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Extrait : "Il y a beaucoup de façons de raconter en quelques pages une randonnée automobile de 17. 000 kilomètres, telle que celle qui nous mena de Saïgon à Paris, parce qu'on peut l'envisager sous de multiples points de vue. Si j'avais le talent de Pierre Loti, je vous parlerais des fleurs, des parfums de l'Orient ou de la couleur des yeux des femmes."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :
Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :
• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 151
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Aux Fervents de l’Automobile
Aux Amateurs de grand Tourisme et de Voyage
Mon camarade de Comité, au retour de sa grande randonnée Saigon-Paris, au moment de mettre sous presse le récit passionnant de son voyage, m’a demandé comme présidant depuis 10 ans, aux destinées de l’Automobile Club Sud Indochinois, de le préfacer.
Qu’il me permette ici de me récuser, car l’opuscule que vous allez lire serait réellement profané par une préface.
L’ouvrage est en effet passionnant, d’une simplicité émouvante ne cherchant à intéresser le lecteur ni par aucune aventure extraordinaire ni par aucun bluff.
La première partie montrera comment des hommes courageux et une charmante jeune femme ont pu réaliser un véritable tour de force ; cette partie certainement fera des adeptes et beaucoup d’amateurs du volant rêveront à leur tour de franchir déserts, montagnes, pays exotiques, aussi facilement qu’ont pu le faire BARUÉ et ses compagnons.
La deuxième partie est entièrement documentaire et fournira à tous les voyageurs des éléments de toutes sortesqui rendront beaucoup plus aisée la préparation même d’un voyage.
Il faut pourtant dire les choses comme elles sont et ne pas dissimuler aux lecteurs ce que représente de ténacité, d’entêtement, d’activité, de travail, toute cette deuxième partie que l’ami BARUÉ a mis trois années entières à mettre au point après des échanges de correspondances qui constituent un volume que sa robuste Citroën aurait eu du mal à transporter à travers le Continent.
Amis lecteurs, l’ouvrage que vous allez lire n’a pas besoin d’être commenté, lorsque vous l’aurez lu, vous serez le premier à dire qu’une préface était inutile, vous vous inclinerez devant le tour de force accompli par BARUÉ, sa jeune femme et leur compagnon d’une partie du voyage et vous souhaiterez à votre tour jouir des sensations de liberté, d’indépendance et de joie que donne à ses adeptes le grand tourisme.
Puisse le remarquable ouvrage de BARUÉ développer encore le goût de ces grands voyages qui sont la plus belle école d’énergie et de patience.
Colonel SÉE,
Grand Officier de la Légion d’Honneur
Président de l’Automobile Club
Sud Indochinois.
Les gens qui quittent l’Indochine pour aller passer un congé en France peuvent être classés en trois catégories :
1° ceux qui sont pressés.
2° ceux qui aiment leurs aises ou qui ont des enfants.
3° les autres.
Les premiers prennent l’avion, les seconds prennent le bateau. Nous ne nous occuperons ici que des « autres ». Il y a encore, Dieu merci, des gens qui ne sont pas pressés. D’ailleurs, il est curieux de constater que, du jour où l’avion a relié l’Indochine à la Métropole en trois fois moins de temps que le bateau, une quantité de gens lui ont tourné le dos et ont pris le chemin des écoliers en rentrant par l’Amérique. Il y a aussi des gens qui sont las de rester pendant des semaines entre le ciel et l’eau dans des prisons flottantes où l’on est voué à l’inaction, où il n’existe pas même une salle de gymnastique où l’on puisse détruire les effets d’une chère trop copieuse. Il y en a qui, n’étant plus attirés par les boutiques de Port-Saïd, les danseuses noires de Djibouti, ni par l’excursion de Kandy dans une mauvaise voiture, aspirent à voir quelque chose de nouveau. C’est pourquoi certains passent par l’Amérique, et nous les comprenons. Mais il y a aussi des gens qui ont le goût de l’aventure, qui rêvent de parcourir des pays étranges, de contempler l’Himalaya, d’approfondir leurs connaissances des races, des religions et des coutumes de l’Orient.
C’est à leur intention que ce modeste guide a été écrit, dans le but de les faire profiter de notre expérience, de leur montrer qu’ils peuvent réaliser leur rêve sans grandes difficultés, sans fatigue excessive, et surtout sans qu’il leur en coûte trop cher.
Certes il est possible de brûler les étapes. Le trajet Londres-Calcutta a été effectué une fois en voiture, par la voie la plus courte, en 33 jours. Ce n’est pas cela qui nous intéresse. Nous conseillons le vrai tourisme, par petites étapes, en visitant à loisir les monuments merveilleux qui jalonnent la Route des Indes, en faisant tous les détours qui en valent la peine, par exemple par le Cachemire. Tout cela, sans se fatiguer inutilement, avec tout le confort possible, pour ne rien enlever aux joies du voyage.
Nous avons mis 78 jours pour aller de Calcutta à Paris, ce qui fait environ 200 kms par jour. C’est encore trop rapide à notre avis. Surtout si une femme fait partie de l’expédition, il vaut mieux se baser sur trois mois, de façon à diminuer la fatigue en s’arrêtant de temps à autre pendant plusieurs jours dans un bon hôtel, ce qui revient moins cher que de rester à Paris.
Plusieurs Anglais sont déjà rentrés en auto des Indes en Europe, mais sans passer par l’Afghanistan. Nous en avons connus qui emmenaient un chauffeur, d’autres un mécanicien. Il y en a même un qui partit avec 2 voitures, 2 mécaniciens et un cuisinier. Tout cela est superflu. Il est bien préférable de voyager avec un ami qui prend le volant à son tour. Si l’on connaît un tant soit peu sa voiture et qu’on n’est pas trop maladroit de ses doigts, on n’a pas besoin de mécanicien.
Il est difficile de donner des conseils sur la routine journalière de la piste. Certains préféreront démarrer au petit jour et se reposer l’après-midi. En ce qui nous concerne, étant donné le temps nécessaire chaque matin pour l’arrimage du matériel, il était rare que nous nous mettions en route avant 8 heures. Nous roulions jusqu’au milieu de la journée, puis nous faisions un arrêt de deux heures environ et nous roulions à nouveau jusqu’au coucher du soleil. Nous faisions notre cuisine nous-mêmes, ce qui est un jeu avec un « primus », et nous avions ainsi de vrais repas chauds qui réparent mieux les forces que des sandwiches ou des sardines.
Les distances que l’on couvre en une journée sont évidemment fonction de l’état du terrain. Il faut les évaluer, non pas en kilomètres, mais en moyennes horaires. Nous donnons ci-dessous un relevé de ce qu’on peut considérer comme d’honnêtes moyennes pour chaque pays :
SYRIE ET PALESTINE : Routes parfaites jusqu’au désertdu Sinaï.
SINAÏ : 50 kms à l’heure.
ÉGYPTE : 40 kms à l’heure
GRÈCE : 30/40 kms à l’heure.
BULGARIE : 20/30 kms à l’heure.
YOUGOSLAVIE : 40/50 kms à l’heure.
HONGRIE : Route parfaite jusqu’à Paris.
Il ne faut nullement s’inquiéter de ne pas connaître les langues des pays qu’on traverse. Il est même très amusant, d’après nous, d’essayer de se faire comprendre dans une langue inconnue. D’ailleurs, comme nous l’expliquons dans la première partie de ce guide, la langue française est incontestablement la langue étrangère la plus répandue en Orient, et nous avons été ébahis de découvrir qu’en Afghanistan comme en Iran, même les classes moyennesparlent français. La langue anglaise peut être utile aux Indes lorsqu’on s’adresse aux directeurs d’hôtels. Mais elle est inutile quand on s’adresse aux Hindous dont aucun ne semble connaître l’anglais, pas même les boys d’hôtels. Tous les Anglais apprennent les dialectes de la colonie où ils résident. Les Français par contre enseignent leur langue aux indigènes. Nous ne serions pas étonnés qu’il y ait davantage d’Annamites sachant le français que d’Hindous parlant anglais, malgré la différence numérique considérable entre les deux peuples. Par conséquent la langue anglaise, si elle est utile au Siam et en Malaisie, ne sert pas à grand-chose ensuite. Il y a même des pays comme l’Afghanistan et l’Iran où il est bon de ne pas parler anglais. Par contre nous avons composé un court vocabulaire des mots persans les plus usuels qui peut rendre quelques services entre l’Afghanistan et l’Égypte.
Nous avons divisé ce guide en quatre parties :
1°) Récit descriptif du voyage, tel qu’il a été publié dans le numéro de Mars 1936 de « Sciences et Voyages ». Nous avons abrégé ce récit le plus possible, sans décrire tous les incidents de route, ce qui deviendrait vite fastidieux pour le lecteur. Nous avons surtout insisté sur l’intérêt passionnant que présente ce voyage à tous points de vue, et ceux qui le feront après nous ne nous contrediront certainement pas.
2°) Partie documentaire, où nous avons condensé tous les renseignements nécessaires à la préparation du voyage. Il est évident que les précisions que nous donnons, si elles étaient vraies à l’époque de notre voyage, ne le sont plus nécessairement aujourd’hui. Ceci s’applique spécialement aux visas et documents requis. Ainsi la liste des pays où le Carnet de Passages en Douane est reconnu, se modifie sans cesse. Il faut donc ne pas attendre la dernière minute pour contrôler nos renseignements auprès des organismes compétents. Nous avons aussi indiqué les cours du change au printemps 1935, non dans le but de fixer l’équivalence des monnaies toujours variable, mais pour donner la liste des unités monétaires de chaque pays et leur correspondance très relative par rapport au franc.
3°) Itinéraires divers, non seulement sur la route que nous avons suivie, mais sur plusieurs variantes que le voyageur est susceptible de prendre, notamment si les conditions climatériques du moment ne lui permettent pas de suivre l’itinéraire projeté. Là encore, les renseignements que nous donnons, en particulier sur l’état des routes et des pistes, ne sont fournis qu’à titre indicatif. Les distances sont également approximatives car le tracé des pistes est changeant. D’un autre côté, si nous nous sommes efforcés de réduire les erreurs du compteur de la voiture, il s’en faut de beaucoup que le kilomètre ait la même valeur dans tous les pays.
4°) Vocabulaire des mots persans usuels. Nous reconnaissons qu’il eût été préférable de donner chaque mot en écriture arabe. Nous avons dû y renoncer en raison des frais élevés d’impression.
Ce guide est destiné spécialement à ceux qui désirent entreprendre avec leur propre voiture le voyage d’Indochine en France. Cependant cette formule est trop exclusive. Il n’est pas rigoureusement indispensable de partir avec une voiture. Si l’on n’est pas très amateur du volant, il est possible de suivre presque le même itinéraire que le nôtre, en utilisant des moyens de locomotion variés. Il est probable que ce procédé sera non seulement moins pénible, mais aussi plus économique. Voici par exemple un itinéraire.
Nous gagnons Calcutta par mer ou par avion. Nous traversons les Indes en chemin de fer, en nous arrêtant à tous les points les plus intéressants : Bénarès, Agra, Delhi, etc… Nous descendons sur Jaipur, puis sur Karachi. Là nous prenons un bateau avec lequel nous remontons le Golfe Persique jusqu’à Bushire. Si nous dédaignons les cars indigènes, nous pouvons louer une voiture qui nous mène par Shiraz et Ispahan jusqu’à Téhéran d’où nous joindrons facilement le Transsibérien par la Caspienne, à moins que nous ne continuions sur Baghdad en auto. Si nous craignons que cette formule ne soit trop onéreuse, nous remontons le Golfe Persique jusqu’à Bassorah d’oùun car nous emmène à Baghdad. La traversée du désert de Syrie se fait très confortablement dans les pullmans de la Cie Nairns. À Beyrouth, nous pouvons nous embarquer pour Athènes, Brindisi ou Marseille. Nous pouvons aussi remonter en chemin de fer jusqu’à Constantinople. Là nous prenons un bateau pour Constanza, Bucarest et Rustchuk d’où nous remontons en bateau le Danube jusqu’à Budapest.
Nous ne serions pas étonnés que le total des frais de transport encourus pour un voyage aussi intéressant restât inférieur au prix du passage en première classe par bateau de Saigon à Marseille. D’un autre côté, il en coûte moins de vivre à l’hôtel à l’étranger qu’à l’hôtel en France. Combien d’hôtels excellents n’avons-nous pas rencontrés où nous aurions pu vivre en pension complète pour 25 ou 30 francs par personne et par jour !
Il existe évidemment une quantité de variantes au retour en Europe par voie de terre. Chacune présente plus d’intérêt que la traversée par mer de Saigon à Marseille, et, comme nous l’avons montré, on peut se dispenser d’emmener une voiture. L’itinéraire que nous avons décrit ci-dessus ne présente aucun danger. Nous connaissons une jeune fille norvégienne qui l’a entrepris seule.
On trouvera dans la troisième partie du guide des renseignements sur la traversée de la Chaîne Birmane, c’est-à-direpour aller par terre du Siam en Birmanie. Cette traversée ne peut se faire qu’à pied ou à cheval. Néanmoins nous avons pensé que nos renseignements pourraient intéresser certains de nos lecteurs. Nombreux sont les Indochinois qui peuvent prendre un congé de 3 semaines ou un mois pendant leur séjour à la colonie. Qui les empêche, s’ils aiment le sport, de s’embarquer à Réam pour Bangkok, de passer la Chaîne Birmane, et de revenir de Rangoon en Indochine par mer ou par air ?
Le voyageur qui part pour l’Orient nous permettra, en guise de péroraison, de lui donner un conseil. Il faut se garder d’affecter des airs conquérants, de choquer les individus, principalement en Afghanistan où subsiste une défiance très prononcée envers l’Européen, l’Infidèle. Il faut s’attendre même parfois à une certaine hostilité. La meilleure méthode pour en triompher est de garder son sang-froid et, tout en montrant qu’on n’a peur de personne, répondre aux menaces par des sourires et des morceaux de sucre ou de chocolat. Il faut surtout n’être pas armé. En Afghanistan, les dames ne devront pas se promener bras nus ou jambes nues. C’est une des choses qui choquent le plus l’Afghan.
Toutefois on pourra faire exception à la règle vis-à-vis de la police persane… D’ailleurs un monde sépare l’Afghan du Persan.
H.B.
Il y a beaucoup de façons de raconter en quelques pages une randonnée automobile de 17 000 kilomètres, telle que celle qui nous mena de Saigon à Paris, parce qu’on peut l’envisager sous de multiples points de vue. Si j’avais le talent de Pierre Loti, je vous parlerais des fleurs, des parfums de l’Orient ou de la couleur des yeux des femmes. Si j’étais Américain, je vous dirais que nous avons accompli le plus long voyage automobile de l’année, consommé deux tonnes et demie d’essence et crevé quatorze fois, sans compter les éclatements, ou bien que nous avons établi un record en nous baignant successivement dans l’Océan Pacifique, l’Océan Indien, la Caspienne, la Mer Morte, la Méditerranée et l’Atlantique. Sans être aussi matérialiste, je pourrais résumer cette expédition en quelques mots, à savoir que lorsque je n’étais pas dans la voiture, les mains crispées au volant, je maniais la pelle dans le sable ou dans la boue pour nous frayer un chemin, ou que j’étais couché sous la voiture pour réparer les freins.
Je ne veux me livrer à aucune fantaisie, tout en essayant d’intéresser les lecteurs de Sciences et Voyages. Je vais condenser tout ce que nous avons vu et raconter quelques-uns des épisodes que nous avons vécus. Puisse le récit ne pas en être trop ingrat, puisse-t-il surtout inciter ceux qui disposent d’assez de temps, à marcher sur nos traces sans se laisser décourager par les pistes effroyables que nous avons suivies.
Je ne me poserai pas en héros. Tout homme normalement constitué, tout « Français moyen », suivant la formule à la mode, peut faire ce que nous avons fait, car il n’y a aucun mérite à tenir un volant. Par contre, je ne puis m’empêcher d’évoquer le courage de ma femme qui a supporté sans faiblir trois mois et demi de privations, secouée sans pitié pendant le jour, passant le plus souvent la nuit à la belle étoile dans un lit de camp pas plus grand qu’elle, subissant sans se plaindre le froid, le vent, la poussière, la chaleur et la soif, avec juste assez d’eau pour boire mais pas pour se laver, obligée de surmonter sa fatigue le soir à l’étape pour préparer le dîner.
Je ne vous raconterai pas non plus d’histoires de brigands, n’en ayant pas vécu. Alors que de nombreux journaux étrangers ont manifesté un grand intérêt envers notre randonnée et que je dus donner à l’étranger plusieurs conférences, les quotidiens français ont fait la moue quand nous leur avons avoué que nous n’avions été rançonnés par aucun bandit. Je m’en félicite d’ailleurs, puisque nous n’avions pour toute arme qu’un canif.
Avant de vous faire entreprendre avec nous ce voyage, il ne me semble pas inutile de vous dire quelques mots sur le but que nous nous proposions. Notre intention n’était pas d’établir un record ni de tenter l’impossible, mais seulement d’effectuer une liaison originale entre l’Extrême-Orient et la Métropole, par une voie infiniment plus intéressante que celle des paquebots. Nous voulions prêcher en faveur du grand tourisme, prouver qu’un pareil voyage est parfaitement réalisable avec une bonne voiture de série, qu’il ne présente aucune difficulté insurmontable à condition qu’il soit accompli à la bonne époque, et qu’il offre au fond peu de dangers. D’autre part, ce voyage présente un intérêt considérable. Grâce à l’automobile, nous avons pu traverser les Indes, monter dans le royaume de Cachemire, pénétrer au cœur de l’Afghanistan, suivre les grandes routes de l’antiquité, celles de Darius et d’Alexandre, la Route de la Soie, sillonnées depuis des millénaires par les mêmes caravanes. Toutes les races de l’Orient et de l’Extrême-Orient ont défilé devant nos yeux avec leurs coutumes, leurs habitats et leurs religions. Peut-il exister itinéraire plus varié et plus passionnant ?