Des lieux où vous accompagner - Élisabeth Moinard - E-Book

Des lieux où vous accompagner E-Book

Élisabeth Moinard

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Beschreibung

Des lieux où vous accompagner entraîne les lecteurs dans un voyage en Turquie aux côtés de onze Français et de leurs guides. À travers une narration ludique et légère, les participants explorent les sites emblématiques de la Turquie ancienne et contemporaine, tout en développant des liens et parfois même des sentiments amoureux. Ce récit allie de manière dynamique connaissances, humour et sensibilité.


À PROPOS DE L'AUTRICE


Élisabeth Moinard, titulaire d’un doctorat en histoire, a fait carrière dans le domaine de l’édition avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Dotée d’un talent polyglotte, elle a parcouru le monde. Ses nombreux voyages lui ont inspiré ce roman.

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Élisabeth Moinard

Des lieux

où vous accompagner

Chronique turque

© Lys Bleu Éditions – Élisabeth Moinard

ISBN : 979-10-377-9661-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

1

Il est cinq heures du matin et c’est le quatorze août.

Rendez-vous à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle pour lesparticipants d’un circuit culturel en Turquie – destination Ankara avec transfert à Istanbul.

À proximité du point de rassemblement, terminal A porte C, les voyageurs tentent de repérer avec des regards discrets de futurs compagnons de voyage à leurs tenues, à leurs comportements. Ils consultent le tableau des horaires au-dessus de leurs têtes : le vol Paris-Istanbul est retardé d’une heure et demie.

Quand le représentant du voyagiste Deniz Tour arrive avec une grosse sacoche, onze individus se rassemblent autour de lui. Les billets d’avion, étiquettes-bagages, sacs en coton Deniz Tour et ouvrages sur la Turquie distribués, un homme dans la soixantaine, Jean-Claude, se présente. Il serre les mains des voyageurs avec un sourire professionnel, il sera leur guide en Turquie.

Après la zone d’embarquement où ils ont enregistré leurs bagages, les voyageurs se rangent dans la file de contrôle des identités. Parmi eux, Diane, une trentenaire habillée en rouge, penche la tête de côté pour déchiffrer l’étiquette sur le sac à dos de l’homme devant elle, quelque chose comme « Nicolas Vuillier », « Colmar ».

En vol, les voyageurs occupent des sièges dispersés, il sera temps de faire connaissance à l’arrivée. On ne parle pas français sur Turkish Airlines. Le voyage en avion est une bonne transition pour oublier d’où l’on part et se représenter le pays que l’on va découvrir.

À Istanbul, dans l’aérogare, les voyageurs arpentent un interminable couloir ponctué de panneaux publicitaires, passant d’un tapis roulant mécanique à l’autre en direction de la salle d’embarquement du vol Istanbul-Ankara. L’aéroport d’Istanbul est le cinquième plus important au monde.

Dans l’avion, assise dans la même rangée qu’un homme au visage taciturne, Diane remarque le soin avec lequel il replie un pull-over sur ses genoux en retournant délicatement les manches au niveau des coudes. Un peu maniaque, peut-être. Fait-il partie du groupe ?

Au bout d’une heure, l’avion amorce sa descente. Le temps est clair. Du hublot, vue aérienne sur Istanbul en contrebas, bordée par la mer de Marmara et le détroit du Bosphore. Les mains crispées sur le dossier du siège devant elle, Diane cloue son regard à celui de l’hôtesse de l’air assise dans le couloir. Les ailerons de freinage sont sortis, le train d’atterrissage baissé. L’arrivée se fait sans soubresauts à Ankara. Il est dix-sept heures, heure locale.

Dans l’aérogare, les voyageurs se regroupent autour du tapis roulant à bagages sur lequel Diane s’inquiète de retrouver sa valise. Pourquoi apparaît-elle toujours en dernier ? Elle est noire passe-partout, il faudra trouver un moyen de la différencier.

Pourquoi éprouve-t-elle de l’appréhension au contrôle de police ? Son passeport est en règle, elle ne passe rien en fraude. Le préposé compare avec un froncement de sourcils son visage à la photographie figurant sur le passeport – Diane a les cheveux tirés sur la photographie et dénoués sur les épaules aujourd’hui. Qu’elle veuille bien se caler dans les marques au sol le temps que la caméra la prenne en photo.

Dans la zone des arrivées, un jeune Turc tenant un écriteau Deniz Tour accueille les voyageurs. Après avoir obtenu au distributeur des dizaines de lires turques, ils rejoignent, à l’extérieur de l’aéroport, le bus touristique affrété pour la durée du voyage. Un chauffeur y charge les bagages dans la soute et rejoint son siège.

L’une d’entre eux, Christiane, se précipite sur le marchepied pour monter la première dans le bus. Elle s’assoit à la place qui permet la meilleure vue, derrière le siège conducteur, côté fenêtre, et pose un sac sur le siège vide à côté du sien, signifiant ainsi que ces places sont les siennes pour la durée du voyage.

Les suivants se répartissent un par rang – ça donne plus de place pour étaler les jambes et c’est plus discret pour se gratter le nez – sauf un homme et une femme qui s’assoient côte à côte. Jean-Claude et le jeune homme montent en dernier.

Le guide allume un micro :

— Est-ce que vous m’entendez ?

— Oui, lui est-il répondu.

— Avez-vous trop chaud ?

— Il fait moins chaud qu’à l’extérieur, mais peut-on monter la clim ?

— Je suis en charge du contenu culturel et historique du circuit. Nous allons faire une boucle dans la partie ouest de la Turquie d’Asie puis nous remonterons vers Istanbul. Voici Burak, poursuit-il en présentant le jeune homme à l’écriteau. Il sera votre guide local et votre interprète.

À l’annonce de son nom, le chauffeur,Erdo, un quinquagénaire petit et trapu, fait un signe de la main.

— Le bus va nous déposer à l’hôtel, dit Jean-Claude. Ensuite, nous ferons un tour à pied.

En route, entrepôts, concessionnaires automobiles, immeubles d’habitations récents de quatre à six étages ou en construction se succèdent.

— Ankara, dit bientôt Jean-Claude de la ville qui s’étend devant eux.

Un gazouillement d’oiseaux et un bruissement d’eau animent le hall de l’hôtel où les voyageurs vont séjourner : deux perruches vert vif se déplacent le long d’un perchoir dans une cage, de l’eau coule en rideau le long d’une installation murale.

Jean-Claude vérifie à la réception l’enregistrement des six femmes et des cinq hommes du groupe – davantage d’hommes voyagent seuls depuis quelques années. Il appelle les noms, les coche sur sa liste, remet les cartes magnétiques des chambres. Trois sont partagées par un couple, une femme âgée et une jeune fille – sans doute une grand-mère et sa petite-fille, car elles portent le même nom –, et deux femmes.

— On pourrait nous accueillir avec un snack, dit Christiane en prenant sa carte. Nous n’avons rien mangé depuis l’aube.

— Je cherche un volontaire pour les enveloppes de pourboires à distribuer en fin de circuit, dit le guide.

Personne ne se manifestant, il fait du regard le tour du groupe ; ses yeux s’arrêtent sur Diane, qui accepte.

Elle fait la connaissance de sa compagne de chambre, Sandrine, une jeune femmeau visage rond marqué par de l’acné. En se dirigeant vers l’ascenseur, elles croisent une résidente de l’hôtel portant un lourd pansement sur le nez, venue comme d’autres recevoir des soins esthétiques et profiter des tarifs pratiqués en Turquie.

Au deuxième étage, en attendant que le porteur monte les valises, elles s’arrêtent un instant à l’entrée de leur chambre, le temps que Sandrine la prenne en photo. C’est pour sa mère qui la questionnera à son retour sur tous les détails possibles.

Une chambre d’hôtel dans un nouvel endroit, voilà qui convient à Diane. Murs et moquette gris pâle, lits jumeaux, tables de chevet identiques, minibar, télévision, il ne manque ici que les aquarelles, dont on ne remarque pas le sujet, qui ornent les murs de bien des chambres d’hôtel dans le monde.

Les deux femmes se présentent. Elles se tutoient d’emblée.

— D’où viens-tu ? demande Sandrine.

— De Paris, et toi ?

— Du Québec.

Elles s’interrogent sur le choix du lit : près de la salle de bains ou de la fenêtre.

— Je préfère celui près de la salle de bains, dit Sandrine. Je me lève la nuit.

Pour Diane, ça tombe bien, ça lui évitera les bruits de canalisation et elle préfère être près de la fenêtre.

Elle s’assure avant tout que, dans la salle de bains, petits savons, échantillons de shampooing, et autres kits de brosse à dents/dentifrice sont à disposition. Il faudra penser à en laisser à sa compagne.

Dans la chambre, le bruit de l’avenue s’insinue à peine derrière le double vitrage. L’air est chaud. Pragmatique, Sandrine saisit la commande du climatiseur pour en ajuster le volume. D’accord pour l’éteindre pendant la nuit pour échapper à son ronronnement.

Pourquoi prend-on soin, dans une chambre d’hôtel, de faire l’inventaire des tiroirs ? Est-ce dans l’espoir que des clients y auront oublié quelque chose ? Ici, dans les tiroirs des tables de chevet, un exemplaire du Coran et une flèche rouge pointée vers La Mecque.

On passera deux nuits à Ankara, inutile de défaire les valises en entier. En dix minutes, Diane suspend des vêtements dans lesquels la couleur rouge domine dans la penderie du vestibule sous un tapis de prière et un repose-tête. C’est plus long pour Sandrine dont la valise déborde de vêtements, d’accessoires et, note Diane avec une sorte d’envie, de soutiens-gorges de toutes les couleurs.

— Ankara se situe au centre-ouest de la partie asiatique de la Turquie, dit Jean-Claude un peu plus tard en guidant le groupe à l’extérieur de l’hôtel. C’est la deuxième plus grande ville du pays.

Ils s’arrêtent devant une vaste demeure.

— Nous voici devant un lieu historique. Ici, la grande assemblée nationale de Turquie a été inaugurée en 1920. Mustafa Kemal Ataturk y a choisi Ankara pour capitale.

Sa statue équestre domine la place centrale voisine.

Le soir, un serveur conduit le groupe à une longue table dans la salle de restaurant de l’hôtel. Du point de vue de ceux qui voyagent seuls, il est préférable de prendre des repas en commun plutôt qu’isolés en faisant semblant de s’intéresser à la nourriture ou en lisant le journal. Aux autres tables, des familles turques – c’est la période des vacances scolaires –, des hommes d’affaires en transit, des touristes étrangers.

Avant de s’éclipser, Jean-Claude donne le programme du lendemain. La réception réveillera les voyageurs à sept heures. Après deux visites à Ankara, on prendra la route pour le territoire de l’ancienne Phrygie.

Au menu ce soir :

crudités (servies au début de chaque repas),

soupe aux lentilles rouges,

poulet, köfté ou poisson,

riz au lait à la cannelle.

Les boissons sont à la charge des dîneurs.

— Vous avez la carte, dit Burak : eau plate ou pétillante qu’on appelle soda en Turquie, bière, vin.

Il recommande l’ayran, un mélange rafraîchissant de yaourt, d’eau et de sel.

Erdo et lui-même dînent à une autre table.

Visiblement à l’aise en société, Michael, un homme séduisant dans la quarantaine, aux yeux bleus et aux cheveux poivre et sel ondulés cachés derrière des lunettes, tire une chaise pour aider la femme d’un certain âge, Marie-Reine, à s’asseoir. Julie, sa petite-fille, s’assoit en face d’elle. À gauche de Marie-Reine, l’homme de l’avion.

Pour un premier repas en commun, une certaine réserve est de mise. Après les présentations, les remarques sur le voyage, la nourriture et la météo font de bons sujets de conversation.

— Pardonnez-moi, je n’ai pas saisi votre nom, dit Marie-Reine à son voisin de gauche.

— Eric, répond Eric sobrement.

Elle a plus de chance avec son voisin de droite, un octogénaire portant une canne auquel Jean-Claude s’est adressé sous le nom de monsieur Schuh.

— Quand on voyage, il faut se libérer de ses habitudes culinaires. J’ai hâte de faire connaissance avec la cuisine turque, elle a bonne réputation, lui dit-elle.

Monsieur Schuh lui tend la mélasse de cerises qui, avec l’huile d’olive recommandée par Burak, assaisonne les crudités.

— Vous portez ma couleur préférée, dit Michael, tout sourire, à Diane, avant de poursuivre auprès de Christiane :

— Faites-vous souvent ce genre de voyage ?