Les jeunes à l’heure du numérique - Collective - E-Book

Les jeunes à l’heure du numérique E-Book

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Beschreibung

La participation des jeunes à l’heure du numérique est aujourd’hui un sujet de grand intérêt dans la sphère publique. Les auteurs de cette publication livrent de nouvelles perspectives et des visions diversifiées permettant de mieux comprendre comment les jeunes interagissent avec les opportunités qu’offre l’espace numérique et comment ils peuvent utiliser cet espace non seulement pour leurs propres besoins mais aussi pour démocratiser la société dans laquelle ils vivent. Ce faisant, les auteurs des articles qui figurent dans cette édition se sont efforcés de construire un socle de connaissances sur ce sujet en montrant comment le numérique ouvre un vaste champ d’opportunités, tout en représentant un défi de taille. La collection « Points de vue sur la jeunesse » est conçue comme un forum d’information, de discussion, de réflexion et de dialogue sur l’évolution des politiques et de la recherche en matière de jeunesse, et sur celle du travail de jeunesse en Europe. Ce quatrième volume est associé au Symposium sur la participation des jeunes dans un monde numérique, une manifestation du Partenariat pour la jeunesse entre la Commission européenne et le Conseil de l’Europe.

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Points de vue

sur la jeunesse

Les jeunes à l’heure du numérique

 

 

Volume 4

 

 

Conseil de l’EuropeFacebook.com/CouncilOfEuropePublications

Sommaire

 

Cliquez ici pour consulter la table des matières complète, ou allez directement sur l’option « Table des matières » de votre lecteur numérique.

Avant-propos

MatinaMagkou, ReinhardSchwalbach et BramSpruyt

La collection « Points de vue sur la jeunesse » est conçue comme un forum d’information, de discussion, de réflexion et de dialogue sur l’évolution des politiques et de la recherche en matière de jeunesse, et sur celle du travail de jeunesse en Europe.

Forts de ce principe, pour le quatrième volume de Points de vue sur la jeunesse, nous avons sciemment décidé d’associer la publication au Symposium sur la participation des jeunes dans un monde numérique, une manifestation phare du Partenariat pour la jeunesse entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, qui s’est tenue du 14 au 16 septembre 2015 au Centre européen de la jeunesse du Conseil de l’Europe à Budapest. Ce choix délibéré entendait maximiser les retombées du symposium et de la publication, afin de relancer les discussions engagées à l’occasion du symposium et d’inviter davantage de personnes à réfléchir aux résultats.

L’appel à communications invitait les auteurs intéressés à soumettre des propositions portant sur ces thèmes et à développer leur propos en lien avec un ou plusieurs des messages clés du symposium. Voici les questions auxquelles nous nous proposions de répondre :

quel rôle la participation numérique doit-elle jouer dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un agenda pour une participation globale en vue d’une citoyenneté active chez les jeunes et/ou quelle forme doit-elle prendre ?

comment encourager la mise en place d’approches mixtes d’enseignement et d’apprentissage fondées sur des principes participatifs intégrant de nouveaux instruments et outils pédagogiques (par exemple des outils numériques) ?

comment favoriser la transition des jeunes vers le marché du travail pour une amélioration qualitative et quantitative de l’emploi et de la participation démocratique à l’économie ? quelles sont les aptitudes nécessaires pour les emplois de demain ? comment encourager la création d’emplois de qualité et l’esprit d’entreprise à l’ère du numérique ?

quelles approches, mesures ou initiatives politiques sont prises ou devraient être renforcées pour préparer et pour protéger les jeunes à l’ère du numérique ?

comment faire en sorte que les jeunes en situation de marginalisation et d’exclusion participent au monde numérique ? comment la numérisation peut-elle aider les sociétés à faire preuve de plus d’ouverture vis-à-vis des groupes vulnérables ? quels sont les obstacles et les difficultés qui empêchent encore d’y parvenir ?

quel est le rôle du travail de jeunesse et des travailleurs de jeunesse en tant que « traits d’union » et médiateurs entre les ressources numériques, les différentes parties prenantes et les jeunes ?

Pour répondre à ces questions, les auteurs des chapitres de cet ouvrage apportent des savoirs et s’interrogent sur la participation des jeunes dans un monde numérique. Ils partagent des résultats d’études et de recherches, des expériences des praticiens et des recommandations politiques de différentes régions en Europe et même d’ailleurs.

La numérisation et les nouveaux médias offrent de nouvelles possibilités en termes d’occupation du temps de loisirs. Ce phénomène soulève généralement des questions quant à la relation entre les activités en ligne et celles hors ligne. L’activité en ligne diminue-t-elle les possibilités d’activités hors ligne ? Ou observe-t-on un effet d’entraînement d’un type d’activité sur l’autre ? Le chapitre « L’évolution du temps libre et des lieux de loisirs en ligne et hors ligne par les jeunes, et leur utilisation des médias en Hongrie », d’Ádám Nagy et d’Anna Fazekas, aborde ces questions sous un angle générationnel. S’appuyant sur les travaux de Mannheim et Prensky, les auteurs s’attachent à l’occupation du temps de loisirs de la génération dite des « natifs du numérique ». Dans la partie empirique, le chapitre présente les conclusions de travaux de recherche sur la jeunesse menés en Hongrie, qui montrent un revirement des habitudes entre la génération Y et la génération Z, la première ayant tendance à occuper son temps libre dans les centres commerciaux, la deuxième devant des écrans. Ces études reviennent sur la place de plus en plus importante des médias électroniques dans les loisirs informels des jeunes et analysent les différents comportements en matière d’utilisation des « médias numériques » que l’on observe selon les générations, et selon le contexte social et affectif.

Le chapitre de Betty Tsakarestou, Lida Tsene, Dimitra Iordanoglou, Konstantinos Ioannidis et Maria Briana aborde le thème de la sphère économique et de la vie professionnelle à travers les conclusions d’une étude menée en Grèce sur les compétences des jeunes dirigeants, à l’heure où la mobilité et l’entrepreneuriat sont encouragés. Dans le chapitre « Jeunes entrepreneurs en pointe – talents de leadership et d’entrepreneuriat pour un renouveau des marchés et des emplois dans une économie mobile et collaborative », les auteurs comparent leurs conclusions à celles d’études similaires menées dans d’autres pays d’Europe et formulent des recommandations visant au renforcement des compétences nécessaires pour évoluer dans cet environnement.

Donner la parole aux praticiens, tel a toujours été l’objectif des publications Points de vue sur la jeunesse. Dans leur chapitre « Outils numériques et mobiles, et conseils pour une participation en ligne des jeunes », Evaldas Rupkus et Kerstin Franzl reviennent sur les tenants et les aboutissants du projet EUth – Tools and Tips for Mobile and Digital Youth Participation in and across Europe (EUth : outils et conseils pour la participation des jeunes en Europe), dont l’objectif est de créer une boîte à outils numérique et mobile pour des projets de participation en ligne et d’accompagner ceux qui souhaitent se lancer dans une telle expérience. Le chapitre entend familiariser le lecteur avec le projet et les possibilités qu’offre sa plateforme numérique en ligne OPIN et avec la démarche à suivre pour développer son propre projet de participation en ligne via cette plateforme.

Dans leur chapitre intitulé « Une participation ouverte aux jeunes – Un élément clé de la bonne gouvernance au XXIe siècle », Daniel Poli et Jochen Butt-Pośnik dressent le bilan de l’expérience acquise grâce à deux projets de coopération multilatérale pour aborder la question de la participation ouverte. Ils évoquent plus spécifiquement le projet « Youthpart » qui est à l’origine de lignes directrices européennes pour une participation en ligne réussie des jeunes et le projet « Participation of young people in the democratic Europe » (Participation des jeunes dans une Europe démocratique), plus particulièrement consacré aux nouvelles formes et aux nouveaux espaces de participation. À partir de ces expériences, ils proposent une réflexion sur les éléments qui devraient composer un « agenda pour une participation holistique ».

Les médias sociaux et internet offrent de multiples possibilités dont les jeunes se saisissent avec empressement (comme lors du Printemps arabe ou d’autres mouvements sociaux dans le monde), mais pas toujours sans difficulté. Le chapitre de Karima Rhanem, « Maroc – Les médias numériques et sociaux favorisent l’engagement citoyen des jeunes en faveur de la démocratie » revient sur les événements survenus au Maroc au lendemain du Printemps arabe et sur la manière dont les jeunes militants marocains et les acteurs de la société civile se sont servis d’internet et des réseaux sociaux pour mobiliser, débattre et appeler au changement. Ce chapitre examine également l’influence de ces initiatives sur les politiques et aborde les questions liées à l’éthique dans l’utilisation des médias sociaux et à la confiance.

Pour cette publication, nous avons invité deux personnes qui ont contribué de manière significative au symposium à rejoindre l’équipe de rédaction. Manfred Zentner et Adina Marina Călăfăteanu ont en effet fait partie de l’équipe préparatoire et ont signé deux chapitres de fond apportant des éléments de compréhension sur les axes thématiques du symposium. Ils ont révisé certains des chapitres et ont proposé des pistes pour y apporter des améliorations et faire en sorte que ces éléments fassent écho aux conclusions du symposium.

Pour sa contribution intitulée « Les outils de communication en ligne au service de l’apprentissage, de l’identité et de la citoyenneté pour les “natifs du numérique” », Adina Marina Călăfăteanu s’est inspirée de l’article de fond qu’elle avait rédigé sur le thème « Communication » du symposium. Elle traite le sujet en examinant le rôle que l’identité, la citoyenneté et l’apprentissage jouent dans le goût des « natifs du numérique » pour les outils de communication non traditionnels et fait observer que ce phénomène doit être pris en compte au moment d’élaborer des politiques de jeunesse et des stratégies de mobilisation des jeunes.

Approfondissant un peu plus encore le débat autour de l’éducation, de l’apprentissage et des compétences dans un monde numérisé, Nuala Connolly et Claire McGuinness, dans leur chapitre intitulé « Vers une littératie numérique pour une participation et une mobilisation actives des jeunes dans un monde numérique », affirment que la fracture numérique originelle en matière d’accès physique à internet s’est muée en fracture de compétences. Les auteurs exposent la nécessité d’une littératie numérique efficace, dont elles décrivent les constituants, et s’intéressent à la situation que l’on observe dans ce domaine en Europe, dans des contextes tant formels qu’informels, tout en formulant des recommandations pour les politiques et les pratiques.

D’un côté, la littératie numérique permet aux personnes d’exprimer leurs opinions, de partager leurs idées, et aide à la mobilisation rapide de beaucoup de personnes qui ont des idées similaires. D’un autre côté, la littératie numérique amène des risques relatifs au discours de haine, au harcèlement et autres délits.

Enfin, nous ne pouvions clore cet ouvrage sans évoquer le Mouvement contre le discours de haine, projet phare du Conseil de l’Europe. Antonia Wulff, membre de l’équipe de rédaction, revient sur les prémices du mouvement alors qu’elle présidait le Conseil consultatif pour la jeunesse (2009-2011). La montée de l’extrême droite, les espaces et les discussions en ligne aux relents de haine ainsi que la volonté de remettre en cause le point de vue selon lequel les jeunes ne seraient que des victimes et de trouver de nouvelles façons de travailler avec les jeunes pour les soutenir, telles ont été les motivations à l’origine du Mouvement contre le discours de haine, avalisé par le Conseil mixte pour la jeunesse et lancé officiellement par le Conseil de l’Europe en 2013. Menno Etemma, coordinateur du mouvement au nom du Conseil de l’Europe, nous éclaire sur cette campagne et sur la manière dont elle intègre les valeurs et les priorités fondamentales du Conseil de l’Europe. Il explique également comment s’investir dans la campagne.

Outre le point de vue d’Antonia Wulff et de Menno Etemma, nous voulions savoir quel écho la campagne avait trouvé dans les différents pays européens. Nous avons donc demandé à Manu Mainil, originaire de Belgique, Ivett Karvalits, de Hongrie, Anne Walsh, d’Irlande, et Aleksandra Knežević, de Serbie – tous coordinateurs de la campagne dans leur pays respectif –, de nous expliquer quelle importance elle revêtait dans leur pays, et de revenir sur les résultats les plus marquants et sur les difficultés rencontrées lors de son déploiement.

En définitive, les contributions figurant dans ce volume de Points de vue sur la jeunesse illustrent parfaitement la manière dont la numérisation des sociétés européennes contemporaines est porteuse tout à la fois de possibilités et de défis majeurs. Ainsi, si la numérisation fait de plus en plus disparaître les barrières spatiales et temporelles, elle exacerbe en revanche le risque d’autoexclusion et renforce l’homogénéisation des réseaux sociaux. En cela, la numérisation peut aussi bien réduire que renforcer les inégalités sociales. Les nouveaux médias et les nouvelles techniques numériques offrent également des formes d’apprentissage et de participation différentes et plus accessibles, et constituent un premier tremplin pour les groupes pour lesquels traditionnellement les possibilités d’apprentissage et de participation sont réduites. Cela étant, les observateurs les plus pessimistes arguent que les nouveaux médias, et notamment certaines utilisations qui en sont faites, favorisent l’isolement, accentuent les préjugés et renforcent le sentiment de désillusion, entraînant en définitive une perte du capital social. D’autres exemples sont développés dans les différentes contributions de cet ouvrage mais le message clé semble clair : les innovations techniques, telles que la numérisation, ne sont pas, en soi, de bonnes ou de mauvaises évolutions. C’est l’utilisation que nous en faisons qui importe vraiment.

En conclusion, nous tenons à souligner l’importante contribution de Hanjo Schild à l’élaboration de Points de vue sur la jeunesse. Hanjo quitte le partenariat à l’heure où nous écrivons ces lignes. Nous lui adressons nos plus vifs remerciements pour son engagement, pour son dévouement aux causes de la jeunesse, pour sa maîtrise du sujet et pour sa générosité. Hanjo, vous êtes unique et allez vraiment nous manquer.

Chapitre 1L’évolution du temps libre et des lieux de loisirs en ligne et hors ligne par les jeunes, et leur utilisation des médias en Hongrie1

ÁdámNagyet AnnaFazekas

INTRODUCTION

On peut considérer une tranche d’âge comme une génération dès lors qu’il existe une qualité immanente commune, une connaissance générationnelle et une dimension collective, ce qui suppose trois conditions : que ses membres soient en phase s’agissant de l’expérience vécue, qu’ils constituent un groupe et soient réellement tournés les uns vers les autres, qu’ils aient une vision similaire de la situation, des attitudes et des formes d’action (Mannheim, 1978). Prensky (2001) a livré son interprétation de l’appartenance à une telle tranche d’âge au regard de la société de l’information. Nous avons pris en compte la distinction qu’introduit Prensky entre enfants du numérique et immigrés du numérique, et l’avons incorporée dans le modèle de Howe et Strauss (1991), selon lequel le changement de génération au sens de Mannheim intervient dans la société tous les 15 à 20 ans environ. En recourant à une théorie de la socialisation (Nagy, 2013c), on peut considérer que le temps de loisirs et les médias jouent le même rôle dans la société postmoderne que la socialisation à l’école dans la société moderne et la famille à l’époque prémoderne. Nous pouvons donc, à partir des données sur le temps libre des jeunes, essayer de dresser un portrait des jeunes générations actuelles (Y et Z) grâce à leurs activités et à leur utilisation des médias à cet égard, et confirmer ainsi les différences entre générations. Nous utilisons ici des données sur la Hongrie car elles proviennent d’études de grande ampleur réalisées auprès des jeunes tous les quatre ans, et ce depuis une quinzaine d’années (Ifjúság, 2000 ; 2004 ; 2008 ; Magyar Ifjúság, 2012). Elles donnent une vue d’ensemble des situations et des modes de vie des jeunes hongrois, établie à partir d’un échantillon de 8 000 personnes, représentatif en termes d’âge, de sexe et de lieu de résidence.

LES JEUNES DANS LA SOCIÉTÉ : LES GÉNÉRATIONS X, Y, Z

Depuis la prolifération des technologies de l’information et de la communication (TIC), le monde des jeunes s’est partiellement différencié de celui des jeunes des générations précédentes. Leur organisation du temps dont ils disposent, leur famille, leur éducation et leur place sur le marché du travail ont évolué ; ils construisent leur temps libre différemment, l’utilisent dans des buts différents et ont des stratégies de collecte de l’information et de communication différentes. Leur conception des relations, de la communauté et du divertissement a également changé. Un des principaux problèmes de la société de l’information actuelle est de savoir comment les générations nées lors de l’ère numérique transforment leur « société de la connaissance » et comment celle-ci les influence (Rab, Székely et Nagy, 2008).

Selon Mannheim (1978), une tranche d’âge peut être considérée comme une génération si elle se caractérise par une qualité immanente commune, une connaissance générationnelle et une caractéristique de communauté, et cela suppose trois conditions : une expérience commune de ses membres, que ceux-ci soient réellement tournés les uns vers les autres, et qu’ils aient une interprétation partagée de leur situation, de leurs attitudes et leurs formes d’action. Mannheim met en parallèle la logique générationnelle et le concept de classe (c’est-à-dire qu’une personne ne rejoint pas une classe mais y est née, et elle n’en sort pas intentionnellement, elle ne le fait que lorsque son statut change). Cela ne veut certes pas dire que, si la logique de génération est juste, tous les membres d’une tranche d’âge ont les mêmes caractéristiques spécifiques, mais cela signifie simplement qu’une constante générationnelle existe.

Même si le concept et la classification d’une génération sont controversés, ce chapitre ne cherche pas à analyser et à évaluer leur justesse théorique. Il présente les orientations des différentes tranches d’âge, sur la base d’une logique générationnelle2.

D’après le modèle de Howe et Strauss (1991), le changement de génération au sens de Mannheim est cyclique et se déroule dans la société tous les 15 à 20 ans environ. Prensky (2001) donne aussi une interprétation, dans la dimension générationnelle, de la relation avec la société de l’information. Nous présentons dans ce chapitre le « modèle3 enfants du numérique-immigrés du numérique » de Prensky (Székely, 2014), le discutons et l’incorporons dans le modèle de Howe et Strauss4.

Génération X (immigrés du numérique, génération McDonald’s)

Les membres de la génération X forment la majeure partie du marché du travail actuel, ils sont nés dans la seconde moitié des années 1960 et dans les années 1970 ; ils ont fait l’expérience de la boîte à outils des technologies de l’information (TI) très tôt ; ils ont été immergés, dès le début de leur vie, dans le monde numérique. Ils ont été les témoins de la transformation des technologies de l’ordinateur en TI, puis en société de l’information. Au cours de leur vie, internet a été plus ou moins présent. Dans les pays de l’Ouest, ils ont grandi au milieu des effets des médias électroniques. Les membres de la génération X d’Europe centrale et orientale ont certes grandi sous un socialisme d’État, mais un régime dans sa période finale, celle d’une pleine libéralisation.

Génération Y (enfants du numérique)

Les membres de cette tranche d’âge sont nés dans les années 1980 et 1990 et ont connu internet au cours de leur enfance ; en tant qu’enfants du numérique, ils ont confiance dans leur capacité à gérer les outils et à s’orienter dans l’espace en réseau ; l’univers numérique est leur média naturel ; leur identité internet s’est formée consciemment. Ils se caractérisent par une forte dépendance aux médias et réagissent rapidement aux changements technologiques. Cette tranche d’âge est la génération de la société de l’information car ses membres ont naturellement commencé à utiliser les TIC au cours de leur enfance. Leurs relations sociales se font à la fois dans la vraie vie et dans la vie virtuelle ; avec l’utilisation des téléphones portables et d’internet, leur dépendance au lieu de résidence est bien plus faible que celle des générations précédentes. De bien des manières, la génération Y diffère des générations précédentes : ses membres sont réceptifs au contenu culturel, sont attirés par les activités de groupe et par l’espace communautaire, ils sont orientés vers la performance, confiants et hautement qualifiés (pour la plupart d’entre eux, l’école et les bons résultats à l’école sont importants). Ils reçoivent rapidement les informations ; ils préfèrent l’image et le son au texte ; ils préfèrent les contacts aléatoires (hypertexte) ; ils sont à la recherche d’une satisfaction immédiate et fréquente de leurs besoins ; ils préfèrent les jeux au travail « sérieux » et ils considèrent la technologie comme une compagne nécessaire (Prensky, 2001). Les membres de cette génération suivent les tendances mondiales et sont parmi les premiers à maîtriser l’utilisation des nouveaux outils technologiques, dont ils changent même parfois la direction éducationnelle ; ils se sentent à l’aise dans le monde numérique : « la génération Y hongroise a rattrapé dans la pratique les retards qui étaient de mise auparavant. La génération Y a grandi, et les enfants sont devenus de jeunes adultes après le changement de régime ; cette génération s’est familiarisée avec les ordinateurs et internet, si ce n’est à la maison, alors pour sûr à l’école » (Székely, 2014)5.

Génération Z (la génération Facebook)

Les membres de la génération Z sont nés au moment du changement de millénaire et après l’an 2000. Quand ils ont perdu leur « virginité numérique », ils ont découvert le web 2.06 et tout l’espace des réseaux sociaux ; ils ne savent pas ce qu’est la vie sans internet (ou sans les téléphones portables) ; leur outil de communication de base n’est plus le courriel mais le réseau social. Cette génération non seulement se caractérise par son comportement en réseau, l’utilisation d’internet comme un mode de socialisation numérique et la consommation d’informations, mais elle fournit également des services d’informations par l’intermédiaire de plateformes telles que YouTube, Facebook, Twitter et les sites de téléchargement. La connaissance des appareils fait partie des compétences de base de ces jeunes qui sont capables par ailleurs d’activités multitâches et d’actions en parallèle (écrire sur des blogs, écouter de la musique et suivre le flux de courriels et issu des réseaux sociaux), et d’une rapide prise de décisions. La génération Z ne fait pas qu’utiliser les TIC et leur contenu, elle les adapte à ses propres besoins quotidiens ; pour le dire de façon pratique, son attitude n’est pas passive. Dans le même temps, les membres de cette génération « consomment » par l’intermédiaire de voies multiples (compétence multitâche) ; leur consommation combinée dépasse la quantité « physiquement » disponible pour chaque personne ; et la plupart de ces jeunes n’ont pas de conscience réfléchie de l’environnement juridique et institutionnel de leur utilisation habituelle et régulière d’internet (par exemple les téléchargements, l’échange de fichiers). En outre, les changements qui surviennent dans le monde non seulement influencent la part rationnelle de leur psychisme mais ils exercent une influence également fondamentale sur leur vie émotionnelle. Beaucoup parmi ces jeunes « donnent libre cours » à leur tension émotionnelle sans avoir d’expérience cathartique (voir le terme d’« incontinence émotionnelle » : on estime que « les autres doivent nous protéger sur le plan émotionnel », d’après Tari, 2010). Nous faisons donc l’expérience de nos propres sentiments à travers eux (on peut penser à une partie de la blogosphère et à ses milliers de commentaires, mais aussi à certaines situations identitaires, à certains aspects de relations ou au monde du travail). Concernant la Hongrie, la différence ancienne entre générations (entre l’Ouest et la Hongrie) a disparu ; et un sentiment de culture jeune mondiale se développe puisque les innovations apparaissent généralement sur le marché hongrois avec quelques mois de délai seulement.

Génération alpha

Cette génération fait référence à ceux qui sont nés à partir de 2010, même si nous ne savons pas encore s’ils seront différents de la génération Z et s’ils peuvent former une génération autonome au sens de Mannheim.

Dans la suite de ce chapitre, nous étudierons les habitudes de consommation des médias et du temps libre des jeunes hongrois. Plus précisément, nous tenterons de déterminer s’il existe réellement des différences générationnelles. Nous nous appuierons pour ce faire sur les données issues de trois séries d’études sur les jeunes hongrois, qui sont menées tous les quatre ans. Ifjúsag (2000) peut nous aider à étudier la génération X, tandis que Ifjúsag (2004) nous permet d’étudier la génération Y. La particularité de la génération Z se reflète dans le fait que nous n’avons pu représenter qu’une fraction des jeunes qui en font partie.

La génération X est donc constituée de jeunes nés entre 1971 et 1980 (N = 5 726) ; la génération Y est constituée de ceux nés entre 1981 et 1989 (N = 4 254) ; et le sous-motif pour la génération Z a été fourni par ceux qui sont nés entre 1995 et 1997 (N = 1 368)7. Comme les membres de la génération X n’appartiennent plus à la catégorie des jeunes, nous nous concentrons principalement, lors de l’analyse empirique, sur les générations Y et Z. Sur la base des données disponibles, nous avons étudié la consommation des médias et les caractéristiques des préférences de temps libre des jeunes de ces deux générations. Dans ce contexte, nous nous sommes demandé si et comment la consommation de temps libre hors ligne diminuait pour la génération Z et dans quelle mesure les médias, ou plus précisément le monde en ligne, avaient pris le contrôle sur leur temps libre. En répondant à cette question, nous avons intégré des informations issues d’un contexte européen plus large en analysant trois publications thématiques de l’Eurobaromètre (Eurobaromètre, 2003 ; 2013 ; 2015). Ces données de l’Eurobaromètre nous ont permis de comparer les changements survenus au cours d’une décennie, à savoir les résultats de 2002 et de 2014, et d’étudier les changements à court terme dans la consommation des médias et du temps libre chez les jeunes (sur la base des données des enquêtes de 2012 et de 2014).

CHANGEMENTS DURANT LE TEMPS LIBRE : LA CONSOMMATION EN LIGNE DANS L’UNION EUROPÉENNE

En 2014, 63 % de la population de l’Union européenne (UE) utilisaient internet de façon quotidienne ou presque ; cela représente 19 points de plus qu’en 2002 (Eurobaromètre, 2003 ; 2015) (figure 1)8. En 2002, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède étaient à la pointe dans ce domaine, alors qu’en 2014 l’utilisation d’internet était la plus élevée en Suède et aux Pays-Bas. À l’inverse, en 2002, la Grèce, l’Italie et l’Irlande avaient le taux de pénétration d’internet le plus faible. En 2014, l’utilisation d’internet était la plus faible en Roumanie, où un tiers seulement de la population l’utilisait au moins une fois par jour. Sur la période d’observation de 12 ans, la France est le pays qui a le plus progressé : le nombre d’utilisateurs d’internet au quotidien a augmenté de 36 points de pourcentage entre 2002 et 2014. Une tendance similaire, quoique moins marquée, a été observée aux Pays-Bas, en Suède et en Irlande. À l’inverse, le Portugal a connu la plus faible augmentation (environ 8 points de pourcentage) en ce qui concerne l’utilisation de l’espace en ligne.

Figure 1. Changement dans l’utilisation quotidienne ou quasi quotidienne d’internet dans les États membres de l’UE, 2002-2014 (en % parmi la population âgée de plus de 15 ans).

Source : Eurobaromètre, 2003, 2015.

Si l’on se concentre sur l’utilisation d’internet chez les jeunes vivant dans l’UE, on observe une augmentation de 50 points de pourcentage de la proportion d’utilisateurs quotidiens d’internet pendant la période d’observation de 12 ans. En effet, alors qu’en 2002 seuls 42 % environ des 15-24 ans utilisaient internet au quotidien, ce nombre est passé à 92 % en 2014 (Eurobaromètre, 2003, 2015). Les tranches d’âge plus âgées n’ont pas connu une augmentation comparable de l’utilisation d’internet, ce qui fait que la période de 12 ans a vu également grandir l’écart entre les âges en ce qui concerne l’utilisation d’internet. Alors qu’en 2002 les différences entre les âges étaient minimes, en 2014 l’utilisation quotidienne d’internet de la tranche la plus jeune était d’environ 60 points de pourcentage plus élevée que celle de la tranche la plus âgée (plus de 55 ans)9.

Figure 2. Changement dans l’utilisation quotidienne ou quasi quotidienne d’internet dans l’UE par tranche d’âge, 2002-2014 (en % parmi la population âgée de plus de 15 ans).

Source : Eurobaromètre, 2003 ; 2015

Des études récentes ont également identifié des tendances de plus court terme. Les habitants de l’UE utilisent de plus en plus internet en dehors de chez eux. Alors qu’en 2012 environ 80 % de l’utilisation de internet avait lieu à la maison (Eurobaromètre, 2012), ce pourcentage s’est réduit à 74 % en 2014 (Eurobaromètre, 2015). Ce changement s’explique principalement par la popularité croissante des appareils nomades, combinée avec le développement et la disponibilité des systèmes de wifi dans les lieux publics. Si les ordinateurs de bureau et les ordinateurs portables restent de loin les appareils les plus utilisés pour accéder à internet (92 % des Européens utilisant internet y avaient recours en 2014), environ 61 % des Européens accédaient au cyberespace grâce à un smartphone, et 30 % grâce à une tablette. En 2012, seulement 6 % des personnes résidant dans l’UE utilisaient une tablette, et 24 % un smartphone (Eurobaromètre, 2013). On constate également un fossé générationnel marqué.

On ne trouve pas de différences d’âge pour l’utilisation des ordinateurs de bureau et des portables, mais les différences d’accès à internet grâce aux smartphones et aux tablettes sont significatives (Eurobaromètre, 2013 ; 2015), particulièrement pour ces derniers (figure 3).

Figure 3. Changements dans l’utilisation d’internet avec les smartphones dans l’UE par tranches d’âge, 2012-2014 (en % parmi la population âgée de plus de 15 ans).

Source : Eurobaromètre, 2013 ; 2015.

Figure 4. Popularité des activités en ligne dans l’UE, 2014 (en % parmi la population âgée de plus de 15 ans/les 15-24 ans).

Source : Eurobaromètre, 2015.

Les activités en ligne les plus fréquentes sont l’échange de courriels et la lecture des informations, suivies de près par la fréquentation de sites de réseaux sociaux et les achats en ligne (Eurobaromètre, 2015) (figure 4). Plus de la moitié utilisent les services de banque en ligne, mais les jeux n’attirent que 3 utilisateurs sur 10. Les activités en ligne les moins courantes sont les achats en ligne et le fait de regarder la télévision. Concernant les jeunes, le cyberespace est utilisé principalement à des fins de communication : écrire des courriels et aller sur les réseaux sociaux sont les activités en ligne les plus courantes. En outre, la recherche d’informations, le jeu et les achats en ligne sont aussi des activités fréquemment réalisées. Le fossé générationnel est plus marqué pour l’utilisation des réseaux sociaux, la télévision et les jeux (plus populaires chez les jeunes) et la banque (plus populaire chez les sondés plus âgés).

LES HABITUDES DE LOISIRS DES JEUNES DE LA GÉNÉRATION X EN HONGRIE10

Concernant le temps libre des anciens jeunes de la génération X, nous pouvons commencer par dire qu’il est majoritairement composé d’activités hors ligne. Cela s’explique d’abord par le fait que, en 2000, seules 8 % des familles de jeunes avaient un accès à internet à la maison (Ifjúság, 2000). À cette époque, un tiers (34 %) des Hongrois appartenant à la génération X pensait que ni eux ni leur famille n’avaient besoin du web, et ce qu’ils possèdent un ordinateur ou non. Quand les membres de la génération X étaient jeunes, ils utilisaient principalement l’ordinateur de chez eux (30 %) ou à l’école/sur leur lieu de travail (37 %) ; les possibilités offertes dans l’espace public n’étaient une solution que pour peu de monde (3 %). Les gens qui ne possédaient pas un ordinateur se justifiaient en invoquant le coût : 65 % n’avaient pas accès à internet à cause du coût élevé de l’abonnement. Plus globalement, le nombre d’appareils domestiques était relativement faible. Seuls 32 % des membres de la génération X disposaient de leur propre télévision et seulement 34 % d’entre eux possédaient leur propre téléphone portable. Si une télévision était présente dans 95 % des familles de jeunes, les appareils portables ne se trouvaient que dans la moitié des familles.

En outre, seuls 5 % des jeunes de la génération X étaient dans les meilleures dispositions (concernant la possession d’appareils audiovisuels/numériques) parce qu’ils avaient leur propre télévision, possédaient un téléphone portable et disposaient d’un accès à internet de chez eux au changement de millénaire. La proportion de ceux qui disposaient de leur propre téléphone portable et d’une télévision en couleur était de 13 % (il n’y a que deux variables dans ce cas)11. La possession d’actifs médiatiques était fortement corrélée à la situation financière : ceux qui avaient une bonne situation financière avaient trois fois plus de chances de posséder un téléphone portable et une télévision en couleurs que les camarades les plus pauvres. Au changement de millénaire, les jeunes appartenant à la génération X passaient le plus clair de leur temps libre au cinéma et dans les librairies (tableau 1). Ils se rendaient aussi régulièrement dans les bibliothèques, les institutions culturelles et les musées, et se rendaient à des concerts. À l’inverse, la moitié seulement de cette tranche d’âge fréquentait les boîtes de nuit et les soirées dansantes, et les symboles de la haute culture (théâtre, concerts) n’entraient absolument pas dans les activités de loisirs des jeunes.

Tableau 1. Temps écoulé depuis la dernière visite dans des lieux récréatifs en 2000 (20-29 ans ; N = 5 534 à 5 691) (en %).

 Moins de 2 mois4-6 mois12Plus de 6 moisJamais visité

Librairies

50

14

31

5

Cinémas

44

15

40

1

Boîtes de nuit

34

11

46

9

Soirées dansantes

30

16

44

10

Institutions culturelles

29

13

49

9

Bibliothèques

28

9

56

7

Musées

20

14

59

7

Concerts (musique moderne)

17

14

53

16

Théâtres

12

13

64

11

Concerts

5

4

46

45

Source : Ifjúság, 2000.

Parmi les activités de loisir, lire les journaux, écouter la radio et regarder la télévision étaient les plus courantes. Les journaux sont apparus comme plus populaires que les livres : les premiers étaient lus par 74 % (plusieurs fois par semaine) des jeunes appartenant à la génération X, tandis que les seconds étaient lus régulièrement par 22 %13. Il est important de noter, cependant, que 7 % des jeunes de la génération X ne lisaient aucun journal et que 8 % ne lisaient pas de livres. Il était plus courant durant la semaine d’écouter la radio que de regarder la télévision : en moyenne, les jeunes passaient environ 2,5 heures par semaine à écouter la radio (151 minutes en moyenne) et environ la même durée pendant le week-end (153minutes en moyenne). Ils regardaient moins la télévision durant la semaine (133 minutes en moyenne) que pendant les week-ends (205 minutes en moyenne).

LES HABITUDES DE LOISIRS DES JEUNES DE LA GÉNÉRATION Y EN HONGRIE : LA DOMINATION DES ACTIVITÉS HORS LIGNE