Dimensions du paysage - Collective - E-Book

Dimensions du paysage E-Book

Collective

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Beschreibung

Elément essentiel du bien-être individuel et social comme de la qualité de vie des populations, le paysage contribue à l’épanouissement des êtres humains ainsi qu’à la consolidation de l’identité européenne. Adoptée sous les auspices du Conseil de l’Europe, la Convention européenne du paysage a pour objet de promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages et d’organiser la coopération internationale dans ce domaine. Elle s’applique à tout le territoire des Parties contractantes et porte sur les espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains. Elle concerne les paysages pouvant être considérés comme remarquables, ordinaires ou dégradés. Certaines « dimensions » du paysage sont présentées dans cette publication qui traite de questions essentielles liées à son devenir : la démocratie, l’éducation, l’économie, les loisirs, la publicité… Les processus de gestion des paysages ainsi que le terme même de paysage sont également analysés. Cet ouvrage s’inscrit dans un processus de réflexion sur des thématiques majeures concernant l’espace de la vie.

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Dimensions

du paysage

 

 

Réflexions et propositions

pour la mise en œuvre

de la Convention européenne

du paysage

 

 

Conseil de l’EuropeFacebook.com/CouncilOfEuropePublications

Sommaire

 

Cliquez ici pour consulter la table des matières complète, ou allez directement sur l’option « Table des matières » de votre lecteur numérique.

Préface

La Convention européenne du paysage (STE no 176) du Conseil de l’Europe constitue un traité international novateur qui permet de définir une approche du territoire tenant compte de la dimension du paysage, c’est-à-dire de la qualité du cadre de vie des individus et des sociétés. Elle inscrit également cette dimension dans les préoccupations de l’Organisation concernant les droits de l’homme et la démocratie, en invitant ses États membres à associer étroitement les populations à toutes les étapes des politiques du paysage.

Le Conseil de l’Europe a poursuivi le travail entrepris dès l’adoption de la convention par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à Strasbourg et son ouverture à la signature à Florence en 2000, afin d’examiner et d’illustrer certaines thématiques liées au texte de la Convention, certaines « dimensions du paysage »1 :

Paysage et éoliennes ;

Paysage et territoire : le processus de gestion des paysages ;

Paysage et éducation ;

Paysage et loisir ;

Paysage et publicité ;

Paysage et économie, une approche de la Convention européenne du paysage ;

Richesse et diversité des mots, des textes et des approches du paysage en Europe ;

Paysage et démocratie.

Cet ouvrage rassemble les rapports réalisés sur ces thématiques par des experts du Conseil de l’Europe en tenant compte des résultats des réunions des Ateliers pour la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage.2 Ils ont été présentés à l’occasion des Conférences du Conseil de l’Europe sur la Convention européenne du paysage, organisées au Palais de l’Europe à Strasbourg les 3-4 mai 2011, les 26-27 mars 2013 et les 18-20 mars 2015. Les représentants des gouvernements et des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales ayant participé à ces réunions ont pu débattre des questions traitées afin de progresser dans la mise en œuvre de la Convention.3

En suivant l’ordre de présentation de ces rapports, il convient de remercier bien vivement les experts pour la qualité de leur réflexion et leur apport majeur : M. Emmanuel Contesse ; M. Jaume Busquets Fàbregas et M. Albert Cortina Ramos ; Mme Annalisa Calcagno Maniglio ; M. Niek Hazendonk, Mme Marlies Brinkhuijsen, Mme Chantal de Jonge, M. Hugo de Jong, M. Dirk Sijmons ; M. Jean-Philippe Strebler ; M. Joaquín Romano ; M. Jean-François Seguin ; et M. Yves Luginbühl.

Maguelonne Déjeant-Pons

Secrétaire exécutive delaConvention européenne dupaysageet du Comité directeur delaculture, dupatrimoine et dupaysage, Conseilde l’Europe

Liv Kirstine Mortensen

Présidente de la 8eet de la 9eConférence duConseilde l’Europe sur la Convention européenne dupaysage

Conseillère principale, ministère desCollectivités locales et de la Modernisation delaNorvège

1 Voir les ouvrages précédents, Paysage et développement durable : les enjeux de la Convention européenne du paysage, Éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg 2006, ISBN 92-871-5988-2, et Facettes du paysage : Réflexions et propositions pour la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage, Éditions du Conseil de l’Europe, Strasbourg 2012, ISBN 978-92-871-7080-4.

www.coe.int/fr/web/landscape/publications.

2 Actes des réunions des Ateliers du Conseil de l’Europe pour la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage, Éditions du Conseil de l’Europe, coll. « Aménagement du territoire et paysage », www.coe.int/Conventioneuropeennedupaysage ; www.coe.int/fr/web/landscape/publications.

3 Rapports des conférences, voir Documents du Conseil de l’Europe, Convention européenne du paysage : CEP-CDPATEP (2011) 18 ; CEP-CDCPP (2013) 12 et CEP-CDCPP (2015) 34. www.coe.int/fr/web/landscape/conferences

Chapitre 1Paysage et éoliennes

Emmanuel Contesse, expert auprès du Conseil de l’Europe

RÉSUMÉ

Ce rapport1 a pour objet de fournir aux États membres du Conseil de l’Europe les bases pour un développement éolien qui intègre des composantes paysagères. Il se structure en quatre parties. La première, introductive, présente la problématique générale et une synthèse sur le retour d’un questionnaire adressé par le Secrétariat du Conseil de l’Europe aux États membres2. La deuxième partie est dédiée à l’aménagement du territoire, qui doit être l’outil de base pour le développement éolien dans un État ou une région. La troisième partie, en lien avec la deuxième, donne une vision d’ensemble sur la démarche d’un projet paysager pour l’implantation d’éoliennes. Enfin, la quatrième partie présente les grands principes à considérer afin de tenir compte de la dimension paysagère.

Dans le contexte de développement et de croissance actuels, la planification du développement territorial est primordiale pour garantir la lisibilité du paysage et son attractivité pour les générations futures. Les outils d’aménagement du territoire permettent de se coordonner avec les autres politiques de planification concernant les infrastructures et de donner une cohérence générale au territoire.

Un projet d’insertion d’éoliennes dans le paysage, à l’échelle du site ou d’un territoire, nécessite un important travail préalable de lecture du paysage. Les facteurs morphologiques, historiques et socioculturels doivent être considérés. Les aspects techniques (accès, etc.) et biologiques (espèces et biotopes) devraient aussi être pris en compte au début de la planification. La phase d’analyse est primordiale pour identifier les enjeux et définir une stratégie d’insertion qui garantisse une cohérence paysagère et qui soit déchiffrable par une large partie des acteurs de la région concernée. À cet effet, la communication doit occuper une part importante dans le projet de paysage.

Quant à l’évaluation paysagère de l’implantation d’éoliennes, les critères varient selon chaque région et il n’est pas possible d’avoir des critères uniformes pour l’ensemble du territoire européen. Certains principes de base s’appliquent néanmoins à tous les cas. Il s’agit principalement des éléments liés à la morphologie du territoire et aux proportions paysagères. Par ailleurs, les aspects de covisibilité des éoliennes sont importants à considérer. Enfin, il convient de définir des stratégies pour les paysages particuliers et/ou protégés par des actes législatifs et de définir des zones d’exclusion.

En conclusion, il est recommandé de planifier l’exploitation de l’énergie éolienne à large échelle et de concevoir les stratégies d’implantation de projets concrets le plus en amont possible afin de les soumettre aux autorités locales ou régionales.

INTRODUCTION

Les éoliennes en tant qu’objet singulier sont souvent perçues de manière positive par les observateurs, qu’ils soient du lieu ou de passage. L’appréciation des parcs éoliens est plus nuancée. La capacité de valorisation ou au contraire de dévalorisation des paysages dans lesquels des parcs éoliens sont implantés est plus difficile à apprécier.

Les éoliennes ne se cachent pas. Leurs dimensions propres associées aux très grandes surfaces que nécessite l’implantation de parcs en font des éléments particulièrement visibles dans le paysage. Comme la planification territoriale en matière d’éoliennes ne peut pas, ou difficilement, appliquer le principe d’intégration paysagère, le postulat de base de ce rapport est axé sur l’insertion des éoliennes dans l’espace en prenant en compte les spécificités du paysage d’accueil. Celles-ci peuvent ainsi devenir un outil d’aménagement du paysage qui met en valeur un territoire ou qui le ménage. L’implantation d’éoliennes doit donc faire l’objet d’un projet de paysage au même titre qu’un autre type d’infrastructures. Il est également important de mener des réflexions paysagères pour les éoliennes offshores. Les zones côtières marines doivent être considérées comme paysage au même titre que la terre ferme. Cette approche par le projet prend en compte tous les éléments, grands ou petits, exceptionnels ou ordinaires, naturels ou anthropiques. Elle peut finalement déterminer la capacité ou l’incapacité d’absorption ou de transformation assurant une cohérence paysagère et, de ce fait, une perception positive par la population et les visiteurs.

Conformément à la Convention européenne du paysage, le paysage résulte des actions de l’homme sur son environnement. Les recommandations formulées dans ce rapport ne visent donc pas à protéger les paysages « de valeur » de l’implantation d’éoliennes mais, au contraire, à définir une méthode permettant d’aménager les paysages avec des éoliennes en transformant le paysage de manière cohérente, tout en en préservant les éléments importants.

Le présent rapport énonce les principaux aspects théoriques généraux qui s’appliquent à tous les paysages et dont les critères et les analyses de détail varient en fonction du territoire.

Contexte et problématique

Les sources de production d’énergies renouvelables, dont l’éolien fait partie, apparaissent comme indispensables pour assurer l’autonomie énergétique dans l’avenir. En tant que nouvelle composante du paysage, les éoliennes et leur « intégration paysagère » font l’objet de nombreuses discussions. Parallèlement, les pressions sur le paysage sont aussi de plus en plus grandes et les conflits d’intérêts sont récurrents. Le développement exponentiel de l’énergie éolienne engendre un enjeu paysager supplémentaire auquel les États membres sont confrontés. Au vu de leur grande taille et des problématiques liées au transport de l’énergie, au bruit et aux ombres portées, entre autres, les éoliennes constituent une problématique particulièrement difficile à gérer dans les planifications territoriales.

Approche

Ce rapport présente de manière synthétique les principales problématiques liées au développement de parcs éoliens et les approches possibles pour assurer une bonne insertion paysagère au sens de la Convention européenne du paysage. Il n’a pas l’ambition d’être exhaustif et de fournir une approche détaillée à mettre en œuvre pour la planification dans le domaine éolien pour chaque État membre. En effet, les spécificités paysagères, culturelles et politiques de chaque territoire et leur appréhension sont très variables d’un État à l’autre.

La première partie définit la démarche générale à appliquer pour une planification paysagère en matière d’éolienne et les différentes phases de projet importantes. La deuxième partie concerne les principes paysagers à considérer dans tout projet éolien. Il s’agit de tous les aspects généraux qui sont déterminants pour une bonne insertion ou l’exclusion d’éoliennes dans un paysage en fonction de ses caractéristiques spécifiques. Ces deux parties s’appliquent autant à un projet de parc éolien qu’à une planification directrice à l’échelle d’une région avec plusieurs parcs potentiels.

Les démarches d’aménagement du territoire et les principes paysagers développés dans ce document sont aussi valables pour les parcs éoliens en zone côtière ou offshore. Il convient en effet de considérer ces espaces de la même manière que le reste du territoire et de définir des stratégies d’implantation qui ménagent les espaces (vues depuis et en direction des côtes) de valeur.

Le rapport a pour objet :

de donner une approche générale pour la planification paysagère en matière d’éoliennes sans figer la méthodologie, de manière à permettre son application dans l’ensemble des États membres ;

de proposer des outils et une méthodologie générale pour établir des planifications de parcs éoliens en cohérence avec le paysage ;

de définir les principes paysagers à considérer pour l’implantation ou l’exclusion d’éoliennes.

1. AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

1.1. Nécessité de planifier le développement territorial

La croissance économique et les besoins grandissants qu’elle génère impliquent une transformation continue et rapide du territoire, et par conséquent du paysage. Si ce développement n’est pas planifié et maîtrisé, la lisibilité du paysage peut potentiellement se complexifier. L’identification à son paysage par la population peut par conséquent disparaître et impliquer une banalisation de celui-ci. Dès lors, les pouvoirs publics ont mis en place des instruments d’aménagement du territoire qui permettent d’influencer le développement territorial.

Un des enjeux de la planification territoriale est de maintenir ou de redonner une cohérence paysagère aux territoires, qu’ils soient « beaux », spécifiques et rares ou, au contraire, banals et quotidiens.

Les éoliennes, au même titre que les autres infrastructures (routes, industrie, habitat, etc.), doivent être intégrées dans les processus d’aménagement du territoire. Il ne s’agit pas seulement de considérer les éoliennes en soi, mais également toutes les infrastructures annexes nécessaires (lignes électriques, routes, etc.).

1.2. Intégration des éoliennes dans l’aménagement du territoire

Cette section donne les principes généraux à prendre en compte lors de l’intégration des éoliennes dans l’aménagement du territoire. Les éléments spécifiques liés au paysage (analyse paysagère, critères, sélection, exclusion, etc.) sont définis à la section suivante.

La planification éolienne fait en général l’objet d’un plan sectoriel qui sera intégré à un schéma global. Le schéma éolien doit être coordonné avec les instances administratives des territoires voisins. Dans tous les cas, la planification des installations éoliennes devrait être faite au niveau administratif le plus haut de l’État concerné. Par ailleurs, la coordination avec les autres plans sectoriels (tourisme, habitat, industrie, etc.) est importante afin d’éviter des conflits dans la planification et de concentrer au mieux les différentes infrastructures dans le territoire.

En bref, il est nécessaire :

d’attribuer la planification en matière d’éoliennes aux instances les plus suprarégionales possibles de l’État ;

de coordonner les principes d’aménagement avec les États voisins ou régions administratives ;

de coordonner la planification éolienne avec les autres planifications sectorielles ;

d’appliquer le principe de concentration au niveau régional en définissant des zones de planification et des zones d’exclusion ;

de favoriser le regroupement avec d’autres infrastructures et ainsi créer des pôles dédiés aux énergies renouvelables et à d’autres affectations industrielles compatibles.

2. DÉMARCHE DE PROJET POUR L’INSERTION PAYSAGÈRE

Le projet de paysage pour l’insertion d’éoliennes ne doit pas être mené de manière indépendante. Il s’inscrit dans un ensemble constitué de toutes les autres études parallèles ou préalables devant être menées pour aboutir à une planification territoriale cohérente. En résumé, l’élaboration d’une bonne planification se compose d’une planification :

Toutes ces études sectorielles doivent s’inscrire dans un processus itératif avec une coordination continue. Le projet de paysage intervient surtout après la phase de planification négative. Ainsi sa cohérence sera-t-elle la meilleure possible, en évitant des adaptations fréquentes du projet et par conséquent une remise en question continue de son concept.

négative : exclusion de zones pour des raisons techniques (connexion au réseau, potentiel de vent, bruit, etc.), biologiques (protection des chiroptères et de l’avifaune) et paysagères (zones protégées ou emblématiques) ; et

positive : sélection de zones favorables au niveau du vent et des infrastructures.

2.1. Définition du périmètre

Les éoliennes pouvant facilement atteindre une hauteur totale de 140 m ou plus (180 m pour les derniers modèles), elles sont visibles à plus de 10 km par temps couvert et à des distances largement plus grandes par temps clair. Avec leur taille, elles forment des éléments remarquables et imposants qui sortent des proportions paysagères classiques. À titre de comparaison, la cathédrale de Strasbourg a une hauteur de 142 m.

Lors de la réalisation d’un parc éolien ou d’une planification directrice, le périmètre d’analyse doit donc s’étendre largement au-delà de la zone d’implantation prévue. Idéalement, l’ensemble de la zone de visibilité des éoliennes devrait être considéré dans la réflexion. Dans le périmètre élargi il s’agit d’intégrer les questions de covisibilité avec d’autres parcs éoliens. Dans les zones d’étude rapprochées de 5-10 km, selon la taille et la quantité de machines prévues, les questions d’échelles et de proportions joueront un rôle important. Au sein des périmètres rapprochés, l’ensemble des principes paysagers doivent être considérés.

Une collaboration avec les régions voisines de la zone de planification visée doit être prévue afin d’améliorer la cohérence du projet de paysage et son acceptation par les populations locales.

2.2. Évaluation des aspects non paysagers

Lors d’une planification paysagère, il convient de régler d’abord au mieux les autres aspects (potentiel de vent, accès, transport d’énergie, protection des espèces) afin d’anticiper des problèmes et, le cas échéant, d’abandonner ou adapter le site ou les zones d’implantation des planifications stratégiques. Dans le cas d’une planification directrice menée par les collectivités, de telles préanalyses sont plus difficiles à mener compte tenu des coûts que cela peut engendrer. En développant les collaborations avec les différents acteurs concernés par l’énergie éolienne, des mécanismes de financement peuvent être trouvés.

2.3. Aspects techniques

En plus des potentiels de vent, les possibilités de transport de l’énergie et d’accès doivent être connues. Sur cette base une classification de secteurs peut être réalisée. Elle détermine les secteurs à retenir, à exclure, ou pour lesquels une coordination complémentaire doit être assurée.

Pour la protection contre le bruit et les ombres, les connaissances scientifiques ne sont pas encore assez solides. Des cas de problèmes de bruit après construction des éoliennes ont déjà été identifiés. Il convient donc de prévoir des zones tampons suffisamment grandes autour des zones d’habitation. Des problèmes de limitation d’exploitation engendrant des pertes financières peuvent ainsi être évités par la suite.

2.4. Espèces et biotopes

La protection des espèces et des biotopes devrait être traitée en amont des planifications paysagères.

Lors des études préliminaires, il convient d’élaborer une analyse globale des données de base existantes et de déterminer une stratégie en matière de préservation d’espaces naturels, de zones protégées et d’espèces. Il est ici question de zones protégées par des décrets ou des lois (zones Natura 2000, par exemple). Pour toutes ces différentes zones, il est important de définir une stratégie générale au niveau régional ou national et de s’y tenir. Il s’agit de déterminer si les buts de protection de ces zones sont compatibles avec l’implantation d’éoliennes, ou de quelle manière l’on souhaite faire évoluer ces paysages à l’avenir. Il est toutefois préférable d’exclure les espaces classés et/ou protégés afin de limiter les conflits et les difficultés de planification (études spécifiques, etc.).

Les chiroptères et l’avifaune sont deux groupes d’espèces particulièrement concernés par les éoliennes. Un site éolien mal placé (couloirs migratoires, zones de chasse ou sites d’essaimage pour chauves-souris – swarming) peut avoir des conséquences importantes sur les populations de ces espèces. Les experts de ces groupes faunistiques sont en mesure d’établir des préanalyses d’une zone et de donner une appréciation sur les risques. Elles ne génèrent pas des coûts élevés par rapport aux frais ultérieurs que peut engendrer une méconnaissance des problématiques. Le Centre suisse de coordination pour l’étude et la protection des chauves-souris (CCS) a élaboré une méthode d’évaluation des sites éoliens avec une classification à cinq niveaux de risques. Des études similaires sont aussi proposées pour l’avifaune.

2.5. Lecture du paysage : état initial

Une étude pour l’insertion d’éoliennes dans le paysage doit être considérée comme un projet de paysage pour l’avenir. L’analyse préalable et la compréhension du territoire font partie intégrante du projet. Cette phase ne doit en aucun cas être minimisée. Elle permet au planificateur de développer son objectivité sur le diagnostic paysager. Le travail d’analyse du paysage doit être réalisé de manière itérative avec la phase de projection. Ainsi les idées de projet peuvent-elles être confrontées à la réalité de terrain, puis adaptées en fonction de l’approfondissement des connaissances de terrain.

La compréhension du paysage existant, son histoire, ses particularités sociales et son évolution sont des éléments fondamentaux grâce auxquels le projet prendra forme de manière cohérente et pourra s’inscrire dans la continuité. Il n’est ici pas uniquement question de conservation à tout prix, mais aussi d’une évolution maîtrisée dans les zones appropriées et basée sur les caractéristiques clés du paysage. L’analyse du site permet de les identifier.

2.6. Morphologie

Pour un projet éolien il faut tout particulièrement prêter attention à la morphologie du paysage. Cela implique de relever et de comprendre l’enchaînement des mouvements topographiques, leur régularité ou leur irrégularité, la distance des horizons, les relations de proportions entre les composantes paysagères (hauteur d’une colline par rapport à d’autres structures paysagères, par exemple). Les unités paysagères et leurs relations entre elles (zones de transition et de ruptures) doivent être délimitées. La compréhension de la morphologie est à la base d’un projet paysager et aura une influence sur les aspects subjectifs liés aux aspects culturels du paysage et à sa perception.

2.7. Patrimoine paysager

Le patrimoine paysager ne se compose pas uniquement d’espaces exceptionnels. En tant qu’élément émanant des actions de l’homme, tous les paysages ont une valeur de témoin spécifique. Cette valeur peut être plus au moins difficile à identifier en fonction de son caractère exceptionnel ou ordinaire. Tous les éléments formant l’identité d’un paysage doivent être identifiés par des recherches dans les documents historiques et les connaissances de la population locale. La structure du foncier, les formes d’exploitation agricole, la structure du bâti sont quelques-uns des éléments à prendre en compte. Il convient de prêter une attention toute particulière aux espaces et lieux emblématiques reconnus. Ces derniers ne devraient pas perdre de leur importance par l’implantation d’éoliennes. L’exclusion des zones ou des sites emblématiques est donc souhaitable.

2.8. Aspects socioculturels

Le paysage dans le sens de la « carte postale » est lié au vécu et au contexte social de l’observateur. Dans les grandes lignes, la perception du « beau » et du « banal » est semblable pour la plupart des habitants d’une région. Ces constantes de la perception paysagère doivent être identifiées et comprises, afin d’orienter le projet de paysage pour qu’il soit compréhensible et assimilable par une large proportion de la population. Il y a donc lieu de veiller à ne pas omettre une réflexion avec la participation de représentants de la population locale. Lors de ces recherches d’informations, il ne s’agit pas de demander à la population si les éoliennes sont intégrables ou pas. Il faut réussir à faire émerger les facteurs ou composantes clés qui forment leur perception d’éléments « beaux » ou « banals » et à développer un projet d’insertion en conséquence.

2.9. Identification des enjeux et des objectifs

Sur la base des différentes données de la phase d’analyse, les enjeux liés au paysage et aux autres éléments de la planification pourront être identifiés. C’est également durant cette phase, qui doit intervenir en continu depuis le début du projet, que les interrelations entre le paysage et les autres aspects de la planification seront identifiées et coordonnées. Il s’agit de relever tous les éléments, même insignifiants. Ce n’est qu’au cours d’une phase de nouvelle analyse transversale des facteurs et de pesée des intérêts que les enjeux à traiter seront retenus. Lors de cette phase d’évaluation de la situation, des objectifs clairs devront être déterminés et validés par un maximum de partenaires. Les objectifs fixent la stratégie paysagère et fixent la priorité des enjeux identifiés. La volonté de conservation (zones d’exclusion), de transformation ou d’adjonction sera définie et justifiée pour chaque secteur ou facteur paysager.

2.10. Élaboration du schéma d’insertion paysager

Le projet de paysage peut s’appuyer sur deux types d’approches : la définition de critères paysagers de sélection ou d’exclusion de sites ; ou l’élaboration d’un dessin du paysage nouveau avec éoliennes justifié par des textes explicatifs.

La première consiste à définir des critères paysagers basés sur l’analyse paysagère et les objectifs fixés après l’identification des enjeux. L’application de ces critères permet ensuite d’exclure ou de retenir des sites du point de vue paysager. Les critères doivent autant que possible être pragmatiques et compréhensibles. Avant l’application de ces critères une validation par un maximum d’acteurs est souhaitable. La concertation permet en effet de diminuer la part subjective de l’approche paysagère car les critères sont validés et compris.

L’approche par le dessin est plus conceptuelle. Le succès d’une telle approche est conditionné par une bonne justification et des illustrations graphiques de qualité. Malgré cela, la part subjective est plus difficile à limiter.

La solution idéale consiste à utiliser les deux méthodes simultanément. L’approche conceptuelle définit le schéma général du parc éolien ou des sites d’une région et les critères paysagers règlent les éléments de détail liés aux facteurs concrets. La définition de zones tampons autour d’espaces à préserver ou l’établissement de règles de proportions à respecter depuis des points de vue fournissent deux exemples de critères typiques.

2.11. Communication du projet

La communication du projet doit idéalement intervenir durant toutes les phases de la planification. La concertation lors de la phase d’analyse paysagère et de définition des enjeux est aussi importante que le projet définitif. Comme cela a déjà été mentionné, l’analyse paysagère fait partie intégrante du projet de paysage et l’oriente nettement. L’intégration de personnes représentatives de la région ou de divers groupes d’intérêts durant la phase d’analyse et durant toutes les phases ultérieures du projet apportera au document final une plus grande crédibilité.

Les autres aspects d’une planification territoriale (protection des espèces, bruit, etc.) doivent également être intégrés dans la stratégie de communication. Celle-ci ne doit pas se focaliser sur le paysage mais bien présenter le concept global. Car tous les autres aspects sont également importants et auront un effet considérable sur la perception de son environnement par la population concernée par les éoliennes.

Les technologies actuelles offrent diverses possibilités de communication visuelle (modélisation 3D, photomontages, films, etc.). Ces outils doivent être utilisés, mais ne doivent pas constituer les uniques moyens de communiquer un projet ou une planification. Le choix d’un point de vue pour un photomontage, par exemple, a en effet une part de subjectivité. En utilisant les outils visuels il convient donc de retenir de nombreux points de vue, y compris depuis les zones ordinaires afin de tendre vers une certaine exhaustivité par rapport aux zones de visibilité futures des éoliennes. L’élaboration de rasters de visibilité basés sur un modèle numérique de terrain (MNT) – grille numérique tridimensionnelle d’un territoire – est indispensable. Ils permettent de matérialiser toutes les zones depuis lesquelles les éoliennes seront visibles.

3. PRINCIPES PAYSAGERS

Ce chapitre identifie les principaux effets de parcs éoliens sur le paysage au sens de la Convention européenne du paysage, soit autant le paysage naturel, visuel que vécu. Les catégories d’effets sont décrites dans les sections ci-dessous.

3.1. Échelles, rythme et cohérence des unités

Le paysage peut être découpé en unités paysagères. Celles-ci constituent des ensembles paysagers clairement délimités et homogènes du point de vue de la topographie, de l’occupation des sols et des éléments structurants du paysage. Il est possible qu’une unité soit très grande, notamment dans les régions de plaine, ou très restreinte (dans les régions montagneuses et vallonnées). Dans le cas des petites unités, les vues sont variées et les lignes d’horizons sont proches. Une zone avec des petites unités impose des changements continus de morphologie et de vues.

La géomorphologie du territoire est un des facteurs clés du paysage. Elle définit l’enchaînement des structures et détermine l’homogénéité ou l’absence d’homogénéité du paysage. Un paysage très accidenté offrira une grande diversité de vues à 365o, toutes différentes les unes des autres. Au contraire un paysage très homogène est moins varié et sera surtout modelé par les structures végétales et construites.

Les éléments structurants du paysage (bocage, villages, routes, cadastre, etc.) constituent, avec la géomorphologie, la base de l’identité du paysage. Ce sont donc naturellement les aspects les plus importants à traiter pour l’implantation d’éoliennes. Lors de l’analyse, les lignes de force topographiques et structurelles du paysage doivent être identifiées et décrites. Elles permettront de déterminer quels sont les éléments forts qui doivent être préservés ou appuyés par l’implantation d’éoliennes pour maintenir la valeur paysagère ou la faire évoluer de manière cohérente.

De par leur taille, les éoliennes ont un effet important sur le paysage. Elles sont souvent largement plus grandes que les composantes paysagères existantes ou sont visibles au-delà d’une seule unité paysagère.

Une planification paysagère doit prendre en compte la géomorphologie et ses proportions ainsi que l’agencement des structures afin d’éviter que les éoliennes effacent, écrasent ou perturbent les caractéristiques du paysage. Les éoliennes devraient donc s’insérer dans des espaces homogènes et éviter les zones accidentées avec de nombreux changements de morphologie, ainsi que les zones densément structurées par des composantes diverses. Par ailleurs, les lignes de force géomorphologiques ou structurelles doivent être mises en valeur ou préservées en fonction de leur taille et de leur valeur identitaire. Il est également important d’insérer les éoliennes en suivant le rythme imposé par la géomorphologie et les structures du paysage. Tous ces principes s’appliquent autant à petite qu’à grande échelle en fonction de la situation. Ainsi, un chemin peut être considéré comme un élément structurant linéaire important, au même titre qu’un fleuve dans une vallée.

D’une manière générale, un paysage vaste et peu accidenté avec des horizons lointains est plus favorable à l’insertion d’éoliennes qu’un paysage de collines ou de montagnes.

On trouvera ci-dessous quelques exemples schématiques liés à la géomorphologie et aux structures du paysage.

3.2. Respect des lignes de force

Le paysage possède des lignes de force (cours d’eau, routes, axes de vallée, crêtes) qui jouent un rôle important dans la cohérence d’un paysage. Ce sont souvent des éléments qui ont influencé tout le façonnage du paysage au fil des siècles ou, pour les infrastructures, qui se sont adaptés à des contraintes naturelles et morphologiques. L’implantation d’éoliennes doit souligner plutôt qu’effacer ces lignes de force.

Figure 1 : Exemples d’implantation d’éoliennes le long d’une ligne de force ou d’un élément structurant. Ici une route

3.3. Respect des proportions et rythme

Si des éoliennes sont placées de part et d’autre d’un point haut, il conviendra également d’en implanter une au sommet de ce dernier afin d’éviter son effacement visuel par les deux autres machines (figures 2 et 3).

Figure 2 : Schéma d’implantation d’éoliennes à proximité et sur un point haut. Il faut éviter de générer un effacement des échelles du paysage

Figure 3 : Situation d’implantation à éviter. Les proportions de la morphologie naturelle sont effacées

Source : Natura biologie appliquée Sàrl.

Sur des reliefs accidentés, il convient d’utiliser les mêmes tailles d’éoliennes pour l’ensemble du site et de faire en sorte que les machines s’insèrent dans la morphologie du terrain (figures 4 et 5). Il faut également éviter que par l’effet de perspectives, les éoliennes ne respectent plus les formes morphologiques depuis un point de vue. Les éoliennes ne devraient pas être aussi hautes que le sommet sur lequel ou à proximité duquel elles sont implantées, afin de ne pas perturber les échelles du paysage imposées par sa morphologie. Idéalement, la crête devrait avoir une hauteur deux fois plus grande que la hauteur de l’éolienne planifiée (figures 6, 7 et 8).

Figure 4 : Schéma d’implantation d’éoliennes sur des zones à morphologie accidentée. Il est important d’essayer de suivre les mouvements de terrain avec les éoliennes et de reproduire les mouvements existants

Figure 5 : Rythme du paysage imposé par la topographie

Le trait discontinu jaune symbolise la ligne d’horizon que les éoliennes devraient suivre depuis un point de vue déterminé lors de l’étude paysagère. Cela afin de respecter le rythme imposé par la topographie. Source : Natura biologie appliquée Sàrl.

Figure 6 : Schéma montrant les proportions de hauteur à respecter entre une éolienne et la hauteur d’un sommet

Figure 7 : Éoliennes sur une crête de faible hauteur

Source : Natura biologie appliquée Sàrl.

Figure 8 : Éoliennes sur une crête à hauteur nettement supérieure à la taille des éoliennes

Source : Natura biologie appliquée Sàrl.

Avec les effets d’optique, comme celui de la contre-plongée par exemple, l’effet de grandeur des éoliennes est nettement augmenté. Il convient d’insérer les éoliennes dans un gabarit imposé par les lignes de pente existantes afin d’éviter les effets de contre-plongée (figure 9).

Figure 9 : Éoliennes en haut d’une crête

Schéma d’implantation d’éoliennes sur une situation de crête. Éviter l’implantation en bordure de plateau pour limiter l’impression d’écrasement pour l’observateur depuis la plaine.

3.4. Covisibilité et situation de saturation

Concernant les éoliennes, il est souvent fait mention de l’attractivité qu’elles peuvent représenter pour le public compte tenu de leur caractère nouveau et symbolique d’une production énergétique durable. Néanmoins, un niveau de saturation à partir duquel les éoliennes ne constituent plus une attraction, mais un dérangement pour la population, peut être atteint si un trop grand nombre de parcs éoliens sont implantés dans une région et sont visibles d’un même endroit. Dans un axe de vue donné, les éoliennes sont dominantes et prennent une place importante. Si chaque cadrage ou axe de vue comporte des éoliennes, cela peut produire une sensation de saturation ou de lassitude chez l’observateur.

Une planification territoriale ou la projection d’un nouveau parc éolien dans une région doivent donc prendre en compte les problématiques de covisibilité. Il s’agit de répertorier les zones depuis lesquelles plusieurs parcs éoliens seront visibles. Les zones à forte concentration d’habitation, les zones touristiques reconnues pour leur qualité paysagère ou encore les points de vue particuliers ne devraient pas être dans une situation de covisibilité de plusieurs sites. L’analyse de covisibilité ne doit pas uniquement être réalisée pour les sites à distance identique depuis un point d’observation, mais doit prendre en compte tous les parcs du périmètre d’étude défini au début de l’étude. La réalisation de rasters de visibilité des éoliennes est très utile pour réaliser cette analyse.

Le terme de covisibilité est parfois aussi utilisé pour décrire la visibilité simultanée d’une éolienne et d’un autre élément paysager, par exemple un clocher d’église.

3.5. Paysages particuliers

Par « paysage particulier » on entend tous les espaces bénéficiant d’un statut légal spécifique et pour lesquels les aspects paysagers sont prépondérants. Il peut également s’agir de zones ne bénéficiant pas d’un statut légal spécifique, mais qui sont reconnues pour leurs qualités paysagères, par exemple un site emblématique régional ou une zone touristique aux paysages particuliers.

Lors de la planification d’un parc éolien la question des paysages particuliers ne devrait plus se poser. En effet, l’exclusion de zones paysagères devrait intervenir préalablement lors de la phase de planification territoriale.

Pour une planification territoriale, il s’agit de définir les paysages particuliers que l’on souhaite exclure ou au contraire mettre en valeur avec les éoliennes. Ce choix doit s’appuyer sur des critères définis lors de l’analyse paysagère.

D’une manière générale, et afin d’éviter des conflits d’intérêts par la suite, il convient d’exclure les paysages bénéficiant d’une protection légale. Les zones Natura 2000 sont un exemple de zones à éviter. Cela est aussi valable pour les zones ne bénéficiant pas d’un statut de protection particulier. Si toutefois l’insertion d’éoliennes semble compatible avec la zone, un travail de justification et de communication important doit être assuré. C’est le projet de paysage qui doit justifier l’implantation d’éoliennes ou non. La communication se fait en décrivant l’ensemble de la démarche de projet, de la phase d’analyse au résultat final proposé.

L’aspect patrimonial et historique du paysage, sa rareté et sa fréquentation par la population sont des facteurs à prendre en compte lors de l’élaboration de critères de sélection ou d’exclusion. Par ailleurs, il convient de faire des recherches sur les événements socioculturels et politiques ayant eu lieu en lien avec la zone concernée. En effet, une telle analyse permet de relever des aspects non visibles, mais qui peuvent constituer un facteur important de la valeur attribuée au paysage par la population.

Enfin, lors de l’analyse d’un paysage particulier ou protégé, il est nécessaire de considérer toute l’unité paysagère ou la zone de visibilité dans laquelle est inclus le site protégé. La qualité ou la particularité d’une zone paysagère reconnue par un acte politique s’étend parfois plus loin que le périmètre cartographique et forme un ensemble cohérent avec les alentours. L’implantation d’une éolienne à proximité du site protégé peut donc avoir autant d’impact que si elle était implantée à l’intérieur du périmètre. C’est pourquoi la détermination de zones tampons autour de paysages particuliers ou protégés est recommandée.

D’une manière générale, il est important de considérer le paysage comme un ensemble et de ne pas simplement exclure ou sélectionner des zones définies par un périmètre fixé par un acte politique.

3.6. Relation aux espaces bâtis

Cette section s’attache uniquement aux aspects paysagers liés aux espaces bâtis. Elle ne traite pas des aspects comme le bruit ou les ombres portées. Il est toutefois important que ces deux éléments soient traités avec beaucoup d’attention et de précaution. En effet, une étude qui n’aurait pas suffisamment abordé ces aspects risque de générer de nombreux problèmes sociaux durant la phase d’exploitation.

Les problématiques d’échelles s’appliquent aussi aux espaces bâtis. Ces derniers sont des éléments paysagers importants qui attirent le regard de l’observateur et sont souvent liés aux structures du paysage environnant, et forment donc un ensemble cohérent. Dans les paysages homogènes avec des horizons lointains, les bâtiments et les villages ont une importance structurelle encore plus grande que dans les espaces accidentés.

Par rapport à une éolienne, un bâtiment, même de grande taille, devient insignifiant et perd son caractère marquant dans le paysage. Depuis un point de vue analysé, une éolienne implantée dans l’axe d’un village ou d’un bâtiment ne devrait pas représenter plus d’une fois la hauteur de l’objet construit considéré (figures 10 et 11). Idéalement, l’éolienne ne devrait pas se trouver dans l’axe de vue des points d’observation importants définis dans l’analyse paysagère.

Figure 10 : Implantation d’éolienne : situation à éviter

Éviter l’implantation d’éoliennes dans l’axe d’un village ou d’un monument isolé.

Figure 11 : Bâtiments dominés par les éoliennes : situation à éviter

Exemple d’effacement des proportions des bâtiments par les éoliennes. Situation à éviter. Source : Natura biologie appliquée Sàrl.

Les vues depuis une localité vers l’espace non bâti sont également à considérer. Les axes de vues qu’offrent des rues ou des places en direction de l’extérieur de la localité sont à éviter afin de ne pas perturber les perspectives et les proportions définies par les bâtiments en place.

CONCLUSIONS

Au même titre que d’autres infrastructures importantes, les éoliennes doivent faire l’objet d’une planification à l’échelle du territoire en appliquant les principes d’aménagement du territoire. Elle constitue la clé d’une bonne insertion dans le paysage et, par conséquent, d’une cohérence générale compréhensible et acceptée par une large part de la population.

Ce rapport ne donne que les bases générales pour une bonne projection du paysage avec éoliennes. Tous les aspects traités doivent être plus au moins approfondis en fonction des spécificités de l’État ou de la région concernés. À cet effet, il est recommandé aux autorités de développer leurs propres critères paysagers en adéquation avec la Convention européenne du paysage, et de réaliser des schémas territoriaux globaux pour l’énergie éolienne. Dans les territoires où l’énergie éolienne n’est pas encore présente, l’élaboration de planifications complètes permettra d’anticiper bon nombre de conflits plus difficiles à résoudre lorsque des projets concrets sont soumis aux instances d’autorisation.

L’échange d’informations et d’expériences entre les États membres et la demande de soutien au Conseil de l’Europe sont également très importants. Ainsi, les connaissances spécifiques, parfois encore lacunaires, des nombreux domaines concernés par les éoliennes pourront-elles au plus vite être renforcées.

1 Ce rapport a été réalisé dans le cadre des travaux du Conseil de l’Europe en faveur de la mise en œuvre de la Convention européenne du paysage avec le soutien de l’Office fédéral de l’environnement de la Suisse.

2 Conseil de l’Europe, CEP-CDPATEP (2011) 12 Bil.

Chapitre 2Paysage et territoire : le processus de gestion des paysages

Jaume Busquets Fàbregas et Albert Cortina Ramos, experts auprès du Conseil de l’Europe

INTRODUCTION

Définition et caractéristiques de la gestion du paysage

La gestion des paysages est un concept récent, qui est apparu plus tard que les autres concepts du même domaine avec lesquels on le confond parfois. La définition utilisée dans ce rapport est celle de la Convention européenne du paysage (chapitre I, article 1) :

« “Gestion des paysages”comprend les actions visant, dans une perspective de développement durable, à entretenir le paysage afin de guider et d’harmoniser les transformations induites par les évolutions sociales, économiques et environnementales. »

La base conceptuelle de la Convention est exposée dans le même article, qui comprend aussi les définitions suivantes :

« “Paysage” désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ;

“Politique du paysage” désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage ;

“Objectif de qualité paysagère” désigne la formulation par les autorités publiques compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ;

“Protection des paysages” comprend les actions de conservation et de maintien des aspects significatifs ou caractéristiques d’un paysage, justifiées par sa valeur patrimoniale émanant de sa configuration naturelle et/ou de l’intervention humaine ;

“Aménagement des paysages”comprend les actions présentant un caractère prospectif particulièrement affirmé visant la mise en valeur, la restauration ou la création de paysages. »

Le concept de « gestion des paysages » que nous adoptons est donc issu d’un accord international, où il s’insère dans un système conceptuel cohérent, étroitement lié aux grands objectifs de la Convention européenne du paysage, à savoir : « promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages, et (…) organiser la coopération européenne dans ce domaine ».

Quant au concept de « gestion du paysage » développé dans le rapport – qui repose sur les définitions de la Convention –, il se définit comme un processus de formulation, d’articulation et de déploiement d’un ensemble de stratégies visant à valoriser un paysage donné et à améliorer la qualité de vie de la population dans le cadre du développement durable, en utilisant à cette fin les instruments adaptés et en mettant en œuvre les programmes et les actions établis dans un projet de gestion du paysage.

Cette définition met en évidence quatre grandes caractéristiques, conformes aux objectifs de la Convention concernant la gestion du paysage :

la dimension sociale : si l’on considère le paysage comme un produit social résultant de l’interaction entre la nature de la société, sa gestion doit tenir compte de sa dimension sociale et de sa double nature d’objet d’étude et de sujet de gestion. Cette exigence doit se traduire dans les faits par la participation des acteurs sociaux aux différentes étapes du processus de gestion et à la prise en compte de leurs perceptions et de leurs aspirations en matière de paysage ;

la perspective durable : étant donné que la protection des caractéristiques et des valeurs des paysages figure parmi les objectifs de la Convention, la gestion du paysage doit reposer sur le principe du développement durable et favoriser l’instauration de relations harmonieuses entre les activités humaines et leur environnement ;

l’angle opérationnel : tous les concepts définis dans la Convention reposent sur le principe de l’action ; la gestion du paysage doit donc avoir pour but d’être opérante, c’est-à-dire qu’elle doit être orientée vers l’action et avoir des effets sur le paysage et les acteurs sociaux, économiques et institutionnels conformes aux objectifs et aux formulations de départ des maîtres d’ouvrage des projets de gestion ;

la dimension temporelle : le paysage est intrinsèquement changeant. Sa gestion doit donc être envisagée comme un processus et les actions doivent être programmées et obéir à une logique et à des stratégies déterminées.

Objectifs de la gestion du paysage

Longtemps, le concept de gestion est resté au second plan par rapport à d’autres concepts touchant au paysage tels que l’analyse, la conception, la protection, l’aménagement ou le projet, plus présents dans les recherches et la pratique professionnelle. Pourquoi la gestion des paysages émerge-t-elle depuis quelques années ? Plusieurs facteurs expliquent, selon nous, cette nouvelle tendance :

la transformation accélérée des paysages, qui a atteint depuis cinquante ans un rythme et une intensité sans précédent, ainsi que la généralisation des processus de transformation du paysage qui concernent des espaces toujours plus vastes représentant aujourd’hui la quasi-totalité des régions et des milieux géographiques ;

le manque de stratégies et de méthodologies appropriées pour faire face aux transformations des paysages qui n’ont pas de statut spécifique de protection (paysages ordinaires) mais représentent la majorité des paysages où les gens vivent ;

l’inquiétude sociale suscitée par les transformations du paysage et la volonté de ne pas perdre le contrôle démocratique de son évolution vertigineuse, qui apparaît comme une fatalité inhérente à la croissance économique ;

la considération du paysage comme une variable utile de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme contemporain, comparable aux variables traditionnelles de ces disciplines ;

dans les sociétés actuelles, l’exigence d’un niveau de bien-être plus élevé qui comprend le droit individuel et social à un environnement de qualité et à jouir d’un paysage typique et doté d’atouts importants contribuant à améliorer la qualité de vie ;

le caractère de patrimoine culturel et naturel conféré au paysage par la société, qui voit de plus en plus souvent en lui un bien rare et menacé qu’il convient de bien traiter et de protéger.

Face à ces facteurs, la gestion du paysage se présente comme une modalité d’intervention sur le paysage et une technique professionnelle qui – compte tenu des aspirations des citoyens et des apports des différentes disciplines – mettent à la disposition de la société une méthode de travail contribuant à la valorisation du paysage, au développement durable et à la qualité de vie. Les principaux objectifs de la gestion du paysage sont les suivants :

contribuer à entretenir l’harmonie des paysages et à créer de nouveaux paysages de qualité ;

promouvoir le développement local à partir des valeurs des paysages et des possibilités qu’ils offrent ;

améliorer la qualité de vie des populations grâce à un développement socio-économique rationalisé et respectueux du paysage ;

améliorer l’efficacité de l’organisation spatiale des activités sur le territoire ;

contribuer à définir des lignes directrices paysagères applicables ultérieurement dans le cadre de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et des politiques sectorielles ;

fournir des critères, des méthodes et des instruments permettant d’atteindre les objectifs de qualité paysagère ;

accroître le capital paysager d’un territoire donné en envisageant le paysage comme une ressource économique et patrimoniale (naturelle et culturelle) de premier ordre ;

susciter le débat social sur le territoire et le paysage, et réunir les conditions d’un consensus grâce à la participation des acteurs sociaux ;

faciliter la prise de décision et l’élaboration de stratégies communes entre acteurs sociaux et institutions territoriales par des processus de concertation et de médiation paysagère.

1. DÉVELOPPER UN PROJET DE GESTION DU PAYSAGE

1.1. Définition

Un projet de gestion du paysage est un instrument permettant la réalisation systématique de toutes les étapes d’un processus de gestion du paysage (vision territoriale, diagnostic, formulation, mise en œuvre, diffusion et suivi des propositions et des actions) afin de valoriser un paysage donné et d’y améliorer la qualité de vie dans le respect des objectifs de qualité paysagère établis.

Les protagonistes de tout projet de gestion paysagère sont le maître d’ouvrage, le gestionnaire, l’équipe de gestion et les acteurs du paysage :

le maître d’ouvrage de la gestion du paysage peut être un acteur social, économique, institutionnel ou professionnel qui prend l’initiative et la tête de processus et de projets de gestion du paysage ; c’est aussi lui qui s’occupe de réunir les conditions nécessaires à la réussite du projet en mettant à la disposition du gestionnaire ou de l’équipe de gestion les ressources nécessaires pour mener à bien le projet ;

le gestionnaire du paysage est un professionnel qui dirige les équipes travaillant sur des processus ou des projets de gestion du paysage, ou qui participe activement à leur travail ;

l’équipe de gestion du paysage se compose de professionnels et de spécialistes issus de différentes disciplines qui participent activement à l’élaboration du projet coordonné par le gestionnaire du paysage ;

les acteurs du paysage sont les acteurs sociaux, économiques et institutionnels qui, sur un territoire donné, interviennent tout au long du processus de gestion dans le cadre de leurs rapports avec le gestionnaire ou l’équipe de gestion.

1.2. Étapes

La gestion des paysages est un processus dynamique de formulation, d’articulation et de déploiement d’un ensemble de stratégies visant à valoriser un paysage donné et à améliorer la vie de la population dans le cadre du développement durable, en utilisant à cette fin les instruments adaptés et en mettant en œuvre les programmes et les actions établis dans un projet de gestion du paysage. Dans le cadre de ce processus, tout projet de gestion du paysage se déroule en cinq grandes étapes qui doivent se succéder sans interruption.

Figure 12 : Les étapes du projet de gestion du paysage

Source : Jaume Busquets et Albert Cortina

La première étape, « hypothèse de départ et vision territoriale », consiste à prendre contact avec le territoire et le paysage sur lesquels porte le projet. En se fondant sur la première hypothèse émanant du maître d’ouvrage du processus et en utilisant son bagage professionnel et ses connaissances interdisciplinaires, le gestionnaire ou l’équipe de gestion du paysage fait une première lecture du territoire et délimite provisoirement le périmètre du projet de gestion, envisage quelques premières idées-forces et présente un axe initial sous la forme d’un scénario articulant les différents thèmes à développer pour le paysage concerné. Nous appelons cette compétence professionnelle « vision territoriale ».

La deuxième étape, « état des lieux des connaissances et diagnostic », vise à garantir que le projet de gestion se fonde sur une lecture rigoureuse et systématique du paysage. Elle permet de confirmer le périmètre choisi et de travailler le projet à l’échelle territoriale appropriée. L’analyse territoriale, le diagnostic du paysage (état, évolution, tendances et dynamiques), la connaissance des études réalisées et de la documentation existante, le cadre normatif en vigueur et la planification établie, les échanges avec les acteurs du paysage (moyennant des entretiens avec les acteurs sociaux, économiques et institutionnels les plus intéressants) et l’identification des réseaux sociaux sont autant de facteurs qui permettent au gestionnaire ou à l’équipe de gestion du paysage de poser le diagnostic préalable au lancement de l’étape de gestion suivante.

Forts de ces connaissances préliminaires et d’un diagnostic certes rigoureux mais témoignant aussi d’une orientation et d’une volonté de vérifier l’hypothèse de départ et la vision territoriale initiale, nous entrons dans la troisième étape, dite de « formulation des propositions ». Le moment est alors venu, suivant un processus participatif approprié, d’affiner les objectifs et de définir les idées-forces et l’axe du projet de gestion. Lors de cette étape, qui exige méthodologie et créativité, le gestionnaire ou l’équipe de gestion confirmera ou rectifiera l’hypothèse de départ et sa vision initiale du territoire afin d’articuler les objectifs et les idées-forces autour d’un fil conducteur (axe) attractif et mettant en évidence de façon cohérente les thèmes et les actions à proposer pour ce paysage.

Jusqu’ici, il s’agit d’un exercice non linéaire, interactif, qui permet de progresser dans un mouvement de va-et-vient vers les étapes suivantes qui consisteront à définir des stratégies d’introduction des idées-forces, d’établissement des critères permettant d’atteindre les objectifs, et de formulation des propositions et actions définitives du projet de gestion du paysage. Tout cela s’inscrit, rappelons-le, dans un processus participatif.

À la quatrième étape, « développement et mise en œuvre des propositions », le gestionnaire ou l’équipe de gestion met en œuvre les propositions et actions du projet en cherchant à obtenir la connivence et l’assentiment des acteurs du paysage. La rédaction, puis l’application des différents instruments d’exécution (plans, projets, accords, groupements…) permettent de mettre en œuvre les propositions et actions suivant un programme de gestion qui précise quels sont les acteurs concernés, les ressources économiques et le planning. Les processus de médiation et de concertation ont généralement lieu à cette étape. Grâce à eux, les acteurs du paysage peuvent parvenir à un consensus et contracter des engagements et des obligations, notamment en ce qui concerne le financement et le calendrier prévisionnel des actions.

Enfin, la dernière étape, « diffusion et suivi », consiste à mettre en place un ensemble de stratégies de communication visant à faire bien comprendre les propositions et actions définies dans le projet. Le maître d’ouvrage du projet de gestion, par l’intermédiaire d’un conseil du paysage, veille à ce que les acteurs sociaux, économiques et institutionnels s’investissent dans l’étape de suivi du processus, en prenant des mesures de sensibilisation et de valorisation du capital paysager et en créant ainsi une véritable culture de la qualité paysagère.

Pour appuyer cet organe représentatif, il est possible de créer un bureau technique du paysage, chargé de la mise en œuvre des propositions et actions concrètes définies dans le projet de gestion. Le bureau technique, qui se compose de gestionnaires du paysage et d’autres professionnels spécialisés dans l’aménagement, la protection et la gestion des paysages, a pour mission de diffuser et de faire vivre le contenu propositionnel du projet aussi bien auprès des acteurs sociaux, économiques et institutionnels que de la population en général. À cette fin, il peut recourir à un animateur spécialisé dans la gestion du paysage.

Lors de l’étape de suivi, il importe d’évaluer régulièrement les résultats du processus de gestion en utilisant, éventuellement, différents indicateurs en matière de paysage.

Figure 13 : Développement des étapes du processus de gestion

Source : Jaume Busquets et Albert Cortina

Il s’agit à présent d’examiner les objectifs et le contenu de chacune des étapes d’un projet de gestion du paysage.

Étape 1 – Hypothèse de départ et vision territoriale

A. Hypothèse de départ et objectifs généraux

La plupart du temps, il y a au début du projet de gestion du paysage une hypothèse de départ et des objectifs généraux dont le maître d’ouvrage fait part au gestionnaire ou à l’équipe de gestion.

Il est utile que le maître d’ouvrage exerce ses capacités d’initiative et son rôle de direction de manière participative en associant les autres acteurs sociaux, économiques et institutionnels. Ainsi, l’hypothèse de départ et les objectifs généraux résulteront d’une démarche participative préalable qui s’amplifiera et s’intensifiera au fil du processus de gestion.

Grâce à la traduction de ses objectifs généraux en éléments exploitables par des professionnels ou l’établissement d’un cahier des charges si des marchés publics doivent être passés, le maître d’ouvrage peut former une équipe interdisciplinaire en tenant compte des principaux aspects du processus à mettre en place, du type de paysage à gérer et des objectifs poursuivis.

Le maître d’ouvrage du projet de gestion du paysage, qui est chargé de faire le nécessaire pour atteindre les objectifs généraux, doit mettre à la disposition du gestionnaire ou de l’équipe de gestion les ressources dont ces derniers ont besoin.

B. Vision territoriale

À partir de l’hypothèse de départ et des objectifs fixés par le maître d’ouvrage, le gestionnaire ou l’équipe de gestion fait appel à ses connaissances disciplinaires et à son expérience pour exercer la compétence professionnelle qui peut être nommée « vision territoriale ». Une fois la première lecture du territoire réalisée en appliquant cette vision, le périmètre du projet est défini provisoirement et quelques idées-forces sont avancées. Celles-ci sont organisées autour d’un axe initial décrivant sous forme de scénario les différents thèmes à développer et les actions à mener pour le paysage concerné.

a. Délimitation provisoire du domaine d’intervention du projet

La délimitation du domaine d’intervention du projet de gestion du paysage correspond au découpage physique du territoire établi – à partir de l’échelle géographique concernée – par le maître d’ouvrage, le gestionnaire et l’équipe chargée de la rédaction du projet.

À ce stade, la délimitation du domaine d’intervention du projet reste provisoire puisqu’elle peut évoluer et se préciser à mesure que les résultats du diagnostic se dessinent et que les objectifs spécifiques se précisent.

C’est aussi à cette étape qu’il faut établir l’échelle ou les échelles de travail en tenant compte du fait que ce choix a une influence sur l’analyse des composantes du paysage et la mise au point ultérieure des instruments de gestion (planification, projet, etc.). Par exemple, une échelle intermédiaire (1/25 000) peut être adaptée à l’analyse de zones de paysage homogènes tandis que pour les structures écogéographiques, le 1/10 000 serait plus approprié.

b. Anticipation des premières idées-forces

Une fois la première lecture du paysage réalisée, le gestionnaire ou l’équipe de gestion peut proposer, en s’appuyant sur sa vision territoriale, les premières idées-forces du projet.

Il y a lieu d’entendre par idée-force tout élément tangible ou intangible d’un paysage déterminé jouant un rôle important et possédant un potentiel stratégique fort qui, pris avec d’autres idées-forces, constitue l’axe d’un projet de gestion du paysage.

Une idée-force n’est pas seulement une description des thèmes, des ressources tangibles (territoire, éléments physiques du paysage…) ou intangibles (éléments sociaux, culturels, historiques, touristiques, esthétiques…), mais l’association des thèmes, valeurs et ressources distinctifs qui constituent le capital paysager d’un territoire donné et, ensemble, font ressortir son importance et son potentiel stratégique.

La vision territoriale fait émerger l’idée ou les idées-forces autour de laquelle ou desquelles peuvent se structurer un ou plusieurs éléments thématiques de valorisation et de dynamisation du paysage concerné.

c. Présentation d’un argumentaire initial

Enfin, compte tenu des objectifs généraux fixés par le maître d’œuvre, le gestionnaire ou l’équipe de gestion élabore et présente une version initiale de l’orientation du projet de gestion.

L’argumentaire est le scénario de base qui permet d’établir à partir des idées-forces un fil conducteur cohérent reliant les différents thèmes, les objectifs, les stratégies, les propositions et les actions concrètes de gestion.

L’orientation d’un projet de gestion doit déboucher, au bout du compte, sur la valorisation du paysage et une redynamisation découlant de la synergie des ressources et du consensus entre les acteurs concernés.

Étape 2 – État des lieux des connaissances et diagnostic

A. Analyse territoriale

Si l’on admet que le paysage est la physionomie particulière d’un territoire telle que la perçoit l’homme, les deux concepts – territoire et paysage – forment un couple dialectique. Par ailleurs, le territoire ne se réduit pas à un espace au sens strictement euclidien du terme : c’est aussi un ensemble de composantes organisées de manière unique.

Ces deux prémisses supposent que tout projet de gestion du paysage s’appuie sur une reconnaissance rigoureuse des éléments statistiques et dynamiques du territoire. Cette prise en compte passe par un travail de terrain et par la consultation des travaux existants ou, plus généralement, les deux. De plus, l’analyse doit partir d’un fait essentiel : comme tout paysage, tout territoire est unique. En effet, il n’existe pas de situations biogéographiques identiques (pour la simple raison, notamment, que chaque site exclut tous les autres).

L’analyse territoriale dans le cadre de la gestion des paysages doit se fonder sur l’étude du lieu au sens donné à ce concept dans le monde francophone et anglosaxon, à savoir : l’étendue du site faisant l’objet d’un projet donné et son aire d’influence du point de vue fonctionnel et perceptif. Cette analyse doit comprendre l’identification (reconnaissance) et la caractérisation (description) des composantes essentielles qui structurent le territoire du paysage étudié :

les composantes « localisationnelles » : emplacement, accessibilité, contexte territorial ;

les composantes géomorphologiques : structure du relief, réseau hydrographique, topographie ;

les composantes biophysiques : sol, climat, végétation, écosystèmes ;

les composantes socio-économiques : peuplement, réseaux d’infrastructures, occupation des sols, activités économiques et flux (économiques, énergétiques, de marchandises et d’approvisionnement, etc.).

Pour être complet, ce processus doit donner lieu in fine à une interprétation globale du territoire qui mette en évidence, d’une part, les relations fondamentales entre les divers paramètres et, d’autre part, la hiérarchie existante. C’est ce que l’on appelle la synthèse territoriale, qui révèle l’organisation du territoire et permet de connaître la structure du paysage à gérer.

En matière de gestion du paysage, l’analyse territoriale doit donc avoir un caractère résolument sélectif et synthétique visant à faire apparaître l’organisation du territoire et à fournir les paramètres permettant d’établir le diagnostic paysager et, au final, le projet de gestion du paysage.

B. Diagnostic du paysage

Les données fournies par l’analyse territoriale sont indispensables, même si elles ne sont pas suffisantes pour mener à bien un projet de gestion du paysage. Il faut aussi réaliser un diagnostic du paysage afin de mettre en évidence les composantes du paysage, ses valeurs et ses tendances. Si l’objectif de l’étape d’analyse territoriale était de comprendre l’organisation du territoire et la spécificité du lieu concerné, il s’agit ici de faire le point sur l’état du paysage, les tendances de son évolution et les possibilités qu’il offre. Tout projet de gestion répond à des objectifs d’intérêt social relatifs au paysage envisagé comme source de projets communs par les maîtres d’œuvre – objectifs qui doivent rester une référence constante pendant tout le processus.

Il existe plusieurs méthodes d’analyse et de diagnostic du paysage, qui ont été mises au point dans le cadre de spécialités professionnelles et scientifiques telles que la géographie, l’histoire, l’écologie, le paysagisme, l’aménagement du territoire, l’urbanisme, etc. Toutes ces méthodes, qui s’intéressent aux diverses dimensions et composantes du paysage, sont utiles. Pour l’exécution des projets de gestion du paysage, on peut faire appel à des spécialistes différents en fonction des caractéristiques de la sphère territoriale et paysagère concernée. Différentes méthodes peuvent donc être appliquées simultanément sous la direction du coordinateur de l’équipe de gestion, pourvu que les objectifs opérationnels soient respectés et qu’un diagnostic du paysage cohérent soit établi.

En ce qui concerne la réalisation du diagnostic paysager, les données résultant de l’étape d’analyse territoriale sont complétées par l’analyse d’autres variables essentielles pour comprendre un concept de nature complexe, le paysage, qui peut en outre être compris de plusieurs façons. Les composantes ne sont pas toujours faciles à objectiver mais elles sont nécessaires pour parvenir à une compréhension globale du paysage et créer un lien entre la population et l’avenir du paysage. Parmi ces composantes, figurent des aspects matériels et immatériels (visuels, perceptifs, culturels et écogéographiques) :

composantes visuelles : éléments (lignes, points, surfaces, volumes…), organisation (ensemble formel, structure visuelle, ordre spatial…), variables (domination, diversité, position, orientation, couleurs, éclairages…) ;

composantes perceptives : gamme de perception, points d’observation et parcours visuels, bassin visuel et autres composantes sensorielles ;

composantes culturelles : représentations culturelles (traditions, iconographie, littérature, etc.), éléments de patrimoine (sociaux, naturels, esthétiques, etc.), éléments symboliques ;

composantes écogéographiques : mosaïques paysagères, structures paysagères (géo-écologiques et socio-économiques), unités de paysage, types d’habitat, parcellisation, etc. ;

aspects présents et futurs : valeurs du paysage, dynamiques évolutives, impacts, défis et possibilités.

Pour être utile au projet de gestion, le diagnostic du paysage doit avoir un caractère sélectif et synthétique. Le gestionnaire ou l’équipe de gestion ne doit pas chercher à faire un inventaire exhaustif ou une monographie locale mais, au contraire, distinguer parmi toutes les composantes recensées les plus importantes, les hiérarchiser et mettre en évidence l’organisation interne du paysage. Les résultats du diagnostic doivent montrer clairement les valeurs, les tendances et les possibilités offertes par le paysage. Celles-ci doivent permettre de formuler des propositions spécifiques de valorisation du paysage, donner des indications sur les types de projets de mise en œuvre nécessaires et, finalement, faciliter la prise de décision et l’élaboration de stratégies communes à tous les acteurs du paysage.

C. Analyse des diverses sources d’information

Au cours de l’étape consacrée à la connaissance et au diagnostic du paysage, il est indispensable que les équipes de gestion puissent garantir qu’elles ont eu recours à toutes les sources d’information existant sur le paysage qui les intéresse. C’est une question non seulement de rigueur scientifique et technique mais aussi d’efficacité et de professionnalisme. Il convient d’éviter de recommencer ce que d’autres spécialistes ou professionnels ont déjà effectué. Cela évite les efforts inutiles et permet de mieux utiliser le temps disponible et d’accroître l’efficacité de l’équipe de gestion.

a. Sources d’information directe

La première source d’information directe est le territoire lui-même et l’étude du paysage sur le terrain. Rien ne saurait remplacer cette source d’information de premier ordre, ni les textes scientifiques, ni les documents iconographiques, ni les bases de données statistiques. Cependant, il doit être clair que le travail de terrain ne se limite pas à la collecte d’informations, qui n’est ni la seule tâche à accomplir, ni le seul objectif à atteindre.

Le travail sur site permet non seulement de recueillir des données importantes sur différentes variables grâce à plusieurs moyens (prise de notes, photographies, cartes, croquis, etc.), mais aussi de vérifier les informations issues d’autres sources par une observation directe, de comparer sa perception avec d’autres et, enfin, d’établir des contacts et d’échanger avec les acteurs sociaux (entretiens, enquêtes, débats, etc.). Ainsi, le travail de terrain apporte des réponses mais il suscite aussi des interrogations et introduit des hypothèses et des idées nouvelles.

Pour que le travail de terrain soit efficace, il faut l’avoir préparé et savoir qu’il faudra se rendre sur place plusieurs fois au cours du projet de gestion afin de compléter les informations et/ou de vérifier de nouvelles données. En fonction de l’étendue de l’étude et des objectifs du projet, l’organisation du travail de terrain exige une programmation et une coordination plus ou moins complexes entre les membres de l’équipe de gestion. En tout cas, le paysage doit toujours finir par être familier à ses gestionnaires. Il faut que ceux-ci s’imprègnent du « pays », tant au sens du territoire que de ses habitants.

b. Sources d’information indirecte

De manière générale, l’information sur le territoire et l’accessibilité à cette information ont nettement progressé avec le progrès social, politique et économique. Par ailleurs, le développement des réseaux télématiques a contribué à mettre à la portée de la société un énorme volume d’informations de tous types (notamment une grande variété de données d’intérêt territorial et paysager) – possibilité encore inimaginable il y a seulement quelques années. Ces conditions facilitent certes l’accès aux sources documentaires et la collecte de documentation par les équipes de gestion, mais il n’en reste pas moins que ce sont des tâches d’une importance cruciale auxquelles il faut prévoir de consacrer un certain temps.

Les informations indirectes peuvent être réparties en six grands groupes en fonction de leur origine :

informations normatives : planification (territoriale, urbaine, sectorielle), législation (territoriale, urbanistique, sectorielle) ;

informations scientifiques : études, catalogues, monographies, thèses de doctorat, etc. ;

informations cartographiques : cartes, photographies aériennes, images satellites ;

informations statistiques : économiques, démographiques, sociales, etc. ;

informations iconographiques (non cartographiques) : peintures, gravures, photographies, etc. ;

informations culturelles : monographies locales, œuvres littéraires, articles de presse, etc.