Cyrano de Bergerac - Edmond Rostand - E-Book

Cyrano de Bergerac E-Book

Edmond Rostand

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Beschreibung

Cyrano de Bergerac, écrit par Edmond Rostand, est une pièce de théâtre classique française qui a été publiée pour la première fois en 1897. L'œuvre est basée sur la vie de savant, dramaturge et duelliste du XVIIe siècle, Cyrano de Bergerac. La pièce est écrite en vers et est connue pour son style poétique et son mélange habile de comédie et de tragédie. Le personnage principal, Cyrano, est célèbre pour son grand nez et son esprit vif, mais il souffre en silence de son amour pour la belle Roxane. La pièce explore des thèmes tels que l'amour non partagé, l'héroïsme et l'honneur. Edmond Rostand, l'auteur de Cyrano de Bergerac, était un écrivain français renommé du XIXe siècle. Sa passion pour la littérature et le théâtre l'a poussé à créer des personnages mémorables et des dialogues percutants. Rostand était connu pour son style romanesque et son sens aigu du drame, ce qui se reflète clairement dans son œuvre la plus célèbre, Cyrano de Bergerac. Je recommande vivement Cyrano de Bergerac aux lecteurs en quête d'une histoire captivante, empreinte de passion et de courage. Cette pièce intemporelle continue de fasciner les spectateurs du monde entier et offre une réflexion profonde sur la nature humaine et les tourments de l'amour.

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Edmond Rostand

Cyrano de Bergerac

 
EAN 8596547453550
DigiCat, 2022 Contact: [email protected]

Table des matières

Acte I.
Scène 1.I.
Scène 1.II.
Scène 1.III.
Scène 1.IV.
Scène 1.V.
Scène 1.VI.
Scène 1.VII.
Rideau.
Acte II.
Scène 2.I.
Scène 2.II.
Scène 2.III.
Scène 2.IV.
Scène 2.V.
Scène 2.VI.
Scène 2.VII.
Scène 2.VIII.
Scène 2.IX.
Scène 2.X.
Scène 2.XI.
Rideau.
Acte III.
Scène 3.I.
Scène 3.II.
Scène 3.III.
Scène 3.IV.
Scène 3.V.
Scène 3.VI.
Scène VII.
Scène 3.VIII.
Scène 3.IX.
Scène 3.X.
Scène 3.XI.
Scène XII.
Scène 3.XIII.
Scène 3.XIV.
Rideau.
Acte IV.
Scène 4.I.
Scène 4.II.
Scène 4.III.
Scène 4.IV.
Scène 4.V.
Scène 4.VI.
Scène 4.VII.
Scène 4.VIII.
Scène 4.IX.
Scène 4.X.
Rideau.
Acte V.
Scène 5.I.
Scène 5.II.
Scène 5.III.
Scène 5.IV.
Scène 5.V.
Scène 5.VI.
Rideau.

Comédie Héroïque en Cinq Actes en vers

Représentée à Paris, sur le Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 28 décembre 1897

C'est à l'âme de CYRANO que je voulais dédier ce poème.Mais puisqu'elle a passé en vous, COQUELIN, c'est à vous que je le dédie.

E. R.

Personnages:

CYRANO DE BERGERACCHRISTIAN DE NEUVILLETTECOMTE DE GUICHERAGUENEAULE BRETCARBON DE CASTEL-JALOUXLES CADETSLIGNIÈREDE VALVERTUN MARQUISDEUXIÈME MARQUISTROISIÈME MARQUISMONTFLEURYBELLEROSEJODELETCUIGYBRISSAILLEUN FÂCHEUXUN MOUSQUETAIREUN AUTREUN OFFICIER ESPAGNOLUN CHEVAU-LÉGERLE PORTIERUN BOURGEOISSON FILSUN TIRE-LAINEUN SPECTATEURUN GARDEBERTRANDOU LE FIFRELE CAPUCINDEUX MUSICIENSLES POÈTESLES PATISSIERSROXANESŒUR MARTHELISELA DISTRIBUTRICEMÈRE MARGUERITE DE JÉSUSLA DUÈGNESŒUR CLAIREUNE COMÉDIENNELA SOUBRETTELES PAGESLA BOUQUETIÈRE

La foule, bourgeois, marquis, mousquetaires, tire-laine, pâtissiers, poètes, cadets gascons, comédiens, violons, pages, enfants, soldats, espagnols, spectateurs, spectatrices, précieuses, comédiennes, bourgeoises, religieuses, etc.

(Les quatre premiers actes en 1640, le cinquième en 1655.)

Acte I.Acte II.Acte III.Acte IV.Acte V.

Acte I.

Table des matières

Une Représentation à l'Hôtel de Bourgogne.

La salle de l'Hôtel de Bourgogne, en 1640. Sorte de hangar de jeu de paume aménagé et embelli pour des représentations.

La salle est un carré long; on la voit en biais, de sorte qu'un de ses côtés forme le fond qui part du premier plan, à droite, et va au dernier plan, à gauche, faire angle avec la scène, qu'on aperçoit en pan coupé.

Cette scène est encombrée, des deux côtés, le long des coulisses, par des banquettes. Le rideau est formé par deux tapisseries qui peuvent s'écarter. Au-dessus du manteau d'Arlequin, les armes royales. On descend de l'estrade dans la salle par de larges marches. De chaque côté de ces marches, la place des violons. Rampe de chandelles.

Deux rangs superposés de galeries latérales: le rang supérieur est divisé en loges. Pas de sièges au parterre, qui est la scène même du théâtre; au fond de ce parterre, c'est-à-dire à droite, premier plan, quelques bancs formant gradins et, sous un escalier qui monte vers des places supérieures, et dont on ne voit que le départ, une sorte de buffet orné de petits lustres, de vases fleuris, de verres de cristal, d'assiettes de gâteaux, de flacons, etc.

Au fond, au milieu, sous la galerie de loges, l'entrée du théâtre. Grande porte qui s'entre-bâille pour laisser passer les spectateurs. Sur les battants de cette porte, ainsi que dans plusieurs coins et au-dessus du buffet, des affiches rouges sur lesquelles on lit: La Clorise.

Au lever du rideau, la salle est dans une demi-obscurité, vide encore. Les lustres sont baissés au milieu du parterre, attendant d'être allumés.

Scène 1.I.

Table des matières

Le public, qui arrive peu à peu. Cavaliers, bourgeois, laquais, pages, tire-laine, le portier, etc., puis les marquis, Cuigy, Brissaille, la distributrice, les violons, etc.

(On entend derrière la porte un tumulte de voix, puis un cavalier entre brusquement.)

LE PORTIER (le poursuivant):Holà! vos quinze sols!

LE CAVALIER:J'entre gratis!

LE PORTIER:Pourquoi?

LE CAVALIER:Je suis chevau-léger de la maison du Roi!

LE PORTIER (à un autre cavalier qui vient d'entrer):Vous?

DEUXIÈME CAVALIER:Je ne paye pas!

LE PORTIER:Mais. . .

DEUXIÈME CAVALIER:Je suis mousquetaire.

PREMIER CAVALIER (au deuxième):On ne commence qu'à deux heures. Le parterreEst vide. Exerçons-nous au fleuret.(Ils font des armes avec des fleurets qu'ils ont apportés.)

UN LAQUAIS (entrant):Pst. . .Flanquin. . .!

UN AUTRE (déjà arrivé):Champagne?. . .

LE PREMIER (lui montrant des jeux qu'il sort de son pourpoint):Cartes. Dés.(Il s'assied par terre):Jouons.

LE DEUXIÈME (même jeu):Oui, mon coquin.

PREMIER LAQUAIS (tirant de sa poche un bout de chandelle qu'il allume et colle par terre):J'ai soustrait à mon maître un peu de luminaire.

UN GARDE (à une bouquetière qui s'avance):C'est gentil de venir avant que l'on n'éclaire!. . .(Il lui prend la taille.)

UN DES BRETTEURS (recevant un coup de fleuret):Touche!

UN DES JOUEURS:Trèfle!

LE GARDE (poursuivant la fille):Un baiser!

LA BOUQUETIÈRE (se dégageant):On voit!. . .

LE GARDE (l'entraînant dans les coins sombres):Pas de danger!

UN HOMME (s'asseyant par terre avec d'autres porteurs de provisions de bouche):Lorsqu'on vient en avance, on est bien pour manger.

UN BOURGEOIS (conduisant son fils):Plaçons-nous là, mon fils.

UN JOUEUR:Brelan d'as!

UN HOMME (tirant une bouteille de sous son manteau et s'asseyant aussi):Un ivrogneDoit boire son bourgogne. . .(il boit):À l'hôtel de Bourgogne!

LE BOURGEOIS (à son fils):Ne se croirait-on pas en quelque mauvais lieu?(Il montre l'ivrogne du bout de sa canne):Buveurs. . .(En rompant, un des cavaliers le bouscule):Bretteurs!(Il tombe au milieu des joueurs):Joueurs!

LE GARDE (derrière lui, lutinant toujours la femme):Un baiser!

LE BOURGEOIS (éloignant vivement son fils):Jour de Dieu!—Et penser que c'est dans une salle pareilleQu'on joua du Rotrou, mon fils.

LE JEUNE HOMME:Et du Corneille!

UNE BANDE DE PAGES (se tenant par la main, entre en farandole et chante):Tra la la la la la la la la la la lère. . .

LE PORTIER (sévèrement aux pages):Les pages, pas de farce!. . .

PREMIER PAGE (avec une dignité blessée):Oh! Monsieur! ce soupçon!. . .(Vivement au deuxième, dès que le portier a tourné le dos):As-tu de la ficelle?

LE DEUXIÈME:Avec un hameçon.

PREMIER PAGE:On pourra de là-haut pêcher quelque perruque.

UN TIRE-LAINE (groupant autour de lui plusieurs hommes de mauvaise mine):Or çà, jeunes escrocs, venez qu'on vous éduque:Puis donc que vous volez pour la première fois. . .

DEUXIÈME PAGE (criant à d'autres pages déjà placés aux galeries supérieures):Hep! Avez-vous des sarbacanes?

TROISIÈME PAGE (d'en haut):Et des pois!(Il souffle et les crible de pois.)

LE JEUNE HOMME (à son père):Que va-t-on nous jouer?

LE BOURGEOIS:Clorise.

LE JEUNE HOMME:De qui est-ce?

LE BOURGEOIS:De monsieur Balthazar Baro. C'est une pièce!. . .(Il remonte au bras de son fils.)

LE TIRE-LAINE (à ses acolytes):. . .La dentelle surtout des canons, coupez-la!

UN SPECTATEUR (à un autre, lui montrant une encoignure élevée):Tenez, à la première du Cid, j'étais là!

LE TIRE-LAINE (faisant avec ses doigts le geste de subtiliser):Les montres. . .

LE BOURGEOIS (redescendant, à son fils):Vous verrez des acteurs très illustres. . .

LE TIRE-LAINE (faisant le geste de tirer par petites secousses furtives):Les mouchoirs. . .

LE BOURGEOIS:Montfleury. . .

QUELQU'UN (criant de la galerie supérieure):Allumez donc les lustres!

LE BOURGEOIS:. . .Bellerose, L'Epy, la Beaupré, Jodelet!

UN PAGE (au parterre):Ah! voici la distributrice!

LA DISTRIBUTRICE (paraissant derrière le buffet):Oranges, lait,Eau de frambroise, aigre de cèdre!(Brouhaha à la porte.)

UNE VOIX DE FAUSSET:Place, brutes!

UN LAQUAIS (s'étonnant):Les marquis!. . .au parterre?. . .

UN AUTRE LAQUAIS:Oh! pour quelques minutes.(Entre une bande de petits marquis.)

UN MARQUIS (voyant la salle à moitié vide):Hé quoi! Nous arrivons ainsi que les drapiers,Sans déranger les gens? sans marcher sur les pieds?Ah, fi! fi! fi!(Is se trouve devant d'autres gentilshommes entrés peu avant):Cuigy! Brissaille!(Grandes embrassades.)

CUIGY:Des fidèles!. . .Mais oui, nous arrivons devant que les chandelles. . .

LE MARQUIS:Ah, ne m'en parlez pas! Je suis dans une humeur. . .

UN AUTRE:Console-toi, marquis, car voici l'allumeur!

LA SALLE (saluant l'entrée de l'allumeur):Ah!. . .(On se groupe autour des lustres qu'il allume. Quelques personnes ont pris place aux galeries. Lignière entre au parterre, donnant le bras à Christian de Neuvillette. Lignière, un peu débraillé, figure d'ivrogne distingué. Christian, vêtu élégamment, mais d'une façon un peu démodée, paraît préoccupé et regarde les loges.)

Scène 1.II.

Table des matières

Les mêmes, Christian, Lignière, puis Ragueneau et Le Bret.

CUIGY:Lignière!

BRISSAILLE (riant):Pas encor gris!. . .

LIGNIÈRE (bas à Christian):Je vous présente?(Signe d'assentiment de Christian):Baron de Neuvillette.(Saluts.)

LA SALLE (acclamant l'ascension du premier lustre allumé):Ah!

CUIGY (à Brissaille, en regardant Christian):La tête est charmante.

PREMIER MARQUIS (qui a entendu):Peuh!. . .

LIGNIÈRE (présentant à Christian):Messieurs de Cuigy, de Brissaille. . .

CHRISTIAN (s'inclinant):Enchanté!. . .

PREMIER MARQUIS (au deuxième):Il est assez joli, mais n'est pas ajustéAu dernier goût.

LIGNIÈRE (à Cuigy):Monsieur débarque de Touraine.

CHRISTIAN:Oui, je suis à Paris depuis vingt jours à peine.J'entre aux gardes demain, dans les Cadets.

PREMIER MARQUIS (regardant les personnes qui entrent dans les loges):VoilàLa présidente Aubry!

LA DISTRIBUTRICE:Oranges, lait. . .

LES VIOLONS (s'accordant):La. . .la. . .

CUIGY (à Christian, lui désignant la salle qui se garnit):Du monde!

CHRISTIAN:Eh, oui, beaucoup,

PREMIER MARQUIS:Tout le bel air!(Ils nomment les femmes à mesure qu'elles entrent, très parées, dans les loges. Envois de saluts, réponses de sourires.)

DEUXIÈME MARQUIS:MesdamesDe Guéméné. . .

CUIGY:De Bois-Dauphin. . .

PREMIER MARQUIS:Que nous aimâmes. . .

BRISSAILLE:De Chavigny. . .

DEUXIÈME MARQUIS:Qui de nos cœurs va se jouant!

LIGNIÈRE:Tiens, monsieur de Corneille est arrivé de Rouen.

LE JEUNE HOMME (à son père):L'Académie est là?

LE BOURGEOIS:Mais. . .j'en vois plus d'un membre;Voici Boudu, Boissat, et Cureau de la Chambre;Porchères, Colomby, Bourzeys, Bourdon, Arbaud. . .Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c'est beau!

PREMIER MARQUIS:Attention! nos précieuses prennent place:Barthénoïde, Urimédonte, Cassandace,Félixérie. . .

DEUXIÈME MARQUIS (se pâmant):Ah! Dieu! leurs surnoms sont exquis!Marquis, tu les sais tous?

PREMIER MARQUIS:Je les sais tous, marquis!

LIGNIÈRE (prenant Christian à part):Mon cher, je suis entré pour vous rendre service:La dame ne vient pas. Je retourne à mon vice!

CHRISTIAN (suppliant):Non!. . .Vous, qui chansonnez et la ville et la cour,Restez: vous me direz pour qui je meurs d'amour.

LE CHEF DES VIOLONS (frappant sur son pupitre, avec son archet):Messieurs les violons!. . .(Il lève son archet.)

LA DISTRIBUTRICE:Macarons, citronnée. . .(Les violons commencent à jouer.)

CHRISTIAN:J'ai peur qu'elle ne soit coquette et raffinée,Je n'ose lui parler car je n'ai pas d'esprit.Le langage aujourd'hui qu'on parle et qu'on écrit,Me trouble. Je ne suis qu'un bon soldat timide.—Elle est toujours à droite, au fond: la loge vide.

LIGNIÈRE (faisant mine de sortir):Je pars.

CHRISTIAN (le retenant encore):Oh! non, restez!

LIGNIÈRE:Je ne peux. D'AssoucyM'attend au cabaret. On meurt de soif, ici.

LA DISTRIBUTRICE (passant devant lui avec un plateau):Orangeade?

LIGNIÈRE:Fi!

LA DISTRIBUTRICE:Lait?

LIGNIÈRE:Pouah!

LA DISTRIBUTRICE:Rivesalte?

LIGNIÈRE:Halte!(A Christian):Je reste encore un peu.—Voyons ce rivesalte?(Il s'assied près du buffet. La distributrice lui verse du rivesalte.)

CRIS (dans le public à l'entrée d'un petit homme grassouillet et réjoui):Ah! Ragueneau!. . .

LIGNIÈRE (à Christian):Le grand rôtisseur Ragueneau.

RAGUENEAU (costume de pâtissier endimanché, s'avançant vivement vers Lignière):Monsieur, avez-vous vu monsieur de Cyrano?

LIGNIÈRE (présentant Ragueneau à Christian):Le pâtissier des comédiens et des poètes!

RAGUENEAU (se confondant):Trop d'honneur. . .

LIGNIÈRE:Taisez-vous, Mécène que vous êtes!

RAGUENEAU:Oui, ces messieurs chez moi se servent. . .

LIGNIÈRE:A crédit.Poète de talent lui-même. . .

RAGUENEAU:Ils me l'ont dit.

LIGNIÈRE:Fou de vers!

RAGUENEAU:Il est vrai que pour une odelette. . .

LIGNIÈRE:Vous donnez une tarte. . .

RAGUENEAU:Oh! une tartelette!

LIGNIÈRE:Brave homme, il s'en excuse! Et pour un trioletNe donnâtes-vous pas?. . .

RAGUENEAU:Des petits pains!

LIGNIÈRE (sévèrement):Au lait.—Et le théâtre, vous l'aimez?

RAGUENEAU:Je l'idolâtre.

LIGNIÈRE:Vous payez en gâteaux vos billets de théâtre!Votre place, aujourd'hui, là, voyons, entre nous,Vous a coûté combien?

RAGUENEAU:Quatre flans. Quinze choux.(Il regarde de tous côtés):Monsieur de Cyrano n'est pas là? Je m'étonne.

LIGNIÈRE:Pourquoi?

RAGUENEAU:Montfleury joue!

LIGNIÈRE:En effet, cette tonneVa nous jouer ce soir le rôle de Phédon.Qu'importe à Cyrano?

RAGUENEAU:Mais vous ignorez donc?Il fit à Montfleury, messieurs, qu'il prit en haine,Défense, pour un mois, de reparaître en scène.

LIGNIÈRE (qui en est à son quatrième petit verre):Eh bien?

RAGUENEAU:Montfleury joue!

CUIGY (qui s'est rapproché de son groupe):Il n'y peut rien.

RAGUENEAU:Oh! oh!Moi, je suis venu voir!

PREMIER MARQUIS:Quel est ce Cyrano?

CUIGY:C'est un garcon versé dan les colichemardes.

DEUXIÈME MARQUIS:Noble?

CUIGY:Suffisamment. Il est cadet aux gardes.(Montrant un gentilhomme qui va et vient dans la salle comme s'il cherchait quelqu'un):Mais son ami Le Bret peut vous dire. . .(Il appelle):Le Bret!(Le Bret descend vers eux):Vous cherchez Bergerac?

LE BRET:Oui, je suis inquiet!. . .

CUIGY:N'est-ce pas que cet homme est des moins ordinaires?

LE BRET (avec tendresse):Ah, c'est le plus exquis des êtres sublunaires!

RAGUENEAU:Rimeur!

CUIGY:Bretteur!

BRISSAILLE:Physicien!

LE BRET:Musicien!

LIGNIÈRE:Et quel aspect hétéroclite que le sien!

RAGENEAU:Certes, je ne crois pas que jamais nous le peigneLe solennel monsieur Philippe de Champaigne;Mais bizarre, excessif, extravagant, falot,Il eût fourni, je pense, à feu Jacques CallotLe plus fol spadassin à mettre entre ses masques:Feutre à panache triple et pourpoint à six basques,Cape que par derrière, avec pompe, l'estocLève, comme une queue insolente de coq,Plus fier que tous les Artabans dont la GascogneFut et sera toujours l'alme Mère Gigogne,Il promène, en sa fraise à la Pulcinella,Un nez!. . .Ah! messeigneurs, quel nez que ce nez-là!. . .On ne peut voir passer un pareil nasigèreSans s'écrier: "Oh! non, vraiment, il exagère!"Puis on sourit, on dit: "Il va l'enlever. . ." MaisMonsieur de Bergerac ne l'enlève jamais.

LE BRET (hochant la tête):Il le porte,—et pourfend quiconque le remarque!

RAGUENEAU (fièrement):Son glaive est la moitié des ciseaux de la Parque!

PREMIER MARQUIS (haussant les épaules):Il ne viendra pas!

RAGUENEAU:Si!. . .Je parie un pouletA la Ragueneau!

LE MARQUIS (riant):Soit!(Rumeurs d'admiration dan la salle. Roxane vient de paraître dans sa loge. Elle s'assied sur le devant, sa duègne prend place au fond. Christian, occupé à payer la distributrice, ne regarde pas.)

DEUXIÈME MARQUIS (avec des petit cris):Ah, messieurs! mais elle estÉpouvantablement ravissante!

PREMIER MARQUIS:Une pêcheQui sourirait avec une fraise!

DEUXIÈME MARQUIS:Et si fraîcheQu'on pourrait, l'approchant, prendre un rhume de cœur!

CHRISTIAN (lève la tête, aperçoit Roxane, et saisit vivement Lignière par le bras):C'est elle!

LIGNIÈRE (regardant):Ah! c'est elle?. . .

CHRISTIAN:Oui. Dites vite. J'ai peur.

LIGNIÈRE (dégustant son rivesalte à petits coups):Magdaleine Robin, dite Roxane.—Fine.Précieuse.

CHRISTIAN:Hélas!

LIGNIÈRE:Libre. Orpheline. CousineDe Cyrano,—dont on parlait. . .(A ce moment, un seigneur très élégant, le cordon bleu en sautoir, entre dans la loge et, debout, cause un instant avec Roxane.)

CHRISTIAN (tressaillant):Cet homme?. . .

LIGNIÈRE (qui commence à être gris, clignant de l'œil):Hé! hé!. . .—Comte de Guiche. Épris d'elle. Mais mariéA la nièce d'Armand de Richelieu. DésireFaire épouser Roxane à certain triste sire,Un monsieur de Valvert, vicomte. . .et complaisant.Elle n'y souscrit pas, mais de Guiche est puissant:Il peut persécuter une simple bourgeoise.D'ailleurs j'ai dévoilé sa manœuvre sournoiseDans une chanson qui. . .Ho! il doit m'en vouloir!—La fin était méchante. . .Écoutez. . .(Il se lève en titubant, le verre haut, prêt a chanter.)

CHRISTIAN:Non. Bonsoir.

LIGNIÈRE:Vous allez?

CHRISTIAN:Chez monsieur de Valvert!

LIGNIÈRE:Prenez garde:C'est lui qui vous tuera!(Lui désignant du coin de l'œil Roxane):Restez. On vous regarde.

CHRISTIAN:C'est vrai!(Il reste en contemplation. Le groupe de tire-laine, à partir de ce moment, le voyant la tête en l'air et bouche bée, se rapproche de lui.)

LIGNIÈRE:C'est moi qui pars. J'ai soif! Et l'on m'attend—Dans les tavernes!(Il sort, zigzaguant.)

LE BRET (qui a fait le tour de la salle, revenant vers Ragueneau, d'une voix rassurée):Pas de Cyrano.

RAGUENEAU (incrédule):Pourtant. . .

LE BRET:Ah! je veux espérer qu'il n'a pas vu l'affiche!

LA SALLE:Commencez! Commencez!

Scène 1.III.

Table des matières

Les mêmes, moins Lignière; De Guiche, Valvert, puis Montfleury.

UN MARQUIS (voyant de Guiche, qui descend de la loge de Roxane, traverse le parterre, entouré de seigneurs obséquieux, parmi lesquels le vicomte de Valvert):Quelle cour, ce de Guiche!

UN AUTRE:Fi!. . .Encore un Gascon!

LE PREMIER:Le Gascon souple et froid,Celui qui réussit!. . .Saluons-le, crois-moi.(Ils vont vers de Guiche.)

DEUXIÈME MARQUIS:Les beaux rubans! Quelle couleur, comte de Guiche?Baise-moi-ma-mignonne ou bien Ventre-de-biche?

DE GUICHE:C'est couleur Espagnol malade.

PREMIER MARQUIS:La couleurNe ment pas, car bientôt, grâce à votre valeur,L'Espagnol ira mal, dans les Flandres!

DE GUICHE:Je monteSur scène. Venez-vous?(Il se dirige, suivi de tous les marquis et gentilshommes, vers le théâtre. Il se retourne et appelle):Viens, Valvert!

CHRISTIAN (qui les écoute et les observe, tressaille en entendant ce nom):Le vicomte!Ah! je vais lui jeter à la face mon. . .(Il met la main dans sa poche, et y rencontre celle d'un tire-laine en train de le dévaliser. Il se retourne):Hein?

LE TIRE-LAINE:Ay!. . .

CHRISTIAN (sans le lâcher):Je cherchais un gant!

LE TIRE-LAINE (avec un sourire piteux):Vous trouvez une main.(Changeant de ton, bas et vite):Lâchez-moi. Je vous livre un secret.

CHRISTIAN (le tenant toujours):Quel?