De la lune de miel à la lune de fiel - Liliane Laviron - E-Book

De la lune de miel à la lune de fiel E-Book

Liliane Laviron

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Beschreibung

De la lune de miel à la lune de fiel est un essai établi, entre autres, à partir d’ouvrages spécialisés, de recherches, de témoignages publiés ou recueillis visant à décrypter les signes caractéristiques des pervers narcissiques. Aide, fuite, protection ; plus qu'un livre, c'est un signal d'alerte pour les victimes et leur entourage.

À PROPOS DE L'AUTEURE

À la suite de plusieurs années d’analyse des comportements, Liliane Laviron, avec De la lune de miel à la lune de fiel, peint une vision du pervers narcissique non pas du point de vue de la victime, ni de celui du thérapeute, mais de celui d’une observatrice ne voulant surtout pas être un témoin passif.

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Liliane Laviron

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De la lune de miel à la lune de fiel

La relation amoureuse avec un pervers narcissique

Essai

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Liliane Laviron

ISBN : 979-10-377-3508-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Avertissement

 

 

 

Toute ressemblance…

ne serait absolument pas fortuite.

 

 

 

 

 

 

 

Préambule

 

 

 

Que les choses soient claires : il s’agit d’un essai, établi à partir de documentations diverses, de témoignages publiés ou de témoignages recueillis auprès de mon entourage et d’observations personnelles, mais en aucune manière d’une étude clinique. Je ne suis pas psy : je n’en ai ni la formation, ni la compétence, ni l’expérience. Je suis parfaitement informée que seul un professionnel de la santé dûment formé à cet effet est habilité à établir un diagnostic médical.

 

Je n’avais jamais envisagé d’écrire sur un sujet aussi particulier : la relation amoureuse avec un pervers narcissique. Il aura fallu une coïncidence pour que je me lance dans ce projet. En effet, à quelques jours d’intervalle, deux femmes, d’âge et de milieu différents, m’avaient fait part de leurs déboires sentimentaux. L’une et l’autre évoquaient les vexations en tout genre qu’elles subissaient au quotidien et qui confinaient à la persécution morale. Toutes deux se perdaient en conjectures et ne comprenaient pas leurs soudaines difficultés à s’expliquer avec un partenaire quelque peu particulier qui non seulement avait beaucoup changé, mais refusait le dialogue.

 

Plus tard, en réfléchissant à leurs déclarations, une question m’a traversé l’esprit : si le harcèlement moral est fréquemment la signature du pervers narcissique en milieu professionnel, en est-il de même dans une relation sentimentale ? Plutôt que de tirer des conclusions hâtives et voir le mal là où il n’est pas, j’ai d’abord voulu en apprendre davantage sur cette étrange personnalité. Il est si facile de se tromper : j’ai trop souvent entendu « quel pervers celui-là ! » quand il ne s’agissait que d’un comportement ponctuel lié à une situation particulière et exceptionnelle.

 

Dans le langage courant, un homme atteint d’un trouble de la personnalité narcissique est communément nommé « pervers narcissique ». C’est le terme que j’ai retenu (plutôt que « pervers narcissique manipulateur » qui serait pourtant plus proche de la réalité), bien que certains médecins spécialistes réfutent cette appellation.

 

J’ai donc recherché des informations et documentations (articles, ouvrages, interviews) émanant de thérapeutes et traitant du sujet. Je me suis bien gardée de tout a priori, afin de n’être pas tentée de ne retenir que les éléments soutenant une éventuelle idée préconçue. Gros travail de compilation des données pour tenter de dresser le profil du pervers narcissique manipulateur, qui sera identifié tout au long de cet essai sous l’abréviation « PN ».

 

Parallèlement, durant la phase de mes investigations, j’ai parlé de ce projet autour de moi. Il ne se passait pas une semaine sans qu’un nouveau témoignage direct ou indirect vienne s’ajouter à ceux que j’avais pu lire dans la presse ou dans des récits autobiographiques. Qu’il s’agisse d’elles-mêmes ou d’un membre proche (sœur, cousine, nièce, fille, amie…), toutes les personnes approchées m’apportaient du grain à moudre.

 

Je leur demandais de me raconter les faits marquants, de la rencontre à la rupture, qui leur revenaient en mémoire. Même si elles s’en étaient plutôt bien sorties, certaines d’entre elles se reprochaient leur aveuglement : elles avaient occulté les évidences et négligé les signaux. Pour d’autres, en revanche, on sentait bien que la blessure était encore sensible et profonde.

 

Je me suis abstenue de poser le moindre diagnostic sur les hommes dont on me parlait. J’ai préféré lister les comportements les plus fréquemment rapportés par les thérapeutes et les comparer aux déclarations de celles qui étaient tombées dans les filets d’un être nuisible, en veillant à séparer le bon grain de l’ivraie. Les nombreuses similitudes et leurs enchaînements ne laissaient – bien souvent – guère de place au doute : pour la plupart, le démon se cache derrière le sourire angélique.

 

Bien que les cibles des pervers narcissiques ne soient pas systématiquement les conjoints, j’ai délibérément axé mon enquête sur la relation de couple. Je me suis uniquement attachée à la liaison sentimentale qu’une femme entretient avec un homme pervers narcissique, parce qu’il m’a été plus facile de recevoir des témoignages féminins. Néanmoins, il ne faudrait pas oublier que les victimes se comptent aussi parmi les hommes. Qu’ils soient masculins ou féminins, hétérosexuels ou homosexuels, les prédateurs produisent les mêmes dégâts.

 

Quoi qu’il en soit, peut-on encore parler d’amour dès lors que l’un des deux partenaires est un pervers narcissique ? Oui, bien sûr. Parce que pour l’autre, en l’occurrence, la relation amoureuse a bel et bien existé ; c’est sous cette appellation qu’elle l’a ressentie, qu’elle l’a exprimée. Je suis amoureuse, j’aime, j’ai aimé… Les souvenirs qu’elle en conserve peuvent même parfois être empreints de cette tendresse qu’on éprouve en se remémorant les bons moments vécus et en oubliant tout ce qui pouvait les assombrir.

 

Plus j’avançais dans l’étude de la documentation nécessaire à l’élaboration de cet essai, plus il était évident que, moi aussi, j’avais croisé des manipulateurs, des narcissiques et des pervers tant dans ma vie professionnelle que personnelle. Au moment où j’écris ces mots, je ne saurais expliquer à partir de quels comportements particuliers je me suis éloignée à grands pas de ceux qui, aujourd’hui, pourraient être classés dans la catégorie des pervers narcissiques manipulateurs. À l’époque, était-ce de l’instinct ? de la prémonition ? de l’intuition ? Je l’ignore encore en cet instant précis, mais une chose est sûre : nous sommes cernés !

 

Cet essai n’est pas celui d’une victime ni d’un thérapeute, mais celui d’une observatrice lambda qui ne voudrait surtout pas se trouver dans la position de témoin passif. Mon propos n’a pas d’autre ambition que de sensibiliser chacun(e) aux signes à reconnaître, tant en ce qui concerne le prédateur (à fuir) que sa proie (à aider, à protéger). Un danger identifié est toujours plus facile à éviter, un ennemi identifié est toujours plus facile à combattre. C’est d’ailleurs à dessein que je me répète dans les descriptions que je dresse, dans les exemples que je cite, afin d’alerter toute personne, qui serait la cible ou le témoin d’agissements curieux, sur l’enfer que vivent de (trop) nombreuses victimes.

 

Parfois, il m’est arrivé de penser que je forçais peut-être un peu le trait quant aux défauts du pervers narcissique. Pourtant, d’après celles qui, un jour, en ont fait les frais, il paraît que je suis encore loin de la vérité…

 

 

 

 

 

 

1

Manipulation, narcissisme, perversion

 

 

 

En psychanalyse, la perversion narcissique constitue à la fois une pathologie relationnelle et un mécanisme de défense qui consiste en une survalorisation de soi-même aux dépens d’autrui1.

 

C’est ainsi que « Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toutes les douleurs et contradictions internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui. »2

 

On pourrait également dire que « le pervers narcissique est un sociopathe qui agit comme un prédateur ; par la manipulation mentale, il va chercher à détruire l’identité de sa proie. »3

 

Les parts de perversion, de narcissisme et de manipulation du PN ne sont ni fixes ni d’égales proportions, et peuvent fluctuer selon le moment, les circonstances, l’interlocuteur. Chacun des comportements du PN relèvera tantôt de la perversion, tantôt du narcissisme, tantôt de la manipulation.

 

Les manipulateurs, les narcissiques et les pervers ont pour point commun de n’accepter qu’à grand-peine, voire jamais, de reconnaître qu’ils le sont. C’est pourquoi ils n’éprouvent aucune culpabilité quant à leurs travers.

 

Pris isolément, chacune de ces pathologies ne produit pas systématiquement un PN. C’est d’ailleurs une source de confusion pour de nombreuses personnes. Certaines d’entre elles pensent avoir eu affaire à un pervers narcissique, parce qu’elles ont été confrontées à la manipulation, ou au narcissisme ou à la perversion, et qu’elles découvrent ces caractéristiques dans le profil du PN.

 

Je me permets donc d’insister sur le fait que c’est l’association de ces trois travers, en des proportions plus ou moins variables, qui constitue la personnalité du pervers narcissique manipulateur. À cela s’ajoute un quatrième élément, et pas des moindres : le besoin de détruire, qu’on ne retrouve que chez le PN.

 

Quel que soit le milieu social ou professionnel dans lequel ils évoluent, quelle que soit leur apparence physique, les pervers narcissiques se ressemblent tous dans leur mode de fonctionnement, ou plus exactement dans leur mode de dysfonctionnement. Si l’extérieur est différent, l’intérieur, quant à lui, est identique.

 

Il n’est pas rare de rencontrer des narcissiques dans les professions où l’image revêt une grande importance, comme il est courant de trouver nombre de manipulateurs dans les métiers liés à l’exercice du pouvoir « les hommes de l’ombre ». Ce ne sont pas pour autant des pervers narcissiques (enfin, pas tous !). Ces derniers, quant à eux, se côtoient dans tous les secteurs, toutes les tranches d’âge et toutes les couches sociales.

 

 

 

 

 

1.1

La manipulation

 

 

 

Selon l’une des définitions du Petit Robert, la manipulation est « l’emprise occulte exercée sur un groupe ou un individu ».

 

Cette proposition rejoint celle présentée en psychologie : une méthode délibérée pour contrôler ou influencer la pensée d’autrui. La manipulation conduira à la soumission de la personne qui la subit.

 

Il existe toutes sortes de manipulations. Les médias, les publicités… n’influencent-ils pas nos avis, nos opinions, nos choix, tous les jours ? Est-ce de l’information ou de la manipulation ? Je n’entrerai pas dans ce débat ici. Ce qui m’intéresse, en la circonstance, c’est le pouvoir qu’exerce un manipulateur dans une relation amoureuse.

 

La manipulation, exceptionnelle ou compulsive, revêt plusieurs formes, de la plus anodine à la plus perfide, dans le seul but d’obtenir un avantage. Ne sommes-nous pas toutes et tous des manipulateurs occasionnels ? Plutôt que d’avouer : « J’ai soif, mais j’ai la flemme de me lever », on trouvera un subterfuge (flatterie, lamentations, chantage, voire menaces) pour se faire servir un verre d’eau, sans fournir le moindre effort, quitte à obliger l’autre à interrompre son activité du moment.

 

Nous avons toutes et tous expérimenté cette forme de manipulation. Un collègue qui nous refile son travail, un ami qui veut nous emprunter quelque chose : chacun trouvera les arguments plus ou moins subtils pour nous faire accepter de rendre service, même si cela nous ennuie.

 

Tant que ces agissements ne cherchent pas à contrôler systématiquement la pensée, le désir, le choix, l’opinion, la vie de l’autre, ils sont acceptables et, le plus souvent, acceptés, parce qu’ils ne touchent pas à l’identité, à la liberté de celui ou celle qu’on manipule ponctuellement. Et gardons à l’esprit que nous serons à notre tour, à un moment donné, le « manipulé » : c’est nous qui irons chercher le verre d’eau.

 

En revanche, la manipulation devient perverse quand elle prend un tour systématique, quand elle cherche à tromper l’autre, à le contraindre à agir ou à penser comme on veut qu’il agisse ou qu’il pense, en orientant sa perception par toute une panoplie de procédés corrompus. C’est une violence morale, d’autant plus destructrice qu’elle est masquée, et qu’elle n’est jamais – ou pratiquement jamais – perçue par la victime comme une intrusion dans son esprit. En effet, la frontière est mince entre se ranger aux arguments présentés4, parce qu’ils sont cohérents, et les épouser aveuglément par l’unique jeu de l’influence subie.

 

Si certaines manœuvres sont parfois grossières, et vite repérées (« toi qui sais tout », « toi qui es la meilleure »…), d’autres sont beaucoup plus affinées et raffinées. Quelle jouissance extrême pour certains que de faire faire ce qui leur répugne, ou de diriger la pensée d’autrui !

 

Qu’il agisse par la douceur, par les jérémiades, par les compliments, ou d’une manière plus agressive, dans tous les cas, le manipulateur veut atteindre son objectif. Il se voit comme un génial stratège. Pour lui, seul le résultat compte : qu’importe la tactique employée pour arriver à ses fins. L’exemple le plus célèbre est celui du renard qui n’a reculé devant aucune flatterie pour s’emparer sans effort du fromage convoité. Il est dommage que la morale de cette fable, si connue pourtant, nous échappe trop souvent : « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. »5

 

Quant au marionnettiste, celui qui dénie toute existence propre à celles et à ceux qu’il considère comme ses pantins, en les empêchant d’exprimer une opinion différente de la sienne, en les menant là où il veut les conduire, il devient incapable d’obtenir quoi que ce soit autrement que par la manipulation. C’est devenu une drogue, une addiction, un besoin viscéral et irrépressible.

 

Vivre aux côtés d’un manipulateur est épuisant ; cela demande une attention de tous les instants, pour préserver son intégrité et son libre arbitre. Il faut décortiquer chacun de ses propos, en rechercher le sens caché, s’interroger sans cesse (« Je le fais parce qu’il me le demande ou parce que j’en ai envie ? ») et ne jamais baisser la garde.

 

 

 

 

 

1.2

Le narcissisme

 

 

 

Selon la définition du Petit Robert, le narcissisme est « l’admiration de soi-même, l’attention exclusive portée à soi ».

 

J’ai trouvé de nombreux ouvrages traitant ce sujet ; ouvrages qui, parfois, se contredisent entre eux quant aux causes et aux processus. Comme je l’ai écrit en préambule, mon propos n’est pas une analyse clinique. Je ne m’avancerai donc pas à chercher qui a raison, qui a tort. Je me contente de comparer les caractéristiques couramment présentées comme relevant du comportement narcissique.

 

Le narcissisme est une phase normale de développement chez le petit enfant ; il ne prête pas ses jouets, il refuse de partager sa maman… Avec l’âge, le narcissisme va évoluer. Au fond, rien de plus naturel que de s’admirer… de temps en temps, ou d’être égoïste… de temps en temps. Après tout, l’autosatisfaction contribue à nous rassurer quand les compliments espérés tardent à venir, ou n’arrivent jamais. Tant que tout cela reste dans la limite du raisonnable, et ne perturbe pas nos relations avec autrui, il n’y a pas à s’inquiéter. Là où ça devient un trouble, c’est quand cette estime de soi devient obsessionnelle, pathologique : soif d’être reconnu, admiré, adulé. « Miroir, mon beau miroir… » interrogeait la marâtre narcissique de Blanche-Neige.6

 

Comme pour la manipulation, il existe des degrés dans le narcissisme : cela va du nombrilisme modéré à l’individualisme enragé. En effet, le narcissique aimable, gentil, serviable, joyeux luron disposé à faire rire par ses pitreries et son sens de l’humour aiguisé, n’est pas rare. Au fond, celui-là voudrait tellement retrouver dans les yeux de son entourage le regard éperdu d’amour que sa mère portait sur lui ! Néanmoins, enfant gâté égocentrique, il veut rester le point de mire et ne supporte pas de passer au second plan ; il peut se montrer jaloux de sa propre progéniture.

 

On rencontre également le narcissique arrogant, méprisant, hautain, égotiste, celui qui surestime son importance, celui qui considère que ses désirs sont une priorité pour lui et pour les autres envers lesquels il n’éprouve aucune considération et qui devront se soumettre à sa volonté. Il déclare se suffire à lui-même, mais est incapable, en vérité, de vivre seul.

 

Agréable ou dédaigneux, le narcissique recherche avant tout la lumière, l’attention, la popularité, et manifeste une certaine soif de pouvoir et de succès. Il veut qu’on le remarque, qu’on le regarde comme un héros, comme une élite, comme un modèle à imiter. Quel que soit le domaine (professionnel, sportif, amical ou familial) où il peut exprimer son savoir-faire, il saura bien le faire savoir.

 

Il peut être tenté de prendre ou de faire prendre des risques inconsidérés si cela lui confère le prestige auquel il aspire. Entre emmener son fils se faire vacciner chez le médecin et aller réparer la fuite d’eau chez le voisin, il est fort à parier qu’il penchera plutôt du côté où il retirera une enthousiaste gratitude.

 

Gare à celle qui se montrerait plus brillante que lui, particulièrement en public. Le narcissique s’en offense. Il lui coupe la parole, impose son point de vue, parfois dénué de toute compétence ou complètement hors sujet, pour reprendre le contrôle sur un auditoire qui ne saurait être captivé que par lui-même ! Parmi les témoignages qui m’ont été rapportés, je retiens : « Quand j’émettais la moindre suggestion sur un problème particulier, il la rejetait immédiatement, sans vérifier si elle était frappée au coin du bon sens. En revanche, il n’hésitait jamais à épouser l’avis, pas toujours bien fondé, d’un tiers en qui il voyait un potentiel admirateur ou une forte personnalité dont il voulait se rapprocher. »

 

Les réseaux sociaux sont pain bénit pour lui. Sans aucun complexe, et souvent sans aucune pudeur, il peut y étaler sa vie, en publiant ses photos et ses commentaires : moi (ou tout ce qui contribue à son narcissisme) en vacances, moi au travail, moi en voyage, moi à la piscine, moi en promenade, moi, moi, moi… « La dictature de l’ego ».7 Bonheur suprême pour ce collectionneur du virtuel : comptabiliser le plus grand nombre de « followers » ou « d’amis » ! Ceux-là mêmes qui, ingratitude oblige, lui tourneront le dos dès qu’il aura cessé de plaire.

 

Pour séduire celle qu’il convoite, le narcissique – noble gentilhomme – est prêt à lui offrir de somptueux cadeaux, au moins dans un premier temps, quitte à mettre sa situation financière en difficulté. Il attend en retour des remerciements et une dévotion au minimum proportionnels à son investissement. En aucun cas, il ne saurait se contenter d’un modeste « merci ». Bien entendu, il fera en sorte que ça se sache, comme tout ce qu’il fait : la discrétion n’est pas son fort.

 

Avec lui, aucun acte gratuit : toute manifestation de sa part, qui pourrait sembler altruiste, n’est entreprise, en réalité, que dans le but d’obtenir une approbation empressée, voire un renvoi d’ascenseur : « je te donne mais tu dois me donner aussi. »

 

Il répugne à reconnaître ses torts, préférant se dire et se croire incompris plutôt que d’admettre qu’il a mal agi. Il ne se sent jamais ni coupable ni responsable de ses échecs : il prétend toujours que la faute incombe à l’autre, aux autres. Il rejette toute critique et ne supporte pas la moindre contradiction : pas question de heurter l’image qu’il a de lui-même. Il ne tolère aucune réflexion qu’il verrait comme une humiliation, alors qu’il n’éprouve nul scrupule à l’infliger à autrui. Il n’hésitera jamais à dénigrer pour mieux se valoriser.

 

Le narcissique a des buts élevés, à la hauteur de sa supériorité et de sa perfection qui, somme toute, ne sont qu’illusoires. Il voudrait ne fréquenter que des personnalités dont l’aura, ou la célébrité ou la valeur, aurait quelque chance de rejaillir sur lui. C’est important pour lui de posséder davantage et mieux que quiconque ; il aime en faire étalage, pour susciter l’envie ou l’admiration, quitte à enjoliver la vérité avec un certain aplomb. C’est ainsi que, par ses propos, il va promouvoir sa sœur, aide-soignante en pédiatrie, en éminente pédiatre !

 

En outre, comme le narcissique ne maîtrise pas forcément tous les sujets de réflexion de l’existence, loin s’en faut, et n’est pas non plus arrivé tout en haut de l’échelle sociale, il aura plaisir à vanter les qualités ou la réussite d’un membre de sa sphère professionnelle, amicale, familiale, si cela lui permet de s’en enorgueillir ou de croire que le mérite lui en revient, au moins en partie. C’est ce que j’appelle « le narcissisme par procuration ». Après tout, c’est bien parce qu’il est exceptionnel lui-même qu’il est entouré de gens d’exception !

 

Cependant, peu enclin à l’empathie, il ne s’intéressera ni aux besoins ni aux sentiments des gens, renommés ou inconnus, qui l’entourent. La seule priorité, c’est lui ! Tout lui est dû. N’est-il pas une sorte de demi-dieu ? Infatué de lui-même, il fait le paon, ses plumes chatoyantes déployées en roue, et se présume irrésistible.

 

Partager le quotidien d’un narcissique est possible si l’on accepte de :

vivre dans son ombre, tout en contribuant à flatter son

ego

auprès de son entourage,

ne jamais le provoquer frontalement pour lui démontrer qu’il a tort,

ne pas être avare de compliments et de remerciements pour chacune de ses actions (formidable, il a pensé à acheter le pain !),

l’assurer de notre admiration, et lui faire croire que toutes nos bonnes idées viennent de lui,

n’attendre aucune reconnaissance,

cultiver notre sens de l’humour et notre infinie patience.

 

Inutile de préciser que c’est fatigant…

 

 

 

 

 

1.3

La perversion

 

 

 

Les ouvrages consacrés à la perversion ne sont pas rares, mais ils ne sont pas tous accessibles aux non-spécialistes. Le vocabulaire employé est parfois hermétique pour les néophytes que nous sommes.

 

Selon la définition du Petit Robert, la perversion est une « déviation des tendances, des instincts, due à des troubles psychiques. »

 

C’est aussi un mécanisme de défense, c’est-à-dire un processus mental servant à se protéger de pensées ou de sentiments douloureux. Pour se prémunir contre toute souffrance d’ordre psychique, qu’il considère comme insoutenable et qu’il ne veut surtout pas ressentir, le pervers va mettre en place un fonctionnement défensif en utilisant l’autre comme un objet, un instrument, sur lequel il projette ses contradictions. Ainsi, le pervers n’affrontera aucun de ses difficiles problèmes, et n’aura donc pas à se remettre en question. Pour la plupart, cela devient l’unique mode de fonctionnement.

 

La quête du pouvoir est essentielle chez le pervers qui « préférera toujours remporter une victoire en enfer que d’être battu au ciel. »8 Il fait feu de tout bois pour atteindre son but. Quiconque se mettrait en travers de son chemin se verrait aussitôt écarté et déconsidéré par une succession de manœuvres plus ou moins démoniaques, qui seront admises par des spectateurs indifférents, moutonniers, voire complices. La lâcheté et la complaisance de certains d’entre eux ne connaissent pas de limites. Soit par crainte de devenir à leur tour la cible du pervers, soit par pur sadisme, les témoins laissent faire quand ils ne deviennent pas eux-mêmes de diaboliques auxiliaires. Parfois, il s’agit juste de soumission à l’autorité détenue et/ou affichée par le prédateur. À ce propos, l’expérience de Milgram9 est assez révélatrice.

 

Dans un premier temps, parmi les vils agissements du pervers, on observe le refus de communiquer, les critiques indirectes, les sarcasmes, les vexations, les railleries proférées sous couvert d’une plaisanterie. C’est tellement drôle de se moquer devant les autres d’un défaut physique d’une personne, par exemple. Toute protestation de la part de cette dernière serait jugée comme un manque certain d’humour !

 

Plus tard, le pervers fera douter, rabaissera, discréditera, isolera, brimera sa victime avant de la pousser à la faute, la faisant vivre dans une « psychoterreur » permanente. Il lui nie toute identité, tout sentiment ; il