Cousin et cousine - Henry James - E-Book

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Henry James

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Beschreibung

Cousin et cousine est une nouvelle de l’écrivain américain Henry James publiée en 1871.
Extrait
| I
Comme je me proposais de retourner aux États-Unis vers le milieu du mois de juin, je résolus de profiter des six semaines qui me restaient pour visiter l’Angleterre, que je ne connaissais pas encore. Durant mon voyage en Europe, j’avais toujours donné la préférence aux vieilles auberges, qui, si elles sont parfois moins confortables que nos immenses caravansérails modernes, offrent à l’observateur des sujets d’étude plus fertiles en imprévu. À mon arrivée à Londres, je m’installai donc dans une antique hôtellerie, située assez loin du centre de la ville, au milieu d’un quartier qui me rappelait l’époque déjà classique du docteur Johnson. Le premier soir de mon séjour, je descendis dans la salle à manger, où je commandai mon dîner au génie même du décorum, personnifié par un serviteur en cravate blanche aussi raide qu’obséquieux. À peine eus-je franchi le seuil de cette salle que je me sentis destiné à récolter une ample moisson d’impressions britanniques. L’auberge du Lion-Rouge, comme beaucoup d’autres choses que je devais rencontrer en Angleterre, semblait n’avoir résisté aux ravages du temps qu’en prévision de ma visite.
Je connaissais de longue date la taverne du Lion-Rouge. Les livres et mes visions me l’avaient montrée mille fois ; Smollett, Boswell, Dickens me l’avaient décrite. Elle était peu spacieuse et divisée par des paravens d’acajou en six compartimens, garnis de chaque côté de banquettes non rembourrées. Dans chacune de ces stalles se trouvait une table sans convives, car les beaux jours du Lion-Rouge étaient passés, ne laissant que des fantômes. Tout autour de la salle, à hauteur d’appui, régnait une superbe boiserie d’acajou noircie par l’âge et rendue si brillante par un frottement quotidien que je m’imaginai voir s’y refléter l’image de voyageurs en perruques et en culottes courtes. Une douzaine de gravures jaunies par la fumée du charbon et des pipes ornaient les murs, — le favori du Derby de 1807, David Garrick, deux boxeurs célèbres et sa majesté le roi George IV. Le parquet disparaissait sous un tapis de Perse aussi vieux que l’acajou et dont il eût été impossible de distinguer le dessin primitif....|

 

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SOMMMAIRE

I

II

III

IV

HENRY JAMES

COUSIN ET COUSINE

NOUVELLE

Revue des Deux Mondes, 3e période,

 tome 17, 1876 (pp. 512-553)

Raanan Éditeur

Livre 282| édition2

I

Comme je me proposais de retourner aux États-Unis vers le milieu du mois de juin, je résolus de profiter des six semaines qui me restaient pour visiter l’Angleterre, que je ne connaissais pas encore. Durant mon voyage en Europe, j’avais toujours donné la préférence aux vieilles auberges, qui, si elles sont parfois moins confortables que nos immenses caravansérails modernes, offrent à l’observateur des sujets d’étude plus fertiles en imprévu. À mon arrivée à Londres, je m’installai donc dans une antique hôtellerie, située assez loin du centre de la ville, au milieu d’un quartier qui me rappelait l’époque déjà classique du docteur Johnson. Le premier soir de mon séjour, je descendis dans la salle à manger, où je commandai mon dîner au génie même du décorum, personnifié par un serviteur en cravate blanche aussi raide qu’obséquieux. À peine eus-je franchi le seuil de cette salle que je me sentis destiné à récolter une ample moisson d’impressions britanniques. L’auberge du Lion-Rouge, comme beaucoup d’autres choses que je devais rencontrer en Angleterre, semblait n’avoir résisté aux ravages du temps qu’en prévision de ma visite.

Je connaissais de longue date la taverne du Lion-Rouge. Les livres et mes visions me l’avaient montrée mille fois ; Smollett, Boswell, Dickens me l’avaient décrite. Elle était peu spacieuse et divisée par des paravens d’acajou en six compartimens, garnis de chaque côté de banquettes non rembourrées. Dans chacune de ces stalles se trouvait une table sans convives, car les beaux jours du Lion-Rouge étaient passés, ne laissant que des fantômes. Tout autour de la salle, à hauteur d’appui, régnait une superbe boiserie d’acajou noircie par l’âge et rendue si brillante par un frottement quotidien que je m’imaginai voir s’y refléter l’image de voyageurs en perruques et en culottes courtes. Une douzaine de gravures jaunies par la fumée du charbon et des pipes ornaient les murs, — le favori du Derby de 1807, David Garrick, deux boxeurs célèbres et sa majesté le roi George IV. Le parquet disparaissait sous un tapis de Perse aussi vieux que l’acajou et dont il eût été impossible de distinguer le dessin primitif.

Je me suis flatté en me vantant d’avoir commandé mon dîner. J’avais rêvé une côtelette d’agneau aux épinards et une charlotte russe, tandis qu’il me fallut accepter l’offre d’un beefsteak et d’un pudding au riz. Les pieds appuyés sur la traverse de ma table de chêne, j’opposai au paravent cette résistance dorsale qui, aux yeux des Anglais d’autrefois, représentait le repos. Le craquement de mes jointures m’apprit que la cloison possédait toute la solidité désirable.

Pendant que j’attendais, je vis entrer par la porte donnant sur l’intérieur de l’hôtel un des rares locataires de la maison qui, comme moi, avait dû se laisser imposer un menu, car le couvert se trouvait mis d’avance dans un compartiment voisin du mien. Il se dirigea vers la cheminée, tourna le dos au feu et consulta sa montre. Sa taille dépassait un peu la moyenne et il eût été difficile de préciser son âge. Il n’était plus jeune, bien qu’aucun fil d’argent ne sillonnât l’ébène de ses cheveux, dont la couleur, tout en s’harmonisant avec son teint maladif, ne s’accordait guère avec celle de ses yeux d’un gris pâle et trouble. Une longue moustache noire ombrageait ses lèvres. L’ensemble de la physionomie, malgré sa beauté régulière, annonçait un grand manque d’énergie ou un profond découragement. Sa mise était sinon élégante, du moins très soignée.

Le garçon s’approcha de lui et murmura d’une voix insinuante les mots xérès ? porto ? — puis d’un ton dédaigneux le mot bière ? qui provoqua un signe de tête affirmatif. Évidemment mon voisin de table ne roulait pas sur l’or. Je reconnus aussi que je n’avais pas affaire à un Anglais. Je fus tenté de le prendre pour un Russe auquel les chances du tapis vert n’ont pas été favorables ; il me rappelait certain type de joueur moscovite que j’avais rencontré sur le continent. Tandis que je me livrais à des hypothèses sur son compte, — car il commençait à m’intéresser, — elles furent soudain interrompues par l’arrivée d’un petit homme à barbe rouge dont la mine vulgaire n’était relevée que par un regard perçant d’une mobilité insaisissable. Mon Russe, resté seul, se tenait toujours debout devant le foyer et semblait plongé dans une triste rêverie. L’autre marcha droit à lui, armé de son parapluie, et le toucha entre les côtes avec le bout de cette arme inoffensive en s’écriant : — Parions dix dollars que je devine à quoi vous pensez !

Son ami poussa une exclamation, releva la tête et posa les mains sur les épaules du nouveau venu. Ce dernier dirigea de mon côté un regard scrutateur et prit ma mesure en un seul clin d’œil. Lors même que je n’aurais pas déjà été renseigné, ce coup d’œil eût suffi pour me révéler un compatriote. Ils causèrent un instant, mais je ne distinguai que quelques mots décousus. En homme pratique, mon Yankee proposa bien vite de se mettre à table. Dès qu’ils furent assis, je m’aperçus que, sans indiscrétion de ma part, j’assistais en intrus à leur entretien. Les voix que j’entendais appartenaient à deux Américains, ce qui me surprit et me dépita, car il est rare que je me trompe sur la nationalité des gens. L’individu à barbe rouge, qui m’inspirait fort peu de sympathie, dit à son commensal : — Vous auriez mieux fait de rester à New-York. Vous avez dû être joliment secoué en route.

— Un temps affreux ! répliqua son hôte. J’ai été malade depuis le moment où j’ai mis le pied à bord.

— En effet, je ne vous trouve pas bonne mine.

— Bonne mine ! C’est à peine si j’ai dormi six heures durant la traversée… Enfin j’ai franchi l’Atlantique pour la première et la dernière fois.

— Allons donc ! Est-ce que vous comptez rester éternellement ici ?

— Ici ou ailleurs, mon éternité sera de courte durée.

Il y eut un moment de silence.

— Toujours aussi gai, hein, Serle ? Nous allons mourir demain ?

— Je le voudrais presque.

— L’Angleterre ne vous plaît donc pas ? Eh bien ! tant mieux. On répétait sans cesse là-bas que vous avez l’air et les goûts d’un Anglais ; mais je connais maintenant les Anglais, vous ne leur ressemblez en rien, Serle, et vous ne réussirez pas parmi eux, aussi vrai que je m’appelle Simmons !

J’entendis le bruit d’un couteau et d’une fourchette qui retombaient sur la table.

— Ma parole d’honneur, Simmons, j’admire votre délicatesse ! Je me promène depuis ce matin dans cette maudite ville, en proie au mal du pays et à toute sorte d’autres maux, songeant faute de mieux à cette rencontre, et voilà ce que vous avez à m’apprendre !

M. Simmons parut sensible à ce reproche, car il répondit d’un ton plus doux :

— Voyons, ne vous démontez pas ainsi. Pensez au garçon. Je suis devenu assez Anglais pour respecter les convenances. Au nom du ciel, pas de sentimentalité ; cela fait rire les gens. Dites-moi en trois mots ce que vous attendiez de moi.

Je distinguai un nouveau mouvement, comme si le pauvre Serle se fût affaissé sur son siége.

— En vérité, Simmons, vous êtes inconcevable, répliqua-t-il enfin. Vous n’avez donc pas reçu la lettre où je vous annonçais mon départ ?