8,99 €
Mère qui obtint le Prix triennal de poésie en 1937 est considérée comme l'œuvre majeure de Maurice Carême. L'auteur y aborde son amour pour sa mère et l'épreuve que représente la perte de cette dernière. La simplicité des vers et du ton en font une œuvre remarquable saluée maintes fois par la critique. Cette édition numérique inédite suivie de La voix du silence comprend également un portrait de sa mère par l'auteur.
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Seitenzahl: 18
Veröffentlichungsjahr: 2012
Je t'aurai tant aimée, ma mère,
Que ces vers porteront peut-être
À travers les remous des âges
Les humbles lignes de ton visage.
Ainsi j'étais au fond de toi
Comme un peu d'eau tremblante
Dans un vase pur.
Ainsi tes yeux voyaient pour moi,
Ainsi tes pieds marchaient pour moi,
Ainsi ta chair souffrait pour moi,
Ainsi tes pauvres mains,
Lasses d'avoir lutté pour moi,
C'est sur moi que tu les croisais,
Ainsi ton cœur battait pour moi
Et c'est avec ton sang
Que tu faisais mon cœur.
Ma mère,
Tu es bénie
Entre toutes les femmes.
Ainsi qu'une fleur
Lourde de rosée,
Ton sein se penchait.
Et, sous cette belle source,
C'était déjà ton cœur
Que tu tendais à ma bouche.
Il était toujours plein d'oiseaux,
Et si mon vers chante parfois,
C'est à ton lait que je le dois.
Tu es belle, ma mère,
Comme un pain de froment.
Et, dans tes yeux d'enfant,
Le monde tient à l'aise.
Ta chanson est pareille
Au bouleau argenté
Que le matin couronne
D'un murmure d'abeilles.
Tu sens bon la lavande,
La cannelle et le lait ;
Ton cœur candide et frais
Parfume la maison,
Et l'automne est si doux
Autour de tes cheveux
Que les derniers coucous
Viennent te dire adieu.
Sous la chaleur de tes mains,
La pâte éclosait au pétrin
Comme un grand liseron.
De chaque pétale,
Le soleil du four
Faisait un pain doré.
Mais, au fil des jours,
Ton amour,
Ton merveilleux amour
Nous faisait retrouver,
Dans chaque miette éparpillée,
Ton cœur entier.
Il ne faut qu'un peu de printemps,
Un poisson rouge,
Une pâquerette qui s'ouvre
Pour que le cœur te parle à temps.
Écoute-le avec ferveur
Comme l'acacia en fleurs
Écoute l'oiseau qui ramage
Dans l'épaisseur de son feuillage.
Au silence du ciel,
Il faut pouvoir répondre
Par un chant de foi tel
Que Dieu s'y laisse prendre.
La cuisine est si calme
En ce matin d'avril
Qu'un reste de grésil
Rend plus dominical.
Le printemps, accoudé
Aux vitres, rit de voir
Son reflet dans l'armoire
Soigneusement cirée.
Les chaises se sont tues.