Zaïre (1971), et à nouveau RDC (1997) – dit toute la complexité. Nous avons choisi de respecter à la lettre leurs points de vue et leurs paroles, qui dessinent une sorte de puzzle de vérités. Une méthode chère à Luc Beyer de Ryke qui l’utilisait fréquemment dans ses émissions et ses conférences.

La vocation contrariée de Pater Raf van Hecke

C’est dans sa petite chambre de la maison de repos « Ave Maria » de Sleidinge, localité de Flandre orientale, où il écoule ses dernières heures que nous reçoit le Père Raf van Hecke qui, à Kolwezi, se faisait appeler Père Jérôme.

Il a écrit de nombreux livres dont plusieurs parlent du Congo où il a passé dix ans de sa vie, entre 1954 et 1964. C’est-à-dire les années terribles. Celles qui ont préparé l’indépendance et celles qui l’ont suivie. Cet homme-là a aimé la vie. Il l’a dit dans ses romans. Son œuvre la plus connue demeure Vaarwel aan Gertrude (Au revoir Gertrude). Son nom de plume était alors Raf Van de Linde, du nom du village de Flandre où il vit le jour en 1924. Il reçut pour cette œuvre le « Noordstarfonds prijs ».

Dur d’oreille mais l’esprit intact. Même si en souriant il se proclame « une épave ». Il attend la mort sans la souhaiter et se désole de sa maigreur, montre ses cuisses décharnées: « Quand vous aurez écrit votre livre, envoyez-le-moi. Si jamais il paraît dans les six mois. Car après je ne serai plus de ce monde… »

Il est issu d’une famille très pauvre et très chrétienne: « Mon père avait trois vaches et ma mère était couturière », précise-til. Il avait fait le séminaire dans l’espoir d’assouvir sa passion pour les sciences. Raf étudia la philosophie et la théologie à Strand: « Malheureusement, je n’ai pas choisi. La hiérarchie de l’ordre des Franciscains a décidé de m’envoyer comme missionnaire au Congo. On m’a formé en conséquence. J’ai dû apprendre à soigner les maladies tropicales et quelles plantes y cultiver. On avait besoin des Missions pour épauler l’Union Minière… »

À 29 ans, en 1954, on l’envoya au Congo d’abord dans une paroisse, à Kamina, puis comme directeur des œuvres sociales à Kolwezi, nanti d’un grade en Sciences Coloniales.

« Je n’avais pas un sou mais j’ai reçu un grand territoire marécageux, entre la Cité et la brousse. J’y ai construit ma maison, une chapelle, des hangars où j’ai fait des dortoirs, une école et des ateliers. L’école comprenait deux classes. Pour mes élèves j’étais le Père Jérôme. C’étaient des garçons entre 16 et 20 ans, pour la plupart des fils d’ouvriers au service de l’Union Minière. Beaucoup, s’ils n’avaient été pris en main, seraient devenus des voyous et risquaient même de devenir dangereux. J’étais subventionné par l’Union Minière. C’est elle qui me donnait ce dont j’avais besoin. Mais à part la direction de l’Union Minière et le Père Pascal, je n’avais pas de contact avec la population blanche. Je vivais avec les Noirs.

En ville, il y avait un Collège royal et un Athénée. Il y existait des relents de guerre scolaire. À l’Athénée, on menait la vie dure au Père Claes. Mon évêque m’a envoyé lui prêter main forte. Ce que je fis. Enseigner la religion est plus porteur au Congo qu’en Belgique. À l’Athénée il y avait des filles. J’eus à tenir tête à deux d’entre elles qui me narguaient. Elles eurent à faire 500 lignes puis 1 000 lignes pour récidive. L’incident fut clos.

Sur le plan religieux, Jésuites, Scheutistes, Franciscains, Maristes se sont répartis au Congo. Il n’y avait guère de différences dans l’enseignement que nous prodiguions. Les Scheutistes étaient surtout au Kasaï et nous à Kolwezi. Deux évêchés, l’un à Kamina, importante base militaire, l’autre à Kolwezi. Chez nous il y avait un collège pour blancs, le collège Baudouin 1er. Des séminaristes y sont d’abord venus, puis dans les années 50 des Noirs y ont été acceptés. Ils sont ensuite allés à l’Université de Léopoldville qui venait d’ouvrir. Il le fallait, sinon on nous aurait traités de racistes. »

Au moment de l’indépendance, étant subventionné et protégé par l’Union Minière, le père van Hecke n’eut pas à s’en aller. Il assista donc à tous les soubresauts qui suivirent. Il était même aux premières loges pour vivre, quelques jours seulement après l’indépendance, le 11 juillet 1960, la sécession du Katanga annoncée par Moïse Tshombe, fils d’un riche commerçant de la province.

« J’étais pour Tshombe, comme tous les Belges. C’était un commerçant. Son profil voulait qu’il travaille avec les Blancs. Malheureusement il avait le monde entier contre lui. À commencer par le Kasaï, province d’où venaient la moitié des ouvriers de l’Union Minière. Un beau jour, je me suis retrouvé braqué au bout de deux fusils par deux hommes. L’un n’était autre que le directeur de la prison et l’autre un “Sud-Af”1. À côté d’eux, il y avait deux prisonniers: l’un agonisait, l’autre avait le bras sectionné qui pendait le long du corps. Ne voilà-t-il pas que l’un de mes agresseurs, pour me libérer, exige de l’eau bénite: il croyait que l’eau bénite empêcherait ceux qu’il était en train de tuer de venir le tracasser après leur mort. Je sors de mes gonds et lui jette: “L’eau bénite, vous n’avez qu’à la faire tout seul.” Il me laisse partir mais annonce qu’il viendra chez moi pour en chercher. Et il vint! Je lui dis alors: “Je peux vider sur vous la bouteille d’eau bénite et vous serez toujours aussi noir en dedans qu’au dehors.”

Dans mon école où, grâce à la récupération de vieilles voitures abandonnées, je faisais de mes élèves des mécaniciens, des chauffeurs, j’eus comme premier instituteur, d’ailleurs excellent, Évariste Kimba. Le malheureux, après être devenu Premier ministre, est tombé en disgrâce. Il figura parmi les pendus de la Pentecôte. Mal pendu en plus, car il mit plus d’un quart d’heure à mourir2.

J’ai toujours considéré Évariste comme mon égal lorsqu’il était avec moi. Une fois ministre, notre amitié subsista et je trouvais toujours accueil auprès de lui sans devoir me faire annoncer. Ce gouvernement congolais avec Mobutu avait détruit tous nos espoirs…

Je regrette vivement qu'il n'y eût pas davantage de leaders noirs tels que Tshombe, Tshisekedi ou même Lumumba. Lui, je ne l'ai vu qu'une seule fois. Il faisait une tournée qui le conduisit à Kolwezi. Il y prononça un discours devant la gare. Extraordinaire. C'est l'orateur le plus habile, le plus pénétrant que j'aie vu de ma vie. Je me trouvais à vingt mètres de lui avec quelques prêtres africains. Il avait des yeux qui transperçaient. C'était un diable d'homme mais il était capable. Il a éveillé une conscience nationale dans un pays qui n'était qu'un amalgame de tribus. Mais, dans le même temps, il a réveillé l'esprit d'indépendance des provinces. Il ne pouvait pas réussir. Pas plus que Tshombe. On n'allait pas le laisser faire. Toute la richesse venait du Katanga. Or, Tshombe et ses amis de la Conakat3 voulaient le séparer du reste du Congo! Impensable. Pourtant, on pouvait le comprendre. Comment les Congolais pouvaient-ils supporter de voir tout le cuivre et les richesses du Katanga traverser le pays jusqu’à Matadi pour être embarquées vers la Belgique? Cela leur crevait les yeux et le cœur. » Aux yeux du père Raf van Hecke, la philosophie bantoue est une voie qui conduit au christianisme: « On n’enlèvera jamais le christianisme du Congo même avec tous les Lumumba du monde », affirme-t-il. C’est sa consolation pour une vie qu’il n’avait pas choisie.

Après le Zaïre, le père van Hecke fut envoyé dans les Vosges. Du village où il officiait (il le faisait dans sept paroisses) il voyait le clocher de Domrémy. À Goussaincourt habitait le dernier descendant de la famille de Jeanne d’Arc, Viansson Ponté du Lys, dont le château avait été saccagé par les Allemands pendant la guerre. « Sa femme, très malade, est devenue une grande amie. C’était une sainte. Nous avons échangé nos chapelets. Un très beau souvenir… »

Missions accomplies

L’œuvre des pères de Scheut

Je les ai rencontrés au mois de mai 2018, au début du printemps, dans leur maison de retraite de Courtrai en compagnie de Thierry Claeys Boúúaert, grand connaisseur du Congo, où il a passé plusieurs années à la direction de la Banque Commerciale du Congo, et administrateur de l’association Mémoires du Congo. C’est lui qui avait organisé pour moi ce rendez-vous tant attendu par Luc, qui n’était malheureusement plus avec nous.

Luc avait une profonde admiration pour l’œuvre des Scheutistes dont il me parlait souvent. Partout où il s’en trouvait dans les pays où nous sommes passés lors de nos pérégrinations journalistiques, il s’arrangeait pour avoir un rendez-vous avec l’un d’entre eux. Je me souviens tout particulièrement de celui de Manille, cette mégapole des Philippines, l’une des plus encombrées et des plus polluées du monde. Nous avions mis deux heures en taxi pour rejoindre la banlieue populeuse où s’entassaient dans des bidonvilles des milliers de gens plus que pauvres. Ils vivaient, comme nous l’avions déjà vu au Caire chez les chiffonniers de sœur Emmanuelle, de l’exploitation des ordures de la ville. C’est là, au milieu des plus misérables Philippins, que travaillent les Scheutistes. Ils tentent de sauver des enfants de la rue, des enfants aux pieds nus et aux vêtements en loques. Nous y avions passé un long moment et cela avait été un moment fort de notre voyage.

Luc eût été heureux de rencontrer les scheutistes de Courtrai. Sur sa liste des personnes qu’il voulait consulter pour ce livre, il les avait gardés pour la fin, pour la bonne bouche.

Pour moi, cette rencontre était une curiosité. J’en avais tant entendu parler et toujours comme de gens peu ordinaires. Dans la vaste bâtisse moderne installée au milieu d’un parc bien tenu, où la nature se réveillait en ce début de printemps, ils nous reçurent avec une amabilité joyeuse, nous invitant, après le verre de bienvenue, à partager leur repas de midi et le bénédicité, avant de passer au récit de leur vie au Congo.

Ils étaient cinq pères aux cheveux blancs, un peu réticents au départ. Mais finalement heureux de raconter ce qui avait été la grande aventure d’une existence hors du commun. Leur œuvre.

Une vie que l’on a du mal à imaginer aujourd’hui: presque tous avaient d’abord été des « pères voyageurs », comme Erik Maes, resté au Congo de 1971 à 2002, soit plus de 30 ans.

« Il y avait, explique-t-il, de grandes Missions, installées dans les villes ou les agglomérations importantes, et, tout autour, des villages qui étaient considérés chacun comme une communauté chrétienne avec un catéchiste responsable. Le père voyageur les visitait une à une. J’ai fait cela pendant une douzaine d’années dans le diocèse de Lisala, dans la province de l’Équateur. Après, j’ai été nommé curé dans une mission de brousse où il y avait 65 villages disséminés sur 170 kilomètres le long du fleuve. Il fallait les visiter régulièrement, travailler à la formation des responsables des communautés. Il fallait aussi former des Comités, organiser des activités avec l’argent récolté à la messe du dimanche. C’était une organisation bien rodée, dont les structures existaient depuis 1906. »

À l’époque, ce n’était pas encore le Congo belge mais le Congo de Léopold II, propriété personnelle du Roi, qui y avait installé ce qu’il avait baptisé l’État indépendant du Congo. Un État qui n’avait d’indépendant que le nom puisqu’il dépendait directement du Roi et de son entourage, des hommes de confiance qu’il y dépêchait et de grandes sociétés concessionnaires auxquelles il avait confié la gestion économique du territoire, notamment la Société Générale [de Belgique] et l’Union Minière du Haut-Katanga, qui exploitait les fabuleux gisements de cuivre de la région.

Une vie de routier

Le père Willy Vanhaellewyn, arrivé en 1965 dans le même diocèse de Lisala1, se souvient surtout des grandes différences qui existaient alors entre les tribus vivant sur ce territoire. « Il y avait des langues et des coutumes fort différentes. Certaines étaient même matriarcales. Notre première tâche était d’apprendre la langue locale pour pouvoir communiquer et partager avec la population. Là-bas c’était le lingala. Malgré cela, lors des veillées du soir, ils se mettaient très vite à parler leurs dialectes, kimongo ou kingbandi, et on restait des étrangers. Pourtant, il n’y avait aucune hostilité à notre égard. À Binga, où je suis allé après, il y avait encore des traces de la rébellion2: on trouvait des caisses d’armes sous les lits! Le père Marcel, qui était là depuis les années 50, racontait qu’il avait circulé entre les cadavres avec sa moto. En fait, la population n’avait jamais coopéré avec les Belges et faisait même tout pour les tromper. Quand les administrateurs belges demandaient: “Qui est le chef du village ?” on lui désignait untel, mais c’était faux. Le père Marcel, un homme très doux, avait gagné leur confiance. Nous-mêmes qui allions seuls à travers la brousse, à vélo, à moto, parfois en jeep, qui dormions dans leurs cases, mangions avec eux, étions à leur merci, n’avons jamais eu de problèmes. La population faisait très bien la différence entre nous et les colons. Il y en avait encore quelques-uns, et aussi quelques médecins ou fonctionnaires belges dont les gens se méfiaient. »

Parmi ces cinq pères, un seul était arrivé au temps du Congo belge: Willy Nieuvenhove, envoyé au Kasaï en 1957. « On ne parlait pas encore d’indépendance alors, se souvient-il. Moi aussi j’étais routier. C’était le même système: la Mission au centre et des communautés qu’il fallait suivre. Les Comités se réunissaient une fois par mois. Et il y avait les réunions du dimanche, avec les chorales qui jouaient un grand rôle. Les jeunes chantaient et certains, même, composaient. Les messes n’avaient rien à voir avec les nôtres ici. On chantait, on dansait, c’était très gai et ça durait plus de deux heures. L’offrande était un spectacle. Tout arrivait porté sur la tête, le manioc, les bananes. On s’occupait aussi des écoles. Il y en avait une dans chaque village et celles du Kasaï avaient la réputation d’être les mieux organisées. Il y avait deux tribus principales: les Baluba, qui coopéraient avec les Belges et étaient plus évolués, et les Lulua, qui étaient restés des chasseurs et se tenaient à l’écart. En 1959, les Baluba ont dû fuir et beaucoup de villages ont été brûlés. En 1960, on a fêté l’indépendance sans bien savoir ce que cela voulait dire. On avait la valise prête, on a débattu entre collègues de la conduite à tenir, mais finalement, on est restés. »

Un débat entre prêtres qui n’est pas sans rappeler un épisode beaucoup plus récent et comparable: celui des moines de Tibhirine, en Algérie, massacrés pour avoir choisi de rester dans leur monastère isolé, où ils portaient un précieux secours médical à la population en butte aux exactions du Groupe islamique armé qui a semé la terreur dans le pays pendant les années 1990. Les pères scheutistes, eux aussi, avaient choisi de « rester pour servir » et achever leur mission.

Une évangélisation ancienne

La présence chrétienne au Congo était en fait très ancienne et ne datait pas de la colonisation belge. Il y avait eu une première évangélisation dès le XVe siècle par les Portugais. C’était à l’époque du royaume de Kongo qui s’étendait de part et d’autre de l’embouchure du fleuve (grosso modo à la place de l’actuel Angola, de l’enclave de Cabinda et de la province du Bas-Congo).

Une évangélisation bien accueillie alors par la population locale. Elle s’était faite sans violence, du moins dans un premier