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Scott a été un précurseur pour deux tendances majeures qui se sont affirmées avec le temps : le roman historique, dont le succès lui a valu d'innombrables imitateurs au XIXe siècle, et la culture des Hautes Terres de l'Écosse, après le cycle d'Ossian de James Macpherson, dans ses romans écossais comme dans les usages vestimentaires, puisqu'il a rétabli l'usage du kilt et des tartans. En son honneur, la gare centrale d'Édimbourg a été nommée Waverley en 1854 et son image apparaît sur les billets émis par la banque d'Écosse. Extrait : Elle dit ces seules paroles avec un certain mécontentement, car elle voyait dans la conduite de sa tante une intention désobligeante et peu hospitalière. Et cependant, lorsqu'elle réfléchissait à la légende de la chambre où elle devait coucher, elle ne pouvait s'empêcher de considérer la dame de Baldringham, comme ayant des motifs légitimes pour se conduire ainsi, puisqu'elle se conformait aux traditions de sa famille et à la croyance du temps, également respectées par Éveline. La soirée passée au château de Baldringham aurait été d'une durée effrayante et insupportable, si l'idée du danger qu'on appréhende ne faisait pas passer rapidement le temps qui s'écoule jusqu'à l'heure redoutée. Enfin l'instant de se séparer arriva. La vieille Saxonne souhaita le bonsoir à sa nièce d'un air solennel, lui fit le signe de la croix sur le front, l'embrassa, et lui dit à l'oreille : -- Prends courage, et puisses-tu être heureuse !
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Seitenzahl: 77
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Walter Scott
Les solitudes de la forêt du Harz, en Allemagne, mais surtout les montagnes nommées Blockberg ou plutôt Brockenberg, sont le théâtre des contes de sorcières, des démons et des apparitions. Le genre de vie des habitants, qui sont mineurs ou bûcherons, les rend très enclins à la superstition, et ils attribuent souvent à la magie les phénomènes naturels dont ils sont témoins dans leurs occupations solitaires, ou dans leurs travaux souterrains. Parmi les diverses légendes qui ont cours dans cette contrée sauvage, la plus répandue est celle qui suppose que la forêt du Harz est hantée par un démon protecteur, qu’on représente sous la forme d’un homme gigantesque, avec une couronne et une ceinture de feuilles de chêne, portant à la main un pin déraciné. Il est certain que plusieurs personnes assurent avoir vu une figure pareille se promener sur le sommet des montagnes, et le fait de cette apparition est si généralement admis, que le scepticisme moderne n’a d’autre ressource que de l’attribuer à une illusion d’optique.
Dans les anciens temps, les rapports de ce démon avec les habitants étaient plus familiers, et, selon les traditions de la forêt de Harz, il se mêlait des affaires des mortels, avec le caprice assez ordinaire aux esprits, tantôt pour leur faire du bien, tantôt pour leur faire du mal. Mais on observait qu’à la longue ses dons finissaient par être nuisibles à ceux qui les avaient reçus, et il n’était pas rare que les pasteurs, dans leur zèle pour leurs troupeaux, composassent de longs sermons pour les empêcher d’avoir aucun commerce avec le démon du Harz. Les aventures de Martin Waldeck ont été souvent racontées par les vieillards à leurs enfants, quand ils les voyaient rire d’un danger qui leur paraissait imaginaire.
Un capucin missionnaire occupait la chaire de l’église d’un petit hameau appelé Morgenbrodt, situé dans la forêt du Harz, d’où il tonnait contre la méchanceté des habitants, leur commerce avec les démons et les fées, et en particulier avec l’esprit des bois. La doctrine de Luther commençait à se répandre parmi les paysans, (car l’événement que nous racontons a eu lieu sous le règne de Charles Quint) et ils se moquaient du zèle avec lequel cet homme vénérable insistait sur ce sujet. Enfin, de même que sa véhémence augmentait avec leur opposition, ainsi leur opposition croissait à proportion de sa véhémence. Les habitants n’aimaient pas à voir un démon paisible qui vivait sur le Brockenberg depuis tant de siècles, confondu avec Belphégor, Astaroth et Beelzebut, et condamné sans appel au feu éternel. La crainte que l’esprit ne se vengeât sur eux de ce qu’ils écoutaient une sentence si injuste, ajoutait encore à l’intérêt qu’ils lui portaient. « Un missionnaire qui aujourd’hui est ici et demain n’y est plus, disaient-ils, peut dire ce qui lui plaît ; mais nous qui depuis longtemps habitons cette contrée, nous sommes laissés à la merci du démon insulté ; et nous payerons pour tous. » L’irritation causée par ces réflexions les fit passer des injures aux voies de fait ; ils saisirent des pierres et forcèrent le prêtre à aller prêcher ailleurs contre les démons.
Trois jeunes gens qui avaient été présents à cet événement, retournaient à leur chaumière où ils s’occupaient à préparer du charbon pour les forges. Dans la route, leur conversation tomba naturellement sur le démon du Harz et sur la doctrine du capucin. Max et Georges Waldeck, les deux frères aînés, tout en avouant que le langage du capucin avait été indiscret, lorsqu’il avait voulu déterminer d’une manière précise le caractère du démon et sa demeure, soutenaient cependant qu’il était très dangereux de recevoir ses dons, et d’avoir quelques rapports avec lui.
Il était puissant, mais capricieux, et ceux qui avaient commerce avec lui faisaient rarement une bonne fin. N’avait-il pas donné au brave chevalier Ecbert de Rabenwole ce fameux cheval noir, par le moyen duquel il vainquit tous les champions au grand tournois de Brême. Et ce même cheval ne précipita-t-il pas son cavalier dans un abîme si profond qu’on n’a plus vu ni l’un ni l’autre ? N’avait-il pas donné à Dame Gertrude Trodden un charme pour faire le beurre ? Et ne fut-elle pas brûlée comme sorcière par le grand juge criminel de l’Électorat, parce qu’elle se vantait de ce don ? Mais toutes ces histoires faisaient peu d’impression sur Martin Waldeck, le plus jeune des frères.
Martin était jeune, téméraire et impétueux, adroit dans tous les exercices qui distinguent les montagnards, bravant des dangers avec lesquels il s’était rendu familier, il riait de la timidité de ses frères.
— Ne contez plus de pareilles sornettes, le démon est un bon démon, il vit au milieu de nous comme s’il était un paysan comme nous, il fréquente les cavernes et les retraites des montagnes, comme un chasseur ou un pâtre ; celui qui aime la forêt du Harz et ses sites sauvages, ne peut pas être indifférent au destin des enfants du sol. Si le démon était aussi malicieux que vous le dites, comment aurait-il quelque pouvoir sur les masses qui reçoivent ses dons sans se soumettre à sa puissance ? Lorsque vous portez votre charbon à la forge, l’argent que vous recevez du blasphémateur Blaize, n’est-il pas aussi bon que si vous le receviez du pasteur lui-même ? Ce ne sont pas les dons de l’esprit qui vous mettront en danger, mais c’est l’usage que vous en ferez dont vous aurez à rendre compte. Si le démon m’apparaissait en ce moment et m’indiquait une mine d’or ou d’argent, je commencerais à la creuser avant qu’il eût tourné le dos, et je me croirais sous la protection d’un être plus puissant que lui, tant que je ferais un bon usage de la richesse dont il m’aurait mis en possession.
Son frère aîné lui répondit que les richesses mal acquises étaient ordinairement mal dépensées, tandis que Martin assurait d’un ton présomptueux que la possession de tous les trésors de la forêt du Harz n’apporterait pas le moindre changement dans ses habitudes, ses moeurs et son caractère.
Ses frères supplièrent Martin de parler avec moins de témérité sur un pareil sujet, et parvinrent avec beaucoup de difficulté à attirer son attention sur une chasse au sanglier qui s’approchait. En parlant ainsi, ils arrivèrent à leur chaumière, située dans une gorge étroite, sauvage et romantique du Brockenberg. Ils relevèrent leur soeur dans l’opération de la cuite du charbon, qui demande une attention constante, et ils se partagèrent entre eux l’occupation de veiller alternativement pendant la nuit.
Max Waldeck l’aîné veilla pendant les deux premières heures de la nuit ; et il fut vivement alarmé en observant sur le côté opposé de la vallée un grand feu environné de figures qui dansaient en rond en faisant diverses postures. La première idée de Max fut d’éveiller ses frères ; mais se rappelant le caractère audacieux du plus jeune, et voyant qu’il était impossible d’éveiller l’un sans l’autre ; pensant aussi que c’était peut-être une illusion du démon par suite des expressions téméraires de Martin, il jugea plus prudent de se mettre en prières et d’attendre la fin de cette étrange apparition. Après avoir brillé pendant quelque temps, le feu s’éteignit par degrés et fit place à une obscurité profonde, et le reste de la veille de Max ne fut troublé que par le souvenir de ses terreurs.
Georges prit la place de Max, qui alla se reposer.
Le phénomène du feu allumé sur le flanc opposé de la montagne se renouvela à ses yeux. Il était entouré de figures que leurs formes opaques placées entre le feu et l’oeil du spectateur faisaient distinguer ; elles se mouvaient tout autour comme si elles étaient occupées à quelques cérémonies mystérieuses. Georges, quoique également prudent, était d’un caractère plus courageux que son aîné. Il résolut d’examiner de plus près l’objet de son étonnement. Il franchit le ruisseau qui traversait la vallée, monta sur le flanc opposé, et arriva à une portée de flèche du feu qui paraissait brûler avec la même ardeur qu’auparavant.
Ceux qui l’environnaient ressemblaient à ces fantômes que l’on voit dans un rêve agité, et le confirmèrent dans l’idée qu’ils n’étaient pas de ce monde. Parmi ces êtres fantastiques, Georges Waldeck distingua un géant tenant à la main un arbre déraciné dont il se servait de temps en temps pour attiser le feu, et qui n’avait d’autres vêtements qu’une couronne et une ceinture de feuilles de chêne. Le coeur de Georges palpita, lorsqu’il reconnut la figure du démon du Harz, que les vieux bergers et les chasseurs lui avaient dépeint plusieurs fois, pour l’avoir vu errer dans les montagnes. Il tourna le dos et se préparait à fuir ; mais il eut honte de sa faiblesse ; il récita mentalement le premier verset du psaume Tous les bons anges louent le Seigneur, qu’on regarde dans ce pays comme un puissant exorcisme, et il se retourna vers l’endroit où il avait vu le feu. Mais il avait disparu.
La pâle clarté de la lune éclairait seule le flanc de la montagne, et lorsque Georges, la démarche tremblante, le front inondé d’une sueur froide, les cheveux hérissés, fut arrivé à l’endroit où le feu avait paru brûler, et qui était marqué par un grand chêne, il n’en vit pas le plus léger vestige.
La mousse et les fleurs sauvages n’avaient pas été foulées, les branches du chêne qui semblaient enveloppées de tourbillons de flammes et de fumée, étaient humides de la rosée de la nuit.
Georges retourna en tremblant à sa chaumière, et faisant la même réflexion que son frère aîné, il résolut de ne rien dire de ce qu’il avait vu, de peur d’éveiller dans Martin cette curiosité audacieuse qu’il regardait presque comme unie à l’impiété.