Contes pour Caprine : contes pour enfants - Maurice Carême - E-Book

Contes pour Caprine : contes pour enfants E-Book

Maurice Carême

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Beschreibung

Maurice Carême déploie dans les Contes pour Caprine, couronnés par le prix Rossel en 1947, toute son imagination, son goût de la féerie et son amour de l’enfance. Un bocal où flottent des poissons multicolores que seuls les enfants peuvent voir, une vague amoureuse d’un goéland, une roulotte enchantée, un géranium diabolique, un magicien qui vole les étoiles dans le ciel, un bonhomme de neige qui veut devenir un homme… voici quelques-unes des figures qui peuplent ces contes pour Caprine richement illustrés par Michel Ciry.

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Seitenzahl: 92

Veröffentlichungsjahr: 2013

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CONTES POUR CAPRINE

CAPRINE

CAPRINE

PUISQUE tu as été bien sage, je vais te raconter des histoires.

— Alors, c’est que tu ne m’aimes plus, répond Caprine. Je préfère que tu m’embrasses.

Et malicieusement, elle dessine un cœur sur ma feuille de papier.

— Allons, viens sur mes genoux !

— Oh ! je sais que tu es prêt à m’embrasser, mais est-ce que cela prouve que tu m’aimes ?

— Si tu ne me crois pas, interrogeons ensemble le lilas de la haie. Il n’a aucun intérêt à mentir, lui... Ami lilas, est-ce que je n’aime plus Caprine ?

Doucement le lilas incline vers la fenêtre sa tête fleurie et murmure :

— Autant me demander si l’eau qui coule dans la prairie n’aime plus son lit de cailloux.

— Eh bien ! Caprine, qu’en penses-tu ?

— Oh ! cela ne prouve rien. Toutes les fleurs te connaissent.

— Et si nous interrogions le pinson qui siffle sur le pommier ?... Hé ! ami pinson, est-ce que je n’aime plus Caprine ?

Le pinson tourne vers elle ses yeux luisants et se met à rire :

— Autant me demander, dit-il, si l’arbre n’aime plus le jardin où il pousse !

— Qu’est-ce que tu en penses ?

— Cela ne prouve rien. Tous les oiseaux te connaissent !

— Tu ne vas tout de même pas prétendre que je connais ce nuage qui approche de notre maison ? Je vais l’interroger, lui aussi.

Autant me demander, répond-il, si le moulin que tu vois là-bas n’aime plus le vent.

— Eh bien ! Caprine, es-tu convaincue ?

— Mais tu es aussi l’ami des nuages !

— Alors, veux-tu que nous attendions le soir ? J’interrogerai l’étoile que tu me désigneras.

— Non, non ! Ce ne sont pas des preuves. Les fleurs, les nuages, les oiseaux, les étoiles sont tes amis et je les vois souvent te faire signe.

— Soit ! Puisque ni les fleurs, ni les nuages, ni les oiseaux, ni les étoiles ne t’inspirent confiance, j’espère que tu croiras au moins le cœur que tu viens de dessiner. Veux-tu me passer les ciseaux ?

Avec précaution, je découpe le cœur tracé sur la feuille de papier.

— Joli cœur ! j’ai besoin de ton aide. Caprine prétend que je ne l’aime plus. Si elle se trompe, veux-tu à l’instant devenir un oiseau et voler ?

Aussitôt deux petites ailes apparaissent de chaque côté du cœur, et celui-ci se met à folâtrer dans la pièce.

— Eh bien ! dis-je triomphant, que te faut-il de plus ?

— Oh ! cela ne prouve toujours rien, fait Caprine, en prenant délicatement par les ailes, le cœur qui vient de se poser sur son poignet. Les oiseaux sont tes amis et deux ailes sont vite prêtées. Je sais que si tu demandais au cœur de se couvrir de pâquerettes, de se transformer en nuage ou de scintiller comme une étoile, il t’obéirait.

— Alors, que ce cœur redevienne un simple morceau de papier, dis-je, maussade. Rends-le moi.

Et je l’arrache si brusquement des mains de Caprine qu’il se déchire. Affolée, elle me saisit les poignets.

— Arrête-toi, arrête-toi, méchant. Regarde : le cœur saigne...

— C’est vrai, avoué-je, penaud, en voyant une goutte de sang perler le long de la déchirure... Mais il faut toujours que tu me mettes en colère.

— Ne sois pas fâché, dit-elle, en se glissant sur mes genoux. Embrasse-moi, je sais que tu m’aimes mais je souhaiterais que tu me le répètes plus souvent. Et maintenant, puisque je suis bien sage, raconte...

LE PETIT VIEUX

LE PETIT VIEUX

JE faisais mes devoirs lorsqu’il frappa à la porte de la cuisine. Je fus bien étonnée : c’était un petit bonhomme mince et courbé par l’âge. Il habitait notre mansarde, mais je n’avais jamais eu l’occasion de le voir de près.

Il ne rentrait qu’à la tombée du soir et, dans l’ombre de l’escalier, il semblait voler comme une chauve-souris. Jamais je ne l’avais entendu ni parler, ni marcher, ni remuer un objet. Il était comme un morceau de silence qui allait et venait dans la maison. Il gagnait sa vie en inscrivant dans un gros registre le nom des gens qui mouraient. La mort accompagnait sans doute partout ce vieux bonhomme, et je l’examinais craintivement en suçant mon porte-plume.

Il se pencha vers mon cahier et me dit avec bonté :

— Quelle jolie écriture vous avez, Mademoiselle. Et vous rédigez sans fautes !

Je tirai mon porte-plume de ma bouche, mais ne trouvai rien à répondre.

— Ah ! si c’était aussi bien pour le calcul ! remarqua mon père. Devant un problème, elle se cabre comme un âne, et on ne tire plus rien d’elle. On a beau lui promettre des cadeaux, c’est peine perdue. Et les examens commencent la semaine prochaine !

— Tiens, tiens ! murmura le petit vieux en me regardant dans les yeux, et il me demanda plus doucement encore :

— Quel cadeau te ferait plaisir ?

— Deux poissons rouges dans un bocal, murmurai-je. Deux poissons comme ceux de la fleuriste.

Mon père haussa les épaules :

— Tu es trop petite pour les soigner, il faut les nourrir, renouveler l’eau, or ni ta mère ni moi n’en aurions le temps.

— Eh bien ! dit le petit vieux, elle va faire son possible pour réussir ses problèmes et je lui en donnerai, moi, des poissons rouges.

Il fit un clin d’œil à mon père, me caressa la joue et se retira discrètement.

*

*  *

Je réussis mes deux problèmes au concours et quand je rapportai mon bulletin, ce fut, à la maison, une explosion de joie. Mais mes parents eurent beau m’interroger pour savoir comment je les avais résolus.

Je ne pus que répondre :

— J’ai pensé à la promesse du vieux monsieur, et les solutions me sont apparues en lettres de feu sur ma feuille.

Le soir même, mon père m’envoya remercier le petit vieux. Je m’arrêtai longuement devant la porte de la mansarde. Je ne distinguais dans l’obscurité que la blancheur de mon bulletin, et je n’entendais rien d’autre que le battement dur de mon cœur.

Je frappai ; j’étais tellement angoissée que la porte me parut résonner comme un tambour. J’attendis en tremblant. Il me sembla que cette attente durait des heures...

Soudain, la porte s’ouvrit sans le moindre bruit, et le petit vieux parut tout liséré de lumière. Comme l’émotion m’empêchait de parler, il prit mon bulletin et le parcourut.

La lampe à pétrole était ornée d’un bel abat-jour perforé. La lumière projetée par les trous dessinait des étoiles sur les murs et faisait ressembler mon tablier bleu à un petit carré de ciel. Au milieu de la table, dans un cercle de clarté, s’éparpillaient des fleurs séchées. On distinguait mal les autres meubles à cause de cette obscurité tout éclaboussée d’étoiles.

— C’est vraiment très bien, déclara le petit vieux. Je vais te donner tes poissons tout de suite.

— Tout de suite ! m’écriai-je, abasourdie et ravie.

Il prit dans un coin un bocal couvert de poussière, l’essuya soigneusement et se dirigea vers le robinet. L’eau ne fit aucun bruit en le remplissant.

Puis le petit vieux l’apporta sur la table et me dit :

— Nous allons y faire vivre une plante aquatique. Ce sera plus beau.

Il y glissa une plante séchée et celle-ci se transforma en une jolie chevelure verte qui ondula dans l’eau.

— Et maintenant, ajouta-t-il, voici les poissons.

Il ouvrit la main et en laissa tomber les deux plus jolis petits poissons du monde. Jamais je n’en avais vu de si rouges et quand la lumière frappait leurs nageoires, il en jaillissait des étincelles.

Je contemplais le bocal avec autant d’ahurissement que de joie, et le petit vieux ajouta :

— Tes parents n’ont guère le temps de s’occuper de poissons rouges. Comme tu es trop jeune pour renouveler leur eau et les nourrir régulièrement, je t’offre ceux-ci qui ne demandent aucun soin. Ils vivront aussi longtemps que tu t’appliqueras à bien résoudre tes problèmes. Prends-les et qu’ils te portent bonheur.

Je lui sautai au cou pour le remercier. Il sourit, me caressa les cheveux et souleva la lampe pour m’éclairer.

— Mais, remarquai-je, je ne saurai jamais porter ce bocal plein d’eau.

— Essaye, fit-il en riant.

Je rassemblai toutes mes forces pour le soulever. Je restai stupéfaite : il était si léger qu’il semblait vide.

— J’ai pensé à tout, fit-il en riant plus fort.

Je serrai le précieux bocal contre ma poitrine et descendis à la cuisine où je le posai sur l’appui de la fenêtre.

— Venez voir les jolis poissons que le vieux monsieur m’a donnés, criai-je à mes parents en dansant de joie.

— Quels poissons ? demanda mon père.

— Mais là, dis-je, dans le bocal.

— Tu te moques de nous ! Ce bocal est vide.

— Allons, papa, tu ne vas pas prétendre que tu ne les vois pas ?

— Vois-tu des poissons dans ce bocal, toi ? dit mon père en se tournant vers maman.

— Non ! je n’en vois pas non plus, répondit-elle.

Et comme j’insistais, elle ajouta en pâlissant :

— Tu ne te sens pas malade, au moins ? On dirait que tu as un peu de fièvre.

Boudeuse, j’échappai à ses caresses. J’installai ma chaise près du bocal, et, toute la soirée, j’admirai mes deux poissons qui se poursuivaient autour de la plante.

Ma mère, inquiète, m’observait du coin de l’œil, et mon père répétait, tout triste de m’avoir fâchée :

— Que dirais-tu d’une trottinette pour ta récompense, d’une jolie trottinette avec des roues à pneu ?

*

*  *

Je reçus ma trottinette et, vraiment, c’était une excellente trottinette. Je battais toutes mes compagnes à la course et Jean-Jean, le fils du boulanger, ne parvenait plus à me dépasser. Mais dès que je rentrais, les joues frottées de vent, je me précipitais vers mes chers poissons rouges. Ils me reconnaissaient maintenant. Quand j’approchais mon visage du bocal, ils me regardaient longtemps avec de gros yeux débordant d’amitié avant de se remettre à cabrioler.

J’avais souvent invité mes amies Berthe et Marie, expressément pour leur montrer mes poissons. Elles s’extasiaient comme moi devant leur beauté, et chaque fois, Berthe faisait remarquer la jolie tache noire et or qui ornait la queue du plus petit.

Cependant, mes parents, eux, continuaient à prétendre que le bocal était vide.

Un jour que la cuisine était tout embuée, ma mère ouvrit précipitamment la fenêtre et fit tomber le bocal.

Je poussai un cri d’angoisse et me précipitai pour ramasser mes poissons. Mais j’eus beau chercher, regarder sous les meubles, retourner les éclats de verre, je ne trouvai trace ni des poissons, ni de la plante aquatique. Je sanglotais et ma mère tenta de me consoler :

— Allons, sois raisonnable. Tu vois bien qu’il n’y a pas une goutte d’eau sur le carreau. Comment veux-tu que des poissons vivent dans un bocal vide ?

— Il faut que je parle au vieux monsieur, criai-je en trépignant. Il faut que je lui parle.

— Calme-toi, calme-toi, répondit ma mère, personne ne t’empêche d’aller chez lui.

*

*  *



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