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Au début du XXᵉ siècle, Paris subit à plusieurs reprises les terribles crues de la Seine. Pour dompter le fleuve et protéger la capitale, des ingénieurs décident de bâtir un barrage-réservoir dans la Marne. Ainsi naîtra le lac du Der, le plus grand lac artificiel d’Europe. Mais sous ses reflets paisibles dorment trois villages engloutis, trois cents vies déracinées, des souvenirs effacés par les flots. Là où s’étendaient des champs et résonnaient des rires d’enfants, ne subsiste qu’une mémoire noyée, que l’histoire tente aujourd’hui de faire remonter à la surface.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Romancière de fiction, Laure Lacoume a choisi, cette fois, d’écrire la vérité. Elle écrit comme on recueille une confidence. Dans le murmure d’un témoin, elle entend la mémoire d’un monde englouti et les échos d’une humanité blessée. Ses mots portent la tendresse des disparus et la lumière de ceux qui refusent d’oublier, une histoire vraie devenue acte de mémoire et devoir de transmission.
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Seitenzahl: 56
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Laure Lacoume
Des destins bouleversés
Récit de Monsieur Claude Nicolas
© Le Lys Bleu Éditions, Paris, 2025
www.lysbleueditions.com
ISBN : 979-10-422-9207-2
Tout a commencé par un appel téléphonique. Un jour, je trouvai un message sur mon répondeur : c’était la voix d’un homme qui déclinait son identité, Monsieur Claude Nicolas, et son âge, 92 ans. Il me disait qu’il avait été maire du village de Giffaumont au moment de la mise en eau du lac du Der, et qu’il aimerait qu’on l’aide à écrire cette histoire, dont il avait été un témoin privilégié. Il ajoutait être régulièrement sollicité pour rédiger ses mémoires.
Il avait vu mon nom dans un article de presse qui parlait de mon dernier roman et il pensait que je pourrais l’aider. Je le rappelai, il m’expliqua son projet : raconter dans un livre tout ce qu’il avait vécu comme maire et agriculteur lors de la mise en eau du lac du Der. Il voulait faire connaître l’histoire des 3 villages disparus. Ce témoignage était irremplaçable. L’aventure me séduisit tout de suite.
Nous nous rencontrâmes trois semaines après cette discussion. L’accueil fut très sympathique, le courant passa aussitôt et l’aventure commença. Monsieur Nicolas parlait, parlait… Il me racontait l’histoire des villages disparus. Il avait écrit quelques pages qu’il me donna. Je l’écoutais, je prenais des notes…
Rentrée chez moi, je relus ce que j’avais noté. Peu à peu, je plongeai littéralement dans cette histoire. Je découvris la genèse de ce projet qui datait du début du siècle. Le lac réservoir devait protéger Paris des inondations. J’écrivis quelques pages, je retournai voir Monsieur Nicolas, je lui lus ce que j’avais rédigé et quelques larmes coulèrent sur son visage. Je m’arrêtai. Nous avions fait un bond dans le passé. Il était à nouveau dans sa ferme, je marchais à ses côtés et nous construisions ensemble la suite du récit. Nous parcourions ses pâtures, nous rencontrions ses voisins paysans, ses administrés qui avaient tous quelque chose à dire…
Je le voyais se démener pour que chacun s’en sorte correctement et ne soit pas trop lésé par les expropriations à venir. Il ne ménageait pas sa peine !
Nous nous vîmes plusieurs fois et à chaque fois, il me rapportait des faits nouveaux auxquels il n’avait pas pensé depuis des années et qui revenaient maintenant.
Cette histoire n’est pas ordinaire. Elle raconte la colère et la tristesse de dizaines de famille obligées de quitter leurs terres et celle de leurs ancêtres. Les mots trouvés par Monsieur Nicolas m’ont profondément touchée. C’est un témoignage poignant qui redonne vie à toutes ces personnes oubliées par l’histoire.
« Tiens, si on allait passer la journée au lac du Der ? »
Cette proposition bien alléchante promet de très beaux moments. Navigation à la voile, pêche, promenade à pied ou à vélo sur la digue, balades en forêt, observation de la faune et de la flore, accrobranche, casino, déjeuner au restaurant…
Toutes ces activités sont désormais possibles au lac du Der-Chantecoq. Mais les promeneurs connaissent-ils l’histoire de ce lac ? Pourquoi le nom de Der ? Et pourquoi Chantecoq ?
Le mot « Der » vient du celte « Dervois » qui signifiait « chênes ». Ils étaient innombrables dans les forêts du bocage, ces arbres fiers et droits qui surveillaient les alentours depuis des centaines d’années.
Toutes ces personnes qui viennent profiter du lieu savent-elles que cet ouvrage a enseveli les 3 villages de Nuisement-aux-Bois, Champaubert-aux-Bois et Chantecoq (dont il ne reste que le nom) ainsi que 70 % du finage de Giffaumont lors de sa mise en eau ? Imaginent-elles le chagrin des habitants qui ont vu leur domicile partir en fumée et qui se sont relogés loin de leur terre ? La terre qu’ils aimaient, la terre qu’ils avaient travaillée, la terre sur laquelle ils avaient construit leur maison à pans de bois ?
J’y étais. Je m’appelle Claude Nicolas et j’ai été le 1er maire de ce qu’on appelle Le Grand Der.
J’ai assisté aux réunions, aux manifestations, aux expropriations, aux exhumations… J’ai dû faire face à la colère, à l’incompréhension, à la détresse…
J’ai vu ces visages marqués par la tristesse, j’ai moi-même dû dire adieu à ma ferme.
Les ingénieurs des villes et notamment de la capitale avaient scellé notre destin plusieurs décennies auparavant, lorsqu’ils avaient décidé de construire un lac réservoir pour réguler le cours de la Seine grâce à une dérivation de la Marne.
Protéger Paris des inondations en hiver et apporter de l’eau en été pour lutter contre les périodes de sécheresse. Tel était le projet.
Mais nous, nous n’avions rien demandé. Nous étions heureux et menions des vies simples et modestes. Nous travaillions la terre, nous élevions des bêtes, nous profitions du gibier présent dans la région, nous pêchions…
En 2024 ont été fêtés les 50 ans de la mise en eau du lac. Beaucoup de manifestations ont mis à l’honneur les installations touristiques qui attirent chaque année des milliers de personnes venant du monde entier.
Mais il ne faut pas oublier tout ce qui s’est passé !
Heureusement, quelques pièces du patrimoine ont été sauvées, comme l’église de Nuisement-aux-Bois ou la grange des Machelignots. Toutes deux ont été démontées pièce par pièce et remontées au village de Sainte-Marie-du-Lac.
L’église de Champaubert, quant à elle, sauvée des eaux par sa position géographique, se dresse fièrement au bout de sa presqu’île et veille sur les quelques vestiges restés au fond de l’eau.
D’autre part, après la mise en eau a été créée l’Association du Souvenir des Villages disparus. Elle agit pour que le souvenir reste vivace et ne s’émousse pas avec le temps. Une stèle a d’ailleurs été érigée récemment près de l’église de Champaubert. Ainsi, chacun peut s’arrêter, lire les inscriptions, se retourner vers le lac et imaginer ce qu’il y avait avant.
J’écris ces lignes pour que chacun se souvienne, en venant se détendre au lac, que quelques-uns se sont sacrifiés pour le bien de tous.
Claude Nicolas
Je m’appelle Claude Nicolas, deux prénoms pour me faire un nom. Je suis né en 1933 à Landricourt, dans la Marne. Vingt-trois ans après les terribles inondations qui avaient eu lieu à Paris en 1910. Quel rapport, me direz-vous ? Eh bien, cet événement allait marquer mon destin à tout jamais…
J’ai eu une enfance heureuse, j’allais à l’école du village, j’étais plutôt un bon élève et, quand il n’y avait pas classe, j’aidais mon père à la ferme et au travail des champs, comme lui l’avait fait pour sa maman plusieurs années auparavant.
