De la sale gosse à la mère veilleuse - Patricia Robert - E-Book

De la sale gosse à la mère veilleuse E-Book

Patricia Robert

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Beschreibung

Comment passer de « Sale Gosse » à « Mère Veille », c’est le fil conducteur de l’autobiographie de Patricia Robert. Son chemin de vie est parsemé de violences et de souffrances endurées pendant son enfance et répétées à l’âge adulte. Elle montre néanmoins qu’après avoir connu de tels malheurs la résilience est possible. Elle propose enfin des solutions en faveur de l’éducation et la prise en charge de tous ceux dont l’enfance est assassinée par des adultes. Son récit est porteur d’espoir pour toutes ces victimes.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Patricia Robert décide de se consacrer à l’humain en 2007 et exerce comme PsychoAnalyste et sophrologue. Elle est également présidente d’honneur et fondatrice de l’association Gran'Dire Ensemble 16 dont la mission est d’apporter de l’aide aux enfants en difficulté pour leurs devoirs du soir. Ce livre marque sa deuxième publication, succédant à son ouvrage précédent intitulé "La Sale Gosse : florilège de pensées, de la légèreté à la gravité".

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Patricia Robert

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De la Sale Gosse à la Mère Veilleuse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Patricia Robert

ISBN : 979-10-422-1068-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De la même auteure

 

 

 

La Sale Gosse, Le Lys Bleu Éditions.

 

 

 

 

 

À ma petite-fille Alba

 

Aube est ta lumière

L’espoir d’un jour nouveau

L’arrivée d’une merveille, un soir de mai

M’enchante au-delà des mots,

D’une promesse des lendemains

Avec de futurs horizons dans tes yeux bleus

 

Ton prénom porte tous les possibles de la vie

 

A comme Amour

L comme Liberté

B comme Bonheur

A comme Avenir

 

 

Au père de mes enfants, Yoan et Caroline

Jean-Pierre Lepetit

1954-2023

 

 

 

 

 

Préface

 

 

 

Je me souviens d’un week-end à Angoulême, il y a maintenant quelques années. J’avais été invité avec mon fils Jonathan, coach sportif, et une collègue art-thérapeute, Frédérique Tirtiaux, à une manifestation qui faisait se rencontrer la psy et le sport. Cette invitation venait de Patricia Robert, une thérapeute qui avait entamé avec moi un travail psychanalytique depuis déjà quelque temps.

 

Le livre que vous avez entre les mains synthétise la pulsion de vie dont j’ai été témoin lors de ce week-end mémorable. Il y a en chacun de nous un mystère qui ne demande qu’à être révélé. Patricia est la preuve vivante qu’un début de vie, aussi traumatisant soit-il, peut être un tremplin vers l’Amour, avec un grand A, mis au service des autres. Pour autant, il y faut une sacrée dose de persévérance, de travail et de confiance, en soi mais aussi en l’autre. Comme expliqué dans son ouvrage, il ne faudrait pas confondre bienveillance et complaisance. Jonathan (prénom donné en référence à Jonathan Livingstone le goéland, livre de Richard Bach, qui décrit un personnage exclu de son clan pour vouloir voler toujours plus haut), lui-même coach sportif m’écrivait il y a peu : « La frontière est floue, mais elle existe. » Patricia ne joue pas dans la complaisance, que dans notre jargon on nommerait « hystérie de séduction ». Comme l’indique la fin de son écrit, Patricia donne, on sait qu’elle n’a pourtant pas beaucoup « reçu » dans son enfance. Et malgré tout ! Le résultat est bien là. Son travail d’introspection a porté ses fruits et je la remercie de sa confiance pour ce voyage transférentiel rejoué autrement, fait d’amour et de haine. Oui, la parole libère, pour peu que quelqu’un écoute…

 

Patricia m’a ému même dans la première partie de son récit, même si je connais un peu sa vie (mais qui peut se targuer de connaître l’autre ?). La suite montre le sérieux de son travail de recherche, toujours guidé par le désir généreux et humble que son histoire serve au plus grand nombre. Je suis persuadé que la lecture de ces pages va ouvrir des chemins chez le lecteur, des chemins de traverse pour les uns, des autoroutes pour les autres. Peu importe, l’important est d’avancer car, comme le dit Albert Einstein, la vie c’est comme la bicyclette : il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre.

 

Gilbert Roux, praticien en psychanalyse intégrative

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il n’y a pas de pire agonie que de garder en soi une histoire jamais racontée.

 

Maya Angelou

 

 

 

 

 

Depuis 2007, Patricia Robert est installée à Angoulême comme PsychoAnalyste et Sophrologue, elle est également Présidente et fondatrice de l’Association Gran'Dire Ensemble 16, qui permet aux enfants qui en ont besoin, de bénéficier d’un soutien à la scolarité. Avant de se consacrer à la relation humaine, Patricia a exercé plusieurs professions telles que sténodactylo, ouvrière ou visiteuse médicale.

 

Elle signe son premier livre en février 2023 aux éditions Le Lys Bleu, La Sale Gosse, un recueil de poésies et de pensées où elle passe du rire aux larmes et de la peur à la colère. Avec légèreté ou gravité, Patricia Robert pose enfin ses mots sur les maux de notre société, et sur les siens.

 

L’auteure porte sur ses épaules le surnom de Sale Gosse depuis son enfance à l’Assistance publique, surnom qui ne la quittera pas quand, jeune fille, elle réintègre sa famille dont elle subira les déviances pendant des années. Pour exister et pour se sortir de cette violence quotidienne, Patricia se rebelle et fugue à plusieurs reprises. Elle est une enfant invisible, bousillée, dit-elle. Adulte, elle prend conscience que seul un travail personnel lui permettra de se sortir de tout ça, et d’enfin, accepter son histoire. C’est après ce long travail sur elle-même qu’elle reprend ses études pour devenir aidante, et c’est aujourd’hui en prenant la plume et en donnant la parole à la Sale Gosse enfouie en elle, qu’elle finalise son cheminement intérieur.

 

De nombreuses personnes, même parmi son entourage, apprendront grâce à ce livre une partie de son histoire. Il y a un temps pour tout, un temps pour se libérer du regard de l’autre et ne plus avoir honte, un temps pour témoigner et dire qu’un enfant de la DDASS est avant tout un enfant en souffrance, qu’il est primordial de le respecter comme tel.

 

Vous n’avez aucune idée, dit-elle, de ce qui se passe dans la tête d’un enfant qui subit tant d’humiliations, un enfant qu’on dépersonnalise jusqu’à ce qu’il perde l’espoir. Vous n’avez aucune idée du nombre d’années qu’il faudra à cet enfant pour se redresser, se tenir debout seul, se sortir de ses peurs et du silence, du nombre d’années pour oser regarder les gens en face, pour oser vivre.

 

Dans ce second livre, Patricia Robert raconte son enfance, dans le but de faire comprendre que peu importe ce qui nous arrive, nous avons le pouvoir de transformer les épreuves en force, et d’en faire quelque chose. Elle apportera des précisions concrètes sur l’enfance en danger, avec des chiffres, notamment sur l’abandon, et sur les conséquences des violences sexuelles faites aux enfants. Vous trouverez dans son récit quelques pistes de réflexion sur l’éducation, et des propositions pour accompagner ces enfants à se reconstruire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Première partie

 

Mon histoire

 

 

 

 

 

Je me jette du haut de la falaise, pourtant, si vous saviez comme j’ai le vertige ! Je vais vous raconter mon histoire, non pas pour entrer dans la lumière, mais pour ouvrir le champ des possibles du travail personnel par l’écriture, et si ce livre aide une seule personne, alors cela me suffit.

 

J’ai découvert le travail tumultueux de se replonger dans le passé, les souvenirs douloureux qu’on regarde en face, et ce retour en arrière nécessaire pour poser des maux avec des mots. Mon récit est un chemin d’espoir sur les possibilités de vivre avec un fracas intérieur, c’est le récit d’un parcours vers une libération de femme.

 

Je suis passée par toutes les émotions, j’ai revécu l’impensable. La peur, les larmes, la colère et la joie m’ont accompagné tout au long de ces deux années d’écriture et de travail de souvenirs. J’ai parfois voulu tout arrêter, mais le but de ce livre est aussi de créer une association pour aider et soutenir les enfants en danger, les sales gosses, les invisibles, les inclassables, ceux dont on ne parle jamais. Cette idée m’a porté tout au long de mon investigation personnelle, et je sais aujourd’hui que c’est un des sens que je donne à ma vie.

 

Par ce récit, j’apporte mon témoignage, dans l’espoir d’aider d’autres personnes et plus particulièrement, les enfants en reconstruction, comme une forme de passation. Tout est possible, il suffit d’y croire et de cheminer jusqu’à sa juste place. C’est un livre que j’ai voulu simple et accessible, je n’écris pas en tant que psy mais comme une femme qui raconte son histoire. Démystifier la planète psy et me mettre à la portée de tous a toujours été mon cheval de bataille.

 

S’il n’y a qu’une seule chose à retenir de mon parcours, c’est que tout est possible ! Ce n’est pas parce que la vie semble mal partie que c’est immuable. Je ne dis pas que c’est simple, mais seulement que c’est possible. J’ai cette chance d’être une résiliente naturelle, je le suis depuis toute petite… Pourquoi ? Comment ? Je n’ai pas les réponses. Ce que je sais, c’est que je n’ai jamais voulu être considérée comme une victime, mais bien comme responsable de ma vie.

 

Je ne peux pas commencer ce livre sans vous partager les devises qui me suivent depuis toujours, mes étendards.

 

Je ne suis pas responsable de ce qu’on a fait de moi, mais je suis responsable de ce que je fais de ce qu’on a fait de moi.

 

Jean Paul Sartre

 

Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester mais comprendre.

 

Baruch Spinoza

 

Mûrir, c’est apprendre à chercher des solutions plutôt que des coupables.

La base de mon travail a été de trouver mes propres solutions, et d’assumer ma responsabilité d’adulte pour essayer de cheminer le mieux possible.

Aujourd’hui, je ne rêve plus d’une autre histoire, car c’est grâce à ce chemin de vie là que je suis devenue celle que je suis. Tout n’a pas été simple mais aujourd’hui, je suis fière de mon parcours. Tant qu’il y aura de la vie et de l’espoir, je continuerai à progresser, à cheminer, aidée par l’amour de l’humain qui me porte et me portera pour toujours.

 

Le malheur n’est jamais pur, pas plus que le bonheur. Un mot permet d’organiser une autre manière de comprendre le mystère de ceux qui s’en sont sortis : la résilience, qui désigne la capacité à réussir, à vivre, à se développer en dépit de l’adversité.

 

Boris Cyrulnik/Antoine Spire, Le Monde de l’éducation,

mai 2001

 

 

 

 

 

Je me tue

 

Le silence est une douleur

La douleur de ne pas dire

Dire des mots non compris

S’exprimer, c’est dépasser sa peur

Cette peur qui nous enferme

Parfois dans la peur du ridicule

Pour avoir la paix, je la ferme

Et je me dis, j’attendrai encore

Et pourtant ça serait une délivrance

De sortir de cette souffrance

J’y pense et je capitule

Je retourne à mon silence

Je repousse encore ce moment

Mon corps hurle de douleur

De ne pas pouvoir s’exprimer

Je me promets

Un jour de m’abandonner

À tout te raconter

Sans avoir peur d’être rejetée

 

Extrait du livre La Sale Gosse, LeLys Bleu Éditions

 

 

 

 

 

J’ai seize ans quand mon cauchemar prend fin. Je n’en ai pas conscience à ce moment-là, mais mes souffrances s’arrêtent en même temps que commence ma liberté, la liberté de dire stop à une vie de mépris, de violences, d’humiliations et de dépersonnalisation. Par l’acte que je commets ce jour-là, je dis à tous que je ne veux plus de cette vie, que je suis à bout de forces, de ne pas être écoutée, de ne pas être crue, d’être la sale gosse, l’invisible traitée de menteuse, insultée et rabaissée. Enfin je hurle stop, je crie au secours, j’ose dire foutez-moi la paix. La paix, c’est ce que je veux plus que tout et pour ça, je dois partir loin de cette vie. Je n’ai pas le choix, du haut de mes seize ans du moins, je n’en vois pas d’autres. Que pouvais-je faire d’autre ? C’était ma seule issue.

 

Je me souviens du noir dans lequel je me trouve et du bruit qui m’entoure, réveille-toi ! Pourquoi as-tu fait ça ? Il y a un tuyau dans ma bouche qui me fait mal. Je me sens comme dédoublée, comme dans un brouillard. Il y a de l’agitation autour de moi, Patricia, reviens avec nous puis cette voix lointaine, on va la perdre. Après ça, plus rien.

Je me réveillerai trois jours plus tard. On m’expliquera alors que je suis restée trois jours dans le coma et que j’ai failli mourir. Ça ne m’impressionne pas, je suis morte depuis longtemps déjà.

J’ai seize ans et je me réveille à l’hôpital après une tentative de suicide.

Je vais vous raconter pourquoi et comment j’en suis arrivée là.

 

 

 

 

 

 

Le suicide : fuir la souffrance

 

Dans son livre paru aux éditions Albin Michel en 2009, Après le suicide d’un proche : Vivre le deuil et se reconstruire, le docteur Christophe Faure écrit  :

 

« Ce n’est pas un acte délibéré : les tentatives de fuir la souffrance sont inhérentes à l’être humain. On veut tout simplement arrêter d’avoir mal.

Ainsi, les premiers temps du deuil sont souvent marqués par une sorte d’agitation intérieure qui s’empare de l’esprit et dont l’objectif est de court-circuiter la douleur.

D’une certaine manière on fait “comme si”, comme si on pouvait annuler ce qui s’est passé, en montrant à soi-même et à autrui que la vie peut continuer comme avant, comme si rien n’avait changé. L’espoir sous-jacent est de pouvoir rapidement amortir le choc, sans avoir à reformuler la totalité de son existence. Alors, on court, on court aussi vite qu’on peut, pour ne pas être rattrapé par ce raz-de-marée qui menace de déferler sur soi. On court pendant des semaines, on court pendant des mois… et lentement on s’épuise. On ne s’en rend pas compte tout de suite ; ce sera plus tard, quand on n’aura plus d’énergie pour maintenir à distance la réalité.

Mais, pour l’instant, l’urgence est de faire comme si on pouvait neutraliser l’absurde.

Mais chacun est unique et réagit à sa manière. Cette tentative de mise à distance de la douleur passe aussi par le retrait, le besoin de vide, le silence, l’envie de ne pas bouger et de rester immobile car le moindre geste fait mal.

Quoi qu’il en soit, ce temps de "fuite" est comme un temps d’ajustement à une situation nouvelle, comme un espace de transition entre votre monde d’avant et votre vie à venir.

Chacun le vit à sa manière, il n’y a pas de règle définie.

Cette tendance à vouloir "fonctionner" comme “avant” est naturelle. »

 

 

 

 

 

 

Mon enfance

 

 

 

Si vous voulez comprendre pourquoi je n’ai rien dit, il vous suffit de chercher ce qui m’a forcé à me taire. Je vais donc me taire pour me protéger. Le honteux aspire à parler, mais ne peut rien vous dire tant il craint votre regard. Alors il raconte l’histoire d’un autre qui, comme lui, a connu un fracas incroyable. À la honte qui me fait me taire s’ajoute, si je parle, la culpabilité de vous entraîner dans mon malheur. Chacun de nous a connu la honte, que ce soit deux heures ou vingt ans. Mais ce poison de l’existence ne crée pas un destin inexorable.

 

Boris Cyrulnik, Mourir de dire – La honte,

Éditions Odile Jacob

 

 

Aujourd’hui, je n’ai plus honte de mon histoire, et je vais vous la raconter.

 

Je suis née le 20 avril 1960 et j’ai vécu avec ma famille en région parisienne. Ma famille comprend mes parents et mes sept frères et sœurs, dont un frère trisomique qui décédera à l’âge de 10 ans d’un arrêt cardiaque, je ne l’ai pas connu. Je suis l’avant-dernière, j’ai la sixième place.

 

Je n’ai habité que très peu de temps avec mon père, il a vite été déchu de ses droits paternels à cause de son alcoolisme. Ma grande sœur, qui a davantage de souvenirs de cette période, dit qu’il me protégeait de la violence qui m’entourait. Elle se rappelle la violence de ma mère envers moi alors que je n’étais qu’un bébé. Sur six enfants, je suis la seule aux cheveux blonds, comme mon père. Peut-être était-ce pour ça que ma mère ne me supportait pas ? Parce que je lui rappelais mon père ? Dans cette famille, j’ai toujours été celle qui prenait pour les autres.

Après la décision de justice d’éloigner mon père de nous, décision que j’apprendrai des années plus tard, ma mère, se retrouve seule avec sept enfants. Elle ne travaille pas et ne peut pas subvenir à nos besoins. Elle décide de nous placer à l’assistance publique le temps de se refaire une santé financière, un placement qui durera environ dix ans.

 

Je vais alors vivre des années de dépersonnalisation, de dévalorisation, de violences physiques et psychiques. Quand j’arrive à l’assistance publique de Chartres, j’ai moins de deux ans, je n’en garde aucun souvenir. Ma grande sœur avait onze ans et la petite moins d’un an. Mes deux sœurs, mes trois frères et moi sommes arrivés en même temps, au même endroit. Ma grande sœur me raconte que nous sommes sur ses genoux, ma petite sœur et moi, et qu’on pleure beaucoup, étant notre aînée, elle s’occupe des plus petits. Elle se souvient que c’est notre mère qui nous dépose ici et qu’elle repart assez rapidement.

 

Pendant la première année, notre fratrie reste ensemble dans la pension, ensuite et pour une question d’âge et de places, nous avons été séparés en deux. Je suis partie dans une autre pension avec ma petite sœur et mon frère d’un an de plus que moi. Ma grande sœur se rappelle combien elle était dévastée de ne plus pouvoir veiller sur nous. Cette séparation me fera oublier mes deux grands frères et ma grande sœur, ils deviendront pour moi des étrangers.

 

Les premiers souvenirs précis que je garde de mon enfance datent de cette nouvelle pension, j’étais une grande parmi les petits et de ce fait, je m’occupais des autres enfants. Je me souviens de William, que je voyais comme un vrai poupon et avec qui je passais beaucoup de temps, à cinq ou six ans je savais déjà comment on change une couche de bébé. Pendant cette période, je découvre le plaisir du sport, un plaisir qui me restera toute ma vie. Les moments dédiés au sport me permettaient d’être une enfant comme les autres, je jouais, je riais et personne ne me l’interdisait. On jouait à la balle aux prisonniers, au football, déjà, je n’aimais pas perdre ! C’était une véritable échappatoire. À ce jour, le sport tient une place essentielle dans ma vie, ça a été un tuteur de résilience et ma joie à le pratiquer est intacte. J’ai également de bons souvenirs de l’école, on allait à l’école de la ville la plus proche de la pension, ici aussi, j’étais comme les autres. Même si tout le monde savait qu’on était les gosses de la DDASS.

 

À cette époque, tous les enfants portaient des tabliers, ainsi, aucune différence et ça m’allait très bien. J’aimais apprendre, motivée par la récompense de la directrice du pensionnat qui invitait l’enfant qui ramenait le plus de bons points ou d’images à regarder la télévision avec elle dans le petit salon de son bureau. Je me souviens encore de ma petite boîte en fer où je mettais mes bons points, au bout de dix bons points, on avait une image et cinq images nous donnaient le droit à une grande image. Je me battais toujours pour être choisie par la directrice, et je me souviens comme je me sentais privilégiée d’être seule avec elle. Pour avoir un peu de reconnaissance et un peu d’attention, je travaillais beaucoup. Parfois, elle passait dans le réfectoire et offrait une récompense au premier qui répondait à sa question de culture générale, j’ai appris à être très rapide. Je me vois encore monter les marches en marbre qui allaient jusqu’à son bureau.

 

Pour mettre des images d’aujourd’hui sur mes souvenirs d’hier, j’ai fait des recherches sur ce lieu et dernièrement, j’ai vu une image de ces marches sur la page Facebook de la mairie d’Épernon en Eure-et-Loir, j’ai eu un pincement au cœur. Sur la page Épernon au fil du temps, j’ai écrit :

 

Bonjour,

Je suis à la recherche d’informations sur la mairie d’Épernon.

Cet endroit était un institut qui s’appelait le Botel, des enfants de la DASS y étaient placés.

J’ai été une de ces enfants et je suis en train d’écrire mon histoire.

Aujourd’hui, j’habite à Angoulême où il y a une rue d’Épernon, il n’y a pas de hasard.

Certains d’entre vous peuvent peut-être me donner des informations.

À quelle date cet endroit est devenu la mairie ?

À quelle date ce Botel a-t-il était fermé ?

J’ai quitté cet endroit en 1970.

Merci à vous.

Bien à vous,

Patricia Robert

 

 

J’ai reçu plus de cinquante réponses d’une gentillesse incroyable, et pleines d’informations.

J’ai appris que cet endroit qui s’appelait Botel avait été racheté par la mairie en 1980, l’année de naissance de mon fils. J’ai pris connaissance des liens historiques de cette ville avec la Charente et le Périgord et j’ai appris que Joséphine Baker y avait séjourné et que neuf de ses enfants y étaient placés dans les années 1968-1969.