CQFD - Ilan Georges Kamus - E-Book

CQFD E-Book

Ilan Georges Kamus

0,0

Beschreibung

Récit autobiographique, "CQFD" retrace le cheminement de l’auteur en révélant, trente-trois ans plus tard, un épisode déterminant de son existence. Dans la nuit du lundi 17 février 1992, à 3 heures du matin, alors qu’il n’a que 21 ans, sa vie prend un tournant inattendu. Interné en psychiatrie à l’hôpital de La Queue-en-Brie dans le Val-de-Marne, il décide de s’échapper. Il entame une fuite audacieuse, parcourant à pied les dix-neuf kilomètres qui le séparent de son domicile en passant par un vasistas et en escaladant le mur d’enceinte. Ce moment d’évasion devient le prélude d’une quête profonde et bouleversante, marquée par un irrépressible désir de liberté et un cheminement vers la reconstruction de soi.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Ilan Georges Kamus se lance dans le cinéma avec une ambition claire : réaliser des films capables de transformer le monde. Cependant, après son baccalauréat et deux années de travail, la schizophrénie vient bouleverser ses projets. Une nouvelle vie commence alors, faite de découvertes inattendues – littérature, photographie, et exploration de l’univers de la santé mentale – qu’il s’efforce de communiquer à sa passion première.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 125

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Ilan Georges Kamus

CQFD

Autobiographie ontologique

d’un schizophrène à cheval

Roman

© Lys Bleu Éditions – Ilan Georges Kamus

ISBN : 979-10-422-5243-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Première partie

Autoportrait ontologique

d’un schizophrène à cheval

1

La genèse

Je suis (devenu) fou.

Et je le resterai probablement toute ma vie à moins que la folie de nos sociétés ne rejoigne la mienne ou ne la dépasse. On m’a diagnostiqué atteint de schizophrénie à l’âge de 21 ans.

Je suivais alors des études supérieures de techniques cinématographiques et audiovisuelles à Paris où je suis né en août 1970. Il en a résulté que mon ambition légitime qui était, selon moi-même, de devenir le nouveau Godard ou un nouveau Lelouch, a été plus qu’ébranlée, anéantie. Je me suis retrouvé hors de la société qui m’avait vu naître, qui m’avait accueilli en son sein et qui m’avait éduqué.

D’un possible devenir brillant, j’avais été relégué à l’état de paria, j’avais été dégradé en quelque sorte. D’un point de vue pratique et donc d’un point de vue médical, j’avais fait un passage à l’acte, ce qui signifie que les pulsions psychotiques qui étaient enfouies au plus profond de moi-même avaient pris le contrôle, s’étaient déchainées engendrant une violence physique sans précédent, envers mon père et mon géniteur. Pourtant, j’étais un garçon non violent, pas agressif du tout et plutôt bien entouré. Certains me qualifiaient d’extraverti, en ce sens où j’aimais tous mes semblables, les filles comme les garçons et que nous communiquions parfois jusqu’à la communion mais toujours avec intelligence et humour.

Que s’est-il passé dans le subconscient de mon être ? De la veille au lendemain de ce « passage à l’acte », quand je me suis retrouvé, incarcéré en hôpital psychiatrique, dans une chambre close de l’extérieur ? Dans une chambre nue avec une fenêtre hermétique, donnant sur un coin de parc ; un lit vissé dans le sol et un hublot à la porte pour qu’on puisse me voir où que je sois dans la pièce et sans que j’y consentisse aucunement ? Dans cette chambre où quelques objets mobiles seulement, m’avaient été laissés : deux magazines des « Beaux-Arts » datant de plusieurs mois ou plusieurs années posés sur le rebord de la fenêtre hermétiquement scellée et un seau jaune pâle muni d’une anse et d’un couvercle à poignet en fer, dans lequel on m’apprît rapidement que je devais y faire mes besoins hygiéniques : uriner et déféquer. Quelques heures après avoir repris conscience, après m’être réveillé mais encore inconscient réellement de ma nouvelle situation, deux hommes forts – un gros petit, barbu et brun et un grand blond athlétique et glabre, tous deux vêtus de blouses blanches sur lesquelles un badge blanc mentionnait quelque chose dans des écritures rouges et bleues que je ne sus pas déchiffrer immédiatement, – pénétraient dans la pièce avec un grand bruit de clés et m’apportaient un plateau repas hospitalier – c’est-à-dire pas grand-chose. Je ne me rappelle pas avoir échangé oralement avec eux, cette fois-là, ni s’ils m’ont adressé eux-mêmes la parole mais comme cette situation allait durer plusieurs jours, environ une quinzaine, je sus ensuite qu’ils me recommandaient de manger, d’uriner et de déféquer normalement. Que j’étais à l’hôpital psychiatrique de La Queue-en-Brie et qu’ils viendraient aussi me donner mon traitement médical… Que je n’avais pas encore le droit de manger au réfectoire avec les autres… La porte se referma sur moi et sur le bruit des clés.

***

La veille, j’étais rentré chez mes parents où j’habitais ; je suivais des cours de Cinéma dans une école privée parisienne, dans le douzième arrondissement de Paris. Je préparais mes examens de milieu d’année ; j’étais en première année de BTS Audiovisuel et je pratiquais depuis peu de temps la boxe Française-savate. Nous étions en 1992.

J’étais rentré assez tard – vers 2 heures du matin – et mon père m’attendait assis dans le majestueux fauteuil Louis XIII du salon en lisant. Je me suis avancé vers lui, en lui posant une question : « T’es pédé ? » Il leva la tête, ses bras se posèrent avec le livre qu’il tenait entre les mains, sur ses genoux. Je répétais : « T’es pédé ? » Quelques instants plus tard, nous nous battions. Réellement, vraiment… Un combat sans but et sans forme, sans objet et sans règle. Je le soulevais, l’entravais, le bousculais, il me repoussait, il m’immobilisait ; je m’échappais.

Ma mère fut soudain réveillée par notre vacarme et nous vit en train de nous bagarrer. En s’emparant du téléphone, elle appela de l’aide. L’affrontement dura jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre, la Police, puis les pompiers et enfin un psychiatre résidant dans l’immeuble voisin, une connaissance de mes parents. On me mit à plat ventre, par terre, on me passa les menottes puis on me fit une piqûre anesthésiante. Je dois dire qu’à ce moment, précisément quand le produit commençait à se diluer et à m’endormir, et, dans le fond de mon âme, je désirais non pas ce qui m’arrivait, même si le produit me rendit un instant euphorique mais que ce que je vivais alors au quotidien cessât enfin. Mais quoi…

Ma vie, qu’est-ce que c’était ? Pour y répondre, il faut remonter très loin. À mes premières années. Mais pour le faire, ce qui n’est aisé pour personne, je remonterais dans le temps en marche arrière.

Quelques mois plus tôt, j’ai fait une dépression nerveuse suite à une déception sentimentale.

Et quelques mois avant cela, je suis parti avec deux copains faire un road trip de six semaines en Afrique de l’Est. Bref, j’ai vingt et un ans ; je suis bouillonnant ! Deux faits concomitants semblent pourtant essentiellement inséparables : ma séparation plutôt sauvage avec ma petite amie et la prise quasi quotidienne de drogues « douces » : cannabis et/ou marijuana. Mais également et entre tout ça, j’ai aussi fait une bouffée délirante.

Qu’est-ce que c’est !? Dans mon cas, j’ai détruit les meubles de la chambre que j’occupais alors chez mes parents sur le modèle dont les stars du rock anglo-saxonnes dévastent leurs chambres d’hôtel. On a tous pu voir ça mis en scène par les journaux people : Trip de rock-star, à un détail près ! J’ai brisé les vitres de la fenêtre de ma chambre et dans le rapport de police et celui du médecin qui en a découlé, j’aurais tenté de mettre fin à mes jours à l’aide des débris de verre par lacération des poignets. Est-ce que c’est vraiment arrivé ? Je n’en sais trop rien, c’est trop loin et ce n’est pas cela qui est le plus important. Toujours est-il qu’on m’a administré un calmant et que j’ai été immédiatement hospitalisé dans un état de catatonie profonde ; c’est-à-dire dans ce qu’on appelle aussi un coma psychique. J’y suis resté pendant 15 jours environ, sans bouger une seule de mes paupières, ni remuer le petit doigt mais en ayant parfaitement conscience de ce qui arrivait à mon corps et si mes yeux demeuraient clos, j’entendais parfaitement ce qui pouvait se dire autour de moi et sur moi.

Sortant de cet état, j’ai dû faire de gigantesques efforts pour arriver à mettre un pied devant l’autre et remarcher ; j’avais perdu énormément de muscle en deux semaines et ma non-alimentation aurait pu engendrer des problèmes dentaires ou d’autres complications et on m’a donc fait une intraveineuse et perfusé pour m’alimenter avec du glucose.

Durant les trois mois suivants je suis resté dans ce service « fermé » de l’hôpital Saint-Anne à Paris dans un service de psychiatrie pour jeunes adultes, pour réapprendre à vivre et on substitua alors à ma dépendance psychologique aux drogues douces que j’utilisais régulièrement, un traitement chimique que je prends encore aujourd’hui. Cette fois-là, j’ai eu de la chance car cette molécule, qui est un neuroleptique, fonctionne très bien sur mon psychisme et je n’ai pas eu, au cours de ces trente dernières années à essayer sans cesse des traitements multiples, ayant tous des effets secondaires plus ou moins handicapants, donc pas à changer de médication ni de posologie, ni même à devoir avoir recours à une médication multiple – comprenant différentes molécules interagissantes les unes avec les autres et rendant les soins médicaux très compliqués à ajuster. Ces trois mois sont passés et j’ai été libéré pour bonne conduite… Je plaisante mais pas tant que cela, tant le regard des gens sur moi est devenu différent ! Parfois même absent… Je suis retourné chez mes parents et j’ai repris mes études supérieures de cinéma mais j’avais perdu dans le même temps toutes mes connaissances : les copains et les copines qui avaient continué leur vie sans moi, sur le mode « d’avant ». Et la famille…

Je naquis dans une famille d’origine mi-juive, revenue de Tunisie durant les guerres d’indépendances au Maghreb, mais j’ai une mère qui est française et sans orientation religieuse, précisément.

Je ne connais hélas, quasiment pas la famille de ma mère, sauf ce qu’on m’en a dit et de brèves et rares rencontres avec un oncle et une tante dont je ne sais presque rien. Pas de cousin ni de cousine de ce côté. Pas de réunion familiale, dominicale ou autre. Ma grand-mère maternelle, je l’ai aperçue quelques fois dans mon enfance, chez elle, ou quand mes parents l’invitaient au restaurant chinois, les samedis soir. Peu de grand-père – alcoolique violent dont elle s’était séparée – physiquement et juridiquement-et que je me rappelle n’avoir vu qu’une seule fois avant sa mort. Mes origines maternelles, on me les a plutôt racontées à l’oreille. Douze enfants, le sous-prolétariat de la banlieue parisienne, le service du travail obligatoire en Allemagne, une absence de lien affectif maladivement vécue, voire des conflits d’ego, de pouvoir et d’argent.

Côté paternel, c’est la loi juive, une famille qui n’en finit jamais, des fêtes régulièrement – où l’on rencontre une infinité de gens dont on finit par croire qu’ils sont tous et toutes issu.e.s d’une seule et même souche, la sienne – le tout dans un grand tumulte de chants, de cris et de paroles et dans une profusion de nourriture maghrébine et de sodas américains. À la maison, c’est très différent car nous mangeons « français ». Pour faire enrager ma sœur aînée, je trempe mon sandwich au saucisson « pur porc » dans un mélange de jus d’orange, de lait UHT et de cacao en poudre. Et ma mère se plaint de ne pas être acceptée à sa juste mesure par sa belle-famille, d’être la cinquième roue du carrosse.

***

J’ai partagé une chambre modeste avec ma sœur aînée jusqu’à ma seizième année, elle en aura presque dix-neuf à ce moment-là. Mon père, lui, est cadre juridique dans une très grosse boîte : la Société française des Nouvelles Galeries Réunies dont le siège social est situé dans la rue des Archives, dans le quatrième arrondissement de Paris et nous habitons en proche banlieue, à l’est de Paris. Son bureau est tout petit et se trouve avec une multitude d’autres bureaux identiques, quelque part dans un labyrinthe de couloirs, regroupant plusieurs immeubles entre eux. Ma mère est employée de bureau dans une société d’assurance mais elle quittera son emploi très tôt pour s’occuper de nous mais surtout de sa fragile santé. Ma sœur aînée et moi ne manquions de rien mais nous n’avions pas trop. Nos rapports étant rapidement devenus conflictuels et notre espace partagé réduit, elle décide très vite de ne pas me prendre en considération et nous vivons chacun de notre côté, dans la mesure du possible. Elle va quitter l’école assez tôt, après un CAP/BEP commercial alors que je vais continuer dans un premier temps, jusqu’à la faculté de droit après un baccalauréat en sciences économiques et sociales.

Mon père est violent, très violent – physiquement, psychologiquement et oralement. Ma mère n’étant pas très en mesure de s’occuper de nous – à cause de ses problèmes de santé qui l’ont alité – et même scolairement, du fait qu’elle ne possède que le certificat d’études élémentaire – elle a commencé à travailler à l’âge de quatorze ans dans une imprimerie – et, mon père nous avilissant constamment quels que soient nos résultats, confondant, même ma sœur et moi, dans sa colère aveugle – nous sommes tous les deux et chacun indépendamment de l’autre, livrés à nous-mêmes. Mon sentiment d’injustice date pour une bonne part de cette époque et mes dix ans à peine révolus, je m’évade du domicile familial dès que je le peux, pour parcourir la banlieue, puis la ville, une cigarette entre les lèvres. Une autre sensation de ressentiment se développe à la même période, celui d’être différent… Je recherche inconsciemment, dans mes rapports avec mes camarades, des familles d’accueil potentielles… Des foyers paisibles. Des familles sans histoire. Cette fois-ci aussi, j’ai plutôt de la chance ; celle d’avoir la douloureuse conscience de mon intelligence, d’avoir un physique plutôt agréable et sportif, d’avoir de l’humour. Et aussi du culot. Je passe… Cela donne pour résultat que je côtoie dès cet âge-là des filles ; des petites amies que j’embrasse sur les lèvres et qui m’embrassent, elles aussi. Avec lesquelles je marche dans les rues, main dans la main, comme les adultes. Pourtant, il y a chez moi une sorte de fausse timidité, une réserve craintive que je ressens plus souvent en famille que dans la vie de tous les jours. Une sensation de péril, comme l’épée de Damoclès et cela engendrera bien une psychose qui se développera sournoisement, avec le temps, jusqu’à l’âge adulte.

En attendant, je relativise mes petits malheurs avec l’insouciance propre à l’enfance et avec la « réalité » de ce que fut la Seconde Guerre mondiale, mon sujet favori et pour lequel je m’informe, sans relâche et précocement en épluchant entre autres documents, une publication de presse mensuelle dont je ne saurais plus me souvenir du nom et qui montre avec photos, cartes, chiffres, dessins et textes à l’appui, ce qu’ont été les camps d’extermination nazis. C’est ainsi que je développe un profond respect pour les Russes du fait de leur participation au combat victorieux qu’ils ont mené contre le IIIe Reich allemand, ainsi que pour les soldats anglo-américains qui découvrirent l’horreur des « camps de la mort » et organisèrent le débarquement allié. J’ai appris beaucoup de choses sur la nature humaine dans ces lectures, lors de mes jeunes années et j’avais d’ores et déjà adhéré à un idéal humaniste de progrès alors que je n’étais même pas pubère. Bon an mal an, je suis arrivé jusqu’à l’âge adolescent, celui qui m’effrayait plus jeune et nous avons déménagé.