De l'autre côté du passage - Jeanne-Marie Weber - E-Book

De l'autre côté du passage E-Book

Jeanne-Marie Weber

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Beschreibung

Que se cache-t-il dans la Grotte du Passage Perdu ?

Les cousins Anna et Ben se retrouvent pour passer leurs vacances d'été ensemble. Rien ne semble annoncer un danger : le soleil brille, les oiseaux chantent...
Et pourtant ! S'ils avaient su ce que les parois de la mystérieuse grotte cachaient, jamais Anna et Ben n'auraient faussé compagnie à leur étrange guide.
Leur palpitante aventure commence, à travers un monde peuplé de créatures. Et pas des moindres, car le pays est contrôlé par un être assoiffé de sang...

Laissez-vous guider dans un monde étrange et effrayant !

EXTRAIT

Anna n’avait pas bronché lorsque sa mère avait garé la voiture. Cela faisait plus de deux heures qu’elle était affalée sur la banquette arrière, endormie. Un filet de bave dégoulinait le long de son menton.
Ben, son cousin, s’approcha lentement d’elle, armé d’un grand verre d’eau fraîche. Lorsqu’il fut à bonne distance, il lui lança d’une traite le liquide en pleine figure.
Anna sursauta. Elle mit un moment avant de comprendre ce qui venait de se passer. La silhouette de son cousin se précisa devant elle. Ses cheveux ruisselaient et elle s’essuya le front d’un revers de manche. Lentement, elle se détacha en laissant derrière elle toutes les affaires dont elle s’était servie durant le voyage (livre, écouteurs, téléphone).
— Cours, Ben.
— Oups.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jeanne-Marie Weber, née à Nancy en 1999, est passionnée de littérature. Envieuse de créer sa propre aventure fantastique, c'est à ses quinze ans qu'elle commence à développer son univers, regorgeant de monstres et autres bêtes abominables. Anamésya, le Tome I, en est la preuve et vous ouvre ses portes... prenez garde !

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1.

Anna n’avait pas bronché lorsque sa mère avait garé la voiture. Cela faisait plus de deux heures qu’elle était affalée sur la banquette arrière, endormie. Un filet de bave dégoulinait le long de son menton.

Ben, son cousin, s’approcha lentement d’elle, armé d’un grand verre d’eau fraîche. Lorsqu’il fut à bonne distance, il lui lança d’une traite le liquide en pleine figure.

Anna sursauta. Elle mit un moment avant de comprendre ce qui venait de se passer. La silhouette de son cousin se précisa devant elle. Ses cheveux ruisselaient et elle s’essuya le front d’un revers de manche. Lentement, elle se détacha en laissant derrière elle toutes les affaires dont elle s’était servie durant le voyage (livre, écouteurs, téléphone).

— Cours, Ben.

— Oups.

Il se mit à détaler dans la direction opposée. Anna se lança à sa poursuite. Elle ne se rendit pas tout de suite compte qu’elle était pieds-nus.

— Anna, tes chaussures ! hurla une voix stridente.

Sa mère était accoudée à la rambarde de la terrasse en bois d’une petite maisonnette blanche. Elle l’observait d’un air désapprobateur.

Anna ne répondit pas tout de suite, elle venait enfin d’attraper son cousin et tentait de le faire tomber. Tous les deux s’étouffèrent de rire. Anna n’avait pas la moindre force, elle était aussi fine qu’une brindille. Ben la retourna en moins de deux et s’assit sur son ventre avant de lui faire avaler une poignée d’herbe. La jeune fille hurla en essayant de donner des coups de poing à son cousin, lequel les esquivait sans problème. Les seules fois où Anna pouvait se battre, c’était lorsqu’ils étaient ensemble. Comme ça n’arrivait qu’une fois par an, elle manquait sérieusement d’entraînement.

Ben semblait ne pas vouloir lâcher prise. Anna devait pourtant répondre à sa mère, autrement elle se ferait sévèrement disputer. Malgré le fait que son cousin lui glissait des pommes de pin dans les cheveux en maintenant ses jambes par la simple force de ses pieds, elle parvint à lancer :

— Oui, maman ?

— S’il te plait, va décharger tes affaires et t’installer. Tout le monde n’attend plus que toi. Tu as intérêt à être prête avant de manger !

Ben libéra sa cousine après l’avoir harcelée de chatouilles. Anna s’éclipsa en lui lançant un regard assassin et alla chercher son énorme valise dans le coffre de la voiture. Son oncle, qui les observait depuis un moment de ses yeux ténébreux, lui proposa de l’aide, mais elle refusa. L’énergie brûlait en elle.

Elle monta les quatre marches de la terrasse. Sa mère l’y attendait, les bras croisés.

— Tu iras dire bonjour à tout le monde, d’accord ?

Anna hocha la tête. Elle entra dans la petite maisonnette.

La maison de Neptune version réduite se trouvait juste sous ses yeux. L’endroit était spacieux et lumineux. Les couleurs qui dominaient l’habitation étaient le bleu et le blanc. Chacune des pièces qui composaient le mobil-home lui rappelait la mer. Un canapé gris prenait toute la place dans le salon, installé juste en-dessous d’une guirlande de coquillages qui se balançait au rythme du vent. Un tableau accroché à droite de cette dernière décrivait un marin qui ramenait sur son bateau un énorme poisson vert.

— C’est magnifique, marmonna Anna.

Son oncle lui adressa un sourire malicieux. Il se planta à côté d’elle et posa ses mains sur ses hanches, satisfait.

— Nous avons réservé le mobil-home prestige. On ne fait pas les choses à moitié. Ta chambre est à droite. Tu dormiras avec Ben, j’ai pris un matelas gonflable pour que vous passiez plus de temps ensemble. J’irai avec Marie et Jules. J’espère que ça ne te dérange pas ?

Si ça la dérangeait ? Elle ne pouvait demander meilleure chose que de dormir avec son cousin adoré. Comme ils ne se voyaient pas souvent étant donné qu’ils n’habitaient pas dans une région voisine, ils discutaient beaucoup par Internet. Leur proximité d’âge faisait qu’ils aimaient se retrouver rien que tous les deux. Ils étaient très complices.

De nature curieuse, Anna ne put s’empêcher de visiter les autres pièces. Impatiente, elle débuta la visite par sa chambre. La pièce était petite mais très élégante. Deux armoires étaient disposées de part et d’autre de deux lits simples. Anna les fixa quelques secondes avant de s’allonger sur l’un d’eux en étoile de mer. Des palourdes et autres coquilles Saint-Jacques étaient disposées un peu partout sur le rebord de la fenêtre et les draps avaient pour motif un coucher de soleil entouré de mouettes. Elle avait vraiment l’impression d’être au bord de la mer. L’odeur marine était absente, remplacée par une senteur fruitée.

Au moment où elle commençait à ranger ses affaires dans l’armoire qui lui était attribuée, des cris de joie retentirent dans le couloir. La porte de sa chambre s’ouvrit dans un mouvement brusque.

— Anna !

C’étaient la petite sœur et le petit frère de Ben. Anna les reconnut tout de suite. Des cheveux châtains presque blonds, une carrure imposante. Ils entrèrent, enchantés. Marie lui sauta dans les bras, le sourire aux lèvres.

— On pensait que tu dormais encore, avoua Jules.

— Ben a fait son travail, répliqua Anna, à demi amusée. Vous êtes arrivés à quelle heure ?

Jules prit un air pensif. Tout le monde avait attendu ces vacances avec impatience. Comme ils ne se voyaient pas le reste de l’année, l’été était l’un des seuls moments où ils pouvaient passer du temps ensemble.

— Il y a deux ou trois heures, je crois. On est déjà allés voir la plage et faire un tour à la piscine. Elle est énorme. Et il y a trois toboggans !

— J’ai hâte de la découvrir, alors ! Mais avant, je dois aller dire bonjour à tout le monde et ranger mes affaires. Ça ne devrait pas prendre trop de temps. Vous n’avez qu’à y aller, je vous rejoindrai dans une vingtaine de minutes. D’ailleurs, vous n’auriez pas vu Julia ?

Julia était la petite sœur d’Anna. Elles n’avaient que deux ans d’écarts et pourtant, Julia mesurait quinze centimètres de plus qu’elle. C’était assez humiliant. En particulier lorsque les vendeurs de cinéma ne croyaient jamais Anna quand elle leur disait qu’elle avait seize ans, mais elle avait fini par s’y habituer.

— Elle est en train de se balader dans le camping, répondit Marie.

— Ah, je vois. Bon, je range mes affaires et je vous rejoins, d’accord ?

Marie déposa ses lèvres sur les joues d’Anna et Jules se contenta d’un sourire. Ils quittèrent la pièce, laissant Anna seule avec son énorme valise.

Une quinzaine de minutes plus tard, elle eut enfin fini de ranger ses vêtements. Après avoir changé de tee-shirt et enfilé ses claquettes, Anna était fin prête pour aller saluer le reste de sa famille. Lorsqu’elle arriva sur la terrasse, ils étaient tous réunis autour de la table avec un verre à la main. Des gâteaux apéritifs étaient disposés au milieu et tout le monde se jetait dessus comme des affamés.

— Ah, voilà la petite dernière, s’enthousiasma Jerry, le meilleur ami de son oncle, accoudé aux rambardes. Alors, ça te plait ?

Anna était encore chamboulée par la beauté du lieu. Elle finit par répondre :

— C’est magnifique !

Jerry avait l’air ravi. Un sourire s’étira sur ses lèvres, dévoilant des dents d’une blancheur incroyable. Ses petits yeux violacés brillaient au soleil.

— Bien. J’ai voulu prendre le meilleur pour vous, afin que vous passiez de bonnes vacances.

— Mission accomplie, alors ! Mais il y aura assez de place pour tout le monde ? demanda-t-elle, sourcils froncés.

— Bien sûr. J’ai pris une tente à part.

— Ah, bon, ben ce n’est pas grave…

Anna était un peu déçue mais elle ne voulait pas le montrer.

— Allez, un toast aux vacances ! s’exclama alors Jerry.

Tout le monde leva son verre et se mit à hurler :

— Aux vacances !

Anna prit un verre de soda et s’assit entre Ben et Marie. Julia discutait avec Jules, et tous les adultes avaient l’air de bien rigoler.

Les vacances avaient pris un bon départ. La bonne humeur était omniprésente au sein de la famille, et le camping dans lequel ils logeaient avait un air paradisiaque. Chaque jour après l’apéritif, les enfants se jetaient dans la piscine comme des sauvages et arrosaient tout le monde. Après avoir profité au maximum des toboggans et du bassin à vagues, ils partaient faire un tour dans le jacuzzi et enchaînaient directement avec le château gonflable, situé juste entre le marchand de glaces et la salle d’animations. Comme ils étaient tous arrivés un dimanche, il n’y avait pas eu de veillée le soir même. Mais à partir de lundi, le couvre-feu du camping était prévu pour vingt-trois heures trente. Cela laissait le temps à Anna et Ben de discuter un peu.

Dès le premier jour, tout le monde avait déjà fait de nouvelles rencontres. Marie avait sympathisé avec une bande de jeunes de son âge et ils passaient leurs journées dans le château gonflable. Julia, Jules, Ben et Anna également. Et pour une fois, Anna était l’une des plus grandes. En âge, bien sûr. Anna ne faisait qu’un mètre cinquante-huit alors que ses nouveaux amis la dépassaient largement. Ben la charriait beaucoup sur cette différence. A dix-sept ans, il mesurait près d’un mètre quatre-vingt-cinq. C’était perturbant. Surtout pour son père, qui était plus petit que lui. Ben devait cette morphologie à sa mère, qui n’était pas venue avec eux pour cause de déplacement professionnel.

Même les adultes s’étaient fait de nouveaux amis ! La mère d’Anna aimait faire connaissance avec les vendeurs au marché du village. Anna et Marie l’accompagnaient souvent. Quant à Jerry et l’oncle d’Anna, ils parlaient souvent de foot, et ils se rendaient au bar du camping pour regarder les matchs à la télévision. Un soir, deux autres hommes étaient venus se mêler à la discussion. Comme ils étaient pour la même équipe, ils s’étaient tout de suite très bien entendus et passaient la plupart de leurs après-midis ensemble, à jouer au foot ou à dorer au bord de la piscine. Un soir, Ben et Anna rentrèrent plus tôt parce qu’ils étaient fatigués, et ils purent assister à une scène assez gênante : Jerry, l’oncle d’Anna et leurs deux nouveaux amis (Bob et Marc) étaient en plein karaoké dans le salon. Jerry avait un bol de chips renversé sur la tête et Marc portait une perruque rose. Ils s’ambiançaient sur du Katy Perry. Anna ne les avait jamais vus dans un tel état. Sauf peut-être à Nouvel an.

— On devrait peut-être les laisser tranquilles, suggéra Anna en ricanant, cachée derrière un mur.

Elle et Ben retournèrent dans leur chambre sur la pointe des pieds.

Anna enfila sa chemise de nuit molletonnée, noua ses cheveux châtains en un chignon et se glissa entre ses draps. Ben en fit de même. Puis il attrapa un livre qui dépassait de sa valise et s’installa confortablement dans son lit.

— Tu lis quoi ? interrogea Anna, curieuse.

Ils avaient une passion commune pour la lecture. Chaque fois qu’ils se voyaient pendant les vacances ils apportaient de nouveaux livres et les lisaient ensemble.

— Un livre de fantasy, répondit-il. Une fille qui atterrit dans un monde fantastique, découvre qu’elle est l’héroïne d’une prophétie…

— Sérieusement ? Quel genre de monde ?

— Bondé de créatures, avec des personnages attachants.

Sous ses airs de gros dur, Ben avait l’âme d’un enfant. Il aimait les histoires imaginaires.

— Ça a l’air intéressant, dis donc ! J’aimerais bien être une super-héroïne…

— Moi aussi, qu’est-ce que tu crois ?

— Malheureusement, ce n’est qu’un livre.

— Certes, mais c’est drôlement bien écrit. Ça semble tellement réel, comme si l’auteur avait vraiment vécu les choses. Il est venu dans notre lycée et nous a raconté comment il avait trouvé l’inspiration pour écrire cette histoire.

— Et comment est-ce qu’il l’a trouvée ?

La littérature passionnait Anna. Elle tendit l’oreille, intéressée.

— Il a dit qu’il s’inspirait des évènements de la vie de tous les jours, répondit Ben en haussant les épaules. D’après lui, c’est ça, la vraie force d’un écrivain.

— C’est tout ce qu’il vous a dit ?

— Ben oui, qu’est-ce que tu veux qu’il nous dise d’autre ?

— Je n’en sais trop rien, qu’il vous explique comment il s’est organisé pour rédiger son plan, pourquoi il a choisi de raconter cette histoire et pas une autre…

— Ah, il l’a fait, mais ça serait dix fois trop long à raconter en une seule fois.

Anna sentit ses paupières se fermer toutes seules. Elle poussa un long bâillement.

— Tu m’expliqueras tout demain si tu veux. Parce que là, je suis fatiguée, dit-elle en s’enroulant dans sa couverture.

Elle éteignit sa lampe de chevet.

— Bonne nuit, Ben.

— Bonne nuit !

Anna ne s’en doutait pas, mais cette nuit allait être la dernière qu’elle passerait au camping.

2.

Le lendemain matin vers neuf heures et demie, la porte de leur chambre s’ouvrit brusquement. De puissants rayons de lumière éclairèrent la pièce, ce qui leur fit mal aux yeux. Anna se couvrit le visage avec son oreiller encore chaud. Elle entendit Ben pousser un grognement.

— Debout là-dedans ! hurla Sophie, la mère d’Anna. On part dans une demi-heure, soyez prêts !

De quoi voulait-elle donc bien parler ? Anna se dressa sur un coude en plissant les yeux et fixa son cousin d’un regard interrogateur.

— Euh, on va où au juste ?

Mais Ben ne répondit pas. Il était encore enroulé dans sa couverture. Anna se leva et rejoignit les autres qui petit-déjeunaient sur la terrasse, laquelle était bordée des rayons du soleil. Bien qu’il ne fût que neuf heures et demie, la température était déjà élevée, ce qui fit sourire l’adolescente. Dans sa région, elle se réveillait au bruit des battements de la pluie contre la fenêtre de sa chambre. Situation tout à fait désagréable qui lui plombait le moral pour la journée.

— Bonjour, Anna, fit Jerry, le sourire aux lèvres. Bien dormi ?

— Oui, répondit la jeune fille, de bonne humeur. Par contre, je me suis fait dévorer par les moustiques.

— Arf, tu aurais dû voir le chantier dans la tente ! Comme j’ai oublié ma moustiquaire à la maison, j’ai été vidé de mon sang. Ces bestioles sont de vraies saletés… je pense que j’irai en acheter une en ville ce soi

— Ça sera mieux, je pense, affirma Sophie, qui apportait de nouveaux biscuits sur la table.

Elle déposa un baiser sur la tempe de sa fille au passage.

— Il faut que vous soyez prêts pour dix heures, d’accord ? s’empressa-t-elle d’ajouter.

— Où allons-nous ? questionna Anna.

— Visiter une grotte au bord de la mer ! Apparemment, elle regorge de légendes ! s’enthousiasma Jerry.

— Des légendes ? s’étonna la jeune fille.

Anna était très naïve. Elle ne croyait plus à la petite souris ou au père noël, mais il fallait faire attention à ce qu’on lui disait. Elle prenait tout au pied de la lettre.

— Les avis divergent sur leur origine mais d’après ce que l’on raconte, les murs de la grotte auraient des propriétés magiques.

— Ah oui ?

L’adolescente s’assit à côté de Jerry en se servant un verre de lait. Elle était prête à écouter l’histoire qu’il avait à lui raconter.

— C’est un peu comme la grotte à Lourdes, tu vois ? D’après ce qu’on raconte, les personnes s’étant rendues dans cette grotte ont été exposées à de nombreux miracles, pas vrai ? Là, c’est à peu près la même chose.

— En gros, c’est une duplication de cette grotte ? demanda Anna en beurrant sa tartine.

— Beh… Pas exactement. Pour être plus précis, on en ressortirait avec des sortes de dons. Un ami est allé visiter cette grotte il y a plusieurs années. Il portait des lunettes parce qu’il avait un problème de presbytie et il m’a raconté que depuis, il pouvait voir dans le noir comme en plein jour. Et son problème de vision avait entièrement disparu.

Anna manqua de s’étouffer avec son lait.

— C’est une plaisanterie ?

— Absolument pas.

— Comment vous pouvez être sûrs qu’il ne vous a pas menti ?

— Au début, nous aussi on croyait qu’il mentait. On lui disait sans cesse « Allez, arrête, Tom, on sait que tu nous fais marcher ! ». On lui a fait passer un test. On a fait croire à une coupure de courant. Nous avons demandé exprès au concierge de l’immeuble de couper l’électricité de son appartement et on a fait comme si de rien n’était pendant l’heure du repas.

— Et ?

— Il ne s’est même pas blessé en coupant sa viande.

Anna ne savait pas si elle devait y croire. Jerry n’était pas du genre à mentir. Inventer une histoire de dons acquis par simple contact avec les parois d’une grotte était toutefois exagéré. Peut-être avait-il inventé tout ça pour les motiver, parce qu’il savait qu’Anna et ses cousins n’étaient pas de grands explorateurs.

Et pourtant, ça avait marché. Anna était impatiente de s’aventurer dans cette fameuse grotte. Elle se dandinait sur sa chaise, enjouée.

— C’est incroyable.

— Je sais.

— Ça peut arriver à n’importe qui ?

Jerry haussa les épaules. Il acheva d’une traite son verre de jus d’orange.

— Je suppose, oui. Tom n’était pas plus particulier que toi ou moi.

— Jerry, arrête, tu vas lui pourrir la tête avec toutes tes histoires à dormir debout !

C’était Roby, l’oncle d’Anna. Il avait les cheveux en bataille et son tee-shirt était à l’envers, ce qui provoqua l’hilarité générale. Il ne remarquait rien, il était à moitié endormi. Un filet de bave coulait le long de son menton et les rires redoublèrent d’intensité. Cela le rendait davantage plus bêta.

Le pauvre Ben qui venait de se lever débarqua derrière Roby et se boucha les oreilles à l’aide de ses deux indexes avant de marmonner :

— Vous pourriez baisser le volume ? J’ai mal à la tête.

Anna ne put s’empêcher de ricaner en le voyant. Ses cheveux bruns étaient dans tous les sens et il avait la marque de l’oreiller imprimée sur la joue. Elle se leva, alla déposer son bol sur l’évier et fila se préparer dans sa chambre. Elle n’avait plus que dix minutes pour s’habiller et se coiffer. Elle prit donc ce qui lui passa sous la main ; un jogging bordeaux et un tee-shirt blanc avec des baskets de ville grises. Pour finir, elle releva ses cheveux en une queue de cheval et alla se brosser les dents. Marie et Jules occupaient déjà la salle de bain. Ils s’étaient réveillés longtemps avant Anna. Ils avaient eu le temps de prendre une douche.

Une fois la petite famille prête, chacun monta dans une voiture différente. Ben, Jules et Anna grimpèrent avec Roby et passèrent leur temps à discuter. Ben faisait part à sa cousine des conseils que leur avait donné l’écrivain et ils échangèrent ainsi pendant près de trois quarts d’heure. Comme au bout d’un certain temps tout le monde commençait à s’assoupir, Roby monta le volume de la radio à fond. Les adolescents sursautèrent et se mirent à danser énergiquement en rythme avec la musique.

Ils arrivèrent aux alentours de dix heures quarante-cinq. Il y avait du monde sur la route et le parking de la grotte était plein. Ils avaient dû se garer au village et marcher jusqu’au site culturel. Sur le chemin, Jerry avait fait part de son histoire au reste des enfants et ils étaient tous impatients. Marie s’imaginait déjà en train de voler, elle tendait les bras et courait le plus vite qu’elle le pouvait à travers la foule. Jules se prenait pour le type le plus musclé de la terre, Ben croyait qu’il pouvait lancer des lasers de feu avec ses yeux et Julia pensait qu’elle était un génie. Dans la file d’attente pour acheter les billets, les agents de sécurité chargés de surveiller les entrées étaient venus plusieurs fois pour demander à Jerry s’ils avaient un problème. Ça avait fait rigoler tout le monde, mais quand il leur avait expliqué pourquoi ils agissaient comme ça, le sourire de l’agent s’était tout de suite effacé et il avait répliqué :

— Il ne faut pas rigoler avec ces choses-là. On ne sait pas ce qu’il se passe dans le monde.

Puis il était retourné à son poste.

Rien que le guichet d’accueil de la grotte était lugubre. Les murs étaient faits de roche grise couverte de trous et de bosses. Elle avait un air montagnard. De l’eau froide s’écoulait des stalactites larges comme un tronc d’arbre et pointues comme une lance. Un petit ruisseau serpentait entre de gros rochers glissants.

Cela faisait presque une heure qu’ils attendaient lorsque leur tour vint enfin. La caissière étira ses fines lèvres roses et leur demanda :

— Bonjour, c’est pour combien, s’il vous plait ?

Sophie prit la parole après l’avoir saluée à son tour.

— Pour huit.

— Très bien.

La vendeuse sortit une petite boîte rouge en métal de son bureau et la posa devant elle, l’ouvrit et en sortit huit morceaux de papier bleus qu’elle tendit à Sophie. Cette dernière les rangea aussitôt dans son sac à main.

— Ça fera soixante euros.

Sophie sortit sa carte bancaire et la glissa dans la fente du lecteur. Un petit bip sonore retentit et la vendeuse leur fit un grand sourire.

— J’espère que la visite de la Grotte du Passage Perdu vous plaira ! Notre guide arrivera dans une heure environ. En attendant, vous pouvez aller vous restaurer au réfectoire juste en face, dit-elle en montrant du doigt un petit dôme de pierre entouré de parasols de toutes les couleurs.

— Je vous remercie, répondit joyeusement Sophie. Au revoir !

Ils quittèrent la file d’attente, fatigués.

Jerry et Roby s’étaient déjà installés sur une des centaines de tables rondes qui parsemaient la terrasse. Le reste de la famille prit place à côté d’eux en poussant de longs soupirs.

— C’est dingue le temps qu’il faut pour donner de pauvres billets à chaque fois ! soupira Sophie en posant son sac-à-main sur ses genoux. Bon, qui a faim ?

Toutes les mains se levèrent et Roby dit alors :

— Ne bougez pas, je sors mon portefeuille.

— Ah non, c’est hors de question ! protesta Sophie en brandissant le sien.

Ils n’étaient jamais d’accord sur ce point. A chaque fois ils poursuivaient leur querelle jusqu’à la fin du repas. En général, Jerry s’éclipsait au comptoir avant qu’ils ne s’en rendent compte.

Tout le monde était mort de faim. Attendre une heure dans une file d’attente n’était pas de tout repos. Leur estomac criait famine. Le pire, c’était sûrement l’eau glacée qui s’écoulait du plafond. Le tee-shirt d’Anna était inondé. Malheureusement, elle n’avait pas pris d’affaires de rechange. Elle allait devoir passer le reste de l’après-midi avec une éponge sur le dos.

Tout le monde prit sa commande auprès du serveur et une vingtaine de minutes plus tard, les plats étaient servis.

On aurait dit des dragons affamés. Ben et Marie se jetèrent sur leur hamburger et Jules avala rapidement sa pizza mexicaine. Anna et Julia engloutirent leurs tacos en une bouchée. Leurs verres de soda se vidèrent à une telle vitesse que Sophie dut commander une carafe d’eau fraîche pour la suite du repas. Chacun avait opté pour une glace à la vanille en dessert.

Une fois leurs ventres bien remplis, tous se dirigèrent vers l’entrée principale de la grotte devant laquelle les attendaient une dizaine de personnes. L’entrée ressemblait très fortement à celle d’un château fort. Un pont en bois était placé au sol pour faciliter l’accès aux visiteurs. En-dessous de ce dernier, les vagues de la mer agitée s’écrasaient sans pitié contre les rochers. La porte d’entrée ressemblait à une gigantesque arcade en pierre incrustée de coquillages en tous genres. Deux agents de sécurité étaient placés de part et d’autre de celle-ci. Bien qu’il y eût des barrières pour les empêcher de tomber, ils n’avaient pas l’air totalement rassurés. L’un d’eux regardait sans cesse en l’air, comme s’il tenait à éviter de fixer l’océan.

— Bonjour tout le monde ! fit une voix grave derrière le groupe, et tout le monde eut le même mouvement de recul. Ne vous en faites pas, ce n’est que moi, votre guide, s’empressa-t-il d’ajouter en remarquant les réactions de surprise.

Il avait l’air plutôt jeune. Ses cheveux étaient d’un noir de jais intense et lorsque les rayons du soleil se posaient dessus, des mèches violacées surgissaient de toutes parts. Il avait le teint pâle, ce qui faisait bien ressortir ses yeux d’un vert émeraude étincelant. Sa façon de s’habiller n’avait rien à voir avec celle des autres employés qui travaillaient à la grotte. Il portait un jean foncé délavé avec un tee-shirt blanc. Ses chaussures étaient de simples baskets de ville blanches. Il était vraiment très élégant.

Il avait pourtant quelque chose de sombre dans ses prunelles ce qui déstabilisa Anna. Le guide balaya l’assemblée du regard. Lorsque ses yeux flamboyants se posèrent sur la famille de la jeune fille, un rictus apparut sur ses lèvres.

— Je m’appelle Cédrik et c’est moi qui vous prendrai en charge le reste de l’après-midi. Est-ce que tout le monde veut bien s’approcher, pour que je voie combien nous sommes ?

Tout le monde s’approcha timidement de Cédrik, qui se mit à compter du bout des doigts les familles qui se trouvaient devant lui.

— Wow, seize ! C’est la première fois que j’ai un groupe aussi petit. Ce n’est pas grave, ça sera plus convivial. Avant d’entrer, je dois vous avertir de plusieurs choses. Tout d’abord, les adultes, veuillez garder vos enfants près de vous, afin qu’ils ne s’approchent pas trop près du bord lorsque nous serons sur les ailes extérieures de la grotte. Ensuite, il risque de faire froid à l’intérieur ! Je suis désolé pour ceux qui n’ont pas de veste chaude, mais vous allez devoir faire avec. Même si nous serons protégés du vent par les murs de pierre, l’eau qui s’écoule des plafonds est glacée. Je vous rappelle que nous sommes sur l’océan Atlantique, les amis ! Cent six millions de kilomètres carrés de superficie pour une profondeur de huit mille six cent cinq mètres ! Si ce n’est pas impressionnant…

— Je vois que l’on a bien révisé sa leçon, murmura Anna à l’oreille de Ben qui se mit à pouffer silencieusement.

Elle n’aurait su dire si le guide l’avait entendue ou non, mais lorsqu’elle se concentra de nouveau sur ce dernier, il la fixait d’un regard improbatif. Ses yeux verts semblaient lancer des éclairs. Ses poings étaient serrés.

Son visage morne s’effaça aussitôt lorsqu’il s’adressa à l’assemblée :

— Bon, je crois que tout le monde est prêt pour commencer l’excursion ! Juste une dernière chose, il faut que j’aille avertir mes collègues d’un petit détail et je reviens tout de suite.

Le guide traversa le pont et alla parler avec les deux agents de sécurité qui gardaient l’entrée de la grotte.

— Il est trop bizarre, ce guide, tu ne trouves pas ? demanda Anna en se tournant vers son cousin.

Ce dernier haussa les épaules.

— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

— Tu ne trouves pas qu’il nous regarde d’une drôle de façon ?

— Pas spécialement. Pour te dire, je ne l’écoute pas depuis le début.

— Tu devrais. Je ne sais pas, il me met mal à l’aise.

Cédrik fit un signe de la main aux familles et elles s’avancèrent doucement sur le ponton, chacun s’accrochant vigoureusement aux barrières pour ne pas tomber dans l’eau.

— Billets, s’il vous plait ! s’écrièrent en chœur les deux agents de sécurité.

Ils portaient tous deux un magnifique costume rouge bordeaux et des chaussures noires. Comme ils devaient avoir chaud !

Une fois tout le monde entré dans la grotte à l’air chaleureux, Cédrik écarta fièrement ses bras au-dessus de lui et annonça :

— Bienvenue dans la Grotte du Passage Perdu !

3.

Anna poussa un cri de stupeur. Vue de l’extérieur, la grotte ressemblait à un énorme dôme de pierre. Il était fissuré à ses extrémités. Des petits balcons étaient répartis sur ses flancs, lesquels étaient incrustés de coquillages et d’algues jaunies par le temps.

De l’intérieur, c’était tout autre chose. Les parois étaient toujours en pierre et les craquelures étaient belles et bien présentes, mais des dessins étranges recouvraient la plupart des surfaces. Des mauvaises herbes avaient même réussi à pousser au pied des murs. Le sol ne glissait pas et il y avait une bonne température ambiante. Peut-être était-ce parce qu’ils ne s’étaient pas encore aventurés suffisamment loin dans les profondeurs de la grotte ? Ils allaient le découvrir.

Anna voulut effleurer la roche du bout des doigts et son corps fut parcouru d’un frisson lorsque son index se posa sur une stalactite qui pendait juste à côté d’elle. La pierre était tiède. Elle pouvait sentir ses moindres changements de température. Elle avait l’impression de pouvoir la comprendre. « Voyons, Anna, ce n’est que de la roche ! ». La jeune fille retira sa main aussi vite qu’elle l’avait posée. Elle retourna avec les autres.

Ben, qui affirmait ne pas avoir la moindre envie d’aller visiter cette grotte, semblait émerveillé. Il avait le nez en l’air depuis dix bonnes minutes et Anna gloussa en le voyant. Il avait la bouche ouverte.

Elle s’apprêtait à lui demander quelque chose, mais au même moment, Jerry apparut derrière eux en sautillant joyeusement avec un morceau de papier dans la main.

— Vous avez vu, s’extasia-t-il. Enfin nous y sommes ! La grotte légendaire du Passage Perdu !

Il avait l’air aussi heureux qu’un enfant à qui l’on offrait son premier cadeau de noël. Ses yeux pétillaient et ses lèvres s’étiraient en un long sourire.

— Dites, vous avez touché la roche ? Comment vous sentez-vous ?

Il attendait beaucoup de cette visite. Lui aussi voulait en ressortir « différent ».

— Normal, répondit Ben.

En voyant l’expression de déception sur le visage de Jerry, Ben ajouta en vitesse :

— Pour l’instant, évidemment !

— Ah. J’ai hâte de descendre dans les profondeurs ! reprit ce dernier.

— Les profondeurs ? s’étonna Anna.

— Oui ! Vous n’avez pas lu le plan, ou quoi ? La grotte s’étend sur des kilomètres en-dessous ! Mais on ne peut pas y aller à pied, c’est pour ça qu’il y a des barques.

Anna fronça les sourcils.

— Mais ça va nous prendre un temps fou à tout visiter !

— Nous sommes là pour ça ! s’écria Jerry, impatient.

Une fois que tout le monde eut pris le temps de photographier les parois de la grotte et de poser à côté des stalactites, Cédrik se posta devant des escaliers en colimaçon, les mains sur les hanches.

— Nous allons descendre d’un étage. Restez bien tous ensemble, s’il vous plait !

Tout le monde le rejoignit et le groupe commença à descendre.

Au fur et à mesure, la température diminuait. Le changement était impressionnant. Quelques secondes plus tôt, il faisait une chaleur accablante. L’air ambiant venait de perdre une quinzaine de degrés. Comme Anna n’avait pas de veste chaude, elle avait extrêmement froid.

— Tu veux mon gilet ? fit la voix de Jules derrière elle.

Elle se tourna, surprise.

— Et toi ? Tu ne vas quand même pas rester en tee-shirt !

— J’ai pris une autre veste dans le sac de mon père.

Anna accepta volontiers le gilet gris de son cousin qu’elle mit immédiatement sur ses épaules.

— Merci, lança-t-elle chaleureusement.

Jules lui adressa un sourire avant de se concentrer de nouveau sur ce que racontait le guide.

— Cette grotte a surgi de la mer il y a plus de cinq siècles lors de la collision entre deux îles. A une époque où les séismes étaient fréquents, les îles de Ré et d’Oléron étaient fortement touchées par ces tremblements. Cela était dû à leur contact direct avec la mer.

— Avec quelle île celle de Ré est-elle entrée en collision ? interrogea une dame du groupe.

Cédrik avait l’air sceptique.

— Eh bien, les avis divergent. Beaucoup disent qu’il s’agissait d’une cité romaine du nom d’Antioche, d’autres que ce n’était qu’une simple île sans vie apparente. D’autres encore, mais il faut vraiment être immature pour penser ce genre de choses, songent à un pays enchanté. Comme vous le savez peut-être, beaucoup des personnes qui sont venues dans cette grotte en sont ressorties changées. Ce que j’entends par là, c’est qu’effleurer une de ces parois ne vous transformera pas d’emblée, bien sûr. Cependant, il est vrai que ces parois dégagent une source d’énergie impressionnante dont la source nous est aujourd’hui inconnue. Naturellement, ce ne sont que des légendes.

La dame n’avait pas l’air convaincue par cette réponse. Elle se contenta de hausser les épaules. En revanche, Jerry, qui avait les yeux écarquillés, buvait les paroles de Cédrik. Une fois son discours terminé, il accourut vers lui.

— Euh, monsieur ? demanda-t-il une fois à sa hauteur.

C’était amusant. On aurait dit un enfant voulant demander de l’aide à son professeur. Cédrik parut surpris mais il lui adressa tout de même un grand sourire.

— Oui ? Que puis-je faire pour vous ?

— Vous savez, j’ai un ami qui est venu ici quelques années plus tôt avec quelques soucis de vue. Maintenant, il peut voir dans le noir.

Le guide fit les yeux ronds.

— Vraiment ? C’est incroyable ! Nous avons eu beaucoup de témoignages de personnes qui sont ressortis de la grotte avec d’étranges capacités, avoua Cédrik. Ça ne peut pas être un hasard. Je me demande si cela ne concerne qu’un certain type de personnes.

— Pour tout vous avouer, je n’en sais trop rien. Mon ami était normal. Alors vous savez, moi je suis du côté de ceux qui pensent à un pays enchanté. Et vous ?

— Oh, c’est intéressant. Personnellement, je l’ignore. Il est vrai que le pays enchanté pourrait être une bonne hypothèse, mais les sources dites magiques pourraient avoir un tas d’explications.

— Par exemple ? demanda Jerry.

— Je ne suis pas physicien, hélas. Mais je suis sûr que l’on peut trouver une explication logique à ces phénomènes.

Jerry avait l’air déçu. Il hocha la tête, penaud.

— Je suis désolé. Mais libre à vous si vous pensez qu’il s’agit d’un pays enchanté.

— Oui.

Ben tira la manche du pull de Jerry.

— Jerry, tu nous files la honte, là !

Cédrik étouffa un rire.

— C’est votre fils ?

Jerry fit non de la tête.

— Non, celui d’un ami.

— Il est charmant.

Les yeux verts de Cédrik se posèrent une énième fois sur Anna, laquelle plissa le front. Qu’avait-il contre elle ? Elle n’avait pourtant rien d’anormal. Etait-ce la façon dont elle était habillée qui le dérangeait ? Elle tentait de se cacher derrière Ben, mais le guide avait toujours le regard braqué sur la jeune fille.

— Monsieur Cédrik ? interrogea une petite fille. Pourquoi est-ce que cette grotte s’appelle « Le Passage Perdu » ?

Le guide mit un instant avant de se rendre compte qu’on lui parlait. Il se ressaisit vite, orienta son regard vers l’enfant et afficha un sourire purement hypocrite.

— C’est une question intéressante. Comme je vous l’ai dit plus tôt, cette grotte est apparue suite à la collision entre l’île de Ré et une île qui nous est aujourd’hui inconnue. Par conséquent, comme l’île a été totalement engloutie, pour se venger, les habitants de cette dernière utiliseraient une sorte de porte cachée dans cette grotte pour remonter jusqu’à l’île de Ré afin de l’envahir et tout détruire. Essayez donc de retrouver ce passage dans une grotte comme celle-ci !

Il leva ses bras imposants au-dessus de sa tête pour démontrer la grandeur de la grotte.

— C’est presque impossible, à moins d’y passer des jours et des nuits !

— Mais ce n’est pas de la faute des Hommes si le morceau de terre flottant a été englouti ? répliqua la petite fille. Pourquoi voudraient-ils se venger de quelque chose qui n’a pas été fait exprès ?

— Tu sais, parfois l’Homme peut réagir de manière impulsive. Il peut devenir violent, agressif. On ne sait pas ce qui se cache derrière le masque d’une personne.

Le visage de son interlocutrice se figea. Cette réponse lui avait fait froid dans le dos.

— Quelqu’un l’a-t-il déjà retrouvé ? questionna sa mère, qui n’avait pas l’air enchantée par ce que racontait Cédrik.

— On ne sait pas.

— Oh, dommage.

— On n’en sait rien, parce que les seuls aventuriers qui sont partis à sa recherche n’ont jamais été retrouvés.

Ben fronça les sourcils en entendant ces paroles.

— Cette grotte n’est pas grande au point de s’y perdre complètement, si ? questionna-t-il.

— Ah, mon bonhomme. Personne ne le saura jamais. C’est et ça restera toujours un grand mystère. Peut-être ont-ils trouvé le passage mais qu’ils n’ont pas pu revenir dans leur monde natal, peut-être ont-ils été dévorés par des créatures abominables.

La petite fille s’agrippa aux manches de sa mère à l’entente du mot « créatures ».

— Mais je ne suis pas là pour vous terroriser avec ces légendes. Aujourd’hui, nous sommes simplement ici pour visiter la grotte du Passage Perdu.

Les yeux verts de Cédrik balayèrent l’assemblée. Anna n’aurait pu deviner s’ils exprimaient l’anxiété ou la haine. Une chose était sûre, ce regard en disait long sur lui.

— Bon, on continue ?

Le groupe reprit la route. Alors qu’ils arrivaient au premier étage, Ben tira Anna par la manche et l’entraîna au bout de la file.

— Viens, on s’en va. J’en ai marre d’être ici.

Anna hésita un moment.

— Et tu veux que l’on aille où ? On va se perdre, tous seuls ! Tu as entendu ce qu’il a dit ?

— On n’a qu’à visiter un peu par nous-mêmes. Ce guide commence à me chauffer les oreilles.

— Bon…

Elle regarda par-dessus l’épaule de son cousin pour voir si le groupe avait continué d’avancer. Ils avaient disparu derrière les murs de pierre qui les entouraient.

— C’est d’accord. Mais si on se fait attraper, je dirai que c’était ton idée.

Ben leva les yeux au ciel.

— Comme tu veux. Bon, tu viens ? Le Passage Perdu ne va pas se trouver tout seul.

4.

— Quoi ? s’étonna Anna. Tu as vraiment l’intention de retrouver cette porte ?

— Il faut le voir pour le croire. Et si jamais nous la retrouvons, lorsque l’on reviendra de notre petite escapade, nous serons riches et célèbres ! Imagine les gros titres des journaux :