Douce France ou rendez-vous au purgatoire - Didier Bonnafous - E-Book

Douce France ou rendez-vous au purgatoire E-Book

Didier Bonnafous

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Beschreibung

Le 9 novembre 1970, alors qu’il pérégrine dans les flammes du Purgatoire, Charles de Gaulle a une surprise de taille en tombant nez à nez avec Pétain qui attend depuis plus de dix-neuf ans son entretien avec Dieu le Père. Cette rencontre imprévue entre deux géants de l’histoire française donne lieu à une explication sévère, sans concessions. Elle permet de découvrir les terribles répercussions politiques de la défaite française face à l’Ordre nazi après l’Armistice de juin 1940.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Didier Bonnafous a une passion pour l’histoire qu’il considère bien trop importante pour être laissée uniquement entre les mains des historiens. Il a choisi de créer ce dialogue entre De Gaulle et Pétain en raison des répercussions persistantes du coup d’État de Pétain qui continue de diviser les Français jusqu’à aujourd’hui. Il est convaincu qu’il est temps pour les pétainistes de reconnaître l’erreur gravissime de 1940 et de travailler en faveur de la réconciliation nationale, même si cela s’annonce comme un défi difficile à relever.

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Didier Bonnafous

Douce France

ou rendez-vous au purgatoire

Essai

© Lys Bleu Éditions – Didier Bonnafous

ISBN : 979-10-422-1384-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

À Papa et Maman

À Philippe de Gaulle, pour moi et bien d’autres,

numéro 1 dans l’ordre des Compagnons de la Libération…

Je ne suis pas historien. J’aime l’Histoire.

Et l’Histoire est bien trop importante

pour la laisser aux seuls historiens.

Didier Bonnafous

Préface

Le 9 novembre 1970, Charles de Gaulle s’éteint dans son domaine de La Boisserie à Colombey-les-Deux-Églises, à l’âge de 80 ans. Son double est aspiré vers le Ciel où, au niveau du Purgatoire, il rencontre une vieille connaissance, Philippe Pétain, qui y moisit depuis le 23 juillet 1951, date de son décès à l’âge de 95 ans à Port Joinville, dans l’île d’Yeu où il purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité.

L’auteur imagine un dialogue a priori improbable pour les non-croyants mais possible entre les deux Français les plus populaires des années quarante, le premier, sur la défensive après dix-neuf ans de Purgatoire destinés à expier ses fautes et le second, auréolé de gloire, en train de monter au Paradis où l’attend Dieu le Père qui le réclame à trois reprises pour écourter l’entretien.

Voici le scénario de cet ouvrage original mettant aux prises un maréchal de France, considéré comme le vainqueur de Verdun avant de devenir le chef contesté de l’État français de 1940 à 1944, et un général de brigade à titre provisoire, devenu le chef de la France libre après l’armistice du 22 juin 1940 puis le premier président de la Ve République de 1959 à 1969.

Cette brève rencontre, si l’on admet qu’elle ait pu avoir lieu, permet aux deux hommes d’État de vider leur sac, d’étaler leurs ressentiments voire leur haine réciproque en balayant plusieurs décennies de parcours croisés, depuis le 31e RI à Arras en 1911 jusqu’au procès condamnant à mort le maréchal en août 1945, De Gaulle graciant Pétain en raison de son grand âge et de son passé militaire.

Ce dernier, agacé par la superbe gaullienne, l’apostrophe avec des surnoms remontant aux années d’avant-guerre (« Le colonel Motor », « Double mètre ») ou d’Occupation (« Le grand connétable », « Le général Micro », « Le général Fil de fer », « Le général asperge ») et De Gaulle, excédé par le déni de culpabilité de son ancien mentor, le qualifie notamment de « Précis le Sec », « Pétain le Bref », « César Imperator », « Putschiste », « Capitulard ».

Pétain reproche à De Gaulle sa captivité en Allemagne de 1916 à 1918, son refus de la hiérarchie militaire à la fin des années trente, sa « désertion » du 17 juin 1940, ses compromissions avec les communistes, l’assassinat de Darlan à Alger et l’exécution de Pucheu tandis que De Gaulle reproche à Pétain ses aventures extra-conjugales, son mariage tardif avec une divorcée, son très modeste rang d’entrée à Saint-Cyr, son éloignement du front durant la Grande Guerre, la conclusion de l’armistice du 22 juin 1940 et la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie, induisant les exécutions d’otages et la compromission dans la solution finale de la question juive.

Le premier titre de l’ouvrage (« Douce France ») évoque une chanson patriotique de Charles Trenet appréciée et entonnée à plusieurs reprises par le maréchal qui fredonne également plusieurs couplets de l’hymne emblématique du régime de Vichy (« Maréchal, nous voilà ») pour couper les péroraisons gaulliennes.

Didier Bonnafous décrit un général de Gaulle pugnace et véhément, qui regrette que son ancien mentor ne rôtisse pas dans les flammes de l’Enfer à l’instar de ses anciens protégés Alibert, Peyrouton, Laval et Darnand et ne lui laisse pas d’espoir quant à sa montée au Paradis, même après des décennies de Purgatoire afin d’expier ses fautes, alors que lui, bon catholique et patriote, est réclamé par Dieu le Père. L’affrontement entre les deux hommes d’État est saccadé, avec des réparties généralement brèves mais marquantes, destinées à déstabiliser l’adversaire, voire à lui porter le coup de grâce.

Jean-Louis Panicacci

Président des Amis du Musée de la Résistance azuréenne

Appel de Philippe Pétain

le 17 juin

« Français !

À l’appel de M. le président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du Gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle a rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés, sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.

En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat.

Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités.

Que tous les Français se groupent autour du Gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écouter que leur foi dans le destin de la patrie. »

Appel de Charles de Gaulle

le 18 juin

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années sont à la tête des armées françaises, ont formé un Gouvernement. Ce Gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique terrestre et aérienne de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui. Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des États-Unis.

Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n’empêchent pas qu’il y a dans l’univers tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français, qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Demain comme aujourd’hui, je parlerai à la radio de Londres. »

Le Purgatoire est un état.

J’en ai fait un lieu par commodités d’écrivain.

Mille excuses aux puristes.

Didier Bonnafous

L’histoire se déroule dans les limbes le 9 novembre 1970 et débute à 19 heures 35 précises.

Charles de Gaulle :

— Je n’en crois pas mes yeux ! Henry Philippe Benoni Omer en personne !

Pétain :

— Charles André Joseph Marie ? Bien vous, ça ! Forci ! Vieilli ! Ainsi donc, pour le général de Gaulle, le Grand Voyage !

Avant toute chose, de mes prénoms de baptême, Philippe suffit.

Charles de Gaulle :

— Charles convient seul aussi. J’abonde dans votre sens. Vous confirme que je viens de décéder brutalement il y a tout juste cinq minutes, précisément à dix-neuf heures trente, le 9 novembre de l’an de grâce 70. Mort avérée. Constat terrible.

Pétain :

— J’ai de la peine pour vous. Vous vous verriez, Général, lissant votre chapelet…

Charles de Gaulle :

— Un simple porte-bonheur. Acheté à Jérusalem en 29, béni par Sa Sainteté le pape. Ce chapelet m’a guidé toute mon existence. Vous m’en trouvez ridicule ? Moi pas. Mon décès va occasionner bien du schproum, beaucoup de schproum.

Pétain :

— Du schproum ?

Charles de Gaulle :

— Du schproum. La mort ?

Un simple changement de vie. On ne meurt pas ! Non ! Nous tendons les bras à la vraie vie. Ici-Haut, qu’attend-on ?

Pétain :

— D’être reçu.

Charles de Gaulle :

— Adieu la Boisserie ! Adieu mon jardin arboré, où, sifflotant disgracieusement laRhapsodie hongroiseno 1 de Liszt parmi mes frêles moineaux, je n’y pratiquerai plus jamais ma sainte balade digestive d’après la poire et le fromage.

Pétain :

— Vous oubliez l’Armagnac.

Charles de Gaulle :

— Outre l’excellence des mets, un bon militaire n’oublie pas l’Armagnac. J’allais donc y venir.

Pétain :

— Je ne vous savais pas tant épicurien.

Charles de Gaulle :

— J’ai, ma vie durant, maîtrisé un si solide appétit que certains grincheux le qualifient d’ogre. Je leur donne ma bénédiction, ayant toujours eu une attirance gloutonne pour les plats francs du collier, les diaboliques où l’on voit ce que l’on dévore, comme le pot-au-feu, les côtelettes d’agneau, les haricots blancs de Soissons.

Bien ! Les choses étant ce qu’elles sont, j’accepte de passer à autre chose.

Bonjour la mort.

Pétain :

— Vous vous y ferez, De Gaulle, intelligent comme vous l’êtes.

Charles de Gaulle :

— Je prends quelque repos mérité dans ma paisible bibliothèque après une longue journée studieuse, les doigts gourds d’avoir trop forcé mes textes. Sur ma table de bridge, j’ordonne une patience à sept cartes, vous savez, celle que l’on mène à terme, avec sept fois sept cartes…

Pétain :

— Pour quelqu’un d’aussi terre à terre que vous, De Gaulle, pas très cartésien de jouer aux tarots des bonnes femmes. Qu’attendez-vous donc de ces réussites de gitane ?

Charles de Gaulle :

— … soucieux des actualités télévisées. Cela arrive sans crier gare. À dix-neuf heures deux. J’en connais l’heure exacte, scrutant à ce moment précis l’horloge, quand je subis, la traîtresse, mon attaque fatale. Une douleur fulgurante dans le dos me paralyse. Je chute en avant, les yeux grands ouverts, la tête lourde, la respiration ahanante. Mes lunettes déchaussées tintent sur le parquet.

Pétain :

— J’ai également…

Charles de Gaulle :

— De mon vivant, je n’ai jamais ressenti la moindre alerte. Expérience impressionnante, mon moi dédoublé plane au plafond, observant scrupuleusement le tintamarre. Des râles. Des soubresauts, puissants et saccadés. Ma grande carcasse, tout moi ça, gît à même le sol, secouée de violentes contractions.

Pétain :

— Il me semble revivre mon propre décès.

Charles de Gaulle :

— Yvonne, ma sentinelle, lance l’alerte générale. Mon chauffeur Francis Marroux, fidèle parmi les fidèles, me retourne, pose sous ma tête un coussin du canapé, court à ma chambre chercher une couverture, détale dehors attendre le docteur qui ne va plus tarder.

Charlotte, Honorine brament à gros sanglots. Toutes deux s’étreignent, affolées, ne sachant quoi tenter face à l’évidence qui ne pose plus aucun doute.

Yvonne, si brave, petite femme chérie pour qui je suis sa locomotive, à qui je cueille de temps à autre des bouquets de violettes, se domine comme toujours.

Pétain :

— Moi, à Ninie, je ne lui cueillais pas de fleurs. Pas de temps à consacrer à ces con…

Charles de Gaulle :

Lacheny arrive. Je l’aime bien Lacheny. Parce que, voyez-vous, j’ai été un malade bien récalcitrant. Et le pauvre, avec son prestigieux patient, il a toujours été, lui, bien patient. Trousse en bandoulière, stéthoscope en mains, je l’entends distinctement diagnostiquer une rupture d’anévrisme.

Le curé, aussi, se précipite. Comment a-t-il fait pour survenir si vite, celui-là, lui qui prend habituellement tout son temps qu’on en pleure ?

L’abbé se penche sur moi, par le signe de la croix entame les derniers sacrements. Le bon généraliste, défait fataliste, annonce à tous, effondrés, que mon cœur a cessé de battre.

Rideau. Fini. On tourne la page.

Un noir tunnel m’engloutit.

Pétain :

— Terrible expérience qui vous aspire.

Charles de Gaulle :

— Tant de projets d’écriture mis au panier. L’herbe sous le pied définitivement tranchée. De mes Mémoires d’Espoir, seul le premier tome, Le Renouveau, est publié alors que le second, L’Effort, restera focalisé sans lendemain sur le Plan de 63. Je tenais tant à tout y justifier : mes réalisations dans leur globalité, la chienlit de mai 68, les secrets de ma rencontre avec Massu à Baden-Baden.

Pétain :

— Je compatis. Dites Général, il s’est passé quoi en mai 68 ? Je vous l’apprends, parce que vous venez juste d’atterrir mais, Ici-Haut, on ne sait rien d’en bas. Donc, mai 68 ?

Charles de Gaulle :

— Lâchez la rampe. Rien n’arrive sans que le bon Dieu le veuille. Pouvez-vous m’ôter d’un doute, me confirmer que c’est bien l’Esprit saint qui m’a transporté Ici-Haut ?

Pétain :

— Dieu le Père en personne. Sinon, je ne vois pas comment c’est possible.

Charles de Gaulle :

— Rassurant ! Pour moi, vrai chrétien, la mort, qu’est-ce ? L’accomplissement final de l’homme. Et puis, si, Ici-Haut, je peux retrouver ma petite Anne, me lier d’amitié avec Barrès, le chantre du nationalisme, avec Bergson, que j’ai rencontré personnellement, le Maître de l’instinct et avec Péguy, grand républicain laïque qui dénonce un monde ravagé par l’argent, cela me convient fort bien.

Pétain :

— On s’en passerait, non, de cette mort affreuse à vivre ? Si on ne peut l’éviter, le plus tard possible ! Une vie terrestre éternelle, cela ne vous aurait pas plu ?

Charles de Gaulle :

— Partir, c’est vivre. Dans la vie comme dans la mort ! Où sommes-nous ?

Pétain :

— Au Purgatoire, De Gaulle.

Charles de Gaulle :

— Le Purgatoire ? Aux feux purificateurs ? Lequel Purgatoire reçoit les âmes des défunts morts en état de grâce, j’insiste sur état de grâce, assurés du salut éternel, j’insiste aussi sur salut éternel, afin qu’elles expient les péchés dont elles n’ont pas fait une pénitence suffisante avant leur trépas ? C’est bien cela ?

Il n’y a pas, vous concernant, une grave erreur d’aiguillage ? Vous y faites quoi, vous, au Purgatoire, avec tous vos forfaits engendrés ? Quand je vous y ai découvert, j’étais convaincu de me retrouver en Enfer, où je vous croyais rôtir à jamais.

Pétain :

— Ne vous en déplaise, comme tout bon catholique, j’attends mon tour pour Le voir. Dans le flou, en grande souffrance, je tente d’expier mes fautes terrestres. Passage obligé avant ma comparution devant le Seigneur. Suis-je entendu ? Je l’espère bien.

Quelquefois, le désespoir me ronge.

Charles de Gaulle :

— Bon catholique, vous ? Préférable de naître sourd que d’entendre cela.

Pétain :

— Le Bon Dieu, je ne L’ai point vu. Je crois L’entendre parfois. Le ressens toujours. Impression bizarre, sincèrement. Pourtant cela fait vingt-huit ans que je poireaute ici.

Charles de Gaulle :

— Jamais vu le Tout-Puissant, qu’il se plaint ! Pas étonnant !

Pétain :

— Je m’impatiente benoîtement de monter vers Sa lumière.

Charles de Gaulle :

— Benoîtement, c’est vous-même qui l’affirmez. Pensez-vous pouvoir être reçu pour la félicité éternelle avec tant de dégâts commis ? Jugez-vous le Seigneur plus indulgent que les vivants ? Vous n’avez, Ici-Haut, aucun espoir d’obtenir le moindre sou de réhabilitation.

Pétain :

— J’irai à terme, dans Sa gloire éternelle. Tôt ou tard, Il me reconnaîtra. Là, à dire le vrai, Il me fait bel et bien tourner en bourrique.

Charles de Gaulle :

— Pour expier vos légions de fautes majeures, il vous faudra beaucoup de temps. Le voir face à face, n’y comptez pas. Vous lambinez ici depuis bientôt trente ans ? Un simple début qui durera des siècles.

Pétain :

— Lesquelles fautes ? S’Il en juge certaines commises, je les expierai. Il m’en convaincra.

Charles de Gaulle :

— On ne peut vous empêcher de pisser votre vinaigre. Sans se détourner complètement de vous, miséricordieux, le Juge suprême le reste pour tous, même pour les plus abjects criminels, Il n’agréera pas de devenir le rédempteur de ce demi-dieu décrépi fossoyeur dévoyé de ma France adorée, du chef du si factieux État français, unique parenthèse destructrice dans son Histoire, douloureuse divagation qui a duré du 11 juillet 40 au 20 août 44, quatre ans, un mois, dix jours.

Avec ce que cela sous-entend de morbide, de répugnant.

Pétain :

— J’ai de solides arguments à procurer pour tout ce qu’on m’a déjà reproché, je les Lui présenterai. En juillet 45, le tribunal qui m’expédie ad patres, a la tête trop près de la Libération. Fait indéniable ! Qui prétendra le contraire ? Et ne souhaite pas rendre le jugement impartial auquel j’ouvre droit.

Sur Terre, nul n’entend les arguments de la défense développés par mes avocats, Isorni, Payen et Lemaire.

Lui, dans sa bonté divine, les retiendra. D’accord avec vous ! Il joue de son temps.

Charles de Gaulle :

— Je me vante bigot respectable. Mais, respecté à sa juste valeur ? Pour un parfait bigot, l’état intermédiaire de Purgatoire ? Scrogneugneu ! Comme au bachot ? Le général de Gaulle passe l’oral de rattrapage ? Qu’ai-je donc fait de mal ?

Pétain :

— Que nenni mon brave. Vous aussi en avez tant à expier.

Charles de Gaulle :