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Les femmes se retrouvent souvent dans des situations, en Afrique, où elles doivent partager l'homme qu'elles aiment. Dans le premier récit de ce livre, intitulé Deuxième bureau, Sabrina entretient une relation amoureuse avec Jacques, un homme marié, dont elle espère devenir la concubine officielle, par l'intermédiaire d'un mariage conforme aux rites traditionnels. Dans Ma petite soeur, l'histoire est racontée du point de vue de la première épouse, dont le mari convole en justes noces avec une autre, qui lui est présentée comme sa "petite soeur" avec laquelle elle doit entretenir des relations fraternelles. Ces deux récits nous plongent, avec ces histoires d'amour en filigrane, dans l'univers d'une société africaine aux prises avec les défis de la modernité, comme la question du tribalisme dans le milieu professionnel, mais aussi avec ceux des pesanteurs sociales traditionnelles.
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Seitenzahl: 132
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Je m'appelle Sabrina, et je suis "Deuxième bureau". Savez-vous ce que désigne l'expression "Deuxième bureau", en Afrique ? C'est une maîtresse. Le genre d'alibi qu'on homme présente à sa femme pour justifier son arrivée tardive à la maison. "J'étais au bureau". Le bureau, c'est moi. Le deuxième bureau.
Parfois, il m'emmène au restaurant ; d'autres fois, nos retrouvailles se déroulent chez moi. Je lui prépare de bons petits plats qu'il dévore avant de me dévorer, moi, sans même passer par l'étape du dessert. Il mange mon corps avec autant d'appétit que le "poisson braisé" et le "poulet télévisé".
Comment me suis-je retrouvée affublée de ce statut de deuxième bureau, encore appelé "Tchiza" dans le jargon de chez nous ?
La conjoncture difficile, couplée à l'effluve de son parfum et la volonté de ne jamais paraître moins bien lotie que mes amies.
A cela, s'ajoutent certaines frustrations dues à un parcours professionnel en deçà de mes ambitions, après l'obtention de ma maîtrise en anglais, qui m'ont conduite à ce poste de secrétaire de direction, alors que j'avais voulu être interprète dans une grande organisation internationale.
C'est mon patron.
Comment notre relation a-t-elle débuté ? Aussi banalement qu'une relation entre un patron et sa secrétaire. Le matin, il passait devant moi et l'effluve de son parfum aux essences telluriques et boisées le suivait ; à peine un coup d'œil jeté en ma direction quand il me disait bonjour. Ensuite, je savais ce qu'il attendait de moi : lui apporter son café dans son bureau, prendre les premières directives pour la journée et faire entrer dans ce bureau les premières personnes qui attendaient à être reçues par lui.
La journée se déroulait calmement, marquée par la pause-déjeuner au cours de laquelle je mangeais à la cantine de la société, tandis que lui déjeunait hors de nos locaux -souvent au restaurant-puis la fin de la journée de travail autour de 17 heures 30.
Parfois, il travaillait le samedi et je devais effectuer des heures supplémentaires, qu'il tenait à me payer de façon généreuse. J'aimais sa générosité. Elle me permettait de faire des "descentes" au marché de la capitale où on pouvait dénicher les meilleurs sacs à mains, escarpins et accessoires de mode. Ainsi, je n'avais pas à pâlir devant mes amies pour ma tenue, lors des réceptions auxquelles nous étions souvent invitées les week-ends.
La générosité de mon patron me permettait aussi de venir en aide à ma mère, souvent malade, pour l'achat de certains médicaments qui coûtaient cher. J'avais pour ambition de lui permettre d'effectuer un séjour dans un pays du Maghreb ou d'Europe pour ses soins de santé, afin de venir à bout de ce mal qui était difficile à soigner dans notre pays ; mais mes moyens financiers ne me le permettaient pas. Si seulement j'avais pu décrocher ce poste d'interprète dans cette organisation internationale où je rêvais de travailler depuis longtemps ! Mais je n'avais pas le bras assez long pour satisfaire cette ambition malgré mon parcours universitaire brillant, dans un pays où tout est soumis à la loi du clan, du réseau, ou du "tuyau".
Un jour, banalement -c'était un samedi- il a trouvé mon ensemble tailleur rose particulièrement seyant ; c'est ainsi qu'il a remarqué mes jambes galbées qui dépassaient de ma jupe droite s'arrêtant à mes genoux. Il a ajouté que j'avais une forme de guitare, des yeux de biche et une bouche en forme de bonbon. Je l'ai remercié et ai répondu timidement que je le trouvais charmant aussi ; que surtout, j'aimais son parfum et que tous les matins, j'étais de bonne humeur cinq minutes après son passage pour regagner son bureau, rien qu'à cause de ce parfum enivrant.
-Et toi, tu es envoûtante comme une sirène.
Dans notre société, la notion de parcours initiatique n'existe pas.
Un individu béni ne souffre pas. Donc, si vous êtes confronté à des difficultés, cela signifie que vous n'êtes pas béni. Que ne faisons-nous pas pour mériter ce qualificatif de personne bénie ? Nous allons jusqu'à endurer des situations d'une dureté atroce d'un point de vue psychologique, nous acceptons des situations insolites, pour satisfaire les apparences.
C'est pour cela que je n'ai pas refusé les avances de mon patron. Non seulement, je n'étais pas insensible à son charme, mais de plus, entretenir une relation avec lui allait me permettre d'améliorer mon niveau de vie, et de donc de répondre aux exigences d'une vie de femme bénie. Dans notre société, le jugement est facile. Vous trouverez des êtres vils, calomnier des êtres purs. Vous trouverez des gens habités des intentions les plus cupides et égoïstes, diffamer des gens aux intentions nobles. Enfin, vous trouverez des personnes bourrées de vices, tenter de discréditer des personnes meilleures qu'elles, tant que leurs vices restent dissimulés sous le masque visqueux de l'hypocrisie et du politiquement correct.
C'est pour cela que je compare souvent l'Afrique à ces mères sorcières qui donnent en offrande les meilleurs de leurs enfants à leur société secrète de sorcellerie. Oui, l'Afrique tente souvent de manger l'âme de ses meilleurs enfants, au nom de la pensée du groupe. C'est ainsi que, depuis que ma relation avec mon patron a été révélée au grand jour, les mauvaises m'affublent du qualificatif de "chercheuse de mari d'autrui". Je ne suis pas fière de cette relation, mais je ne suis pas prête à y mettre fin non plus. Jacques est si doux et attentionné, si généreux envers moi, que le goût sucré de cette relation est plus fort que le goût amer des mauvaises langues. Et puis, si chacun se préoccupait de sa vie, le monde s'en porterait mieux. Il me dit souvent que lui non plus, n'est pas prêt à arrêter cette relation extraconjugale, et qu'il veut même faire la connaissance de mes parents pour l'officialiser, du moins d'un point de vue coutumier. Il souhaite maintenant, après quatre ans de relation, apporter la dot à ma famille. Accepter la dot en guise d'officialisation de notre relation signifie que je n'aurai pas droit à un mariage à l'église avec Jacques, encore moins à la mairie, ce qui est évident, car il est déjà marié. Pourquoi me contenter de ce statut de concubine officielle ? Parce que c'est mieux que rien. C'est mieux que d'être Tchiza ou « Deuxième bureau ». Et puis, dans notre culture, être « dotée » par un homme, c'est être sa femme, aux yeux de la société ; car c'est la famille d'une femme qui accorde sa main à un homme et non elle-même. Être reconnu et accepté par la famille d'une femme en tant qu'homme, c'est être son mari.
Ma mère se satisfait de cette situation. Elle attendait impatiemment que notre relation soit officialisée, pour que les choses se déroulent "dans les formes". Mon père n'est plus de ce monde. Et puis, notre groupe ethnique est assigné au système matriarcal. De toutes façons, mes parents paternels ont donné leur bénédiction pour cette union. Jacques est informé de tout ce qu'il doit apporter comme pagnes, boissons et argent pour satisfaire à la tradition. Il a reçu une liste de deux pages.
-Tu vaux plus que ça ! a-t-il rétorqué en souriant quand je trouvais moi-même les exigences de ma famille trop élevées.
Mes copines vont pâlir de jalousie. Certaines tantes aussi. Qui n'aurait pas voulu recevoir une dot aussi importante pour le mariage coutumier de sa fille ? Ma mère bénit le Seigneur et moi aussi.
Jacques m'a promis de m'offrir un magasin de chaussures pour que je puisse enfin me lancer dans le commerce, comme je le souhaite depuis de nombreuses années. Avec les bénéfices de ce magasin de chaussures, je vais pouvoir assurer les frais de voyage de ma mère au Maghreb ou en Europe pour sa santé.
Comment, imperceptiblement, suis-je passée de l’attrait physique à l’amour, puisque je peux affirmer que je l’aime, à présent ? L’amour est de l’ordre de ces choses alchimiques qui naissent d’un savant dosage d’émotions, de circonstances et d’hormones, impossibles à expliquer.
Hier, à l'église, le prête nous a parlé de l'importance de la gratitude. Comment nous devons être reconnaissants pour ce qui nous est accordé, ne serait-ce que le souffle de vie. Pour cela, il faut être conscient du miracle qui se déroule chaque jour dans notre vie, dans notre corps, ne serait-ce que par la simple action de respirer. Les médecins savent le nombre de réactions qui sont requises pour la simple respiration de chacune de nos cellules et le rôle que la plus petite cellule joue dans l'ensemble des métabolismes qui nous maintiennent en vie, grâce à un savant équilibre : se diviser, exporter des molécules, et même fabriquer des protéines.
Aucun grain de sable dans la machine ! Tout est synchronisé à la seconde près et même à quelques fractions de secondes près, à la perfection, pour nous permettre de manger, rire, boire, penser et jouir de la vie.
Comment ne pas ressentir de la gratitude ? Pour ma part, je ressens une immense gratitude pour le bonheur que je vis en ce moment avec Jacques. Le week-end prochain, est prévu notre mariage coutumier. En dehors de ma relation avec Jacques, je n'ai pas à me plaindre de ma vie. J'ai un travail digne, des revenus confortables, l'affection des miens, la sécurité psychologique et affective d'une relation avec un partenaire aimant, je suis en bonne santé.
La vie est simple et moi je l'aime comme ça. J'ai toujours aimé la simplicité ; les tenues simples, les maquillages simples, la simplicité dans les relations humaines. La véritable sophistication, c'est la simplicité, nous apprenait un artiste célèbre. Les relations les plus gratifiantes d'un point de vue émotionnel sont les plus exemptes de longs discours et d'actions spectaculaires.
L'amour d'un homme se prouve de façon simple : la présence, l'investissement pour vous et le respect. Ce respect peut se matérialiser aussi par la volonté de vous donner un certain statut aux yeux de votre famille et dans la société en officialisant votre union, en satisfaisant aux protocoles traditionnels et même religieux, surtout si cela est important pour vous.
Comment reconnaître une femme amoureuse ? Par son respect à l'égard de son partenaire, son enthousiasme à le satisfaire et sa générosité, indépendamment de sa situation financière. Par générosité, j'entends sa capacité à donner sans attendre en retour. Que ce partenaire ait la capacité de la gratifier d'un point de vue financier ou pas, cette femme amoureuse se reconnaît à sa volonté de se maintenir dans la relation pour ce que celui qu'elle aime est vraiment. Cela ne signifie pas que l'homme qui a la capacité de faire plaisir à sa partenaire doit s'en abstenir sous prétexte que la finalité de la relation amoureuse n'est pas la gratification financière. Toute femme qui s'investit par amour aime-et doit- recevoir en retour des preuves d'amour de son partenaire, et cela traduit aussi bien de façon immatérielle que matérielle.
Dans ma culture, une "bonne" femme est une femme sage. Une femme capable d'apporter un soutien et des conseils utiles à son partenaire. Cette sagesse n'est pas tant liée à l'intelligence, mais plutôt à la capacité à résoudre des situations. Une femme sage est une femme qui a acquis un niveau de conscience élevé et une compréhension de la vie.
Je pense que le mariage coutumier avec Jacques est une manière de résoudre notre situation. Je n'ai jamais voulu prendre la place de sa femme. Je n'ai jamais voulu faire de mal à cette femme ; je veux juste vivre mon amour ; et en tant qu'Africains, cela est un droit pour Jacques et moi, pourvu que tout se passe dans le respect qui est dû à sa femme, aux traditions et à la religion. Si nous avions été musulmans, les choses auraient été plus simples du point de vue religieux, car il aurait suffi d'un mariage à la Mosquée pour être en règle. Mais ma religion, qui est le catholicisme, interdit une seconde union à l'église pour Jacques. Nous n'avons donc d'autre choix que d'officialiser notre union de façon coutumière.
Pourquoi cela est-ce si important pour moi d'officialiser notre union ?
Pour avoir la bénédiction de mes parents en ce qui concerne cette union. Pour obtenir un certain gage de loyauté réciproque entre Jacques et moi, même si le mariage coutumier ne garantit pas toujours cela aujourd'hui. Mais autrefois, les gens étaient très attachés aux formalités, au respect de la parole donnée et à la solennité de certains engagements.
Ce matin, je reçois un de coup de fil de Jacques. Il semble affligé.
-Que se passe-t-il ?
-C'est Jeanne
Il fait allusion à sa femme.
-Elle a tout cassé à la maison en apprenant la nouvelle. Elle a découvert par inadvertance de ma part un message de toi dans mon téléphone, au sujet de notre projet de mariage. Elle a quitté la maison. J'ignore où elle se trouve actuellement.
Mon cœur bat la chamade, car je pressens une nouvelle triste qu'il se prépare à m'annoncer.
-Je ne peux pas m'unir à toi dans un tel contexte.
Je suis assise par terre et je ne sais pas comment du pouf moelleux en cuir de mon salon, je me suis retrouvée au pied de celui-ci.
Pourquoi a-t-il pris des engagements auprès de ma famille et de moi au sujet de notre union sans avoir informé sa femme au préalable et sans avoir obtenu son accord ? Je n'ai jamais pensé à l'obstacle que cette femme aurait pu représenter face à notre projet de mariage coutumier. Jacques m'a toujours fait comprendre qu'il avait la mainmise sur la situation. Comment deviner que sa femme réagirait ainsi et surtout que cela pouvait contrarier à ce point notre union de samedi prochain ?
J'ai raccroché le téléphone et le fil de notre relation défile sous mes yeux. Nos premiers rendez-vous au restaurant, nos siestes à l'hôtel au centre-ville, non loin du bureau, au piment de passion. Nos voyages ensemble en France et à Dubaï au goût de miel.
Comment il semblait inlassable devant la contemplation de mon corps. Lécher ma peau couleur café et au goût de chocolat, centimètre carré par centimètre carré, était son activité habituelle pendant le dessert. Masser mes courbes et mes formes voluptueuses était son passe-temps favori pendant nos siestes. Happer mes lèvres charnues et ma bouche généreuse était son amuse-bouche de prédilection lors de nos conversations marquées par la douceur et la langueur. Caresser mes jambes bien galbées et potelées était son loisir préféré pendant la pause dans son bureau. Manger délicatement la pointe de mes seins fermes était sa douceur de choix à des heures interdites.
Plonger dans mon regard de braise était sa torture rêvée.
Ainsi donc, Jacques avait voulu s'unir à moi sans en informer sa femme.
A présent que le pot aux roses est découvert par celle-ci et que le projet de mariage est annulé, il me faut informer mes parents. Je crains davantage la réaction de ceux-ci que le déshonneur qui rejaillira sur moi après l'annulation de ce projet, aux yeux de mes amies.
Ce matin, je suis installée en face de ma mère dans le fauteuil vert pâle où j'aime m'asseoir. A ma mine triste, elle sent que quelque chose ne va pas bien.
-Maman, la nouvelle que je vais t'annoncer risque de te rendre triste, très triste.
-Est-ce en lien avec Jacques ? Votre projet de mariage coutumier ? S'inquiète-t-elle.
J'opine de la tête en guise de réponse à cette question.
Je l'informe sans perdre de temps, à la manière d'un chirurgien qui ouvre d'un geste vif et bref une collection de pus avec son bistouri, pour l'évacuer au plus vite, que la cérémonie de samedi n'aura pas lieu ; car Jacques a décidé d'y surseoir pour donner suite à la réaction de sa femme.
-Ma fille, comment as-tu pu nous infliger une telle humiliation avec ton Jacques ? Ma mère pleure pendant qu'elle me parle. Jamais, notre famille n'a connu une telle humiliation ! Et il a fallu que cela vienne de toi ma fille.