Impact de la Convention européenne des droits de l'homme dans les États parties - Collective - E-Book

Impact de la Convention européenne des droits de l'homme dans les États parties E-Book

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Quel a été l’impact positif de la Convention européenne des droits de l’homme dans les États parties? Les exemples donnés dans cet ouvrage montrent que la Convention et sa jurisprudence ont donné lieu à des changements s’étendant à tous les domaines de l’existence. Ils comprennent, sans s’y limiter, l’accès des citoyens à la justice, l’interdiction de la discrimination, le droit de propriété, les questions de droit de la famille telles que le droit de garde, la prévention et la répression des actes de torture, la protection des victimes de violence domestique, le respect de la vie privée des personnes dans leur correspondance et leurs relations sexuelles, ainsi que la protection des libertés religieuses et des libertés d’expression et d’association. Cette publication rassemble des exemples choisis dans les 47 États parties à la Convention, qui illustrent de quelle manière la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été renforcée au niveau national grâce à la Convention et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

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IMPACT DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME DANS LES ÉTATS PARTIESEXEMPLES CHOISIS

Conseil de l’EuropeFacebook.com/CouncilOfEuropePublications

Vue d’ensemble établie par le Secrétariat de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme à la demande de M. Pierre-Yves Le Borgn’ (France, Groupe socialiste – SOC), rapporteur sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme[1]. [2]

À la suite de sa nomination en qualité de rapporteur sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, le 2 novembre 2015, M. Le Borgn’ a demandé au Secrétariat de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe d’établir un document d’information qui réunisse des exemples choisis de l’impact positif que la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 52, ci-après « la Convention ») a eu dans ses États parties. Le présent document est le produit des travaux réalisés par le Secrétariat, avec la collaboration du Centre des droits de l’homme de l’université d’Essex, au Royaume-Uni.

Introduction

L’article 1er de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit qu’il incombe avant tout aux États parties de veiller à ce que, d’une part, les droits et libertés consacrés par la Convention soient pleinement garantis à toute personne relevant de leur compétence et, d’autre part, que leur droit et leur pratique internes soient conformes à la Convention, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour » ou « la Cour de Strasbourg »), qui fait autorité. Le corollaire de cette obligation principale faite aux États de garantir la protection effective des droits consacrés par la Convention et de la mission d’arbitre final de la portée et de la signification de ces droits assignée à la Cour de Strasbourg est l’obligation faite aux États parties d’exécuter pleinement et rapidement les arrêts définitifs de la Cour (article 46, paragraphe 1, de la Convention).

Le présent document comporte un certain nombre d’exemples choisis dans les 47 États parties à la Convention, qui illustrent la manière dont la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été renforcée au niveau national grâce à la Convention et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Il ne s’agit en aucun cas d’une liste exhaustive, et le présent document ne prétend pas davantage être représentatif des domaines dans lesquels la Convention a eu le plus fort impact.

L’État défendeur jouit la plupart du temps d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer comment donner effet aux arrêts de la Cour, sous la surveillance du Comité des Ministres. Parmi les mesures correctrices prises par les États pour exécuter les arrêts de la Cour figurent les modifications apportées à la Constitution et à la législation, les réformes organisationnelles et administratives, ainsi que l’adaptation de la jurisprudence des instances judiciaires suprêmes. La place occupée par la Convention et ses protocoles dans le droit interne des États parties est, à cet égard, significative (voir la bibliographie sélective en annexe).

Un certain nombre d’États ont modifié leur ordre juridique avant ou peu après leur adhésion au Conseil de l’Europe, afin de mettre celui-ci en conformité avec les exigences de la Convention. On peut citer à ce propos le cas de la Suisse, qui a conféré aux femmes le droit de vote à l’échelon fédéral avant de ratifier la Convention. À la suite des changements politiques survenus à la fin des années 1980 et au début des années 1990, plusieurs États postsoviétiques ont aboli la peine de mort ; un certain nombre de pays adhérents d’Europe centrale et orientale ont entrepris de vérifier la conformité de leur ordre juridique avec les normes de la Convention et ont adapté cet ordre juridique et leur pratique en conséquence.

Comme l’illustrent les exemples que nous verrons plus loin, il n’est pas indispensable que la Cour de Strasbourg constate une violation pour que la Convention ait un impact ; de fait, un certain nombre de réformes ont été mises en œuvre sans que la Cour n’ait au préalable conclu à une violation. À certaines occasions, les États ont remédié à une violation avant que la Cour ne rende un arrêt, ce qui a conduit à la radiation de l’affaire du rôle de la Cour. Dans d’autres cas, un règlement amiable (conformément à l’article 38 de la Convention) a été obtenu, l’État défendeur ayant accepté de modifier sa législation ou sa pratique, ou l’affaire a été rayée du rôle à la suite d’une déclaration unilatérale de l’État (conformément à ce que prévoit l’article 62A du Règlement de la Cour[3]), qui reconnaissait l’existence d’une violation et s’engageait à remédier à la situation. De même, les États se sont montrés prêts à respecter leurs obligations nées de la Convention en examinant attentivement la jurisprudence de la Cour et, le cas échéant, en adaptant leur ordre juridique à la suite de la constatation d’une violation dans une affaire introduite contre un autre État, amplifiant ainsi l’effet de la jurisprudence de la Cour dans l’Europe entière en tenant compte de l’autorité de la chose interprétée (res interpretata) des arrêts de la Cour de Strasbourg.

Les exemples donnés dans le présent document d’information montrent que les effets de la Convention s’étendent à tous les domaines de l’existence, profitent aux particuliers, aux associations, aux partis politiques, aux entreprises et aux membres de catégories particulièrement vulnérables de la société, comme les mineurs, les victimes de violences, les personnes âgées, les réfugiés et demandeurs d’asile, les parties défenderesses à une procédure judiciaire, les personnes atteintes de problèmes de santé (mentale) et les membres de minorités nationales, ethniques, religieuses, sexuelles ou autres.

Les domaines dans lesquels la Convention et sa jurisprudence ont donné lieu à des changements comprennent, sans s’y limiter, l’accès des citoyens à la justice, l’interdiction de la discrimination, les droits de propriété, les questions de droit de la famille telles que le droit de garde, la prévention et la répression des actes de torture, la protection des victimes de violences domestiques, le respect de la vie privée des personnes dans leur correspondance et leurs relations sexuelles, ainsi que la protection des libertés religieuses et des libertés d’expression et d’association.

Enfin, il convient de garder à l’esprit que, bien que les normes de la Convention, étoffées par la jurisprudence de la Cour, à commencer par celle des arrêts de principe de la Grande Chambre, créent un corpus de droit qui reflète « les normes européennes communes » liant l’ensemble des États parties, cette surveillance européenne s’exerce sans préjuger du principe fondamental qui veut que les États veillent à la protection de normes plus rigoureuses en matière de droits de l’homme (article 53 de la Convention).

Impact de la Convention européenne des droits de l’homme dans les États parties : exemples choisis

Albanie

Prévention plus efficace de l’enlèvement d’enfants

Dans l’affaire Bajrami c. Albanie (Requête no 35853/04, arrêt du 12 décembre 2006), le requérant, qui avait obtenu la garde de sa fille, n’avait pu faire appliquer cette décision car son ex-femme avait emmené leur fille en Grèce. La Cour a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie familiale), interprété à la lumière de la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (« Convention de La Haye »[4]), en raison de l’absence de recours particulier permettant de prévenir et de réprimer l’enlèvement d’enfants. Cet arrêt a poussé les autorités albanaises à achever la procédure de ratification de la Convention de La Haye, à laquelle l’Albanie est devenue partie le 1er août 2007.

Impossibilité pour un procureur de rouvrir une procédure

Dans l’affaire Xheraj c. Albanie (Requête no 37959/02, arrêt du 29 juillet 2008, en anglais), la Cour de Strasbourg a notamment conclu qu’en autorisant le procureur à interjeter appel hors délai contre la décision d’acquittement du requérant, la Cour suprême a porté atteinte au principe de la sécurité juridique et, par conséquent, au droit du requérant à un procès équitable (article 6, paragraphe 1, de la Convention). À la suite de cet arrêt, les autorités albanaises ont organisé des séminaires de formation et des tables rondes à l’intention des juges et des professionnels du droit, afin de veiller à la bonne mise en œuvre de la Convention. La Cour suprême de ce pays a accepté de rouvrir la procédure d’un certain nombre de requérants qui avaient obtenu gain de cause devant la Cour de Strasbourg, dont M. Xheraj (voir la Résolution CM/ResDH(2014)96[5] et Cour suprême d’Albanie, affaire n° 76, mars 2012).

Amélioration des conditions de détention

Dans l’affaire Dybeku c. Albanie (Requête no 41153/06, arrêt du 18 décembre 2007, en anglais), la Cour a conclu que l’inadéquation des conditions de détention du requérant et le caractère inadapté du traitement médical qui lui avait été administré pouvaient être qualifiés de traitement inhumain et dégradant, contraire à l’article 3 de la Convention. En avril 2014, une loi relative aux droits et au traitement des détenus et prévenus a été adoptée et la Direction générale des services pénitentiaires a annoncé le réexamen des dispositions générales en matière pénitentiaire et la formation continue du personnel médical des hôpitaux pénitentiaires. L’impact positif des mesures individuelles prises à la suite de l’arrêt de la Cour, à savoir le transfert du requérant dans un établissement spécialisé dans l’accueil des détenus souffrant de certaines maladies mentales, où il a bénéficié d’un traitement médical quotidien et d’un suivi psychiatrique, a été admis par la Cour dans sa décision Dybeku c. Albanie (Requête no 557/12, décision (irrecevable) du 11 mars 2014, paragraphes 25 et 26, en anglais) (voir les informations relatives à l’état d’exécution, disponible sur le site internet du Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe (ci-après « Service de l’exécution »[6])).

Andorre

L’accès au Tribunal constitutionnel n’est plus soumis à l’autorisation préalable du procureur général

Une modification notable de la législation a été effectuée à la suite de la décision sur la recevabilité rendue par la Cour dans l’affaire Millan i Tornes c. Andorre (Requête no 35052/97, décision (rayée du rôle) du 6 juillet 1999), dans laquelle le requérant s’était plaint sous l’angle de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention (accès à un tribunal) du fait que le procureur général d’Andorre avait refusé de l’autoriser à déposer un recours d’empara devant le Tribunal constitutionnel d’Andorre. L’entrée en vigueur de la loi (de modification) relative au Tribunal constitutionnel du 20 mai 1999 a finalement permis au requérant de déposer un recours devant le Tribunal constitutionnel sans avoir besoin de l’autorisation préalable du procureur général. Au vu de ces éléments, un règlement amiable a été établi et l’affaire a été rayée du rôle par arrêt du 6 juillet 1999 (voir les paragraphes 19 à 23 de l’arrêt de la Cour (règlement amiable) du 6 juillet 1999 et la Résolution DH (99) 721).

Réouverture de la procédure interne à la suite d’une violation constatée par la Cour de Strasbourg

La Cour a conclu à la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention (droit à un procès équitable) dans l’affaire UTE Saur Vallnet c. Andorre (Requête no 16047/10, arrêt du 29 mai 2012) en raison de l’absence d’impartialité de la chambre administrative du Tribunal supérieur de justice, car le magistrat rapporteur dans la procédure d’appel en l’espèce était associé dans un cabinet d’avocats prestataire de services juridiques du gouvernement. La Cour a écarté les objections préalables du gouvernement et a estimé que, en raison de l’interprétation excessivement stricte d’une disposition procédurale par cette chambre et par le Tribunal constitutionnel, la société requérante avait été privée de la possibilité de voir son recours en nullité examiné. Le parlement a par la suite modifié la loi relative à la procédure judiciaire pour permettre l’examen de ce type d’affaire devant son Tribunal supérieur de justice (loi du 24 juillet 2014).

Arménie

Les objecteurs de conscience n’ont pas l’obligation d’effectuer leur service militaire

Dans l’affaire Bayatyan c. Arménie (Requête no 23459/03, arrêt de Grande Chambre du 7 juillet 2011) examinée en Grande Chambre, la Cour a conclu que les poursuites engagées à l’encontre du requérant et sa condamnation pour refus d’effectuer son service militaire emportaient violation de son droit à manifester sa religion ou sa conviction, consacré à l’article 9 de la Convention (liberté de conscience et de religion). En 2013, l’Arménie a en conséquence modifié sa loi relative au service de remplacement. Les demandes de services de remplacement déposées par les objecteurs de conscience sont depuis lors habituellement acceptées ; les objecteurs de conscience placés en détention ont été libérés et la mention de cette condamnation dans leur casier judiciaire a été supprimée (voir la Résolution DH (2014) 225).

Protection contre la privation illégale de propriété

L’affaire Minasyan et Semerjyan c. Arménie (Requête no 27651/05, arrêt du 23 juin 2009, en anglais) concernait une procédure d’expropriation appliquée au centre d’Erevan, qui avait privé les requérants (et des centaines d’autres familles) de leur propriété. Ces expropriations se fondaient sur un certain nombre de décrets ministériels, contrairement à une décision rendue par la Cour constitutionnelle le 27 février 1998, qui imposait que les expropriations se fondent sur des dispositions légales. La Cour a conclu à la violation de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention (STE no 9) (protection de la propriété). Bien que l’adoption de la loi relative à l’expropriation pour les besoins de la société et de l’État soit antérieure à l’arrêt de la Cour, l’importance de ce dernier tient au fait qu’il met l’accent sur la nécessité pour l’État de respecter les obligations nées de sa propre Constitution, selon l’interprétation retenue par la Cour constitutionnelle (voir les informations relatives à l’état d’exécution, disponibles sur le site internet du Service de l’exécution).

Pas d’arrestation ni de détention pour infraction administrative

Par suite de l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Galstyan c. Arménie (Requête no 26986/03, arrêt du 15 novembre 2007), dans lequel elle avait notamment conclu à la violation du droit des requérants à la liberté de réunion (article 11 de la Convention) en raison de leur arrestation et de leur condamnation à plusieurs jours de détention pour leur participation (alléguée) à des manifestations, « l’arrestation et la détention administratives » prévues par la législation et auxquelles les services répressifs avaient recours ont été abrogées (voir les informations relatives à l’état d’exécution, disponibles sur le site internet du Service de l’exécution).

Réforme du Code de procédure pénale

Dans un certain nombre d’affaires, notamment Poghosyan c. Arménie (Requête no 44068/07, arrêt du 20 décembre 2011, en anglais) et Sefilyan c. Arménie (Requête no 22491/08, arrêt du 2 octobre 2012, en anglais), la Cour avait été amenée à se prononcer sur la légalité de la détention des requérants. Ces arrêts ont entraîné une modification de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui interprète désormais le droit interne à la lumière des violations constatées par la Cour de Strasbourg, notamment de l’article 5, paragraphes 1 (légalité de la détention), 3 (droit à être déféré devant un juge) et 4 (droit d’intenter un recours devant un tribunal afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention). La Cour de cassation a conclu que tout prévenu devait avoir la possibilité systématique de bénéficier d’une libération sous caution avant son procès, quelle que soit la gravité des chefs d’accusation retenus contre lui ; de plus, le prévenu doit être traduit devant une juridiction compétente dans un délai de trois jours à compter de son arrestation, afin que celle-ci statue sur la légalité de sa détention (voir les informations relatives à l’état d’exécution, disponibles sur le site internet du Service de l’exécution).

Autriche

Fin du monopole d’État de la radiodiffusion télévisuelle et radiophonique

Dans l’affaire Informationsverein Lentia et autres c. Autriche (Requêtes nos 13914/88 et autres, arrêt du 24 novembre 1993), la Cour a conclu que l’impossibilité dans laquelle se trouvaient les requérants de mettre en place et d’exploiter des chaînes de télévision ou des stations de radio privées en raison du monopole de la Société autrichienne de radiodiffusion portait atteinte à l’article 10 de la Convention (liberté de communiquer des informations). Cet arrêt a provoqué la libéralisation de la radiodiffusion radiophonique régionale et locale et de la radiodiffusion par câble et satellite, notamment par une décision rendue en 1995 par la Cour constitutionnelle, qui a supprimé l’interdiction de la transmission de programmes originaux par câble (voir la Résolution DH (98) 142).

Égalité d’application des dispositions en matière d’adoption pour les couples non mariés de sexe différent et de même sexe

L’arrêt rendu dans l’affaire X. et autres c. Autriche (Requête no 19010/07, arrêt de Grande Chambre du 19 février 2013) a conclu à la violation de l’article 14 de la Convention (interdiction de la discrimination), combiné à l’article 8 (droit au respect de la vie familiale), en raison du traitement différent réservé aux requérantes, deux femmes qui entretenaient une relation de couple stable, par rapport aux couples non mariés de sexe différent dont un conjoint souhaite adopter l’enfant de l’autre. Ces deux femmes s’étaient plaintes du refus opposé par les juridictions autrichiennes d’examiner concrètement la demande déposée par l’une d’elles en vue d’adopter le fils de sa conjointe, au motif que le droit autrichien ne prévoyait pas cette possibilité sans rupture du lien juridique entre la mère biologique et son enfant. Six mois après l’arrêt, la loi portant modification du Code civil et la loi relative au partenariat enregistré sont entrées en vigueur, légalisant l’adoption d’un enfant par l’autre membre d’un couple de même sexe, dans le cadre d’un partenariat enregisté ou non, sans mettre un terme au lien juridique qui unit cet enfant et sa mère ou son père biologique (voir la Résolution CM/ResDH(2014)159).

La privation du droit de vote des détenus doit être proportionnée

L’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Frodl c. Autriche (Requête no 20201/04, arrêt du 8 avril 2010, en anglais) a conclu que la privation générale du droit de vote des détenus était incompatible avec le droit de vote consacré à l’article 1er du Protocole no 3 à la Convention (STE no 45) ; il a poussé le Parlement autrichien à adopter en 2011 une loi portant modification du Code électoral. En vertu de cette modification, aucun détenu ne peut être automatiquement privé de son droit de vote ; la privation du droit de vote doit être décidée par un juge, sur le fondement de dispositions légales, en tenant compte des circonstances particulières de la cause et au vu de la Convention et de la jurisprudence de la Cour (voir la Résolution CM/ResDH(2011)91).

Égalité de traitement pour les pères non mariés avec la mère de leurs enfants

La Cour a conclu, dans son arrêt Sporer c. Autriche (Requête no 35637/03, arrêt du 3 février 2011, en anglais), que le requérant, père d’un enfant né hors mariage, avait fait sans raison l’objet d’un traitement différent de celui de la mère de l’enfant et des pères mariés ou divorcés dans une procédure visant à l’attribution de la garde de l’enfant, ce qui emportait violation de l’article 14 de la Convention (interdiction de la discrimination), combiné à l’article 8 (droit au respect de la vie familiale). Les dispositions pertinentes du Code civil autrichien, en vertu desquelles seule la mère d’un enfant né hors mariage pouvait en obtenir la garde, sauf si l’intérêt supérieur de l’enfant risquait de s’en trouver menacé, ont été modifiées par la loi portant modification de la loi relative à la garde des enfants, qui est entrée en vigueur en février 2013. Le droit autrichien permet désormais de déterminer, dans le cadre d’un contrôle juridictionnel, s’il est davantage dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’attribuer à son père sa garde exclusive ou sa garde partagée (voir la Résolution CM/ResDH(2015)19).

Azerbaïdjan

Mise en liberté de journalistes emprisonnés

Dans l’affaire Fatullayev c. Azerbaïdjan (Requête no 40984/07, arrêt du 22 avril 2010, en anglais), la Cour a conclu que la condamnation à une peine d’emprisonnement du rédacteur en chef d’un journal emportait violation de son droit à la liberté d’expression consacré à l’article 10 de la Convention, ainsi que de son droit d’être jugé par un tribunal indépendant (article 6, paragraphe 1, de la Convention) et de son droit à la présomption d’innocence (article 6, paragraphe 2, de la Convention). M. Fatullayev a été gracié et remis en liberté le 26 mai 2011 (voir la Résolution intérimaire CM/ResDH(2013)199 et la Résolution intérimaire CM/ResDH(2014)183).

Réintégration dans la possession d’un appartement occupé de manière illicite

L’arrêt Akimova c. Azerbaïdjan (Requête no 19853/03, arrêt du 27 septembre 2007, en anglais) a conclu à la violation de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention (droit à la jouissance pacifique de ses biens) en raison du sursis à l’exécution, pour une durée indéterminée, d’une décision de justice interne ordonnant l’expulsion de personnes déplacées dans leur propre pays qui occupaient de manière illicite l’appartement de la requérante. L’affaire a été rayée du rôle à l’issue d’un règlement amiable[7] en vertu duquel la requérante a obtenu une réparation. Elle a été réintégrée dans la possession de son appartement le 14 mars 2008 (voir les informations relatives à l’état d’exécution disponibles sur le site internet du Service de l’exécution).

Belgique

Les enfants nés hors mariage jouissent des mêmes droits de succession

La législation a été modifiée à la suite de l’arrêt Marckx c. Belgique (Requête no 6833/74, arrêt (plénière) du 13 juin 1979), qui a conclu à la violation des articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention. Ces modifications ont conféré les mêmes droits de succession aux enfants de parents non mariés au regard de la loi. En outre, le Code civil a été modifié en 1987, notamment pour reconnaître l’existence d’un lien juridique entre une mère non mariée et son enfant, qui découle du simple fait de la naissance, sans qu’il soit nécessaire pour la mère de reconnaître sa maternité par une procédure spécifique ou d’adopter son enfant (voir la Résolution DH (88) 3, ainsi que les suites données à l’affaire Vermeire c. Belgique (Requête no 12849/87, arrêt du 29 novembre 1991), et la Résolution DH (94) 3).

L’accusé doit être en mesure de comprendre le verdict

Dans l’affaire Taxquet c. Belgique (Requête no 926/05, arrêt de Grande Chambre du 16 novembre 2010), la Cour a conclu que la procédure pénale engagée à l’encontre du requérant devant la cour d’assises n’avait pas été équitable, en violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention. En particulier, la procédure ne prévoyait aucune garantie permettant au requérant de déterminer quels éléments de preuve et circonstances de fait avaient conduit le jury à prononcer un verdict de culpabilité contre lui. En exécution de l’arrêt de chambre[8] du 13 janvier 2009, et sans attendre l’arrêt de Grande Chambre, la Belgique a adopté une nouvelle loi le 21 décembre 2009, imposant que le verdict rendu par un jury comporte les principaux motifs de la décision de ce jury, qui doivent être formulés par les membres du jury avec l’assistance de juges professionnels (voir la Résolution CM/ResDH(2012)112).

Droit à ce qu’une cause soit entendue publiquement dans une procédure disciplinaire

Les arrêts rendus par la Cour dans les affaires Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique (Requêtes nos 6878/75 et 7238/75, arrêt (plénière) du 23 juin 1981) et Albert et Le Compte c. Belgique (Requêtes nos 7299/75 et 7496/76, arrêt (plénière) du 10 février 1983) ont amené les juridictions nationales à adapter leur jurisprudence sur le droit à ce qu’une cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi. La Cour suprême belge a reconnu que le droit d’exercer une profession qui ne constitue pas une fonction publique relevait du champ d’application de la notion de « droit de caractère civil » aux fins de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention (droit à un procès équitable) et, en conséquence, que les audiences disciplinaires qui se déroulent devant des instances professionnelles devaient satisfaire aux normes de la Convention (au moins en appel) quant à leur caractère public (voir la Résolution DH (85) 14 et la Résolution DH (85) 13).

Les parties doivent avoir la possibilité de répondre à l’intervention du représentant du ministère public

La Cour a conclu dans l’affaire Borgers c. Belgique (Requête no 12005/86, arrêt (plénière) du 30 octobre 1991) que l’impossibilité pour un prévenu de répondre à des conclusions présentées, lors d’une audience devant la Cour de cassation, par un représentant du ministère public auprès de cette juridiction qui a, de surcroît, pris part au délibéré, était contraire aux droits de la défense du requérant consacrés à l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable). Peu de temps après, l’usage s’est imposé de pouvoir répondre aux conclusions du représentant du ministère public. Ce dernier n’a en outre plus pris part au délibéré. La faculté accordée aux parties de répondre aux conclusions du représentant du ministère public, notamment au civil, s’est finalement étendue à tous les degrés de juridiction et s’est traduite par une modification du Code de procédure judiciaire (voir la Résolution ResDH(2001)108).

Droit à l’assistance d’un avocat pendant un interrogatoire mené par la police

Dans l’affaire Salduz c. Turquie (Requête no 36391/02, arrêt de Grande Chambre du 27 novembre 2008), la Cour a conclu qu’il découlait de l’article 6, paragraphes 1 et 3, alinéa c, de la Convention que tout prévenu devait avoir en principe la possibilité de faire appel à un avocat dès son premier interrogatoire par la police. Afin de se conformer avec cette interprétation donnée par la Cour de la disposition de la Convention, le législateur a adopté le 13 août 2011 une loi (dite « loi Salduz ») qui reconnaît un certain nombre de droits à toute personne interrogée et privée de sa liberté, notamment le droit de consulter un avocat et d’être assisté par celui-ci. Cette loi a ultérieurement été suivie par diverses mesures visant à rendre ces droits effectifs, notamment l’adaptation du système de l’aide juridictionnelle financée par l’État.

Bosnie-Herzégovine

Les décisions de justice qui ordonnent la restitution des « anciens » fonds d’épargne en devises doivent être exécutées

Dans l’affaire Jeličić c. Bosnie-Herzégovine (Requête no 41183/02, arrêt du 31 octobre 2006), la requérante se trouvait dans l’incapacité de retirer ses fonds d’épargne en devises déposés avant la dissolution de la République fédérative socialiste de Yougoslavie. Une décision de justice ordonnant la restitution de ses fonds d’épargne n’avait pas été exécutée et la Cour a conclu que cette situation emportait violation du droit de la requérante à avoir accès à un tribunal, garanti par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention, et de son droit à la jouissance pacifique de ses biens, consacré à l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention. Dans le cadre de l’exécution de cet arrêt, la Bosnie-Herzégovine a modifié l’article 27 de la loi relative à la liquidation des obligations découlant des « anciens » dépôts en devises ; en conséquence, les juridictions sont désormais tenues de soumettre pour exécution les décisions de justice définitives au ministère des Finances, ce qui confère un fondement juridique à l’exécution des décisions de justice définitives (voir la Résolution CM/ResDH(2012)10).

L’internement en établissement psychiatrique doit être ordonné par une décision de justice