Direction OSER Prochaine Sortie - Marie José Della - E-Book

Direction OSER Prochaine Sortie E-Book

Marie José Della

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Beschreibung

Direction OSER. Vous avez envie de changer de voie professionnelle mais l''inconnu vous fait peur ? Les factures à la fin du mois ne vous donne pas envie de prendre ce risque de peur d'échouer ? Mais qu'est ce que l'échec ? Celui d'avoir au moins essayé ou celui de rester au même stade sans jamais avoir osé ? Vivez l'expérience d'Emily dans son voyage d'un avenir professionnel meilleur avec ses turbulences, ses joies, ses peines et ses surprises. L'on ne se sait jamais ce qui va arriver tant que l'on n'a pas osé.

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Sommaire

PARTIE I

CHAPITRE I

CHAPITRE II

CHAPITRE III

CHAPITRE IV

CHAPITRE V

CHAPITRE VI

CHAPITRE VII

CHAPITRE VIII

CHAPITRE IX

PARTIE II

CHAPITRE X

CHAPITRE XI

CHAPITRE XII

CHAPITRE XIII

CHAPITRE XIV

CHAPITRE XV

CHAPITRE XVI

CHAPITRE XVII

CHAPITRE XVIII

CHAPITRE XIX

CHAPITRE XX

CHAPITRE XXI

CHAPITRE XXII

CHAPITRE XXIII

CHAPITRE XXIV

PARTIE III

CHAPITRE XXV

CHAPITRE XXVI

CHAPITRE XXVII

CHAPITRE XXVIII

CHAPITRE XXIX

ÉPILOGUE

PARTIE I

« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté », Winston Churchill.

CHAPITRE I

Madame,

Après examen de votre dossier, nous avons le plaisir de vous informer que dans le cadre de la reconversion professionnelle, votre demande de financement par le Fongecif pour la formation de gestionnaire comptable a été acceptée. Elle se compose de cinq mois de formation accélérée au centre de formation choisi et d’un mois et demi de stage en entreprise. Vous trouverez ci-joint le tarif de prise en charge par le Fongecif ainsi que la rémunération que vous allez percevoir pendant toute la durée de la formation à laquelle vous avez droit. Vous percevrez le montant de votre indemnité de formation après la réception des fiches de présences transmises par votre centre de formation. Le virement se fera tous les quinze du mois sur le numéro de compte figurant sur le RIB que vous nous avez transmis avec votre dossier.

Je vous souhaite, Madame…

Bla bla bla.

Emily sauta la formule de politesse. Ce n’était pas ce qui l’intéressait. Elle regarda la seconde page. Effectivement, le détail du coût total de la formation y figurait ainsi que la prise en charge du Fongecif et le montant de son indemnité mensuelle qu’elle percevrait pendant les six mois et demi à venir. Elle n’arrivait pas à y croire. Cela faisait déjà trois fois qu’elle relisait la lettre et, à chaque fois, elle avait l’impression que c’était trop beau pour être vrai : ils avaient accepté son dossier !

Deux mois plutôt, elle leur avait envoyé la demande de financement, sans trop d’illusions afin de ne pas être déçue ; normalement, il était au complet et elle l'avait fait parvenir en recommandé avec accusé de réception : sait-on jamais… Alors même que la formation ne commencerait que quatre mois après, elle avait préféré jouer la sécurité pour éviter qu'on lui dise que son dossier était refusé pour cause de délais trop court justement, ou parce que celui-ci était incomplet, qu’il fallait qu’elle leur retourne les justificatifs manquants et ainsi passer à côté de la date limite du dépôt par rapport à la date du début de la formation…

Envoyer son dossier au Fongecif était toute une organisation et une préparation au préalable. Emily avait franchi les obstacles un à un plutôt que de voir dans sa globalité afin de ne pas se démotiver. Et le courrier qu’elle tenait encore en main lui prouvait qu’elle avait bien fait les choses.

Lorsqu’enfin la réponse "ACCEPTE" était apparue en vert dans son espace sur leur site internet, Emily avait sauté de joie. Sauf qu’une semaine après, n’ayant toujours pas reçu le fameux courrier de prise en charge, elle les avait appelés afin d’avoir la confirmation que ce qu’elle voyait apparaître sur son écran était bien vrai. Le conseiller avait refusé de lui donner la réponse par téléphone par mesure de sécurité.

Et là, à trois semaines de la date de fin de son contrat à durée déterminée d’un an et demi dans l’entreprise, le Fongecif lui donnait la chance de reprendre ses études en prenant l’intégralité du coût de la formation. Cette prise en charge lui évitait de s’embêter à travailler les week-ends pour pouvoir joindre les deux bouts. Elle avait la chance de reprendre ses études à trente ans, après avoir mis pieds dans le monde professionnel voilà dix ans déjà. Certes, retourner à l’école après plus de dix ans d’arrêt, reprendre le rythme scolaire, apprendre les cours, faire les révisions le soir après sept heures de concentration à écouter quelqu’un parler de chiffres lui demanderait beaucoup de sacrifices pendant un certain temps. Peu importe les embûches qu’elle aurait à affronter, elle irait jusqu’au bout pour n’avoir aucun regret plus tard. Elle allait devoir réapprendre à apprendre en oubliant l’automatisme acquis au travail à force de faire tous les jours les mêmes tâches.

Elle était toute heureuse. Heureuse et excitée par cette aventure qui commencerait dans un peu moins de deux mois. Devant cette lettre positive tant attendue, tant rêvée, elle réalisa que son projet devenait réalité. Oui, maintenant c’était du concret et non plus un rêve impossible à atteindre.

Mais n’avait-elle pas rêvé trop grand ? Était-elle au fond prête à accepter cette nouveauté ? C’est vrai, elle désirait plus que tout cette formation. Mais était-elle prête ? Parce qu’entre vouloir et pouvoir, il y a un pas à franchir et ce pas est souvent le plus dur. Cette chance la faisait paniquer tout d’un coup. Elle s’était tellement focalisée sur le fait d’obtenir l’accord qu’elle n’avait pas pensé à l’après. La réponse étant positive, elle n’a donc aucun prétexte pour se plaindre. Elle ne pouvait plus se lamenter. Elle n’avait plus d’excuse.

Elle savait que pour son bonheur personnel et professionnel qu’elle arrive à surmonter cette peur de l’inconnu, qu’elle franchisse le pas et accueille la nouveauté comme un tournant – positif ou négatif – vers le futur. Oui, il lui fallait saisir cette opportunité pour aller de l’avant.

C’est vrai, parfois, le risque peut conduire à un échec mais comment peut-on le savoir si justement on ne tente pas le coup ? Et puis, mieux vaut essuyer un échec en tentant quelque chose que ne rien tenter du tout car cela était le pire des échecs.

Comme pour faire taire ses doutes, elle envoya un SMS à sa sœur pour lui annoncer la nouvelle. Diane était toujours la première au courant quand quelque chose d’important se passait dans sa vie. Malgré les cinq ans de différence qui les séparaient et malgré que Diane soit mariée et mère d’une petite fille, elles avaient toujours été proches même si Emily était "quelque peu chiante"…

« Toutes mes félicitations, sœurette, je savais que tu l’aurais ! Il faut fêter ça ! » reçut-elle dix minutes après l’envoi de son texto. Dans le métro qui l’amenait à son travail actuel et qu’elle finirait dans trois semaines, elle regarda autour d’elle. Les gens avaient des visages fermés, perdus dans leurs pensées se demandant (peut-être) s’ils arriveraient à l’heure pour commencer leur journée.

Arrivée à sa station, elle s'empressa de sortir du métro avant de ranger la lettre du Fongecif qu’elle tenait encore en main tout en se dirigeant vers la sortie. Elle allait pouvoir enfin annoncer la bonne nouvelle à ses collègues amis ainsi qu’à ses chefs.

Une fois son service pris, la journée avait débuté sur les chapeaux de roues. De formation secrétariat, elle avait l’avantage d’avoir une bonne vitesse de frappe et une bonne aisance en rédaction. Beaucoup de mails, des dossiers à valider, des chèques clients à enregistrer et à encaisser et des réclamations – encore et toujours – à traiter, cela ne changeait pas ! Bref comme un lundi matin normal quoi !

Enfin treize heures. L’heure de déjeuner avait enfin pointé son nez mais le ventre d’Emily criait famine depuis une heure déjà.

— Tu as amené de quoi manger ? demanda Emily à sa collègue.

— Non et toi ?

— Non plus et j’ai la dalle !

— Ça te dit japonais ? proposa Amanda.

— Va pour jap !

— Je peux me joindre avec vous ? demanda Ludovic, un autre collègue.

— Oui, bien sûr, mais on déjeune au restaurant.

— Ça tombe bien, je n’ai pas apporté non plus.

Parfait, rien de mieux de sortir prendre l’air un peu histoire de déconnecter du travail. Ils avaient quarante-cinq minutes de pause déjeuner. Heureusement que le restaurant était à cinq minutes à pied de la société. Bien que le mois de d’août fût entamé, il faisait frisquet pour la saison et l’été paraissait déjà loin. Le ciel gris annonçait de la pluie d’un instant à l’autre et les gens avaient troqué les sandales du week-end dernier contre des chaussures fermées ou des bottes pour se protéger de ce temps capricieux.

— Alors bientôt la fin ? s’enquit Ludovic après qu’ils aient passé commandes.

— Eh oui ! Plus que trois semaines !

— Mine de rien le temps passe vite ! dit Amanda pensive.

C’était bien vrai ça. Hier encore, c’était les fêtes de fin d’année et voilà qu’aujourd’hui on est déjà à plus de la moitié de l’année… On ne se rendait pas compte du temps qui passait, trop occupé à faire des plans sur la comète en oubliant presque le présent.

— Que vas-tu faire ? demanda-t-il curieux ?

— Je vais me prendre déjà des vacances bien méritées, expliqua Emily rêvant de grasse matinée pendant ces trois semaines vacantes entre la fin de son CDD et le début de sa formation.

Et qui sait ? Peut-être qu’avec un peu de chance, le soleil brillerait de nouveau ? La grisaille d’aujourd’hui se ressentait sur leur moral. Il serait temps que les températures grimpent …

— Te connaissant je suis sûre que tu ne vas pas rester longtemps sans rien faire ! lança Amanda. Au fait, tu n’as toujours pas la réponse du Fongecif ? Ça commence à faire long maintenant…

— Si justement, j’ai reçu un courrier de leur part ce matin mais je n’avais pas eu l’occasion d’en parler, vu la matinée de dingue…

— Alors ? demanda-t-elle impatiente.

— C’est bon, j’ai ma formation !

— Non ! Trop bien ! Tu vois j’avais raison, tu n’allais pas rester à glander…

Emily éclata de rire. Sa peur de ce matin n’était plus qu’un lointain souvenir.

— Toutes mes félicitations, disent en chœur ses deux autres collègues.

— Merci. Une nouvelle page commence !

— Un nouveau chapitre tu veux dire, renchérit Ludovic. Alors, cela te fait quel effet de te dire que tu vas reprendre les cours ?

— Ça fait bizarre… Je suis contente et en même temps je ne le réalise toujours pas. Fini le stress à attendre la réponse, à retourner dans tous les sens la décision, à cogiter le soir en cas de refus…

— Oui, c’est normal. Tu viens juste d’avoir la réponse et même si tu es contente, laisse le temps à ton cerveau d’encaisser, proposa Amanda.

— En tout cas chapeau, la félicita Ludovic.

— Oui vraiment chapeau Emily, dit Amanda.

— Moi je ne pense pas que j’aurais le courage de reprendre les cours, avoua Ludovic. Tu as du cran, franchement bravo.

— Merci, dit-elle émut. Tu as raison, il faut que je laisse le temps à mon cerveau d’encaisser la nouvelle, conclut-elle en riant.

Amanda n’avait pas tort. Ce n’est pas parce que c’est une réponse positive qu’il ne fallait pas laisser le temps au cerveau de digérer la nouvelle ! Car mine de rien lorsque l’on entame un projet, le corps et le cerveau sont mis à rude épreuve. On les chamboule dans leurs habitudes : le cerveau parce qu’on réfléchit beaucoup plus tant on retourne le projet dans tous les sens en comparant les pour et les contre et le corps, à force de trop réfléchir on l’empêche de se reposer surtout la nuit à faire parfois même les cent pas. Alors une fois que les nerfs lâchent, il faut leur laisser le temps de souffler…

— Je ne remercierai jamais assez ceux qui ont inventé ce système !

— Et quand commences-tu les cours ?

— Lundi, 21 septembre 2015.

— Et comment s’organisent les cours ? demanda Ludovic, curieux.

— J’ai cinq mois de formation en accéléré et un mois et demi de stage.

— Ah ! Oui c’est vraiment intensif !

— Oui, c’est sûr. Et je pense que la première semaine sera la plus dure, le temps de me remettre dans le bain mais bon…

— Tout début est difficile de toute façon, constata Amanda.

— Sauf les vacances ! affirma Ludovic.

Ils éclatèrent de rire mais son collègue n’avait pas tort. En vacances, il n’y a pas de temps d’adaptation. Dès que le cerveau se sait en vacances, il prend ses aises dès la première heure et déconnecte facilement du « mode travail ».

Emily aimait bien l’ambiance de son travail actuel et avait la chance d’avoir de bons collègues. Ils se serraient les coudes en cas de coup dur et se voyaient parfois même en dehors du travail. Une réelle amitié s’était liée entre eux et même avec leurs chefs.

— Ça y est Emily a fini de nous braquer, maintenant elle s’en va.

— Lol ! Mais moi je braque légalement ! dit-elle en souriant.

Emily regarda ses deux collègues. Mine de rien ils allaient lui manquer. Elle les appréciait bien.

CHAPITRE II

« Ça y est, aujourd’hui dernier jour de travail après un CDD d’un an et demi... L’heure est arrivée. Un nouveau chapitre professionnel allait commencer ». Emily n’arrêtait pas de se le répéter alors que le métro l’emmenait pour la dernière fois à son lieu de travail à Paris. Et même si elle était contente car cela annonçait des grasses matinées en vue, elle n’arrivait pas à faire taire le pincement au cœur qu’elle ressentait depuis le réveil et la boule dans la gorge n’arrangeait pas les choses. Ce n’est pas le travail en soi qui la rendait triste et qui allait lui manquer. Non, loin de là. C’est parce que c'était la dernière fois qu’elle travaillerait avec ses collègues. Jamais elle n’aurait pensé que cela l’affecterait autant. Elle se rendait compte qu’elle s’était attachée plus qu’elle ne l’aurait cru à eux, à ses chefs et à cette entreprise. Oui, elle s’était attachée à cette société pour la considération qu’elle lui portait en son sein. Des personnes dont certains étaient devenus des amis, d’autres des ennemis mais, en réalité on ne restait pas neutre. Pour le patron ou la patronne, soit on l’apprécie parce qu’il ou elle nous respecte soit on le ou la déteste parce que c’est une peste mais quoi qu’il en soit, on éprouve toujours quelque chose.

Dans le hall, elle appela l’ascenseur après avoir passé son badge aux portiques de sécurité. Elle allait devoir tourner la page ce soir, dans à peu près huit heures. C’est ainsi, c’est la vie… se dit-elle avec philosophie. On passe notre vie à faire et à défaire les choses, à débuter et à finir quelque chose que cela nous tienne à cœur ou pas. Mais pour l’instant, elle devait se ressaisir très vite. Elle prit une profonde inspiration en se conseillant de laisser ses états d’âme au pas de la porte. Hors de question de montrer à tout le monde qu’elle était émue de partir. Mieux valait profiter de ces dernières heures dans la joie et la bonne humeur plutôt que dans la tristesse. Et d’ailleurs être triste, ce n’est pas bon pour le moral… se gourmanda-t-elle.

À plusieurs reprises durant la journée, elle évita de penser que c’était la dernière fois qu’elle faisait telle ou telle tâche pour ne pas faire grise mine. Même le travail qu’elle aimait le moins, aujourd’hui, elle éprouvait une sensation différente à la faire. Elle était arrivée à l’heure comme à son habitude et avait travaillé au même rythme. Pas la peine d’être à deux de tension sous prétexte que c’était son dernier jour. Non, dernier jour ou pas, elle travaillait comme d’habitude sans prendre de pauses à rallonge.

Vers quinze heures trente, Amanda vint lui proposer de faire leur pause quotidienne de l’après-midi. Elles prirent chacune un café à la machine et descendirent faire le tour du pâté d’immeubles, histoire de prendre l’air et de se dégourdir les jambes. Il faisait moins froid que la veille, le temps n’était pas non plus menaçant mais il ne faisait pas chaud non plus et le soleil n’était toujours pas au rendez-vous. À peine avaient-elles fait leur petite promenade que la pause était déjà finie. Il était l’heure de remonter.

— Attends, je vais prendre un verre d’eau. Le café et la marche m’ont donné soif, pas toi ? demanda Amanda une fois dans le couloir de l’entreprise, en se dirigeant vers la cafète invitant Emily à la suivre.

— Vas-y, je te suis vu que je n’ai pas bu d'eau…

Emily n’eut pas le temps de finir sa phrase. Dans la cafétéria, tous ses collègues étaient réunis y compris ses chefs. D’un côté de la pièce des tables sur lesquels étaient posés toutes sortes de biscuits apéritifs ainsi que des petits fours sucrés et salés, des brochettes de fruits, des boissons et même du champagne !

— Surprise ! crièrent-ils tous en chœur quand ils la virent entrer dans la pièce.

Tout émue, Emily ne put contenir ses larmes tant elle ne s’attendait pas du tout à un tel geste de leur part. C’est vrai, ils s’appréciaient bien. Mais elle n’avait pas pensé qu’ils lui feraient une telle surprise ! La cerise sur le gâteau fut lorsqu’ils se sont mis à chanter tous, ses chefs y compris, la chanson "Comme un ouragan" en personnalisant les paroles. C’était un moment magique, inoubliable, presque irréel, un moment intense. Il n’y avait pas de meilleure façon de partir que celle-ci. Ils lui offrirent un t-shirt dédicacé où figurait la photo de toute l’équipe, elle reçut même une GoPro ainsi qu’une enveloppe contenant une centaine d’euros. Si on lui avait dit qu’elle aurait eu un tel pot de départ… !

— On n’allait pas te laisser partir comme ça !

— Un discours ! Un discours ! scandèrent-ils en chœur.

La jeune femme était toute retournée. Elle ne savait même pas si elle connaissait encore son alphabet en entier pour pouvoir placer un mot devant l’autre et faire un discours cohérent.

— Je ne sais pas quoi dire ! avoua-t-elle toute rouge d’émotion, en essuyant ses larmes avec un Kleenex. Puis, elle prit une profonde inspiration histoire de se laisser le temps d’évacuer le trop-plein d’émotions qui menaçaient de sortir à nouveau.

— Je vous remercie pour tout, pour votre collaboration pendant tout ce temps, pour les bons moments passés, pour cette belle aventure et expérience professionnelle que j’ai eu à vivre avec vous.

Après le discours, les verres se remplirent. Ils les levèrent tous d’un seul et même mouvement :

— À Emily ! lança son second chef.

— À Emily ! reprirent-ils tous en chœur.

On fit une photo pour marquer cet instant magique avant de faire honneur au buffet. Emily était aux anges. Non, elle ne pouvait pas imaginer meilleur départ que celui-là. Ils avaient marqué le coup et cela la toucha. Tous restèrent là à papoter encore pendant plus d’une demi-heure. Ensuite Emily rendît son badge à la RH et salua ses collègues chaleureusement. La page se tournait magnifiquement bien. Ça y est, elle était officiellement en vacances maintenant pour les trois semaines à venir. Elle referma la porte de la société et, après avoir dit un dernier au revoir à la réceptionniste qui se trouvait dans le hall et sortit de l’immeuble sans un dernier regard en direction la station de métro.

Le lundi suivant, après avoir fait une bonne grasse matinée pour marquer l’occasion, et après avoir traîné dans son appartement, elle se décida en milieu d’après-midi à aller faire un tour, histoire de flâner et pourquoi pas faire un peu de shopping. La dernière fois qu’elle avait fait les magasins, c’était avec son meilleur ami, Julien, et cela remontait déjà à près d’un mois. Elle fit un saut à la Fnac, s'acheta un livre de comptabilité, histoire de se mettre dans le bain.

Une fois revenue chez elle, Emily regarda sur son ordinateur portable son planning de formation ainsi que les modules qu’elle allait avoir : comptabilité générale, fiscalité, paie, et comptabilité analytique. Paie ! ? Cela lui permettra enfin de comprendre ses propres fiches de paie. Car, jusqu’à présent, ce qu’elle regardait quand elle recevait son bulletin de paie c’était le montant brut et le net. Elle contrôlait que son pass Navigo avait bien été remboursé à hauteur des 50 % comme la loi l’oblige, que ses tickets-restaurants étaient bien versés ainsi que le treizième mois, une fois par an. Tout le reste pour elle, comme la plupart des gens qui ne sont pas dans ce domaine était incompréhensible ou presque.

Elle feuilleta le livre qu’elle venait d’acheter mais, au bout d’à peine trente minutes, elle commençait déjà à avoir des maux de tête ! Bah ça commençait bien, dit donc ! Sachant que ce n’était pas la peine de forcer les choses, elle se fit un tableau Excel en indiquant un programme de révision qu’elle avait décidé de suivre pendant les jours à venir afin de se préparer au mieux pour la rentrée. Perdue dans ses pensées, elle sursauta lorsque son téléphone portable vibra à côté d’elle. Le nom qui apparut à l’écran lui arracha un sourire aux lèvres.

— Eh Salut, ça va ? lança Julien d’une voix enjouée.

— Ça va et toi ?

— Tranquille, je ne te dérange pas au moins ?

Julien était son meilleur ami. Ils se connaissaient depuis le collège et ne se s'étaient jamais perdus de vue. Un lien très fort les unissait. Ils se considéraient presque comme frère et sœur. Lui un peu timide mais sympa, elle un peu fofolle et bonne vivante. Ils étaient complémentaires même si, parfois, leurs caractères les opposaient. Et c’est justement cela qui mettait donnait du charme à leur amitié.

— J’étais en train de faire des révisions de compta…

—Je devrais peut-être te laisser. Rappelle-moi quand tu termines.

— Non, c’est bon t’inquiète. J’ai commencé il y a à peine trente minutes et j’ai déjà des maux de tête ! Ça craint…

Julien éclata de rire. Il l’imaginait sans peine faire sa tête boudeuse en disant cela.

— Mdr, tu es ouf, je t’assure.

— Ça se voit que ce n’est pas toi qui lis des chiffres en essayant de comprendre le charabia qu’ils racontent dans ces bouquins…

— Emi, je m’occupe de la gestion budgétaire et des stocks de la société…

— Ah ! Oui merde ! C’est vrai.

Elle allait le rendre dingue. Mais c’est justement cela qui lui manquait quand ils ne se parlaient pas pendant deux semaines. C’était comme s’il y avait un vide.

— Déstresse, OK ? Pour le moment, tu es en va-can-ces ! OK, alors profite ! Lâche prise quelques jours, repose-toi, sors te balader, va au cinéma, lis tout sauf de la compta, bref, débrouille-toi pour t’occuper mais arrête de penser compta. Chaque chose en son temps. Tu as six longs mois de leçons, de révisions, d’examens qui t’attendent bien au chaud, rassure-toi, tu ne vas pas les louper, mais là pour le moment, savoure le présent ! Et puis c’est normal que cela te prenne la tête, tu n’as pas de prof pour t’expliquer ce que tu ne comprends pas…

— Oui, tu as peut-être raison.

— Non Emily : j’ai raison !

— Oh ! Tu es chiant !

— Oui, je sais et c’est pour ça que tu m’aimes bien ! Au fait, comment va Diane ?

Merde sa sœur ! Elle l’avait presque oublié. Elle ne l’avait pas appelé depuis son dernier SMS… Oh là là ! Mais quelle sœur était-elle ...

— Je l’ai complètement zappé.

— Nooooonnn !

— Si. Je vais lui envoyer un SMS. J’avoue qu'en ce moment, si ma tête n’était pas accrochée, je pense même que je l’aurais oubliée.

Ils éclatèrent de rire. Avec lui, elle pouvait se permettre d’être chiante, têtue ou capricieuse, il la comprenait et la supportait. Diane, au début, n’avait pas cru possible l’amitié entre un homme et une femme mais au fur et à mesure du temps, celle-ci avait dû reconnaître qu’elle avait eu tort.

— Mdr.

—Je t’assure Julien. Toute cette nouveauté me chamboule un peu, reconnut-elle.

— C’est normal que cela te perturbe…

— Enfin. Qu’as-tu fait aujourd’hui ? demanda-t-elle en fermant son livre.

Elle avait eu sa dose de chiffres.

— J’ai été bossé, moi !

— Ah ! Oui merde, c’est vrai. Désolée, j’avais zappé qu’on est lundi.

— Et, en plus, elle se fout de ma gueule, dit-il sur un ton exagérément dramatique. Mais que vais-je faire de toi Emi ?

— Ça va, j’arrête de t’emmerder, dit-elle en plaidant coupable. Enfin, pour le moment.

— Alors comment s’est passé ton dernier jour au boulot ?

Ils n’avaient pas eu l’occasion de se parler de tout le week-end. Il savait qu’elle avait appréhendé un peu ce jour.

— Franchement, top ! C’était génial. Je ne pouvais pas souhaiter meilleur départ que celui-ci. Le plus beau de tous.

— De toute façon, tu arrives à toujours finir en bons termes avec tous tes employeurs. Tu n’es jamais partie en guerre ou autre.

— Oui c’est vrai, je me suis toujours arrangée pour partir en bons termes. À quoi bon faire la guerre ? Je suis en CDD tout ce qui m’intéresse c’est ma prime de précarité des 10 % par mois x le nombre de mois dans l’entreprise en plus quand j’y pense ça va me faire un beau chèque-là… Donc avec cet objectif, pas la peine de se prendre la tête dans une société sachant que ce n’est que temporaire.

— J’avoue, c’est ça qui est bien en CDD. Tu sais que tu as une durée de fin. Si le boulot est pourri ou que ton chef t’emmerde, tu sais que tu es là provisoirement…

— C’est ça !

— Et tu ne veux pas prendre un CDI ?

— Pour quoi faire ?

Sa réponse était claire. Pour elle, le CDI n’était pas du tout au programme pour le moment.

— Pour faire comme tout le monde.

— Julien, je ne suis pas tout le monde. Je suis moi et moi, j’ai envie de tester le monde professionnel avant de signer un CDI à nouveau. Et puis n’oublie pas j’avais un CDI mais n’ayant pas eu de possibilité d’évolution j’ai été voir ailleurs …

— Oui, mais rien ne t’empêche d’en prendre un maintenant et de négocier ton départ le jour où tu en as marre.

— Négocier !? Non merci. Justement imagine, tu tombes sur un employeur qui juste pour t’emmerder refuse la rupture conventionnelle qu’est-ce qui te reste ? La démission. Et qui dit démission, dit perte de ses indemnités d’ancienneté dans l’entreprise et en plus tu dois bosser quatre mois aussitôt derrière pour pouvoir récupérer tes droits au Pôle Emploi en fonction de ton cas et encore si la loi ne change pas entre-temps… Non merci. Au moins avec un CDD, tu connais ta date de fin de contrat et cerise sur le gâteau tu as un beau chèque à la fin et ça c’est motivant !

— Tu es dingue je t’assure.

— Oui, je sais mais j’aime bien, je me retrouve là-dedans. Et puis reconnaît quand même qu’aujourd’hui un CDI c’est comme un CDD. Le CDI a perdu sa valeur d’antan. Peu de personnes restent maintenant dans la même société pendant trente ans ! Les gens ont plus tendance à changer, à voir ailleurs si l’herbe est plus verte et à se faire de l’expérience !

— C’est vrai qu’il commence à perdre sa valeur… reconnût-il. N’empêche, tu es un cas quand même ! dit-il en riant. Bon, raconte ?

— Raconte quoi ?

— Bah ! Ton pot de départ !

—Ils m’ont fait une très belle surprise. Un magnifique pot de départ. Il y avait même du champagne !

— Ah ! Ouais ? La totale quoi ! Si tous les départs pouvaient être ainsi… Dans mon ancienne boîte, ce n’était pas du tout comme ça. Il y avait eu beaucoup de ruptures conventionnelles et le dernier jour il n’y avait rien, pas de fêtes, même pas de remerciements, que dalle !

— C’est vraiment dommage… Moi je pense qu’il faut une relation de confiance entre employeur et salarié. C’est dommage de partir en conflit…

— Oui, je suis d’accord avec toi mais malheureusement, cela ne se termine pas toujours aussi bien. L’employeur pense à faire plus de profit et l’employé souhaite être récompensé de ses efforts par une prime qui fait toujours plaisir mais parfois, la réalité en est tout autre…

— C’est malheureux. Ce que tout le monde, employeur comme employé oublie, c’est que l’un comme l’autre travaille dans le même intérêt. Un employeur sans employé ne peut pas faire tourner sa société, il a besoin de bras pour l’aider c’est pour cela qu’il recrute et l’employé parce que sans travail il n’a pas de salaire et, sans salaire, il ne peut pas payer ses factures…

— C’est vrai, normalement cela devrait être un échange. Mais comme le mot le dit : normalement… Sauf que dans la plupart des cas, l’employeur est roi, c’est lui qui a tous les pouvoirs, il fait ce qu’il veut et l’employé c’est le faible, résuma Julien.

— C’est malheureux.

— Comme tu le dis Emily. Enfin, c’est la vie… Sinon tu as prévu quelque chose de particulier cette semaine ? Pas de voyage en vue ? Cela m’étonne de toi !

Elle sourit. Décidément, il la connaissait bien. Quand elle est en vacances, en général, elle se faisait un petit séjour histoire de se changer les idées. Mais pas cette fois. Cette fois, elle voulait rester sérieuse et concentrée. Elle avait bien mis dans un coin de son cerveau un voyage bien mérité après le passage devant le jury.

— Pas maintenant, certainement l’année prochaine. Et toi, pas de voyage en vue ?

— Non pas encore. Peut-être plus tard. Certainement plus tard. Je me garde des jours de congés pour les prendre en hors saison quand tout le monde sera rentré !

— Tu commences à déteindre sur moi Julien !

— Tout à fait ! Et comme tu es une globe-trotteuse, tu m’aideras à choisir une destination ?

— Oui bien sûr, avec plaisir. Et mais tu sais ce qui serait cool ? demanda-t-elle en ayant subitement une idée.

— Non, mais je pense que tu ne tarderas pas à me le dire…

— Ce serait cool de se faire une virée tous les deux, histoire de marquer le coup !

— Tu me fais peur, là. Et où veux-tu aller ?

— À Miami !

— Et pourquoi pas Hawaï pendant que tu es ?

— Mais arrête, ce serait sympa, non ?

— Non, merci très peu pour moi.

— Pourquoi ?

— Tu sais que je n’aime l’avion.

— T’inquiète ! Le vol ne fait que dix heures en direct…

— Que dix heures ! Non mais même pas en rêve !

— Rassure-toi, je te shooterai au Lexomil.

— La bonne blague. Tu es une vraie amie, Emi.

— Je t’en prie, c’est gratuit.

— Non, mais ce n’était pas un compliment !

— Même si on prend un vol de nuit.

— Ça ne me rassure pas du tout ! Surtout venant de ta part ! dit-il en riant.

— Han ! lança-t-elle en faisant semblant d’être choquée. Je ne te parle plus !

— Oui, je sais. Dis quand es-tu dispo pour prendre un verre ensemble ?

— Julien, je suis off pendant trois semaines.

— Oh ! Tu m’énerves.

— Je sais.

—Bon, je regarde mon planning demain et je t’envoie un SMS, OK ?

— Ça marche.

CHAPITRE III

Lundi 21 septembre 2015.

C’était le jour J. Emily se réveilla avant le réveil. Elle était tellement excitée à l’idée de sa première journée, qu’elle avait eu du mal à s’endormir la veille. Elle avait pris pourtant une tisane, compter les moutons, regardé une émission barbante à la télé, rien n’y avait fait. Vers trois heures du matin, ses paupières s’étaient enfin faites lourdes, pour se réveiller en sursaut deux heures plus tard et ensuite toutes les heures de peur de ne pas entendre le réveil sonner. À sept heures, de guerre lasse, elle renonça à se rendormir. Ses cours ne commençaient qu’à neuf heures et elle n’était qu’à trente minutes du centre de formation en métro. Mais pas la peine de se recoucher. De toute façon, elle n’y arriverait pas. Elle se doucha donc et prit son café pour se donner du courage car même si elle n’arrivait pas à dormir, cela n’empêchait pas que ses yeux brûlassent à cause de la fatigue. Et puis tenir huit heures dont sept à écouter un inconnu parler chiffres et fiscalité lui demanderait beaucoup de courage et lui donnait déjà un mal de tête. Par précaution, elle rangea une boîte de Doliprane dans son sac, au cas où…

Emily arriva devant le centre de formation avec une vingtaine de minutes d’avance. Elle restait là, devant les grilles, à contempler le lieu où elle allait se former. Une formation de plus à mettre sur son CV et ainsi pouvoir mieux se vendre lors de ses futurs entretiens d’embauche… Elle hésita quelques secondes ne sachant trop quoi faire. Devait-elle déjà rentrer ou attendre qu’il soit neuf heures pile pour se présenter ? Le vent glacial qu’elle reçut en pleine figure décida pour elle. Elle ouvrit la porte et se dirigea vers le hall presque en courant. Elle avait subitement froid. Était-ce la peur qui lui faisait éprouver cela ? Une fois dans le hall, elle croisa trois personnes qui la saluèrent, certainement des membres du personnel, et se dirigea vers l’accueil où se trouvait une secrétaire occupée à répondre au téléphone alors que deux personnes attendaient déjà devant elle.

L’accueil était assez clair et était décoré simplement mais avec une touche de couleur qui égayait la pièce. Il faisait bon, presque chaud. Les gens s’affairaient par-ci par-là, cela sentait une rentrée sur les chapeaux de roues… Lorsque ce fut son tour, elle se présenta à la secrétaire, celle-ci lui demanda son nom et prénom et la conduisit avec les deux autres personnes dans leur salle de formation. Elles traversèrent un long corridor peint en blanc qui n’est pas aussi bien chauffé que l’accueil, passèrent devant la cafétéria ou les étudiants pouvaient faire leurs pauses. Cette salle donnait sur l’extérieur pour ceux ou celles qui voudraient braver le froid pour prendre l’air ou fumer. Ils arrivèrent enfin devant la salle de classe. La porte était ouverte et une feuille scotchée indiquait « Gestionnaire Comptable ». Oui c’était bien là, il n’y avait pas d’erreur. Tandis que la secrétaire s’éclipsait, tous trois entrèrent. La salle était assez grande. Elle pouvait contenir à vue d’œil une bonne vingtaine d’étudiants. Elle était déjà presque pleine. Emily s’assit à la première place vide qu’elle repéra, trop timide tout d’un coup pour faire sa difficile. En fait, ce n’était peut-être pas de la timidité. Elle était impressionnée.

Après quelques minutes supplémentaires d’attente, deux personnes, un homme et une femme, visiblement du centre de formation avec leur air sérieux et leur assurance firent leur entrée dans la pièce et se dirigèrent tout à l’avant vers l'estrade. Tout le monde se tut. On pouvait presque entendre les mouches voler. Ils balayèrent la pièce du regard avec un sourire aux lèvres pour détendre l'atmosphère. La femme, plutôt grande, un mètre soixante-dix à vue d’œil, portait des lunettes et paraissait plus sympathique que l’homme en costard cravate qui se tenait en retrait ressemblant plus à un banquier ou à un expert-comptable qu’à un professeur avec son air strict, son ventre arrondi et ses cheveux grisonnants. « Si c’est lui le prof, je suis mal barrée », pensa Emily espérant de tout son cœur se tromper. Après avoir déposé les dossiers qu’elle tenait en main, la femme s’avança vers eux et prit la parole.

— Bonjour à tous et à toutes et bienvenue, dit-elle tout sourire.

— Bonjour, lancèrent timidement quelques-uns.

Emily ne faisait pas partie des gens qui avaient répondu. Elle attendait la suite.

— Je me présente, reprit la femme. Je m’appelle Isabelle Allemand et je suis la responsable du site de Paris. Mon rôle est de vous guider. Si vous avez une interrogation ou si vous avez besoin d’informations, n’hésitez pas à venir me voir. Vous n’avez pas besoin de prendre rendez-vous, mon bureau est à côté de l’accueil. C’est avec moi que vous signerez vos fiches d’heures de présence chaque fin de mois pour la déclaration à vos financeurs, Pôle Emploi, votre employeur ou le Fongecif. Certaines personnes hochèrent positivement la tête en signe de compréhension, d’autres attendaient simplement la suite.

— En revanche, poursuivit-elle dans sa lancée, nous ne tolérons pas les absences injustifiées ou les retards de plus de quinze minutes à répétition. Après deux retards non-justifiés, on vous prendra en entretien et à partir du troisième retard, cela apparaîtra sur votre fiche de présence et l’heure du retard vous sera déduite de vos indemnités. Ce n’est pas parce que vous êtes en formation que cela veut dire que tout est permis ! L’homme avec qui elle était rentrée dans la salle se tenait toujours un peu en retrait. Emily curieuse, avait hâte de connaître son rôle dans toute cette histoire… Elle aurait trop aimé mettre la femme "en avancé" comme lorsque l’on regarde un film et que l’on veut zapper un passage qui n’a pas ou peu d’importance…

— Pour pouvoir obtenir votre diplôme à la fin de la formation, reprit la responsable, il vous faudra valider les quatre modules suivants :

Les travaux courants de la comptabilité générale.

La réalisation des fiches de paie et les déclarations des charges sociales.

La fiscalité.

Le traitement des informations de gestion qui comporte les bilans de l’entreprise ainsi que la comptabilité analytique.

Rien qu’en disant les modules, cela rajouta un froid dans la salle alors qu’il ne faisait déjà pas chaud… « Welcome in the reality, Emi » … pensa-t-elle. Bien qu'elle ait déjà pris connaissance des modules qu’elle allait avoir à étudier durant le parcours, l’entendre de la bouche d’un membre du centre avec ce ton si sérieux la fit paniquer. L’homme au costume s'avança alors que la femme se décalait de quelques mètres afin de lui céder la place.

— Bonjour et bienvenue. Je m’appelle Adam Jasinski et je suis votre professeur principal de comptabilité générale et de fiscalité.

Voilà la sentence était tombée. Emily sut qui il était et cela ne l'enchantait pas, mais alors pas du tout. Non seulement il était leur prof des principaux modules, compta "géné" et fiscalité, spécialité du gestionnaire comptable mais en plus de cela, il était leur prof principal. Mais qu’avait-elle fait au Bon Dieu ? Il paraissait bien trop sévère pour prendre patience, bien trop strict pour accepter une exception… Bref, sa place devait être dans un cabinet d’expert-comptable ou même aux impôts et non dans une classe de cours se disait-elle en le jugeant sur son apparence.

— J’enseigne depuis déjà dix ans et je suis expert-comptable en parallèle, bref tout cela pour vous dire que…

Dans le mille ! Elle avait vu juste. Mais, quelques minutes plus tard, en l’entendant parler des précédents élèves d'un air protecteur, il avait plus l’air d’un gros nounours que d’un contrôleur des impôts sans cœur…

— Ici, il n’y a pas de notes durant la formation. Vous aurez cours tous les jours, sauf les jeudis, où vous vous trouverez seuls sans professeur pour travailler en autonomie.

À cette phrase, des murmures s’élevèrent. Il leva la main pour réclamer le silence. Apparemment, cela n’était pas la première fois que les élèves réagissaient ainsi à cette phrase.

— Être sans professeur, ne veut pas non plus dire la fête ! dit-il sur un ton plus ferme.

Le calme revint dans la salle en quelques secondes.

— Le jeudi, vous êtes obligés d’être là à l’heure comme n’importe quel autre jour de la semaine sinon cette absence sera indiquée à votre financeur et sera déduite comme n’importe quelle absence, reprit-il. Non seulement vous devez être présent ce jour-là, sauf exception bien sûr, mais, en plus de cela, c’est la journée où vous recevrez des tests à faire, ils sont appelés travaux pratiques en abrégé, TP. Ce sera une journée comme une autre où il vous faudra faire les heures habituelles de cours et de pause déjeuner.

— Mais monsieur, s’aventura quelqu’un timidement mais courageusement vous venez de dire qu’on ne sera pas noté ?

— Oui, il n’y aura pas de notes. Ces tests sont là pour vous permettre de vous préparer à l’examen final et nous professeurs, cela nous permettra de voir si vous avez compris les cours ou s’il y a un chapitre à revoir. Un peu comme une révision. Et la correction se fera le lendemain. Je vous assure que si vous reprenez ces TP, il n’y aura pas de raison que vous n’ayez pas votre diplôme. Ils résument tous les cours que vous aurez tout au long des mois que durera la formation.

Voilà tout est dit. Ils connaissaient à présent la procédure, le fonctionnement de la formation. Le compte à rebours était officiellement lancé. Emily pouvait presque entendre le tic-tac de la montre qui la rapprochait du jour fatidique de l’examen.

— Bien, maintenant que tout est dit, je vais vous faire passer la fiche de présence. Vous allez commencer la semaine avec une révision des logiciels sur lesquels nous allons être amené à travailler. Vous allez avoir pour les deux jours à venir une révision sur EXCEL sur les formules de calculs, les tableaux croisés, les raccourcis et pour le reste de la semaine, une révision de SAGE. Monsieur Avarez va prendre la relève. Je reviendrai la semaine prochaine pour commencer les choses sérieuses, dit-il en souriant.

Il commença à ranger certains documents dans sa sacoche et avant de prendre congé lança :

— Pour lundi prochain, afin de pouvoir commencer la comptabilité dans de bonnes conditions, je vous demanderais à tous et à toutes sans exception de venir avec le plan comptable. Vous en trouverez partout, dans les librairies, la FNAC. Il se vend à trois euros je crois. Ce plan est indispensable dans votre métier. Pour les six prochains mois, il sera votre bible de comptabilité.

Sur ces mots, tandis qu’un nouveau professeur prenait la relève, la femme et lui s’éclipsèrent après leur avoir souhaiter une bonne journée.

CHAPITRE IV

— Alors comment a été ta première journée ? demanda Julien.

Ils s’étaient donné rendez-vous le soir à la terrasse d’un café. Toute la tension qu’elle avait éprouvée durant la journée, se dissipa peu à peu que la soirée avançait.

— J’ai un prof sadique mais sinon tout va bien !

— N’importe quoi.

— Si je t’assure il a l’air trop strict.

— Il est juste sérieux, comme tout comptable.

—Est-ce qu’ils savent au moins s’amuser les comptables ?

Julien éclata de rire à voir la tête de son amie en posant cette question. C’est vrai que parfois quand il devait faire un saut dans le bureau des comptables de la société à l’affût d’une réponse, l’ambiance dans ce service était… déprimant. Trop sérieux, trop calme, on entendait que les touches du clavier qui résonnaient dans la pièce tant ils étaient concentrés… Mais bon, manipuler les chiffres n’est pas évident non plus. Cela demande beaucoup de calme et de concentration. Il suffisait de noter un mauvais chiffre, un zéro en trop ou de mettre une virgule ou un point là où il ne fallait pas et cela faussait absolument tout le travail ! C’est sûr, niveau ambiance, ce n’est pas au service comptabilité qu’il a pris ses quartiers.

— Tu exagères quand même Emi ! Ce n’est pas parce qu’ils sont concentrés qu’ils ne savent pas s’amuser. C’est comme partout…

— Alors ton impression ?

— Bizarre. Contente, excitée et, en même temps, un peu perdu. Ah ! Tiens, pendant que j’y pense, est-ce tu peux m’accompagner à FNAC après pour que je m’achète le plan comptable ?

— Oui, bien sûr en espérant qu’il n’y a pas une queue de malade aux caisses…

— J’espère aussi… Et toi, ta journée ?

—Comme d’hab. La routine mais avec un pic d’activité en ce moment, rien de bien méchant.

— Tu ne te lasses pas de ton boulot ?

— Non. J’aime bien les chiffres donc ça va, même si parfois à la fin de la journée j’ai l’impression que ma tête va exploser à force de réfléchir…

Emily éclata de rire à son tour. Avoir la tête comme une pastèque, c’est ce qu’elle avait éprouvé aujourd’hui. Elle avait eu l’impression que son cerveau s'embrumait au fur et à mesure que les heures de la journée passaient. Déjà fatiguée par son manque de sommeil de la nuit dernière, la concentration qu’elle avait dû fournir n’avait rien arrangé.

Après avoir terminé l’apéro, ils allèrent acheter le plan comptable et faire du lèche-vitrines avant de se séparer. Elle était contente mais épuisée de sa longue journée. Il lui avait suffi de trois semaines de break pour qu’elle perde le rythme. Elle ne fit pas long feu ce soir-là. N’ayant même pas la force de se faire à dîner, Picard, son meilleur ami des plats surgelés, lui servit de repas. Pas la peine de se casser la tête pour savoir quoi se mettre sous la dent. Avoir toujours au moins un plat surgelé sauve la mise quand on est ko. Ce soir, ce n’était pas Emily qui dirait le contraire.

Les autres jours se suivirent sans se ressembler. Les notes s’allongeaient à mesure que les jours passaient. Cette semaine lui permit de se remettre dans le bain. Elle avait commencé tout doucement le soir après les cours à faire de petites révisions histoire d’être prête à entamer les choses sérieuses comme la compta de demain avec son prof favori… Durant la semaine, elle avait sympathisé avec toutes les personnes de sa filière mais s’était liée d’amitié avec trois personnes en particulier. Deux femmes, Sally et Karine, et un homme, Miguel, un Portugais. Ils prenaient souvent leurs pauses ensemble en parlant de tout et de rien. Karine est aussi fofolle qu’Emily, Sally était la plus âgée de leur groupe mais savait s’amuser quand il le fallait et Miguel était le faux timide, cool, mais qui avait les yeux partout.

Lundi : la journée tant appréhendée par Emily. Lorsqu’elle arriva en classe à huit heures cinquante-cinq, le prof était déjà là. Toujours vêtu d'un costard cravate, avec son air sérieux, il était assis à son bureau et avait allumé son ordinateur. Après avoir accordé cinq minutes de plus aux retardataires, il se leva et salua tout le monde. L’équipe était au complet. Il n’y avait pas d’absent en ce jour où les choses compliquées allaient commencer.

— Bien, j’espère que tout le monde a son plan comptable avec lui, dit-il après les avoir salués.

Silence total. Même si Emily était certaine qu’il devait avoir au moins une personne qui avait dû oublier de l’acheter ou de l’apporter, personne n’osait rien dire. Après avoir balayé la salle des yeux, il transmit la fiche de présence pour que tout le monde la signe. Si un élève arrivait après la feuille signée, il était considéré comme en retard à la première heure.

— Avant de commencer le cours du jour, nous allons faire une petite révision sur les bases de la comptabilité générale. Qui peut me dire quel est le compte banque ?

Pas de réponse. C’était le silence total. Ça commençait bien…

— Je vous en prie ne répondez pas tous en même temps ! Servez-vous du plan comptable, il est fait pour ça !

— 512, lança une voix après quelques secondes.

— Parfait. Le 512 est le compte principal en comptabilité. Vous travaillerez beaucoup avec ce compte. Donc même si vous ne pouvez pas retenir tous les numéros de compte qui se trouvent sur le plan comptable, celui-ci fait partie de ceux que vous allez connaître par cœur à la fin. Qui sait comment se passe le compte d’un particulier ?

Emily connaissait la réponse mais il l’impressionnait tellement qu’elle n’avait pas le courage de prendre la parole. Quelqu’un, plus courageux qu’elle, le fit.