Crocus (Français) - Amy Lane - E-Book

Crocus (Français) E-Book

Amy Lane

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Beschreibung

Dire « je t'aime » ne garantit pas la paix ou une fin heureuse. Larx Larkin, le principal du lycée, était persuadé d'avoir touché le jackpot lorsque le shérif adjoint Aaron George avait emménagé chez lui, fusionnant leurs deux familles aussi harmonieusement que le chaos ambiant le permettait. Mais lorsque la fille enceinte de Larx rentre à la maison de façon inattendue et que deux de ses étudiants se retrouvent en danger, leurs débuts timides s'écroulent. Larx pensait être d'accord avec les dangers du travail d'Aaron, et celui-ci croyait qu'il avait une bonne relation avec la fille de son compagnon – qui n'est pas d'accord – mais lorsque leurs pires craintes se réalisent presque, cela met leurs cœurs et leurs vies à l'épreuve. Larx et Aaron n'ont jamais rien désiré autant que de vivre ensemble. Seront-ils capables de faire en sorte que cela fonctionne alors que le monde s'efforce de les séparer ?

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Tables des matières

Résumé

Dédicace

REMERCIEMENTS

NOTE DE L’AUTEUR

NUAGES SUR LE SOLEIL

CHUTE DE TEMPÉRATURE

AVERSES DE NEIGE

DÉRIVES

OBSCURITÉ GLACIALE

L’AUTRE MOITIÉ DE TON CERVEAU

RÉVEIL

BLIZZARD

VOILE BLANC

PAYSAGES DE NEIGE

BEAUTÉ FRAGILE

BOUTS DE CIEL

LA TERRE SOUS NOS PIEDS

TEMPS MORT

FLEUR DE NEIGE

CROCUS

FLEURS SAUVAGES

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Biographie

Par Amy Lane

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Droits d'auteur

Crocus

 

Par Amy Lane

Feu de joie : Livre 2

 

Dire « je t’aime » ne garantit pas la paix ou une fin heureuse.

Larx Larkin, le principal du lycée, était persuadé d’avoir touché le jackpot lorsque le shérif adjoint Aaron George avait emménagé chez lui, fusionnant leurs deux familles aussi harmonieusement que le chaos ambiant le permettait.

Mais lorsque la fille enceinte de Larx rentre à la maison de façon inattendue et que deux de ses étudiants se retrouvent en danger, leurs débuts timides s’écroulent.

Larx pensait être d’accord avec les dangers du travail d’Aaron, et celui-ci croyait qu’il avait une bonne relation avec la fille de son compagnon – qui n’est pas d’accord – mais lorsque leurs pires craintes se réalisent presque, cela met leurs cœurs et leurs vies à l’épreuve.

Larx et Aaron n’ont jamais rien désiré autant que de vivre ensemble.

Seront-ils capables de faire en sorte que cela fonctionne alors que le monde s’efforce de les séparer ?

À Mate, parce que je me mets en colère contre les choses les plus bizarres au moment le plus bizarre, et il hoche la tête et dit : d’accord, alors qu’est-ce que j’ai fait maintenant ? Rien. Il est la personne que j’aime le plus, et lorsque je suis blessée, c’est lui qui prend la température. C’est tout. Et à Mary, pour avoir lu ceci. Et à ma fille qui souffre de dépression, parce que je m’inquiéterai toujours et à jamais, mais je suis fière de la force dont elle a fait preuve.

REMERCIEMENTS

 

 

LE SERVICE de Protection de l’Enfance est une agence fantôme vaguement mentionnée dans de nombreux livres – le mien ne fait pas exception. Mais ils sont sous-financés et font face à des horreurs quotidiennes, et nous avons besoin de personnes comme eux dans une grande partie du monde.

Merci de protéger ceux qui ne peuvent pas se protéger eux-mêmes.

NOTE DE L’AUTEUR

 

 

IL N’Y a pas vraiment de gare à Forresthill comme celle que j’ai décrite. Celle-ci se trouve à Colfax, qui est une ville beaucoup plus grande. Mais j’avais besoin d’une gare à Forresthill, et comme Colton est aussi un lieu fictif, tout comme Dogpatch, j’ai jeté toute la zone dans Amy-land et j’en ai fait une chose.

NUAGES SUR LE SOLEIL

 

 

— OLIVIA ?

Larx fixa sa fille aînée avec surprise. Elle avait prévu de rentrer à la maison à la fin du semestre de printemps afin de s’occuper de sa grossesse, c’était vrai, mais…

— Désolée, papa, dit-elle, sa lèvre inférieure tremblante.

Oh, bon sang.

Ses yeux, des piscines brunes limpides dans les jours les plus heureux, brillaient et se remplissaient de larmes alors qu’elle se tenait sur son porche.

— Entre, dit-il tardivement. Il fait froid dehors !

Février à Colton était la saison de la neige.

— Comment as-tu fait pour…

Olivia se retourna et agita la main, puis elle rassembla ses valises et entra, frissonnante en bras de chemise. Le SUV inconnu dans l’allée recula, et Larx se retrouva avec sa fille et ce qui semblait être tout ce qu’elle avait apporté à sa résidence étudiante en août.

Abasourdi, il commença à déplacer les sacs dans la maison. Le froid rendait cassants ses cheveux encore humides de la douche. Il avait enfilé un bas de survêtement et un sweat à capuche, afin de pouvoir se plonger dans la paperasse du week-end sans être interrompu.

C’était ce qu’il faisait lorsque sa fille aînée avait décidé, une fois de plus, de bouleverser sa vie.

— Tu reviens à la maison, dit-il, énonçant l’évidence.

— Oui, dit-elle avant de se tourner vers lui en s’excusant. Papa, laisse ça dans l’entrée…

— Pour que tout le monde puisse trébucher dessus ? Non, je vais les porter dans ta chambre.

Son petit visage pointu se tordit sur une grimace.

— J’espérais… tu sais. Tu te souviens quand les filles d’Aaron sont venues pour Noël, et qu’elles sont restées chez lui depuis qu’il a emménagé ici ?

— C’est une sacrée supposition, répondit Larx en la fixant.

Aaron et lui s’étaient mis ensemble au cours d’un automne tumultueux, mais ensuite la relation et l’amour avaient perduré, et restaient forts. Aaron et son fils, Kirby, avaient emménagé dans la petite maison de Larx juste avant Thanksgiving, construisant un poulailler super spécial et futuriste pour leurs volatiles préférés. La maison d’Aaron et Kirby se trouvait à environ huit kilomètres par les routes conventionnelles, mais à seulement trois kilomètres par la piste forestière qui passait derrière les deux propriétés. Les filles d’Aaron y avaient séjourné à Noël, l’une sous une extrême contrainte, mais pour l’essentiel, son compagnon y passait une fois par semaine afin d’allumer le chauffage et s’assurait que rien ne fuyait, et (Larx le soupçonnait) pour consulter son téléphone en toute tranquillité dans les toilettes, puisqu’il n’y avait que deux salles de bains dans la maison de Larx et que cinq personnes y vivaient.

Oui, c’était vacant.

Oui, la maison était disponible.

Mais c’était celle d’Aaron, et Larx était tellement reconnaissant d’avoir cet homme dans sa vie qu’il ne voulait pas s’imposer.

Mais l’idée d’avoir une personne de plus dans la salle de bains le matin, une personne, qui, de ce qu’il en savait, souffrait terriblement de nausées matinales, semblait être un fardeau que la petite maison surpeuplée de Larx ne devrait pas avoir à supporter.

Cela avait déjà été assez difficile pendant les vacances de Noël, mais là c’était… pour toujours ?

— Papa !

— Nous lui demanderons ? dit Larx, engourdi.

— Où est-il ? demanda-t-elle vivement, en se retournant et en marchant à reculons.

— Il est au travail aujourd’hui…

— Les garçons…

— Kirby a emmené Kellan pour aller voir Isaiah. Fais attention à la…

Dieu merci, elle évita Toby, qui avait choisi ce moment pour traverser la pièce. Toby, toujours aussi capricieuse, disparut derrière le meuble télé, où elle resterait probablement les deux prochains jours.

— Comment vont Kellan et Isaiah ? demanda Olivia, en se retournant afin d’éviter les meubles.

— Toujours séparés, répondit Larx brièvement.

Kellan, le garçon que Larx avait accueilli chez lui en octobre, avait le cœur brisé. Mais Isaiah, qui avait été brutalement blessé à coups de couteau, était en pleine convalescence, tant physiquement qu’émotionnellement, et Larx pouvait comprendre qu’il soit réticent à partager la noirceur de son cœur avec le garçon qu’il aimait.

Cela ne signifiait pas que Larx ne souffrait pas, chaque jour, en ramassant les morceaux.

Mais le cadet d’Aaron, Kirby, avait adopté Kellan comme un frère depuis le début. C’était lui qui avait poussé le garçon à continuer d’envoyer des lettres, et lui avait expliqué que l’espoir d’une amitié était tellement mieux que d’être un abruti amer et hargneux parce qu’il souffrait.

Les mots de Kirby, Larx étant trop gêné par sa propre compassion, du moins c’était ce qu’Aaron lui avait raconté après que Kirby s’était défoulé sur Kellan, le faisant sortir de sa torpeur.

— Aïe, papa, c’est dommage, dit doucement Olivia.

Son attention se porta pendant un instant sur autre chose que ses propres problèmes, et ses yeux bruns montrèrent de la gentillesse et de la tristesse.

— Je sais que tu les encourageais.

— Ils sont toujours amis, dit Larx, en essayant de garder son opinion hors de cela.

Celle-ci était qu’ils étaient encore très amoureux.

— Mais, chérie, tu n’as pas dit…

— Où est Christiana ?

— Chez son amie, pour qu’elle puisse se plaindre de sa petite amie et manger de la glace.

— Elle n’a pas rompu, n’est-ce pas ? Elle m’aurait envoyé un message !

Larx avait toujours été fier de la proximité de ses filles, mais à ce stade, il souhaitait que cette proximité soit réciproque, car Christiana aurait dû lui dire que sa sœur rentrait à la maison.

— Non. Jessica se sentait délaissée depuis que Christi sortait avec Schuyler. C’est une sorte de temps d’amitié.

Le mouvement incessant d’Olivia cessa. Son expression se ferma et elle mordit sa lèvre inférieure.

— C’est gentil, dit-elle, sa voix creuse. C’est… vraiment mature, en fait. Tu sais. Donc, euh, Christiana.

Elle commença à s’éloigner de lui encore une fois, sans regarder où elle allait.

— Livvy, qu’est-ce qui ne va pas ? Merde, Livvy ! Ne trébuche pas sur le…

Et elle le fit. Elle trébucha sur le mélange mastiff/retriever à moitié adulte étalé entre la cuisine et le salon. Dozer sursauta et se leva d’un bond en aboyant.

Olivia cria, tomba à la renverse sur ses fesses et fondit en larmes.

Larx passa sa main sur son visage, et se pencha en avant afin de lui donner un coup de main.

— Chérie, dit-il en l’aidant à se lever. Pourquoi ne pas commencer par le commencement ?

Le début passait, apparemment par une pluie incessante de larmes.

Cela lui prit une heure, une heure inconfortable, malheureuse, pendant laquelle il lui fit du chocolat chaud, lui laissa de l’espace pendant qu’il préparait son déjeuner, empilait ses cartons dans l’entrée, et apportait son sac de voyage dans la chambre de Christiana, où elle avait dormi quand elle était à la maison pour Noël. Puis il la prit dans ses bras et la berça, chantant même pour la calmer.

Lorsqu’elle se fut suffisamment calmée pour lui dire ce qui se passait, elle s’endormit immédiatement, à plat ventre sur le canapé, alors qu’il caressait son dos.

Larx était dans sa maison vide avec sa fille découragée et une table remplie de paperasse qu’il avait commencées juste une heure plus tôt. Et un cerveau qui n’arrêtait pas de bourdonner.

Olivia avait aussi débarqué dans la maison au début des vacances de Noël. Elle était entrée en trombe, avait couru à la salle de bains, avait embrassé tout le monde, caressé le chien, s’était assise à la table et lui avait annoncé qu’elle était enceinte.

Il l’avait pris dans ses bras, avait pleuré et l’avait dit à Aaron, à peu près dans cet ordre.

Et Aaron avait pris la nouvelle comme un champion. Il ne s’était pas inquiété du fait qu’Olivia n’était pas la plus stable des filles. Il ne s’était pas demandé ce qu’ils feraient une fois que le bébé serait là et qu’ils en seraient responsables pendant qu’ils aideraient Olivia à jongler avec son emploi du temps à l’école… rien.

Juste : Oh, nous allons être grands-pères.

Et Larx, lui-même ébranlé par la nouvelle, avait compté sa bonne fortune chaque jour.

Il allait traverser des moments difficiles, oui, mais il le ferait avec un compagnon, et bon sang, après toutes ces années à être seul, cela semblait être une bénédiction.

Mais plus il parlait à sa fille, plus elle lui envoyait des textos tout au long de chaque jour, plus il était inquiet. Il n’arrivait pas à mettre le doigt sur la source de son inquiétude. Il ne pouvait pas nommer cela. Tout ce qu’il savait, c’était que chaque fois qu’il essayait de la coincer sur un plan pour l’année à venir, elle pleurait, s’esquivait, ou pire, devenait hystérique et colérique au téléphone et raccrochait. Il s’était enorgueilli depuis qu’il était père, ainsi que ses filles, de leur capacité à se parler, à résoudre n’importe quel problème, à discuter rationnellement.

La rationalité n’avait pas été au menu d’Olivia depuis Noël. Bon sang, si Larx y réfléchissait, depuis même avant ça.

Il ne connaissait pas grand-chose aux problèmes de santé mentale, mais ce qu’il savait lui donnait envie de l’emmener dans le service psychiatrique le plus proche pour une évaluation. Mais, chaque fois qu’il essayait d’en parler, quelque chose du genre « tu deviens un peu, euh, extrême dans le secteur de l’humeur, chérie », elle perdait les pédales, colère, larmes, ou simplement évitement. Et maintenant, elle s’évitait elle-même en rentrant à la maison, où vivaient trois personnes de plus que lorsqu’elle était partie.

Larx s’assit dans le silence soudain de sa petite maison de Colton en Californie et essaya de mettre sa propre respiration en perspective.

Pas trop forte, pas trop douce, juste là.

C’était ce qu’il devait faire en tant que père en ce moment. Il l’espérait.

Parce que sinon, il était aussi perdu que sa fille papillon, et il n’avait pas de Larx vers qui se tourner.

 

 

IL SE redressa avec un soupir et se dirigea vers la cuisine, pensant qu’il avait besoin de café. Il avait ramené à la maison une pile entière de recommandations comportementales qui nécessitaient sa signature et une sorte de suivi, ainsi que le procès-verbal de la dernière réunion du conseil d’administration auquel il voulait ajouter des remarques. Et il était en train d’essayer de commander des manuels scolaires, ce qui était plus difficile qu’il n’y paraissait.

L’industrie américaine des manuels scolaires était encore très dominée par le Texas, et qu’il soit damné s’il acceptait un manuel de sciences qui passait plus de temps sur le créationnisme que sur l’évolution, parce qu’il avait un cerveau.

Et parce que le cerveau de ses élèves était encore en train de se développer, et qu’il appréciait vraiment beaucoup qu’ils ne deviennent pas complètement idiots sous sa surveillance.

Beurk. À quoi pensait le monde ?

Il avait attendu avec impatience d’avoir six heures pour rattraper sa paperasse. Les garçons, Christiana, Aaron… ils devaient tous revenir en fin d’après-midi afin de préparer le dîner ensemble, jouer aux cartes et, peut-être, s’endormir devant un film en famille, et Larx avait prévu d’en profiter aussi.

En fait, depuis une semaine, il rêvait de passer du temps adossé à la solide poitrine d’Aaron George. Ils avaient été occupés tous les deux. Extrêmement occupés, en fait.

Larx s’était endormi avec sa main sur la solide érection d’Aaron et sa tête sur l’épaule de celui-ci la dernière fois qu’ils avaient essayé de faire l’amour.

Pour la première fois en presque dix ans, ils avaient tous les deux quelqu’un dans leur lit et dans leur vie qu’ils aimaient et avec qui ils voulaient être, et c’était aussi bon que le sexe.

Non. Absolument pas.

Il ne laisserait pas cela passer.

Ou, il ne l’aurait pas fait, jusqu’à ce qu’Olivia passe la porte d’entrée avec toutes ses affaires et pose ses fesses sur son canapé avant qu’il ne soit prêt.

Il posa ses coudes sur sa gigantesque pile de documents en soupirant et plongea son visage entre ses mains.

Son téléphone, posé sur la table à côté de lui, bipa, et il en était vraiment reconnaissant.

Hello, Principal, es-tu un bon garçon et fais-tu ton travail ?

Larx gémit.

En quelque sorte. Olivia s’est pointée sur le pas de la porte ce matin.

Oh, bon sang. Il ne voulait même pas demander à Aaron s’il pouvait utiliser sa maison.

Elle est venue pour le week-end ?

Non.

Le téléphone sonna.

— Tu te moques de moi ?

— Désolé, Aaron.

Il soupira et but une gorgée de son café tiède, puis il prit une profonde inspiration.

— Je ne sais pas ce qui se passe. Elle est arrivée en parlant à tue-tête, a trébuché sur le chien…

— Dozer va bien ?

Larx dut rire.

— Ton chien va bien, Aaron.

— C’est ton chien, protesta faiblement celui-ci.

Oui, le chiot avait été un cadeau pour Larx lorsque son plus vieux chat était décédé, mais Aaron, grand, solide, fort, avait apparemment attendu Dozer pendant presque toute sa vie.

Larx n’allait pas argumenter que le chien était définitivement celui de son compagnon, mais c’était vrai. Dozer, un croisement entre un labrador et un mastiff, était très bien avec lui, lui répondait aussi bien qu’à Aaron, appréciait énormément la gamelle pleine, donnait plein de bisous heureux et se pavanait sur des membres minces et des pattes de la taille d’une assiette.

Mais quand Aaron rentrait à la maison, Larx voyait le chien fondre, se retourner sur le dos, offrir son ventre en signe de supplication et quémander des caresses.

Larx ne pouvait pas objecter ou être jaloux. Il ressentait la même chose. Mis à part qu’il souhaitait qu’Aaron caresse plus que son ventre.

— Ce chien est ton âme sœur d’une autre vie, disait-il à présent en grattant Dozer derrière les oreilles. Oui, tu l’es. Oui, tu l’es. Mais tu ne peux pas l’avoir. Il est à moi.

— Waouh. Juste waouh.

Larx rit, parce que la distraction avait été bienvenue, mais maintenant… ils devaient parler en adultes.

— Elle s’est endormie sur le canapé, dit-il doucement… Aaron… elle ne semble pas…

Il prit une grande inspiration. Son ex-femme avait souffert de dépression après une fausse couche, et il se souvenait être rentré du travail une fois en apportant le dîner afin qu’elle n’ait pas à cuisiner ou à nettoyer parce qu’elle était si triste. Elle lui avait crié dessus… ne la croyait-il pas capable de nettoyer sa propre cuisine ? Puis elle avait fondu en larmes pendant une heure, tandis qu’il nourrissait les filles et essayait de la calmer.

C’était comme se tenir sur le pont d’un navire en pleine tempête et il avait ce même sentiment maintenant, avec sa fille, alors que ses enfants avaient toujours été la source de paix dans son cœur.

— La grossesse ? demanda Aaron avec hésitation.

C’était tellement nouveau entre eux. Larx n’avait pas parlé d’Alicia plus d’une poignée de fois. Personne ne parlait de dépression ou de maladie mentale.

Personne ne savait quoi dire.

— Oui.

Larx ne voulait pas en parler maintenant. Il ne pouvait tout simplement pas.

— Bébé…

La voix d’Aaron s’éteignit, et vu qu’il était au travail, où il devait se montrer dur, viril et tout ça, cela voulait dire qu’il était inquiet.

— Plus tard, répondit Larx sur un ton bourru. Mais pas, tu sais…

— Quand le monde entier peut nous entendre. J’ai compris.

Aaron souffla un peu, puis il changea de sujet, empruntant un chemin surprenant.

— Larx, Candace Furman est-elle une de tes étudiantes ?

Ce dernier fixa la paperasse qu’il tenait à la main, revenant à ce qu’il faisait juste avant qu’Olivia ne frappe.

— Oui. Ce n’est pas une des miennes, mais… euh.

Il s’approcha de son ordinateur portable et accéda au portail du site de l’école.

— Hum…

— C’est instructif. Veux-tu me dire ce que tu regardes ?

— C’est une sorte de privilège, shérif adjoint. Veux-tu me dire pourquoi tu as besoin de le savoir ?

Le grognement qu’il obtint en réponse lui indiqua qu’Aaron était ennuyé, mais Larx ne pouvait pas faire autrement. Il ne voulait pas divulguer des informations sur un enfant si ce n’était pas nécessaire. Cela allait à l’encontre de tout ce qu’il avait défendu en tant qu’adolescent rebelle.

— J’ai juste eu… c’était bizarre. Nous avons reçu un appel concernant une dispute à son domicile. Ses parents répondent et tout va bien. Non, officier, nous ne savons pas pourquoi quelqu’un appellerait pour des hurlements ou une bagarre dans la neige. Nous jetons un regard à l’intérieur, la maison est clean, mais… vraiment propre.

— Comme si quelqu’un venait de balayer tout ce qui pouvait traîner ? hasarda Larx.

— Oui. Soit ça, soit simplement… un besoin malsain de nettoyer. Et Candace et sa sœur…

— Shelley, répondit Larx puisqu’il avait ouvert le fichier sur son ordinateur.

— Oui. Bref, les filles vont bien. Oui, monsieur. Non, monsieur. Tout va bien, monsieur. Mais elles ont toutes les deux ces… comme des masques de filles ?

— Du maquillage ? dit Larx, essayant d’imaginer cela.

— Non… comme… de la crème pour le visage. Comme… qu’est-ce que c’était ? Madame Doubtfire a mis son visage dans le gâteau parce qu’elle n’était pas maquillée ?

Larx eut besoin d’une minute pour assimiler tout ça.

— Un soin du visage, dit-il en clignant des yeux, parce que le film était si vieux, et que le message antitrans avait été si fort qu’il avait oublié qu’il avait lui aussi fait partie de l’Amérique qui avait ri aux éclats devant un homme en robe avec des seins inflammables.

— Oui. Ça. Et cette merde peut cacher n’importe quoi, non ? Leurs yeux étaient rouges, mais pour autant que je sache, c’est une réaction au gel facial. Donc, je ne suis pas sûr que cela cachait des bleus ou que leurs voisins ont juste mis la main sur de la mauvaise herbe.

— As-tu frappé à leur porte ? demanda Larx.

Entre Aaron et lui, ils connaissaient vraiment la plupart des habitants de la ville.

— Qui sont leurs voisins ?

— Deux frères, répondit Aaron, pensif. Ils viennent d’emménager à Noël. Le plus jeune va à Colton High…

— Jaime Benitez, dit rapidement Larx. Junior.

Il appuya sur le bon lien, et il avait le planning principal.

— Candace et lui sont dans quelques cours ensemble.

Aaron grogna.

— Eh bien, le frère aîné avait beaucoup fumé… mais Jaime ne semblait pas être du genre à se laisser aller.

— Tu ne les as pas arrêtés ? demanda Larx, curieux.

Il avait consommé sa part d’herbe à l’université, mais Aaron était parti se battre et saigner pour son pays lorsque lui était à l’université.

Ils n’avaient jamais parlé de cela.

— Merde, marmonna Aaron. C’est plutôt légal, à moins qu’ils n’en fassent pousser pour la distribuer. Pas pour les mineurs, bien sûr, mais les deux garçons étaient fonctionnels, polis, et leurs yeux étaient clairs. Roberto, qui a vingt et un ans d’ailleurs, a en fait produit une ordonnance pour l’anxiété sans qu’on lui demande. J’aurais pu en faire tout un plat, mais je n’en voyais pas l’intérêt.

— Je t’aime si fort, souffla Larx. Sérieusement. Je n’arrive pas à penser à une faveur sexuelle assez bonne pour toi. Je vais devoir en inventer une.

— Pardon ?

Larx n’arrivait pas à l’exprimer. Ce n’était pas qu’il fumerait maintenant à moins que ce ne soit prescrit, et il ne voulait pas que ses enfants, ou ses étudiants s’y adonnent sans raison. Mais quelque chose dans le fait de savoir que son compagnon, malgré toutes ses propensions à la loi et à l’ordre, n’imposait pas de règles simplement pour le plaisir d’en avoir, le rendait encore plus fier de lui.

— Simplement que tu es un bon gars. Jaime Benitez a de bonnes notes. Il est inscrit dans les clubs de services locaux, dont un, où il donne des cours particuliers à des élèves de quatrième en difficulté. Un bon garçon.

— Dans ta classe ? voulut savoir Aaron.

— En terminale, comme Kirby. Christiana est un peu…

— Spéciale, dit Aaron avec tendresse. Oui. Je sais.

La benjamine de Larx était la fille à la fleur 1, sa brillance et son éclat étaient couplés à un bon sens tranquille. Irrésistible. Elle était aussi très vive, c’était pour cela qu’elle suivait le cours de son père en première année.

— Et Candace ? demanda Aaron.

Larx soupira.

— Elle est… eh bien, elle était une excellente élève, mais elle n’a jamais participé à quoi que ce soit.

— Rien ?

Il pouvait être surpris avec raison. C’était une petite école dans une petite ville. La participation aux activités n’était pas obligatoire, mais si un enfant voulait avoir une vie sociale, faire partie d’un club ou s’adonner à un sport était à peu près la seule chose qui se passait après l’école.

— Non, c’est bizarre. Et c’est probablement pourquoi je n’arrive pas à la situer. Sa sœur est à l’école primaire, donc je ne la connais pas. Mais Candace n’est simplement… pas impliquée.

— Était, réagit Aaron, et Larx posa son menton sur son poing, fixant tristement sa paperasse.

Merde, la pile ne diminuait pas.

— Oui. Elle avait de bonnes notes. Ce n’est plus le cas. Cela dévie vers le territoire des C et des D. Et j’ai devant moi, attendant une signature, son tout premier renvoi pour mauvais comportement.

— Qu’est-ce qu’elle a fait ? demanda patiemment Aaron.

— Eh bien, il est écrit qu’elle est arrivée en retard en classe et qu’elle est sortie en courant quelques minutes après la sonnerie. C’était la première heure de cours, et quand elle est revenue, pâle, le professeur lui a demandé si elle allait bien. Apparemment, elle a éclaté de rire et a répondu au professeur d’aller se faire voir.

— Euh…

— Oui, soupira Larx. C’est pour ça que je suis dans la paperasse jusqu’au cou, Aaron, pour savoir quels enfants réagissent ainsi et leur demander ce qui s’est passé. Je m’en occupe.

— Voilà mon homme, loua doucement Aaron. Bien. Tiens-moi au courant, d’accord ? Je ne sais pas si les filles ont été maltraitées, et franchement, je n’avais pas assez de preuves pour les obliger à se laver le visage. Je ne connais pas l’histoire des garçons qui vivent ensemble sans parents, et je ne sais pas pourquoi l’un d’entre eux serait assez anxieux pour obtenir une ordonnance pour une tonne d’herbe. J’aimerais savoir tout cela avant de m’aventurer là-dedans avec le Service de Protection de l’Enfance et la DEA pour m’assurer que tout est en règle, tu comprends ?

— Je comprends, Shérif adjoint.

Larx parcourut à nouveau les dossiers des deux jeunes et s’interrogea sur ce puzzle.

— Je suis sérieux, Aaron. Tu es un homme bon. Il y a des pièces manquantes avec ces enfants. Je ne suis pas sûr que la meilleure chose à faire soit de les arracher à leur foyer, de les entraîner dans la mêlée.

Larx commençait à connaître les grognements de son homme, celui-ci était le grognement de désaccord respectueux.

— Certains faits doivent être révélés, monsieur Larkin, le réprimanda-t-il gentiment. Si quelque chose s’envenime dans la vie de cette fille, c’est notre travail de nous assurer qu’elle va bien.

Bien sûr.

— Bien reçu, affirma Larx en penchant la tête en arrière, pinçant ensuite l’arête de son nez.

— As-tu mangé ? demanda Aaron.

— Euh…

Il avait préparé un sandwich pour Olivia, mais il avait remis le sien à plus tard.

— Mange, Principal. Travaille sur tes papiers. Et fais peut-être une sieste sur le canapé avant que j’arrive. Garde tes forces, dit-il avec un petit rire absolument salace. Tu vas en avoir besoin.

— Mais… mais Olivia…

— Si le fait de nous entendre faire l’amour lui donne une raison de déménager, tant mieux, répliqua Aaron, sur un ton sombre.

Oh, merde.

— Elle… euh… elle a en quelque sorte laissé entendre… peu importe.

— Ma maison. Oui. Nous la déménagerons demain.

Larx gémit et posa son front sur la paperasse sur la table.

— Bon sang. Tu es l’homme parfait. Où est le problème ? Où est la faille ? Il doit bien exister quelque chose qui me donne envie de te gifler… où est-ce ?

— Mmm…

Oh oui. Cette conversation qu’ils n’entamaient jamais à cause de toutes les autres qu’ils avaient.

— Compris, dit-il en soupirant. On se voit quand tu rentreras.

— Mange, bon sang.

— Bien sûr, assura Larx, en souriant, rassuré. Prends soin de ce qui m’appartient.

— Je le fais toujours.

— Je t’aime.

— Merci pour l’info.

Aaron raccrocha et le téléphone de Larx annonça un SMS trente secondes plus tard.

Je t’aime aussi.

Ouiii. Trop beau pour être vrai.

L’inquiétude que Larx éprouvait pour sa fille, et pour la contribution d’Aaron à la situation, pesa encore plus sur sa poitrine.

S’il te plaît, Olivia – s’il te plaît. Ne m’oblige pas à choisir entre vous deux. S’il te plaît.

1 Fille à la fleur est une célèbre photographie en noir et blanc de Marc Riboud réalisée le 21 octobre 1967 à Washington lors d’une importante manifestation contre la guerre du Viêt Nam.

CHUTE DE TEMPÉRATURE

 

 

AARON TROUVA Larx endormi sur la table de la cuisine, une pile de papiers froissés sous sa joue alors qu’il ronflait.

Kirby et Kellan travaillaient tranquillement autour de lui, coupant des légumes pour une salade et s’occupant d’un ragoût que Larx avait apparemment commencé dans la mijoteuse.

— Salut, dit-il doucement. Comment ça s’est passé à Sacramento ?

Kirby grimaça, son expression, Oh, chéri, tu as mis les pieds dans le plat, tellement semblable à celle de sa mère qu’Aaron sentit son cœur se serrer un peu.

— C’était nul, dit Kellan, morose.

— Nous ne voulons pas parler de Sacramento, intervint Kirby. Olivia est ici. Elle est en haut. Elle pleure.

— Excellent. Christi ?

— Elle sera là dans quelques minutes, dit Kellan, son visage s’illuminant un peu.

Christi faisait cela aux gens.

— Je ne lui ai pas dit pour Olivia, poursuivit le jeune homme, en fronçant le nez alors qu’il terminait de hacher le poivron sur la planche devant lui. Je… euh… elle a apporté toutes ses affaires.

— Merveilleux, s’exclama Aaron, juste au cas où Larx se réveillerait en l’entendant. Elle va rester dans notre maison pour… euh… le futur proche. Tout ira bien. Nous n’aurons plus à nous rendre là-bas pour surveiller. Bon sang, nous allons devoir meubler une chambre d’enfant de toute façon. Peut-être l’ancienne chambre de Tiff ?

Son aînée était venue à Noël, prête à en découdre avec lui et à sortir de sa vie pour toujours. Mais son plan s’était retourné contre elle lorsque ses grands-parents n’avaient pas pu venir du Midwest pour la sauver.

Raté.

Pour toute la famille.

Tiffany avait été insupportable : impolie avec Larx, avec ses enfants, méchante avec son frère et sa sœur, et un cauchemar bourru et jugeant avec Aaron lui-même. Le soir de Noël, Aaron n’en pouvait plus. Il avait demandé à Kirby d’aller chercher Maureen, sa fille cadette, chez eux où les deux filles étaient hébergées pour les vacances.

Et il n’avait pas dit à Tiffany que Kirby ne reviendrait pas.

Puis, Maureen, Kirby et lui l’avaient bloquée sur leurs téléphones.

Le jour de Noël, à quinze heures, Tiffany avait timidement frappé à la porte arrière de Larx, frissonnant de froid à cause des trois kilomètres de marche dans la neige.

Aaron avait refusé de la laisser entrer au début. Larx avait été le seul à le regarder d’un air renfrogné jusqu’à ce qu’il ouvre la porte.

Il avait préparé son discours et l’avait sur le bout de la langue au moment où il l’avait laissé entrer. Pas un mot de plus sur Larx, pas une insinuation sournoise sur le fait d’être « soudainement gay », et pas une remarque dévalorisante de plus sur son frère et sa sœur pour avoir voulu faire partie de la nouvelle unité familiale.

Et surtout pas un mot de plus sur Kellan et sur le fait qu’il se remettrait d’Isaiah, ou à Christi sur le fait que sa petite amie Schuyler était « juste une phase ».

Mais il avait ouvert la porte et sa petite fille était tombée dans ses bras.

— Tu allais me laisser seule ? avait-elle sangloté. À Noël.

— Eh bien, avait-il marmonné, pris de remords. Tu t’es bien débrouillée pour nous convaincre que tu ne voulais pas de compagnie.

Elle avait pleuré.

Elle avait dit qu’elle était désolée.

Elle s’était excusée auprès de toutes les personnes présentes, même la famille de Larx, qui avait l’air nettement mal à l’aise.

Puis elle s’était docilement assise à table, avait mangé le repas de Noël avec tout le monde et avait ouvert siens.

Aaron n’était pas sûr que son repentir ait été sincère, mais il lui en avait été reconnaissant. Bon sang, ça craignait de ne pas avoir son enfant à Noël. C’était Larx qui avait eu l’idée de bloquer son numéro, et il lui en était reconnaissant. Son compagnon avait eu raison, elle avait besoin de voir à quoi ressemblerait la vie si elle réussissait à repousser tous les gens qui l’entouraient.

Il n’arrivait pas à imaginer à quel point la vie avait dû lui paraître morne depuis le salon de la maison où elle avait grandi alors que sa famille était ailleurs.

La vision de Larx était si claire lorsqu’il regardait des enfants, même les siens. C’était pour cela que la situation avec Olivia était si douloureuse.

Aaron en savait très peu sur la dépression, l’anxiété ou les troubles bipolaires… du moins à un niveau personnel.

Mais il croisait tout le temps des gens dans le cadre de son travail.

Le genre suintant le gin par ses pores, souvent déprimé et s’automédicamentant. Il avait orienté beaucoup de ces hommes qui atterrissaient en cellule de dégrisement vers le centre de santé mentale du comté.

Il ne pouvait pas faire grand-chose, il ne pouvait pas réparer leurs vies, il ne pouvait pas réparer le monde, mais il pouvait au moins leur dire que leur douleur était réelle.

Et avec un peu de chance, la clé était de les tenir éloignés des armes à feu. Le gamin en pleine ascension bipolaire violente n’était pas souvent dangereux… jusqu’à ce qu’il prenne un pistolet de secours dans la réserve de papa et parte dans les bois à la recherche d’aventures.

Il était conscient qu’un nombre important des personnes qui se retrouvaient sur le radar des forces de l’ordre présentaient des troubles mentaux… mais, très souvent, il ne pouvait pas faire grand-chose pour les aider.

Et il n’était pas sûr de savoir quoi faire avec la fille de son petit ami.

Parce que Larx avait raison, elle n’allait pas bien.

Aaron n’avait rien voulu dire pendant les fêtes de Noël. Tiffany avait été sacrément désagréable, et Olivia, malgré toute son excitation à propos de sa grossesse et de ce maudit chien, avait au moins essayé de faire partie de la famille.

Mais, une nuit, Aaron s’était levé à quatre heures afin d’allumer le chauffage afin qu’ils ne meurent pas tous de froid, et Olivia était assise dans le couloir, dos au mur, en short et débardeur.

Ses lèvres étaient bleues, et il avait remarqué qu’elle ne s’était probablement pas lavé les cheveux depuis qu’elle était arrivée et que ses dents étaient un peu sales.

Il avait compris, alors qu’il l’aidait à se lever et l’incitait à retourner dans la chambre où Christi dormait, que toutes ces palpitations, ces rires stridents, cette excitation puérile à propos de tout et rien semblaient masquer une tristesse qu’elle ne voulait pas montrer.

Il avait vu ça… et comme trop souvent dans son travail, il avait vu où cela s’arrêtait.

Le temps qu’elle reparte à l’école, elle s’était brossé les dents, lavé les cheveux et n’avait pas attrapé un rhume mortel. Il avait donc eu l’espoir qu’elle s’était ressaisie. Mais l’avoir vue recroquevillé dans le couloir, sans même une couverture pour se tenir chaud, l’avait hanté.

Il ne l’avait pas dit à Larx.

Son amant aimait ses enfants de tout son cœur… et si Larx ne pouvait pas voir la douleur d’Olivia, Aaron ne savait pas comme être celui qui la lui ferait remarquer.

— Ça me va, dit Kirby, ramenant son père dans la pièce. Ce sera l’ancienne chambre de Tiff.

Aaron rit.

— Peut-être que Mau a… Elle va partir pour le Corps des Volontaires de la Paix une fois que tu auras obtenu ton diplôme de toute façon.

— Pourquoi pas la tienne ? demanda Kirby, en riant malicieusement.

Mais son père fit une pause, réfléchissant à cela.

— En fait, ma chambre ferait une bonne suite, dit Aaron pensivement, en s’asseyant à côté de son petit ami épuisé. Ce n’est pas une mauvaise idée. Elle est reliée au bureau, et nous pourrions le convertir en chambre de bébé.

Il sourit à son fils.

— Bonne idée, fiston.

— Waouh, papa, s’exclama Kirby, sans lui rendre son sourire. C’est… bien permanent.

— Eh bien, je n’ai pas l’intention de déménager, tu sais ? répondit son père, en fronçant les sourcils.

Kirby réfléchit à sa réponse, à sa grande surprise.

— Je me plais ici, finit-il par dire. Je ne veux pas déménager.

C’était ce qu’il affirmait depuis le début, ces premières semaines frénétiques où Aaron et Larx s’étaient mis ensemble et avaient fait leur coming out, et où les enfants s’étaient alliés afin de garder Kellan sain d’esprit après la blessure d’Isaiah et forger une nouvelle famille dans le feu des événements extraordinaires.

— Je suppose que c’est juste dans ma tête, continua son fils. Il y a ta chambre, et elle est inviolable, en quelque sorte. Je veux dire… ça ne changerait pas ma vie, tu vois ? Mais ça semblerait permanent.

— Oui, comme s’ils étaient mariés, dit doucement Kellan, puis son visage s’éclaira. Ce qui serait une bonne chose. Mais ça serait… je ne sais pas. Ça serait important.

Aaron frotta son visage avec sa main. La journée avait été longue et difficile, et le fait d’avoir eu affaire à Candace Furman et à ses parents fanatiques de religion avait mis ses nerfs à rude épreuve. Il n’était pas sûr qu’ils aient beaucoup suivi les informations locales, mais son coming out et celui de Larx, cet automne, avait fait couler de l’encre, et il avait eu l’impression qu’ils étaient prêts à bénir leur seuil avec du sang de poulet lorsqu’il serait parti, afin de nettoyer leur maison de l’homo détesté.

Il souhaitait qu’un peu de sang de poulet puisse nettoyer son estomac noué. Il avait un cheptel de ces bestioles dehors et en faire frire une pour le dîner afin de soulager son esprit ne le dérangerait pas le moins du monde.

Parler de faits importants en ce moment était tellement au-delà de ses capacités.

— Eh bien, si c’est important, nous y réfléchirons davantage, dit-il en souriant à Kirby, afin d’être positif. Mais je pense qu’aider Olivia à emménager et à trouver ses repères sera notre projet du week-end pendant quelques semaines, alors préparez-vous.

— Ça me va, grommela Kellan. Isaiah ne veut pas de moi là-bas en ce moment de toute façon.

— Es-tu sûr que c’est ce qu’il ressent ? demanda Aaron, en lui jetant un regard compatissant. Ou est-ce qu’il fait juste le macho pour que tu ne le voies pas souffrir ?

Kellan laissa échapper un grognement qui indiquait qu’il n’y avait peut-être pas pensé.

— Les hommes sont des trous du cul, marmonna-t-il. Ça ne me dérange pas d’être gay, mais je pense que tomber amoureux de quelqu’un comme Christi, qui parle réellement de ses sentiments, aurait été tellement plus facile.

Aaron marmonna dans sa barbe, la tête, ne voulant pas faire de commentaire. Sa défunte épouse communiquait, c’était vrai… Mais Larx aussi. Souvent, si celui-ci ne parlait pas, c’était parce qu’il n’avait pas formulé ses pensées pour lui-même, et il ne voulait pas déranger Aaron avec elles jusqu’à ce qu’il le fasse.

Aaron était celui qui était prisonnier de ses sentiments… le besoin, la peur, la douleur… et qui ne pouvait pas exprimer ce qu’il ressentait, même pas à Larx.

Il glissa doucement ses doigts dans la mèche de cheveux qui tombait sur le front de son compagnon.

— Larx ? Bébé ? C’est l’heure de se réveiller. Les enfants mettent la table.

Mais malgré sa gentillesse, Larx n’avait qu’une façon de se réveiller. Il se leva comme une fusée, la chaise de cuisine heurtant ses cuisses.

— Je suis debout ! Je suis désolé ! Qu’est-ce que tu fais là ? Quelle heure est-il ?

La gravité précédente vola en éclats, et Kirby et Kellan gloussèrent tous les deux.

— Mince, Larx, c’était un tour amusant, rit Kirby. Heureusement que tu ne dors pas avec un couteau sous ton oreiller, mon père serait dans la merde.

— Qui enseigne l’histoire ? dit Larx, en louchant sur lui.

Les deux adolescents rirent, et Aaron se leva, attrapa le coude de son compagnon et le guida à travers la maison.

— C’est toi, Larx. Demain. Prêt à enseigner l’histoire ?

— Mais j’étudie les sciences, gémit-il. Comment puis-je enseigner l’histoire ? Je ne sais même pas où se trouve Sumeria !

Aaron rit, une partie de sa mélancolie s’échappant de son âme.

— Je crois que Sumer se trouvait au Moyen-Orient, mais ne t’inquiète pas. Nous ne t’interrogerons pas, dit-il en continuant à mener jusqu’à ce que Larx monte l’escalier, sa main agrippant la rampe pour se hisser. Je veux simplement quelques minutes seul avec mon étudiant en sciences préféré. C’est si terrible que ça ?

— Mm… y aura-t-il des baisers ? J’ai besoin qu’il y ait des baisers.

— Bien sûr. Je vais l’ajouter au planning.

— Je pense que tu dois ajouter une fellation et un anulingus aussi, grommela Larx. Je pense que ce serait une liste que je pourrais suivre.

Et cela fonctionna. Aaron craqua et suivit un Larx presque réveillé dans la chambre. Il ferma la porte derrière eux et enclencha le petit verrou. Pas parce qu’il prévoyait de s’attabler avec la famille qui préparait le dîner en bas, mais parce qu’il voulait de l’intimité.

Il prit Larx dans ses bras pour l’embrasser, et c’était pour que leurs corps se touchent, en réconfort et sans autre raison.

Puis Larx ouvrit la bouche et gémit.

Brusquement, la fellation et l’anulingus n’étaient plus un fantasme, un commentaire en l’air pour rire. Tout à coup, c’étaient des actes réels, qu’Aaron et Larx pouvaient perpétrer l’un sur l’autre jusqu’à ce que leurs globes oculaires se retournent dans leurs orbites et que les enfants ne puissent pas les regarder dans les yeux parce qu’ils avaient entendu les sons provenant de la chambre.

Cela n’était arrivé qu’une fois, mais Aaron ne le regrettait pas. Ce fut dans ce but qu’il pilla la bouche de Larx, glissa ses mains sous la ceinture du pantalon et du boxer de son compagnon, et empoigna fermement les globes fessiers du coureur, les écartant et les pétrissant dans une intention purement charnelle.

Larx remonta la chemise d’Aaron et tripota son torse sans la moindre finesse, pinçant délicatement ses tétons, puis plus fortement lorsque celui-ci s’écrasa contre lui avec frénésie.

Ils étaient délicieusement durs tous les deux.

Aaron recula jusqu’à ce que ses cuisses soient contre le lit et il s’étala sur le lit, Larx sur lui, tandis qu’ils continuaient à s’embrasser comme des adolescents.

Larx fit onduler son corps d’avant en arrière, de haut en bas, leurs érections se rapprochant à travers leurs vêtements, et Aaron continua à embrasser, à pétrir, à s’empêcher de déchirer leurs deux vêtements et de prendre le sexe de Larx au fond de sa gorge et de le sucer jusqu’à ce qu’il goûte son sperme.

Vu la façon dont Larx se tortillait contre lui, l’acte oral pourrait être optionnel. Aaron embrassa le lobe de l’oreille de son amant et le tira doucement avec des dents.

— J’ai pensé à ça toute la journée, haleta-t-il.

— J’ai pensé à mettre ma langue en toi, avoua Larx, et tout le corps d’Aaron chauffa.

Cela ne faisait pas partie de son répertoire lorsqu’il était marié avec Caro, mais Larx en faisait une forme d’art et Aaron vivait pour être sa toile.

— Arrgh !

Il se cambra violemment contre l’aine de Larx, et ce dernier mordit le côté de son cou. Aaron glissa à nouveau ses mains sous la ceinture de Larx, bien décidé à enlever son sweat-shirt et à établir un record parental pour le sexe le plus rapide, le plus torride et le plus cochon avant le dîner, sans que les enfants le sachent, lorsqu’on frappa à la porte.

Larx gémit doucement à son oreille, puis il releva la tête.

— Oui ?

— Papa ? Il y a une Olivia dans ma chambre, et elle ne veut pas bouger pour que je puisse poser mes affaires !

Larx grogna tout haut.

— Je n’y crois même pas ! Je ne savais pas que tu étais à la maison, Christi-lu-lu-belle, mais je vais essayer de faire bouger l’Olivia !

— Merci, papa.

— Descends dîner, ma chérie. Aide les garçons. J’arrive.

— OK.

Sa voix était un peu hésitante, et Larx fit une grimace à Aaron.

— As-tu besoin d’autre chose, chérie ?

— Nous pouvons parler plus tard, dit-elle, faiblement. Ne t’inquiète pas. Ça peut attendre.

Puis, ils entendirent tous les deux le bruit de ses pieds glissants alors qu’elle s’aventurait en bas.

— Ça n’avait pas l’air prometteur, grogna Aaron.

— Pour quoi ? La paix familiale ou notre vie sexuelle une fois que tout le monde sera couché ?

— Oui. Ces choses.

Merde… Larx était juste au-dessus de lui, les cheveux noirs mêlés d’argent négligemment ébouriffés, les yeux noirs à tomber luisants, le corps sec du coureur sur le point… prêt… pour d’intenses acrobaties érotiques.

Et Aaron allait le laisser partir, se perdre dans la mêlée familiale avec de longues et douloureuses discussions avec ses filles adolescentes, et il n’y aurait peut-être plus jamais de sexe.

— Il y aura du sexe, promit Larx avec obstination.

Aaron tenta de le laisser partir tranquillement.

— Bébé…

— Non, protesta Larx en roulant hors de lui, et se renfrognant.

Il n’était plus endormi ni docile, mais il n’était plus non plus un générateur de chaleur alimenté par le sexe.

— Il y aura du sexe, même si je dois te réveiller en plein milieu de la nuit avec une pipe. Nous avons passé dix ans de notre vie à vivre comme des moines. C’est un crime, shérif adjoint. Surtout pour quelqu’un qui a ton corps. Et maintenant que je suis ce quelqu’un avec ton corps, je n’enfreindrai pas cette loi une autre fichue nuit.

Aaron se leva et s’ajusta dans son pantalon de ville.

— Tu ferais vraiment ça ? demanda-t-il, pour être sûr. Me réveiller avec une pipe ?

Larx avait un nez et une bouche pointus et il ressemblait vraiment à un diablotin lorsqu’il souriait malicieusement.

— N’en doute pas.

— Je suis partant, assura Aaron, en lui rendant son sourire.

Larx lui lança un clin d’œil, puis il ouvrit la porte, et s’aventura dans la salle de bains des filles, parce qu’il y avait apparemment des malheurs qu’on ne pouvait pas repousser, laissant Aaron se changer. Quand celui-ci eut terminé, il descendit pour, peut-être, parler à Christiana, car il avait lui aussi l’habitude de calmer les adolescentes.

C’était la nature de leur tag team 1, il s’en rendait compte, mais cela ne signifiait pas qu’il n’aimerait pas, de temps en temps, un match en cage avec son partenaire.

 

 

IL S’AVÉRA que Christiana avait un problème qu’il pouvait traiter, un souci douloureux, surtout pour une adolescente dans sa première relation, mais qui pouvait être résolu.

Il s’avérait aussi qu’elle avait deux frères qui étaient tout à fait d’accord pour lui donner des conseils.

— Papa a raison, dit Kirby en avalant une énorme bouchée de pommes de terre frites. Les garçons avaient préparé un plat végétarien à base d’œufs brouillés et des frites pour le dîner, et Aaron ne se plaindrait pas d’un succulent plat imbibé de beurre.

— Si Schuyler ne comprend pas que tu aies d’autres amis, c’est son problème. En fait, ça revient à savoir si elle te fait confiance ou pas.

Christi semblait écouter, tout en essayant de calmer le tremblement de ses lèvres.

— Elle pourrait rompre avec moi, chuchota-t-elle.

— Nous pourrions fonder un club, dit Kellan, pince-sans-rire. Toi, Kirby et moi, les Juniors Cœurs Solitaires.

— Toi et moi sommes des seniors, répliqua sèchement Kirby. Mais que ça ne t’empêche pas d’afficher mon statut de célibataire dans toute l’école.

— Tu ne veux pas de relation, Mec, dit Kellan, en le fixant les yeux plissés. Je ne sais même pas de quel côté tu balances.

— Je suis pansexuel, rétorqua Kirby avec un sourire diabolique. J’attends qu’une créature mythologique m’emporte dans son écrin d’amour secret.

— Une créature mythologique nommée Pan ? hasarda Christi, sortant un peu de son état dépressif.

— Tu le ou la reconnaîtras quand tu le ou la verras, affirma le fils d’Aaron en hochant résolument la tête.

— On ne peut pas dire « eux » de nos jours ? spécula Kellan. Je suis presque sûr que la question du genre non binaire a fait exploser l’utilisation des pronoms. C’est en tout cas ce qu’a dit monsieur Nakamoto, mais il a dit aussi qu’il était trop paresseux pour étayer ce point alors que Merriam Webster s’épanche sans arrêt sur Twitter, donc je ne sais pas trop de quel côté on penche ces jours-ci.

— Ça penche vers un tas de restes si Larx et Olivia ne se bougent pas, intervint Aaron, content de changer de sujet.

Le fait d’être bi lui avait appris une seule chose, et c’était qu’il avait été idiot de laisser passer autant de temps alors qu’il aurait pu coucher avec Larx.

— Tu ferais mieux d’en garder pour moi, dit ce dernier en entrant dans la cuisine, et s’asseyant.

Il affichait un sourire trop brillant, un sourire de père. Il cachait quelque chose dont il ne voulait pas parler devant les autres enfants et Aaron le savait.

— Et Livvy ? demanda Christi. Dois-je lui préparer une assiette ?

— Je vais lui en faire une, anticipa Aaron lorsque Larx sembla sur le point de bondir à nouveau. Assieds-toi et mange, Monsieur le Proviseur, et permets à mon fils de te choquer avec sa définition de pansexuel.

Larx et Kirby échangèrent un regard amusé avant que Larx ne parle.

— N’est-ce pas lorsqu’une créature mythologique nommée Pan sort et t’emmène dans son nid d’amour pour une fornication sans attaches ?

— Qu’il ou elle t’emmène dans son nid d’amour, continua Kirby, en levant sa main pour un high five. Mais sinon, bien dit, monsieur. Pourriez-vous clarifier cette définition avec monsieur Nakamoto ?

Larx lui retourna son high five avec un sourire machiavélique.

— Absolument pas. Tu as ma permission d’embêter mon vice-principal et meilleur ami, mais j’ai l’ordre strict de ne pas participer au supplice.

— Compris, dit Kirby en souriant. Veux-tu entendre ma définition de « demisexuel » ?

— Est-ce que ça implique Demi Levato ou Hercule ? demanda Larx sans sourciller.

— Oui ! s’exclama l’adolescent en poussant un cri de joie.

Et Aaron rit avec le reste de la table tandis qu’il préparait une petite assiette de pommes de terre et de tranches de pomme, laissant les œufs de côté.

Il se souvenait que sa femme avait détesté les œufs lorsqu’elle était enceinte. Quelque chose à propos de la texture. Mais les glucides salés des pommes de terre étaient un réconfort, donc il choisit cette solution.

— Je reviens dans cinq minutes, dit-il en embrassant son compagnon sur la joue.

Puis il disparut dans l’escalier.

— Olivia ? appela-t-il en frappant la porte avec sa main libre.

— Je n’ai pas vraiment faim, obtint-il en réponse.

— Tu n’as peut-être pas faim, mais le bébé a besoin de manger. J’ai apporté des tranches de pomme, du beurre de cacahuète et des pommes de terre, chérie. Cela ne devrait pas être trop dur.

— Bien sûr, acquiesça-t-elle, même si elle n’avait pas l’air heureuse. Merci, Aaron.

Elle s’était lavée récemment, ses dents étaient propres et elle portait même un vieux sweat-shirt miteux que Larx utilisait pour jardiner, mais elle n’avait toujours pas bonne mine.

Ses yeux avaient cet aspect enfoncé, entouré d’ombres, que les gens avaient après avoir pleuré pendant des heures et son nez commençait à gercer.

Il ouvrit la porte, et elle était recroquevillée dans un coin de la chambre, sur le lit, avec l’air de guetter les monstres.

Il s’assit sur le lit, lui mettant délicatement l’assiette dans les mains. Elle la fixa d’un air sombre pendant un moment avant de prendre la fourchette qu’il lui proposait, de piquer dans les pommes de terre et d’avaler convulsivement.

— Elles sont bonnes, dit-elle, mais sans passion. C’est papa qui les a préparées ?

— Kirby et Kellan. Je pense qu’ils aiment se mettre en avant parfois.

Cela provoqua un plissement de sa bouche aux lèvres pulpeuses. Il avait l’habitude de la voir sourire, voir cette bouche maintenant, plate, gercée et sans couleur, semblait étrange.

— As-tu pensé à consulter un médecin, Olivia ? demanda-t-il sans ambages ;

— Soins prénataux, une fois par mois, répondit-elle automatiquement.

Il soupira. Oh, merde, il détestait tellement ça.

— Pas ce genre de docteur.

Il obtint une réaction.

— Non. Non. Pourquoi le ferais-je ? Ce sont juste les hormones. Pas un gros problème. Je peux gérer.

— Chérie, tu ne manges pas, grogna-t-il.

— Je prends des vitamines. Je bois un smoothie tous les matins. Je le fais ! Je n’ai pas besoin d’un psy, Aaron. Je vais bien.

Oh, oui. Ça ne se passait pas bien.

— J’aurais dû en voir un, dit-il, simplement pour qu’elle arrête de parler et commence à manger. Quand ma femme est morte. Au lieu de ça, j’ai bu, et j’ai presque laissé mes beaux-parents prendre mes enfants. C’était douloureux. Un psy aurait été une meilleure option.

Le sourire qu’elle lui adressa alors était effroyable, la chose la plus terrifiante qu’il ait jamais vue.

— Je m’en occupe, affirma-t-elle, en tapotant son genou. Mon bébé et moi nous nous en sortirons.

Tu ne peux pas manger juste pour ton enfant, Olivia. Tu ne peux pas prendre soin de toi parce que tu penses que le bébé va arranger les choses. Tu as besoin d’être heureuse. Tu dois trouver de la joie dans ta vie, quelque part. Ce qui se passe dans ta tête en ce moment n’est bon pour personne, y compris pour ton futur enfant.

Mais c’était Larx qui parlait, et même lui ne semblait pas avoir les mots.

— Heureux de l’entendre, dit doucement Aaron. Je… j’aime vraiment ton père, tu sais ? Et son soleil se lève et se couche pour ta sœur et toi. Ne… la maison est bondée, et je sais que ça doit être bizarre. Mais ne pense pas que son amour a changé juste parce que tout est devenu plus compliqué, d’accord ? Il n’y a rien que tu puisses dire ou faire qui ferait que cet homme ne t’aime plus.

Il s’en fallut de peu pendant un instant. Elle n’arrivait pas à reprendre son souffle et elle était près de craquer, mais elle se défendit, son expression aussi blanche que celle d’une poupée.

— C’est gentil de ta part de dire ça, chuchota-t-elle.

Puis elle prit une autre bouchée, et Aaron dut lutter pour ne pas la secouer en criant.

Il soupira et se leva, le silence et tous les mots que tous deux taisaient devenant si oppressants qu’il ne pouvait plus respirer.

— Si tu pouvais descendre l’assiette quand tu as fini, demanda-t-il gentiment. On pourrait penser que les fourmis sont mortes avec la neige, mais je jure que ces petites bâtardes font tout le chemin depuis la ville juste pour sauter dans une assiette qu’on laisse dans une pièce.

C’était surtout un mensonge, elles étaient toutes vraiment mortes avec l’arrivée de la neige, mais elles reviendraient probablement en légion au printemps. Le fait de le dire eut l’effet désiré qui était de voir Olivia essayer de vraiment sourire et hocher la tête.

Il quitta la chambre et ferma la porte, appuyant son front sur celle-ci avant de marmonner pour lui-même.

— Une bonne discussion ? Oui, une bonne discussion. Bon sang, Georges, ressaisis-toi, merde. C’est une fille, pas une bombe.

Mais elle était une bombe, une à retardement, de dépression, d’instabilité, d’hormones et d’autres merdes dont Aaron n’avait pas connaissance et Larx probablement non plus.

Ils devraient faire des efforts pour la désamorcer avant qu’elle n’explose.

 

 

LARX AVAIT envoyé les enfants devant la télévision et faisait la vaisselle avec Christi lorsque Aaron descendit. Vu comment il secouait la tête et comment elle semblait empêcher sa voix de trembler, ils avaient une conversation profonde et sombre.

Eh bien, Aaron espérait qu’une des deux fonctionnerait.

Kirby et Kellan optèrent pour un film, et Aaron avait perdu le fil et somnolait sur le canapé lorsque Larx vint enfin les rejoindre.

Aaron soupira, passa son bras autour de la taille de son compagnon, posa sa tête sur l’épaule de celui-ci et se rendormit.

La seule chose dont il se souvint ensuite, ce fut d’être poussé vers son lit dans un salon vide et obscur.

— Que s’est-il passé ?

— Nous nous sommes endormis et les enfants nous ont abandonnés.

— C’est injuste. Ingrats.