Eglise Saint Saturnin de Palairac - Michel Rzepecki - E-Book

Eglise Saint Saturnin de Palairac E-Book

Michel Rzepecki

0,0

Beschreibung

Nichée au milieu des Corbières dans une région où l'Homme a exploité les métaux depuis l'Antiquité jusqu'à une époque très récente, l'église Saint Saturnin de Palairac dispose d'un mobilier baroque imposant et rare pour une petite église. Des caractéristiques de ce mobilier (statues, autels, peintures, etc.) ne semblent présentes qu'à cet endroit. Cette décoration particulière a-t-elle un rapport avec l'exploitation minière ? Une légende locale rapporte que Louis XIV aurait visité une mine du village et offert le mobilier de l'église. Mais rien n'est avéré et sous cette légende se cache peut-être une vérité plus complexe et plus insolite... Fruit d'une longue recherche faisant intervenir plusieurs disciplines (Histoire, Religion, Esotérisme), cet ouvrage tente de retrouver par qui, pourquoi et quand cette décoration a été mise en place. Que doit-elle aux mines d'antimoine, à la théosophie de Jacob Böhme, au chimiste Chaptal, aux Philadelphes de Narbonne ? Délivre-t-elle un message hermétique ? Si oui, lequel ? Comment interpréter concrètement les symboles ? Qu'est-ce que l'Alchimie, sur quoi repose-t-elle ? Le livre donne la réponse à toutes ces questions et à bien d'autres. - Edition revue et corrigée

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 270

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Tables de matières

Introduction

Première Partie

La nef

Le Chœur

L’abside

Les statues

L’autel

Le retable

Les caissons avec le monogramme IHS

La chapelle de Saint Roch

Le retable

La statue de Saint Roch

La peinture murale

Description

Interprétations et provenance

La statue de la Vierge à l’Enfant

La chapelle de la Vierge

La Vierge à l’enfant

La statue de Saint Anne

La disposition du mobilier

La légende de la provenance

L’extérieur

Le clocher

La croix de mission

Deuxième Partie

Un passé minier quasiment inconnu

Bref historique de Palairac

Les mines de Palairac

Les mines de la Bousole, l'Aiguille et La Canal

La Bousole

L'Aiguille

La Canal

Les mines de la Caune des Causses et du Monthaut

Influence de la philosophie de Jacob Böhme

L'Homme, Temple de Dieu

Le Temple de Salomon

Le Décalogue

Les Vertus Théologales

La Régénération ou réintégration d'avant la Chute

Le Salut sans prêtre ?

Protestantisme ?

La Charité est ailleurs

Le sommet de l’Œuvre ?

Préambule

Principe de l’Alchimie

La peinture murale

La matière reconstituée ou la Pierre naissante ?

Les voies alchimiques

La statue de la Vierge à la bille

Symboles

Symboles Chymiques ?

Statue de la Vierge à la bille XVIII

e

siècle

Chemin de croix fin XIXe siècle - début XXe siècle

Tabernacle style Empire du XIXe siècle

Retable du maître-autel, 1631, caissons avec IHS

Le symbole du nitre ou cercle avec une barre verticale

Autres Symboles (non chymiques)

Le phénix

Les branches d’acacia

Sainte Anne

Saint Jean Baptiste, la Vierge à la bille, le retable de Saint Roch et la peinture murale

Une origine maçonnique ?

La Franc-maçonnerie

Alchimie versus Franc-maçonnerie

Chevalier Rose-Croix

Et à Palairac ?

INRI

Une création des Philadelphes de Narbonne ?

Joseph Gaspard Pailhoux de Cascastel

Le « Rit » Primitif des Philadelphes de Narbonne

Des opératifs au fourneau ?

Du côté d’Armissan

La famille de Joseph Gaspard Pailhoux de Cascastel

La cloche Hermestine Justine

Conclusion

Une mise en place après la Révolution ?

Annexes

I - Visite des rois de France et de Majorque

Le contexte historique des deux traités

Les traités dans l'Histoire et bibliographie

Le traité de Carcassonne

Le traité de Palairac

Un territoire avec des mines

Une contrepartie en argent de Philippe le Hardi ?

II - Analyse de la peinture murale de la chapelle Saint Roch

La partie centrale et la numérotation des Tables

Travaux de conservation de la peinture en 2009

Analyse chromatique du centre de la peinture

III - Anne Catherine Emmerich

IV - Le Général Dagobert, Roger-René Dagobert et Rennes-le-Château

Sources « erronées »

Le Général Dagobert comme il n'était pas

Phantasmes sur Rennes-le-Château

Le complot à la sauce anglaise

V – La forge de Padern

Bibliographie (non exhaustive)

Photographies/images

Remerciement

Tables de matières

Introduction

Perdu au milieu des Corbières souvent balayées par la Tramontane (ou Cers), Palairac est aujourd’hui un tout petit village d’une trentaine d’âmes.

Il y a un siècle, il y en avait plus de deux cents.

Pourquoi une telle érosion ? Ou plutôt, pourquoi autant d’habitants au début du XXe siècle ?

Quand on parle des Corbières de nos jours, on peut parfois évoquer ses vins, mais la plupart du temps les fameux « châteaux cathares » viennent à l’esprit.

Ces forteresses royales ont été les témoins d’une période historique tragique qui a durablement marqué la mémoire collective locale : la croisade contre « les Albigeois » et « l’hérésie cathare ».

Mais cette période fut somme toute d’une courte durée.

Une autre caractéristique, méconnue, a marqué les Corbières pendant plus de deux millénaires.

Elle a été en partie l’objet de la colonisation romaine. Elle fut source de conflit au moyen-âge entre les puissants Seigneurs de Termes et la toute aussi puissante Abbaye de Lagrasse. Elle s’est développée sans vraiment franchir le cap industriel, à partir du XVIIe siècle, pour se terminer seconde moitié du XXe siècle.

Je veux parler de l’exploitation minière, encore bien présente au début du XXe siècle avec une population composée majoritairement de mineurs.

Pendant mes trois mandats de Maire de Palairac, j’ai essayé de faire sortir de l’oubli ce passé minier par la création de l’association « Mines en Corbières ». Grâce à elle, ce passé est maintenant connu et même reconnu.

J’évoquerai dans ce livre succinctement l’histoire des quelques mines de Palairac. Le lecteur intéressé par l’histoire générale des mines de la région pourra se reporter à l’ouvrage de Julien Mantenant : « Mines des Corbières », Association Mines en Corbières Éditions.

J’ai découvert la première fois Palairac fin des années 1970.

Après plusieurs séjours de vacances dans le village, je me suis installé dans l’Aude en 1987. Je venais régulièrement à Palairac en résidence secondaire et m’y suis installé définitivement en l’an 2000.

Dès le début, j’ai connu ce passé minier, notamment les mines d’antimoine qui se trouvaient à Palairac, Maisons et Quintillan.

Pourquoi particulièrement les mines « d’antimoine » ?

Fin des années 70, pendant mes études d’ingénieur, j’étais tombé sur le fameux « Mystères des Cathédrales » de Fulcanelli. Ses « Demeures Philosophales » ont vite suivi, de même que les ouvrages d’Eugène Canseliet et d’auteurs beaucoup plus anciens.

Des écrits « incompréhensibles », un vrai défi pour l’intelligence !

Mais de quoi parlaient-ils ? Y avait-il quelque chose de caché que la science moderne n’avait pas découvert ? Et puis pourquoi souvent ces références à la Religion ?

Élevé dans la Religion Catholique, mais pas vraiment satisfait à l’époque de la séparation ou de l’opposition entre science et religion, je cherchais comme beaucoup à trouver un sens à la vie et à tout ce qui m’entourait.

L’Alchimie semblait apporter une réponse ou tout au moins s’occuper de ces questions

Je l’ai beaucoup étudiée… Mais la science, la raison, a fini par prendre le pas.

Que ce soit pour l’Alchimie ou la Religion, ces sujets m’intéressent mais restent au niveau des croyances, des rêves, des erreurs dans l’histoire des humains.

Beaucoup d’alchimistes ont travaillé sur l’antimoine pour répondre à la question.

Mais ils étaient apparemment loin de faire l’unanimité que ce soit sur la matière, la manière de faire, etc.

Il y a des « chapelles » d’alchimistes. Eh oui, il en existe encore…

Certains viennent visiter l’église de Palairac pour entendre ce que j’en raconte, comme pas mal de francs-maçons.

Et souvent je me fais l’avocat du diable…

En même temps que j’ai découvert les mines de Palairac, j’ai découvert son église : toute petite, située à l’écart du village, mais dans un cadre serein et magnifique.

De suite j’ai remarqué quelques unes des ses particularités : la bille entre les doigts de la Vierge ou encore la peinture murale énigmatique située en haut du retable de la chapelle Nord.

A partir du moment où j’ai commencé à vivre sur place, j’ai pu longuement étudier chaque détail dans l’église, étudier l’histoire de Palairac et de la région, faire des recherches en Archives, etc.

J’avais bien une idée de ce que la symbolique pouvait représenter mais je considérais que ce n’était pas à moi d’en parler.

J’ai fait venir Léon Gineste, un alchimiste contemporain, qui a écrit un livre, « Hermestine », dont un chapitre traite de Palairac.

Même si je ne partage pas le bien-fondé de l’Alchimie avec lui, Léon Gineste m’a donné l’impulsion pour « gratter plus avant », approfondir ce que j’avais commencé.

A partir de 2007, j’ai créé le site palairac.org. Il a grossi au fil des mois et des années...

Mais sa présentation est non linéaire. Elle ne donne pas un cheminement qui permet d’aller d’un début à une fin.

C’est pourquoi, comme certains me le demandaient à l’issue d’une visite de l’église, j’ai entrepris récemment de le convertir en « bouquin ».

Le présent ouvrage reprend la plupart des pages du site internet, revues, corrigées et modifiées pour une présentation sous forme de livre ou encore pour étayer le propos.

Mêlant Histoire, Religion et « Ésotérisme », le livre est constitué d’une première partie descriptive de l’église traitant de son architecture, de son mobilier et de ses symboles chrétiens, et d’une deuxième partie s’attachant au contexte historique, aux influences, aux interprétations et aux origines possibles de la décoration, ce raisonnement permettant in fine d’arriver à une hypothèse en guise de conclusion.

Les annexes, principalement consacrées à l’Histoire, complètent et développent certains éléments.

Ma position générale par rapport à ces sujets religieux et alchimiques, reste en permanence celle d’un observateur qui utilise leurs langages mais … sans y croire.

Certes argumentée et développée suivant une certaine logique, c’est néanmoins une vision personnelle que je vous propose, avec sa part d’incertitude ou de méprise…

Faut-il suivre l’inscription invitant à la prudence écrite sur la voûte du Chœur : « Pavete Ad Sanctuarium Domini 1 » ?

Bien sûr que non.

Alors bonne découverte et bonne lecture !

Michel Rzepecki, Palairac, le 11 juillet 2023

1 « Soyez pris d’effroi à l’approche du sanctuaire du Seigneur »

Première Partie

L’église, son architecture, son mobilier et ses symboles chrétiens.

La nef

Située un peu à l’écart du village actuel, l'église Saint Saturnin est orientée vers l'Est comme presque toutes les églises.

Toutefois l'axe de la nef s’oriente à peu près 15° plus au Sud.

Comme on peut le voir sur le plan ou directement dans l'église, l'axe de l'abside, marqué par une petite fenêtre, est encore plus orienté vers le Sud d'environ 15°.

L'abside pointe vers une direction 30° plus au Midi que l'Est vrai.

La nef donne avec le transept l'aspect général d'une croix, l'abside du chœur penchant vers le Sud.

Certains y voient la représentation de la tête du Christ, penchée sur le côté, lors de la crucifixion. L'image est assez parlante mais inexacte.

Cette disposition correspond à une règle géométrique traditionnelle.

En terme d'azimut, l'axe de l'abside est orienté vers l'azimut 300° (l'azimut 0° est plein Sud, 90° à l'Ouest, 180° au Nord et 270° à l'Est).

Cette direction pointe très exactement sur le point de l'horizon où se lève le soleil le 29 novembre, jour de la fête de Saint Saturnin.

Traditionnellement, les chœurs des églises étaient orientés vers le lever du soleil le jour de leur Saint Patron (la Dédicace).

A Palairac, la colline cache la vision du soleil le 29 novembre, mais la tradition d'orientation est respectée.

De manière inhabituelle, on entre dans l’église seulement par la porte Nord, la porte dite « des morts ».

Une autre porte a toutefois existé : au lieu d’être au Nord, côté « Évangiles », les fonds baptismaux ont été placés dans l’ancienne porte d’entrée au milieu de la façade Ouest. Cette porte a été murée depuis l’extérieur sur la moitié de l’épaisseur du mur. En façade on aperçoit encore les pierres composant sa voûte. Les fonds baptismaux sont constitués d’une énorme pierre de calcaire dévonien creusée en cuvette sur sa partie supérieure, datant probablement de la création de la Nef, et d’une porte en bois hexagonale (moitié d'hexagone) du XVIIIe siècle.

L’église est citée la première fois dans un texte en 1118. C’est la raison pour laquelle on la date généralement du XIIe siècle.

Au départ, elle devait être réduite à une nef de forme rectangulaire.

L’abside du Chœur romane et les chapelles gothiques s’y sont ajoutées par la suite.

L’arc légèrement brisé de la voûte est outrepassé et présente un tassement supérieur dû au poids. Il en est de même, de manière plus prononcée, pour l’arc doubleau qui sépare la nef du transept.

Par ce style préroman, on peut penser que la construction de cette nef est plus ancienne (Xe siècle ?).

Situé à droite de la porte d’entrée, le bénitier en marbre d’époque baroque adopte la forme d’une coquille.

Une statue en plâtre du XIXe siècle de Saint Antoine de Padoue fait face à la porte d'entrée, avec un tronc scellé dans le mur pour les offrandes.

La galerie du XIXe siècle est aujourd’hui garnie de deux statues en plâtre récentes (début XXe siècle) : Saint Joseph et un Christ au Sacré Cœur.

Le chemin de croix (fin XIXe siècle), petit et polychrome, présente la particularité d'avoir les stations IV et VI interverties, de même que la IX et la XI…

Au croisement de la nef et du transept se trouve la table de communion en fer forgé. D'un style assez courant pour les églises de la région, elle se distingue par des décorations en laiton aux fleurs de lys disposées en croix et entourant un cercle rempli de petites billes.

Le Chœur

L’abside

L'abside romane semi-circulaire du Chœur (photo page suivante) serait postérieure à la construction de la Nef, soit XIe ou XIIe siècle. La voûte de l'abside a la forme d'un quart de sphère (un « cul de four »). Sur l'arche de la voûte se trouve la seule inscription de l'église : PAVETE AD SANCTUARIUM DOMINI, qu'on peut traduire par : « Soyez effrayés à l'approche du Sanctuaire du Seigneur ».

Cette voûte, de même que la partie de voûte en plein cintre du transept, est peinte de couleur bleue avec des étoiles en astérisque peu visibles aujourd’hui.

Dans le cul-de-four, des nuées rayonnantes, entourées de têtes d'angelots ailées, contiennent en leur centre un cercle entourant une croix latine. Une colombe ou un pélican s’aperçoit derrière le cercle. Cette peinture et la voûte étoilée sont peut-être relativement récentes (courant, voire fin XIXe siècle) et recouvrent d'autres peintures beaucoup plus anciennes, probablement du Moyen-âge : l’arche de la voûte est constituée d’un faux appareillage de pierres jaunes séparées par des traits rouges et noirs.

De chaque côté du retable du maître-autel se trouvent deux peintures du XIXe siècle représentant des fenêtres avec voilages verts et tentures bleues ornées de branches d'acacia. Ces branches d’acacia sont particulières, elles ne suivent pas l’ondulation des tentures et apparaissent à leur avant-plan. De même, leurs feuilles ne sont pas vertes mais constituées de traits noirs, blancs et rouges.

Les statues

En hauteur, deux statues baroques en bois doré du XVIIe ou XVIIIe siècle ornent les côtés de l'abside :

Saint Jean Baptiste côté Évangiles (à gauche),

Saint Saturnin côté Épîtres (à droite).

Saint Jean Baptiste, côté chapelle Saint Roch, devait tenir un bâton de sa main droite et pointe de son index gauche l'agneau qui se trouve à ses pieds, la tête retournée pour faire face au doigt. La toison du mouton est particulièrement bien représentée.

L’autel

Le maître-autel en marbre du XVIIIe siècle possède un Tabernacle de style Empire (milieu du XIXe siècle).

Cet autel a été vandalisé dans les années 1980. Toutefois les pièces de marbres endommagées ont été conservées et il devrait faire l'objet d'une restauration.

Le retable

Enfin, pièce maîtresse de ce Chœur, un retable baroque en bois doré, avec tableau central, occupe le fond de l'abside. Il est daté : 1631.

La partie bois du retable se compose :

de deux colonnes cannelées dont la base est composée de feuilles de lauriers, reposant chacune sur

un caisson, représentant un chapelet (collier de billes) contenant le monogramme IHS et coiffé d’une tête d'angelot ailée (putto),

des chapiteaux ouvragés,

un linteau supérieur aux trois putti, comportant la date 1631,

un tympan composé de triangles et un écusson représentant un rapace, les serres agrippées sur un objet écailleux (ressemblant à une pomme de pin). Plusieurs hypothèses ont été émises sur la nature de ce rapace : aigle, phénix, pélican, etc.

Le tableau représente une Apparition de la Vierge à l'Enfant tenant dans sa main gauche un bouquet, entourée de manière circulaire par six anges et surmontée de Dieu le Père et du Saint Esprit sous la forme d’une Colombe. Remarquez la correspondance des habits de la Vierge avec ceux de Dieu. Une peinture murale de la basilique Saint Paul-Serge de Narbonne possède exactement la même représentation de Dieu le Père et du Saint Esprit. Est-elle du même artiste ?

La partie basse du tableau montre trois personnages :

Saint Sébastien à droite, criblé de flèches, regardant le spectateur,

Saint Barthélemy à gauche, en prière, tenant un couteau (instrument de son supplice d’écorché vif) entre ses mains jointes, regardant la Vierge,

un évêque agenouillé, de face, en tenue de visite pastorale, tenant un livre ouvert dont la lecture se fait la tête « en bas ».

Ces Saints étaient implorés lors des périodes de pestes. Ce fut le cas dans la région en 1631.

Il est très probable que cet évêque soit l'Archevêque de Narbonne de l'époque (1628-1659) Monseigneur Claude de Rebé. Personnage important des États du Languedoc (Président-né), Chevalier de l'Ordre du Saint Esprit, on ignore pourquoi il se trouve représenté à Palairac.

En effet, depuis 876, Palairac était une possession de l’Abbaye bénédictine de Lagrasse, contrairement à Villerouge-Termenès, un village voisin, qui appartenait à l’Archevêque de Narbonne. Il aurait été plus logique que Mgr de Rebé soit représenté à Villerouge-Termenès et que l’abbé de Lagrasse le soit à Palairac. Pourtant le personnage peint est bien un évêque : il tient la spirale de sa crosse (son pouvoir) vers l’extérieur, contrairement à un abbé qui l’oriente au dessus de sa tête (il n’a de pouvoir qu’à l’intérieur de son abbaye).

Il est à noter que si vous visitez le musée d’Art au palais des Archevêques de Narbonne, vous découvrirez des pièces créées à l'initiative de Mgr de Rebé. Vous remarquerez qu'il aimait particulièrement afficher son blason…

Paradoxalement, à Palairac, ses armes sont absentes.

Derrière le retable se trouve la petite fenêtre orientée 15° plus au Sud que l’axe de la nef.

Les caissons avec le monogramme IHS

Le monogramme de Jésus, IHS, a été précédé par le chrisme, monogramme de Christ, XP, qu'on retrouve dans le Labarum. En grec X, khi, et P, rhô, représentaient l'abréviation du mot χρῑστός désignant le mot « Oint ».

IHS est aussi issu du grec. Cette fois c'est le nom Jésus qui est abrégé, ΙΗΣΟΥΣ ou IHSOUS (en prenant les correspondants latins).

Notons qu'on traduit parfois en latin IHS par Iesus Hominum Salvator (« Jésus Sauveur des Hommes »).

IHS représente donc les trois premières lettres de IHSOUS.

Le monogramme sous cette forme semble apparaître vers le XIIIe siècle dans l’Église d'Occident. Dans les régions nordiques il était écrit en lettre gothique minuscule ihs. Afin de faire comprendre que c'était une abréviation on plaçait une barre horizontale au-dessus.

Avec la barre du h plus haute coupée par ce trait, il semblait qu'une croix était placée au-dessus du h.

Cette croix fut conservée même lorsque le monogramme était écrit en majuscule.

Presque toujours placé dans un cercle rayonnant, symbole du soleil, le bas du monogramme fut rempli avec un motif représentant la Vierge.

La compagnie de Jésus, les Jésuites, fondée au XVIe siècle, y plaça un croissant de Lune (demi-lune) et deux étoiles : la lune étant un symbole Marial et les étoiles des représentations des Saints .

Assez rapidement, un cœur fut représenté, symbolisant le cœur meurtri de Marie lors de la Crucifixion.

Pour marquer ce cœur brisé lors de la Passion, les trois clous furent ajoutés par dessus.

Cela amena à la représentation la plus courante de ce monogramme de Jésus (celui de Palairac).

Le cœur finit par disparaître lui aussi et il ne resta que les trois clous, pouvant représenter, cette fois, d'autres symboles que les clous de la Crucifixion, les trois vœux des religieux par exemple.

Certains ont une lecture différente du monogramme IHS avec les trois clous situés en-dessous. L'empereur Constantin vit apparaître une sorte de croix accompagnée de la phrase In Hoc Signo Vinces (« tu vaincras par ce signe ») lors de la bataille contre Maxence en 312. Le vi de Vinces (le i et le v superposés) serait formé par la disposition des trois clous.

Il est à noter que d’autres encore lisent le monogramme à l'envers (SHI), comme lorsqu'on retourne le caisson de Palairac, à l'invitation peut-être de Mgr de Rebé et son livre retourné…

La chapelle de Saint Roch

L'ensemble (autel, retable, fresque et statues) daterait de la fin XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle.

Contrairement à la disposition habituelle, la chapelle Nord à Palairac n'est pas dédiée à la Vierge (fêtée le 15 Août) mais à Saint Roch (fêté le 16 Août).

Le retable

Le retable baroque en bois doré, composé de trois parties (caissons) surmontées chacune d'une « goutte » ou d'un « cœur », montre deux colonnes torsadées (« salomoniques ») d'épaisseur variable sur lesquelles grimpent, ou croissent, des rosiers aux roses tantôt fermées, tantôt ouvertes, à cinq ou six pétales. Le décor sur la partie droite a été légèrement coupé pour pouvoir être placé sous l’ogive. Le décor équivalent partie gauche n’est pas présent par manque de place. Enfin, des colonnettes et diverses pièces n’ayant pas pu prendre place sur l’autel sont conservées en mairie. Tout cela tend à montrer que ce retable est une pièce rapportée et non un objet conçu spécifiquement pour être placé dans cette chapelle.

La statue de Saint Roch

Située sur l’autel, la statue baroque de Saint Roch le représente en pèlerin muni autrefois d’un bourdon.

Saint Roch ne possède pas de plaie digne de ce nom à la cuisse comme cela se voit dans les représentations classiques.

Selon la légende, il partit en Italie soigner les pestiférés et il contracta la maladie sous la forme d’un bubon à la cuisse. Pour ne pas contaminer, il se retira à l’écart dans un bois où un chien lui apportait quotidiennement du pain. Un ange lui apparut en disant qu’il guérirait et l’invita à rentrer chez lui. Malheureusement, de retour, on le mit au cachot où il mourut.

Saint Roch relève son manteau pour montrer son genoux et non son bubon. La blessure semble bien avoir été volontairement masquée.

Un examen attentif de la cuisse, sous éclairage latéral, a permis de constater qu'il possédait effectivement une plaie effacée par la suite.

Un travail soigneux de rebouchage a été réalisé et une retouche de peinture couleur chair a fini par masquer cette plaie originelle.

Mais en éclairage rasant et en se plaçant correctement, la zone où était la plaie apparaît :

celle-ci, de forme ovale, est encore un peu brillante, contrairement au reste de la statue,

les coups de spatules sont visibles en haute résolution,

il n'y a pas de piqûre d'insecte dans cette zone retouchée.

A une époque indéterminée, quelqu’un a volontairement transformé une statue « canonique » de Saint Roch en masquant sa blessure.

Voulait-il simplement indiquer qu'il est guéri ?

Ou a-t-il voulu que Saint Roch fasse le geste de « l'Initié » qui a la « Maîtrise de la Connaissance » ?

Il n’y a pas de chien non plus, ou il a disparu. En tout cas il ne faisait apparemment pas partie intégrante du socle de la statue.

La partie supérieure de l'autel en marbre semble plus récente que la partie basse (angles droits au lieu d'arrondis).

L’autel possède en façade un curieux motif ayant la forme d'une poire couleur marron foncé placée sur un pied et dans laquelle apparaît une étoile à cinq branches en relief.

L'hypothèse a été émise d'une représentation non habituelle du Graal, le vase de la Cène ou Saint Calice, par correspondance avec les visions de Sainte Anne-Catherine Emmerich au début du XIXe siècle (cf. Léon Gineste in « Hermestine », 2007).

Se reporter à l’Annexe III en fin d’ouvrage pour plus de précisions sur les visions d’Anne-Catherine Emmerich.

On pourrait conforter cette interprétation du motif par la fresque murale qui coiffe en trompe l’œil le retable en bois doré de la chapelle. A tort probablement (voir aussi Annexe III).

Cette peinture est assez unique, tant par sa forme que par son contenu.

La peinture murale

Ignorée jusqu'à aujourd'hui, cette « fresque » est bien une peinture et non une vraie fresque (pigments saisis dans l'enduit frais). Elle sert de tympan au retable en bois de Saint Roch. L’enduit qui lui sert de support est du XVIIe siècle (enduit lisse). Elle pourrait dater de la fin XVIIe siècle au début XIXe siècle.

Les deux photographies suivantes montrent la peinture avant sa conservation. Sur la seconde, les éléments ont été mis en évidence pour une lecture plus facile.

Cette peinture est très abîmée par l’usure, la perte d’enduit à certains endroits, la présence de laitance et une quantité importante de peinture bleue tombée lors du ravalement de la voûte au XIXe siècle.

Description

La description qui suit correspond à ce qui semble représenté dans la peinture au risque de se tromper sur certains éléments compte tenu de sa dégradation. Se reporter à l’Annexe I pour une étude détaillée de cette peinture.

Elle représente un temple aux colonnes de couleurs opposées, noire à gauche et blanche à droite.

Le fronton triangulaire fait apparaître l’œil dans un triangle, bordé de nuées, avec un arrière plan de couleur jaune.

L'intérieur du temple, entre les deux colonnes, dévoile une composition très symbolique sur un fond couleur rose, en mauvais état :

les deux Tables de la Loi, côte-à-côte, dont seulement celle de droite semble numérotée, en chiffre romain, avec accentuation sur les VI, VII et VIII, et qui montre comme un petit triangle ombré vers le haut,

derrière les tables, croisées en X, une croix (qui semble prolongée par une ombre rouge) et une ancre marine à deux branches,

des ombres ou projections rouges de la croix, la Table de droite, semblant être produites par

une petite boule rouge en haut à gauche, avec peut-être une seconde plus petite juste dessous à droite,

derrière la branche gauche de l'ancre, une grosse boule rouge qui semble suspendue à la branche gauche de la croix,

un serpent, peut-être, enroulé sous les Tables et l'ancre, dont l'éventuelle tête vient se placer sous ce qui semble être ...

un calice, au milieu de la composition.

Pour certains, il serait bien tentant de voir dans ce Saint Calice une représentation du Graal… 2

Interprétations et provenance

Dans la seconde partie de cet ouvrage nous tenterons de retrouver le message véhiculé par la fresque, compte-tenu de ce qui y semble représenté.

Pourquoi avoir fait cette peinture dans une minuscule église d'un village perdu des Corbières ? Qui l'a réalisée ? Quand ? Que signifie-t-elle ? Etc.

Les réponses à ces questions passent par une vision globale, holistique, des contextes historique, culturel, économique et social du village à l'époque de sa réalisation (XVIIe siècle - XVIIIe siècle).

La statue de la Vierge à l’Enfant

D’un style plutôt classique, la statue de la Vierge à l'entrée de la chapelle possède aussi une particularité. La Vierge regardant droit devant elle tient l'enfant Jésus de sa main gauche et quelque chose de minuscule de sa main droite.

Située à droite du retable de Saint Roch, cette Vierge à l'Enfant en bois doré, du XVIIIe siècle, est de réalisation très fine contrairement à celle que vous découvrirez dans la chapelle de la Vierge (au Sud).

L’enfant Jésus a la main gauche posée sur le globe crucifère, symbole de divinité dans le cadre religieux. Il ne le soutient pas.

De son bras droit il fait un geste peu courant. Le coude levé sous le menton de sa mère, il dirige son bras en avant le poing fermé, comme s'il tenait quelque chose à l'intérieur de la main.

Remarquez la coiffe de cette Vierge, régulièrement ondulée. Elle a la forme d'une coquille.

Cette statue n'est pas posée sur un support maçonné (plâtre, autel, etc.) comme toutes les autres dans l'église. Une décoration en bois doré en forme de cône se trouve sous ses pieds. Composée de feuilles de chênes cette décoration semble maintenir en l'air la Vierge comme si elle « volait ».

Enfin de son bras droit, la Vierge lève gracieusement la main en tenant, entre le pouce et l’index, à la même hauteur que la boule crucifère, une petite boule (ci-dessous avant restauration).

La seconde Vierge à l'enfant de l'église possède le même détail à la main droite.

Bien que d'un diamètre assez important (entre 1 cm et 1,5 cm de diamètre), en considérant cette bille comme une perle, ce symbole pourrait être un signe de virginité, de conception virginale du Christ ou encore du Christ lui-même, avec la Vierge-coquille comme génératrice.

C'est aussi l'image d'un petit monde (microcosme) par rapport au grand (macrocosme) représenté par la boule crucifère. Selon la grille de lecture qu’on utilise, les symboles ont des significations différentes. La boule crucifère peut par ex. représenter la divinité, la royauté, la Terre, etc.

On trouve souvent dans les églises des Vierges avec le pouce et l'index joints, formant ainsi un cercle avec ces deux doigts. Assez souvent un objet, qui parfois a disparu, est tenu dans cet « anneau », un sceptre par exemple quand une Vierge est couronnée ou encore une fleur de Lys. D'autres fois, le geste ne correspond à aucun maintien d'objet. Certains y voient alors une posture de la main qui correspond à un mudra des philosophies orientales, le Jnana mudra (jnana=connaissance)...

Quand les doigts ne sont pas joints, la Vierge peut tenir un Rosaire (chapelet) qu'on passe par l'espace dégagé.

Rarement, elle peut aussi laisser pendre le chapelet en pinçant entre ses doigts une des boules de ce dernier.

Le geste des deux Vierges de Palairac ne rentre pas dans ces différents types et correspond à la mise en avant d'une petite boule, partie intégrante de la statue et ne constituant pas une partie de chapelet (pas de trou pour le fil), qui passe facilement inaperçue si l'on n’est pas attentif.

2 Le Graal ou Saint Graal n'a cependant peut-être jamais existé. La mythologie développée sur ce thème par divers auteurs au Moyen-âge correspond probablement à la mise en évidence du sacrement d'Eucharistie face à la montée d'hérésies tel que le « catharisme ». Les « cathares » refusaient cette notion d'Eucharistie. Certains ont fait croire que leur « trésor » était cet objet mythique. Les Bons Hommes rejetaient tout attachement à la matière. Cette croyance d’un Graal comme trésor va à l'encontre de leur philosophie et se révèle complètement fausse. Se reporter au livre « Les Cathares et le Graal », de Michel Roquebert, sur ce sujet pour plus de détail.

La chapelle de la Vierge

La chapelle de la Vierge à Palairac est paradoxalement au Sud, en pleine lumière (photo page suivante).

Le « M », ou « MA », pour « Marie », sur le devant de l'autel en marbre et l'étoile à cinq branches dans la partie supérieure ne laissent aucun doute à ce sujet (Stella Matutina, des Litanies de la Vierge).

La clé de voûte de cette chapelle, datant du XIIIe ou XIVe siècle, possède une rose à six pétales.

En plus d’une statue de Notre Dame de Lourdes du XXe siècle dans une niche, la chapelle de la Vierge comporte :

à gauche une statue en plâtre de Sainte Germaine de Pibrac du XIX

e

siècle,

au milieu, au dessus de l'autel dans une niche, une Vierge à l'Enfant en bois polychrome de style baroque,

à droite dans l'angle de l’autel, une statue baroque de Sainte Anne en bois polychrome et doré du XVII

e

ou XVIII

e

siècle.

En 1889, le curé Escaffre a purement et simplement éliminé le retable en bois doré qui ornait cette chapelle, « tant il était vermoulu ». On trouve encore les supports maçonnés de ce retable de part et d'autre de l'autel.

La Vierge à l’enfant

Avec un enfant Jésus à tête d’adulte et l’aspect d’une madone espagnole, la statue de la Vierge à l'enfant du XVIIe siècle (elle est creuse à l’intérieur), de moins bonne facture que celle de la chapelle Saint Roch, possède aussi cette petite boule entre le pouce et l'index de la main droite. L'index avait disparu, mais on distinguait encore la petite bille accrochée au bout du pouce.

Lors de la restauration de la statue ce détail a été conservé.

La statue de Saint Anne

Sainte Anne tient un livre fermé dans sa main gauche et fait le même geste que les deux Vierges de sa main droite. Mais cette fois ce n'est pas une bille qu'elle tient entre le pouce et l'index, mais un anneau ou une alliance...