Ego-Graphie - Tome 2 - Marguerite-Christine SWIRCZEWSKA - E-Book

Ego-Graphie - Tome 2 E-Book

Marguerite-Christine SWIRCZEWSKA

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Beschreibung

Une femme travaille dans son jardin quand tout à coup, elle est prise d’un malaise cardiaque. Réalisant que sa vie est en danger, des souvenirs défilent dans sa tête de façon désorganisée. Des anecdotes de ses trois vies dans des régimes politiques opposés. Une vie polonaise sous régime communiste où elle affronte les services KGB, une autre américaine, et enfin sa vie française où elle fait toute sa carrière professionnelle et s’affirme comme être humain. Transportée à Santa Guarigione, elle est opérée par un chirurgien mondialement connu. Sa vie est sauve. Commence alors une extraordinaire histoire d’amour résultant d’une phrase qu’il a dite : « Que vous êtes belle Madame ». Elle tombe amoureuse de ce spécialiste qui lui, n’est pas indifférent.

Une histoire d’un amour fantasmatique qui redonne à cette beauté slave, son envie de continuer tout simplement à… vivre. Et à notre grande surprise, nous apprenons que : l’impossible n’est pas polonais…


À PROPOS DE L'AUTEURE

Cette petite émigrée de l’Est devient une femme influente dans le milieu des affaires, fréquentant les plus grands de son époque : Richard Nixon, Valérie Giscard d’Estaing, Jean-Paul Sartre, Kim Novak, George Cukor… Un récit émouvant, d’une sincérité profonde, une ego-graphie, autour d’un amour curieux et inattendu.

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MARGUERITE-CHRISTINE SWIRCZEWSKA

EGO-G R A P H I E

ou la vie amoureuse d’une émigrée polonaise

De même auteur :

Tome 1 EGO-GRAPHIE ou la vie d’une émigrée polonaise/2020

Et

Tom 1 EGO-GRAFIA lub życie polskiej emigrantki/2021

Éditions Encre Rouge

Couverture : concept et réalisation, société Fvolution, 92700 Colombes

Photo : Zofia NASIEROWSKA, grande artiste polonaise, collection privée

Pour Papa et Gilles

Préambule

Cette fameuse phrase « que vous êtes belle Madame » m’a complètement bouleversée. J’étais comme Alice aux pays des merveilles !

Je ne parlais plus, je chantais ; je ne marchais plus, je survolais le sol et j’écrivais « ma vie » pour que LUI, mon sauveteur, puisse la lire. Je voulais achever mon récit au plus vite pour venir le lui offrir. C’était en effet le meilleur prétexte que j’avais imaginé pour le revoir.

Alors les phrases me venaient toutes seules. Mais il m’arrivait parfois de rencontrer quelques difficultés à trouver les mots justes. Je me demandais pourquoi étaient faits les dictionnaires. Tout en m’interrogeant, je couchais noir sur blanc mes souvenirs et mes sentiments d’alors… J’étais véritablement « en transe ».

La première partie terminée, je fus vraiment soulagée. En effet, raconter ma petite enfance et mon adolescence n’avait pas été une partie de plaisir. Je me posais toutes sortes de questions : allait-il comprendre l’époque et l’ambiance de la Pologne dans laquelle j’avais vécu ? Pourrait-il saisir combien ce contexte avait marqué son empreinte sur mon profil psychologique et forgé mon caractère ?

C’est la raison pour laquelle le premier tome s’appelle :

« Le passé parsemé par le présent »

À la lecture de mon passé, j’étais persuadée qu’IL saisirait mieux ma vie actuelle. Enfin, je l’espérais… Et surtout qu’il me comprendrait ainsi que « mon EGO ». IL allait forcément admettre qu’il ne fallait pas se jouer de moi et me raconter des balivernes dans le but d’obtenir… quoi exactement ? Amoureuse, je l’étais déjà ; prête à tout, également…

Mais était-ce vraiment de cela qu’il s’agissait ?

C’est de cette façon que je vous présente le deuxième tome des grandes « aventures » de ma vie :

« Le présent parsemé par le passé »

Il est éprouvant de vivre dans un présent perpétuellement hanté de souvenirs douloureux. Il est terrible de se dire à chaque fois : « j’ai déjà vécu ça ». Cela donne l’impression de rester englué dans le passé alors que justement, le passé est destiné à passer… Mais que peut-il en être de mon présent dans ces conditions ? Ce présent doit enfin prendre le pas sur mon passé. En effet, il est hors de question que je revive au présent ce passé !!!

C’est de cela dont traite ce second tome. L’expérience de chacun est construite sur son passé, c’est certain. Mais que faire si notre passé obstrue le présent ? Sommes-nous capables de tolérer la même expérience malheureuse au nom d’un nouvel Amour ? Sommes-nous prêts à tout accepter en vertu de l’Amour d’une manière générale ? Et voilà ce tome II qui raconte mon épopée avec MON SAUVEUR ! Qu’importe qu’elle soit imaginaire ou non, c’est une histoire d’amour avec un grand « A » ! Mais n’allez pas croire que cette histoire est simple ! Le protagoniste en est un chirurgien doté d’une personnalité complexe. De plus, il est né sous le signe du Gémeau. C’est dire…

Le décor de ce récit n’a rien de romantique : il s’agit en effet d’un hôpital. D’autres lieux aussi oppressants envahissent mon subconscient lors de nuits d’insomnie, d’angoisse et d’attente. Cet espoir chimérique d’être aimée de mon sauveur a guidé ma vie pendant de longs mois. Il l’a surtout follement compliquée. C’est ce que je vous invite à découvrir…

Préface par Paul-Loup Sulitzer

Le sous-titre du second tome de "Ego-graphie" de Marguerite-Christine Swirczewska me parut de prime abord le plus prometteur : "la vie amoureuse d’une émigrée polonaise", aussi est-ce spontanément que j’ai proposé de préfacer cet opus. Qu’ai-je trouvé dans ce roman autobiographique ?

En premier lieu, le récit des expériences de l’auteur marqué par l’oxymore entre les réussites volontaristes de la femme d’affaires, de celle qui s’impose face à toutes les adversités et les aspirations sentimentales, emplie de romantisme slave, de la femme tout court. Une narration qui nous fait voyager de Varsovie à New York, en passant par Paris et d’autres lieux encore.

Aussi, une plongée dans l’univers quasiment psychanalytique du transfert, qu’elle opère sur la personne du professeur Jan Pieter van Schoor, le "Directeur doyen" de l’Ospedale di cura cardiotoracica, situé dans la Repubblica di Santa Guarigione. Ce professeur, qui en pratiquant une opération à cœur ouvert, lui redonne le souffle de la vie, tout en faisant battre cet organe vital au rythme d’une relation dominant/dominée, dans laquelle elle risque de se perdre.

Voici les raisons qui me font vous conseiller la lecture de cet ouvrage. Suivez son héroïne dans ses pérégrinations à travers le monde. Laissez battre vos cœurs à travers les pulsations du sien qui, malgré tous les avatars rencontrés, restera pour toujours polonais.

Paul-Loup SULITZER, écrivain

Paul-Loup SULITZER a décerné son 1er prix de l’édition pour "Ego-graphie" de Marguerite-Christine Swirczewska en 2020. Ici sur la photo, l’écrivain avec la maquette du livre de Marguerite.

Cet écrivain français a vendu quelque 50 000 000 exemplaires de ses livres dans le monde entier et en Pologne bien évidemment.

Un aperçu de sa bibliographie :

Money (Denoël, 1980)

Cash ! (Denoël, 1981, Prix du Livre de l’été 1981)

Fortune (Denoël, 1982)

Le Roi vert (Édition n° 1, 1983) (English: The Green King)

Cimballi : duel à Dallas (Édition n° 1, 1984)

Popov (Édition n° 1, 1984)

Hannah (Édition n° 1, 1985)

L’Impératrice (Édition n° 1, 1986)

Troisième partie

1

Mon Sauveur m’invite et mon passé revient…

J’avais épousé une taupe !

J’avais été profondément bouleversée par la dernière consultation dans le cabinet de Jan Pieter van Schoor. Même si dès notre première rencontre il m’avait fortement impressionnée, je n’avais que très rarement été perturbée à ce point tout au long de mes expériences antérieures.

Plus le temps passait, moins j’arrivais à m’expliquer la commotion que j’avais éprouvée alors ; une réaction aussi inattendue qu’inhabituelle. Jusqu’à ce jour particulier, j’avais longtemps pensé pouvoir me préserver une marge d’autoprotection. Cette latitude d’action peut s’appeler réserve, distance ou tout simplement raison… j’avais laissé cette imperceptible frontière être violée sans trop me demander par qui ni pourquoi. Était-ce mon désir inopiné conjugué au sien impromptu ? Toujours est-il que le piège s’était refermé, échappant à nos deux contrôles.

Comment était-il possible que je me sois exposée en mon âme et conscience au moment où ma vitalité se trouvait la plus affaiblie ? Le désir d’amour que je gardais enfoui en moi, dans l’abîme infini des fantasmes irréalisés, venait de ressurgir et je l’avais laissé me submerger… la précarité de ma santé n’était-elle pas responsable de ce laisser-aller ? Plus que probablement ! Dans mon "état normal", ces mots n’auraient pas eu pour moi le même impact, la même signification, la même valeur. La déclaration apparemment anodine « Que vous êtes belle Madame » serait entrée par une oreille et ressortie par l’autre… j’en avais, sans prétention aucune, déjà entendu de semblables, voire de plus enflammées. Et puis, ces quelques bisous inattendus, innocents et inoffensifs, qu’avaient-ils d’extraordinaire ? Méritaient-ils que je me sente comme une perdrix sortant dorée du four pour être posée dans son assiette ?

Son omniprésence hantait mes nuits de songes ambigus, au même titre qu’elle parasitait mes activités diurnes ; à la fatigue physique vint se surimposer un épuisement intellectuel… il me fallait agir ! Lui adresser un courriel me sembla la solution la plus appropriée. Je pris un long moment de réflexion avant de me lancer dans sa rédaction, pesant chaque terme à employer ou proscrire, afin qu’il comprenne que l’attirance qui me poussait vers lui ne faisait pas pour autant de moi une proie facile. Finalement, je réussis à trouver une formulation qui satisferait son ego autant qu’elle pourrait assurer une protection minimale à mon intégrité. J’écrivis donc : « La tournure prise par la situation a échappé à tout ce qui aurait pu être contrôlable par la femme que je suis. Sachez toutefois que je sais très bien ce que je veux, et très bien aussi ce que je ne veux pas, au regard de ma vie actuelle ».

Afin de lever toute équivoque et lui démontrer que je savais faire autre chose que du strip-tease, je mis en pièces jointes deux coupures tirées de mon press-book et ayant trait à mes anciennes activités de négociatrice dans le commerce international… j’avais une envie folle de lui plaire non seulement en tant que femme, mais surtout, je voulais qu’il pose ses yeux sur moi comme sur un être humain à part entière ! Dans une soudaine bouffée de paranoïa et tenant – Dieu seul sait pourquoi – à une pseudo-intimité dans nos rapports, j’avais écrit en anglais, par crainte qu’une autre personne puisse avoir accès à sa boîte mail et court-circuite mon initiative. Je me relus à plusieurs reprises, pris une inspiration profonde et… cliquai sur "envoyer". Sans m’en rendre compte, je venais d’engager le premier round d’un combat destiné à entrer dans son cœur par effraction, mais aussi pour m’y installer définitivement ; j’espérais que le gong final n’annoncerait pas mon K.O. !

À peine le courriel était-il parti que des regrets, presque des remords, vinrent m’assaillir en force. Je savais pourtant – riche de ma propre expérience – qu’à certains moments d’extrême vulnérabilité, il est facile de s’imaginer qu’une simple aventure, une banale amourette, pouvait prendre des proportions d’histoire unique et exceptionnelle. Pourquoi, au lieu d’être raisonnable et de garder le silence, m’étais-je lancée dans la délicate péripétie d’un échange épistolaire ? Pourquoi étais-je tenaillée par le besoin aussi inexplicable qu’irrépressible de lui faire part de mon déstabilisant étonnement devant cet état de stupéfaction sentimentale qui avait depuis si longtemps déserté mon existence de me trouver dans une situation pareille et… pour quelle raison éprouvais-je, contre toute attente, le besoin d’en être payée en retour ? En mon for intérieur, quelque chose venait me déranger. J’avais la désagréable impression que malgré l’apparente neutralité des mots et formules choisis, j’avais levé un coin du voile qui cachait mon secret le plus intime : la crainte qu’un jour je puisse manquer d’amour. Dans sa sagesse, Mamie m’avait à plusieurs reprises répété : « W dniu, w którym nie będziesz zakochana, możesz uważać się zamartwą{1} ». Et aux vues des événements dramatiques ayant marqué ma vie récemment, j’étais en droit de penser avoir pu être par le passé réellement amoureuse… du moins jusqu’à la rencontre avec le Professeur van Schoor, sa petite phrase et tous les émois qui s’ensuivirent. Dans le tourbillon de mon imagination, cela ressemblait au synopsis d’un roman à l’eau de rose ou d’une série télévisée qui s’intitulerait : « Le grand Chirurgien et l’immigrée ». Mais après tout, pourquoi pas ? Pourquoi cette utopie ne nourrirait-elle pas un sentiment qui reléguerait le réel au rang de futilité ?

*

* *

Une semaine s’écoula sans qu’il donnât signe de vie et je finis par me dire que ce silence était une bonne chose : il me permettait d’enfouir sous les sables de l’oubli le fait que j’avais dévoilé, avec une grande inconséquence, ma faiblesse sentimentale. C’était très bien ainsi : l’élan romantique et passionné que j’avais imaginé et qui aurait pu le porter vers moi était sans fondement pour lui. C’est au moment où je me faisais à l’idée que ma vie allait se poursuivre en un parcours tranquille et sans aucun bouleversement que je reçus sa réponse.

L’arrivée de son message me fit le même effet que la foudre tombant à mes pieds, me transformant en Słup soli{2}. Je mis tout d’abord un temps infini avant d’ouvrir son billet tant je craignais d’y lire une réaction de rejet de sa part.  La fragile et friable statue que j’étais devenue reprit vie au fil de ma lecture. Durant ce temps, mon attitude fut incohérente : alors que j’aurais dû danser de joie, je décortiquais sa lettre en usant de mon esprit analytique, de mon sens critique, de façon obsessionnelle.

Le début de sa missive était des plus pompeux « Ma chère Marguerite… ». Toujours prompte à lui trouver toutes les excuses possibles et imaginables, je me dis qu’il ne pouvait pas savoir que je détestais la forme française de mon prénom lui préférant l’original, ou mieux encore le diminutif Małgosia, voire Maguy… d’ailleurs, cela importait peu puisqu’il n’aurait sans doute jamais l’occasion de m’appeler ainsi ! Les mots qui suivaient me parurent nettement plus prometteurs : « Je ne sais pas exactement comment cela est arrivé mais, en vous rencontrant, je me suis laissé aller à oublier mon habituelle retenue et quelque chose a comme explosé en moi… et cette explosion interne, je l’ai vue, je l’ai sentie. Un éclat venant d’elle a atteint le centre de la cible nichée au plus profond de mon être. Elle nous a rendus vulnérables à nos rêves respectifs. Mais leur nature était-elle la même ? »  Je lus et relus cette phrase, le souffle court, la gorge sèche. Je n’en croyais pas mes yeux : non seulement il ne m’avait pas oubliée mais en plus, il reconnaissait que je lui avais fait de l’effet. Non, ce n’était pas possible, j’avais dû faire une erreur d’interprétation… la suite ne pourrait que me faire déchanter ! Pourtant, il ne cessait pas de m’écrire… « Par le jeu de diverses circonstances, cette déflagration interne a provoqué des troubles de désir irrationnel… » D’un côté, la voix intérieure de mon romantisme slave me susurrait : il est amoureux et il te convoite… ce qui me portait au pinacle de la béatitude. De l’autre, des inflexions pleines de persiflage me murmuraient ah bon, parce qu’il existe un désir rationnel ? J’avais du mal à envisager cette hypothèse tant elle me semblait absurde : un homme regarde une femme et la trouve à son goût, puis il laisse parler sa raison et se dit « Tiens, elle est pas mal, objectivement, je prends la décision de bander pour elle ». Le pauvre, s’il pose l’entendement et le discernement comme limite à chacune de ses pulsions… il a de fortes chances de finir solitaire ! Et puis, franchement, quelle femme – enfin quelle Vraie Femme – accepterait l’idée même de faire l’amour en laissant intervenir la sagesse là où il ne doit y avoir que déraison et passion ? La présence tutélaire de Mamie vint ajouter à ma confusion : elle qui m’avait si souvent été de bon conseil ne m’avait-elle pas dit qu’il est nécessaire de gérer ses sentiments ?

Ainsi, après avoir attendu sans grand espoir une réaction de celui qui avait de nouveau fait battre mon cœur – dans tous les sens du terme – j’en étais réduite, après lecture de ses mots, à écouter les voix imaginaires et discordantes des Cassandre qui me poussaient à des analyses négatives. Son épître avait pourtant été d’une clarté limpide : il m’avouait que son attitude n’avait pas été qu’un simple débordement affectif momentané. Malgré la joie qui aurait dû m’envahir, je persistai dans mes suppositions : peut-être qu’en France les désirs rationnels sont possibles alors qu’en Pologne, ils sont tout bonnement inimaginables. Pour moi, ils avaient toujours été inattendus et incontrôlables, à la fois fascinants et utopiques… il s’agissait d’émerveillements dont on ne pouvait savoir à quel moment ils allaient survenir et dont l’avènement vous poussait dans un tourbillon où calcul et raison n’avaient pas leur place. Tant pis s’ils ne duraient qu’un instant, tant mieux si une éternité s’ouvrait devant eux ! J’avais déjà vécu une telle situation purement passionnelle et elle avait duré vingt-quatre ans.

Georges avait été mon troisième mari et pendant toutes ces années, je lui avais été entièrement dévouée. Il était atteint de leucodystrophie tardive. Chaque nuit, je devais le veiller pour le connecter à sa bouteille d’oxygène dès que son souffle s’affaiblissait… mes sens restants, hélas, inassouvis… D’autres hommes s’intéressaient bien à moi, mais je ne pouvais concevoir l’idée de tromper mon époux malade. Pendant les journées, je m’employais à la rééducation de ses muscles atrophiés, combattant une paralysie qui progressait inexorablement ; j’avais même fait installer, à mes frais, une piscine à l’intérieur de mon chalet de Bolquère afin qu’il puisse recevoir les soins dans un climat qui lui serait propice. Parallèlement à l’aggravation de son affection, son caractère devenait si aigri et instable qu’aucune aide à domicile ne restait plus de trois mois auprès de lui. Comment avais-je pu supporter tout cela ? Sans doute parce que je l’aimais profondément !

Puis un jour – alors qu’il était retourné en Pologne et qu’il était mourant – j’appris grâce à une amie, qui me voulait du bien, que mon existence avec cet homme que j’idolâtrais était basée sur une imposture et une trahison de sa part. Cette personne si bien intentionnée porta à ma connaissance le fait qu’il n’était en réalité qu’un officier de la filiale polonaise du KGB et que sa mission avait consisté à m’épouser afin de me surveiller. Bien sûr, je n’avais pas été la seule à avoir été ainsi bernée ; il y avait aussi eu le cas de Cristina Onassis qui avait brièvement été mariée à un agent soviétique ; mais elle, elle avait été très vite avertie par son entourage… Seulement, je n’étais pas du même calibre que Cristina : qu’est-ce qui avait bien pu me valoir les "faveurs" du Bureau de Surveillance du Territoire polonais ? Tout simplement, certaines des entreprises françaises pour lesquelles je travaillais fabriquaient aussi de l’armement. Et, même si mon rôle se limitait à vendre les usines clé en main produisant des containers aux pays de l’Est, je pouvais légitimement être soupçonnée d’espionnage au profit des puissances occidentales, et en ces temps de guerre froide, j’étais devenue la suspecte idéale !

Ainsi, j’avais donc été amoureuse, dévouée avec la plus grande abnégation, à un membre du contre-espionnage qui était chargé de rendre compte à ses maîtres soviétiques de mes faits et gestes… celui pour qui je m’étais sacrifiée corps et âme n’était qu’un vulgaire mouchard ! C’était à tomber par terre et à se laisser mourir. Toujours est-il que cette révélation m’avait profondément blessée dans mon amour propre, dans ma fierté.

Je ne me souviens que trop bien de notre séjour en Suisse juste avant l’état de siège en Pologne et où j’avais pris une décision fatale : faire venir Georges en France pour l’épouser.

Nous nous étions rencontrés durant mes séjours professionnels en Pologne. Par la suite, nous profitions de chacun de mes déplacements dans mon pays natal pour nous voir et nous aimer. De son côté, il dirigeait des délégations polonaises en Europe de l’Ouest. Cela nous permit de nous donner rendez-vous en RFA puis en Italie. Enfin arriva ce fameux et dernier périple en Suisse, à Lausanne, en octobre 1981.

*

* *

Bien que follement romantiques, ces séjours avaient des allures carcérales. Je devais rester cloîtrée dans la chambre d’hôtel que je louais à côté de celle de Georges le temps que durait sa mission.

Officiellement, mon amant polonais était directeur d’une Centrale d’achats polonaise et n’avait pas le droit de fréquenter « une capitaliste » qui, de surcroît, travaillait dans l’export de produits français vers la Pologne. Nous faisions preuve d’une extrême prudence et nous montrions les plus discrets possibles. Si notre relation était découverte par les employeurs de Georges, il aurait été derechef limogé et sanctionné d’une façon on ne peut plus sévère ; enfin, c’est ce qu’il soutenait et me laissait croire…

De ce fait, il m’était impérativement interdit de sortir de notre chambre d’hôtel. Personne ne devait être au courant de ma présence. Alors, pour me nourrir, je n’avais d’autre ressource que de compter sur le groom de service qui m’apportait tout ce que je lui commandais. C’était le prix à payer pour ne pas prendre le risque d’une « mauvaise rencontre » qui aurait pu me mettre en danger et empêcher mon espion adoré d’atteindre les objectifs fixés par ses supérieurs.

Je me consolais en anticipant avec délice son retour et en imaginant la délicieuse nuit qui nous attendait. Mais hélas, mes espérances tournaient parfois court : sa mission l’obligeait parfois à découcher et nous volait nos ébats nocturnes. La solitude interminable des jours s’enchaînait alors à celle des nuits. J’avais beau habiter une suite luxueuse, je ne m’en sentais pas moins abandonnée. Mais, quand au bout d’une interminable attente, Georges rentrait enfin, la folie de notre bonheur éclatait en un véritable tourbillon.

Nous étions à Lausanne. A priori, tout se passait pour le mieux. Mais mon intuition féminine me mettait en alerte : je le trouvais soucieux, en permanence sur ses gardes. Quand je tentais de le sonder, il mettait son anxiété sur le compte du surmenage, mais je n’étais pas dupe. Il n’était plus l’homme enjoué et romantique qui m’avait fait chavirer. Il se montrait sombre alors que je voulais croire encore à notre romance. Nous faisions l’amour de façon plus intense, comme si quelque chose nous menaçait. Mon plaisir s’en trouvait démultiplié. Submergée pas la fougue de nos étreintes, je renouvelais en secret mon serment de l’aimer pour toujours, envers et contre tout. Je flottais dans une démence amoureuse totale, tandis que s’accumulaient dans le ciel de ma Pologne natale des nuages noirs que je refusais de voir. En effet, l’état de guerre n’allait pas tarder à y être proclamé tandis que je folâtrais au paradis ; nous étions en août 1981{3}.

La mission en terre helvète de « L’espion qui m’aimait »{4} arriva enfin à son terme. J’aurais dû me réjouir que cette annonce sonne l’heure de ma libération ; j’allais enfin retrouver la saveur de la rue ! Pourtant une intuition douloureuse gâchait ma joie : je redoutais de perdre mon « James Bond » !

Il devait rejoindre la délégation polonaise qu’il avait dirigée durant son séjour en Suisse. Il avait été envoyé à l’Ouest par la centrale d’achats avec laquelle j’avais signé auparavant un bon nombre de contrats, mais sans que Georges n’ait rien à y voir ; il s’agissait de Metalexport qui commercialisait des machines-outils. Mon chéri avait pour mission de conclure un partenariat entre Metalexport et une société helvétique.

La fin du séjour de la délégation polonaise étant imminente, nous eûmes un échange qui me fendit le cœur. Durant celle-ci, George prononça, la mort dans l’âme, une phrase qui confirma mes angoisses : « Małgosia, si je rentre à Varsovie, il est à peu près certain qu’on ne se reverra plus jamais ». Je rétorquai affolée : « Quoi, mais qu’est-ce que tu dis ? » Słuchając tego czułam się jakbym spadła z nieba{5}. Mon âme slave imposait à mon esprit que la flamme amoureuse qui me consumait s’était éteinte dans les eaux du lac indifférentes à mon drame passionnel. Je repris, complètement affolée : « Mais enfin mon amour… Tu ne m’aimes plus ? ». Il tenta de me rassurer : « Tu n’y es pas ma petite chérie, ce n’est pas ça du tout ! » Je quémandais une explication : « Mais qu’est-ce qui se passe alors ? » J’étais devenue folle d’inquiétude. Pour répondre à mes angoisses, il me ramena alors aux réalités de ce triste monde que j’avais fuies, tout emportée que j’étais par mes rêves. La chute devait forcément s’avérer cruelle et j’avais préféré l’occulter. Georges me répondit comme s’il me révélait un secret d’État : « En fait, il s’agit d’un problème politique ». Je me rebellai contre la fatalité et m’emportai violemment. Cela n’était pas dans mes habitudes. Je m’exclamai révoltée : « Mais enfin, c’est quoi cette histoire ? Je me fous complètement de la politique ! » Agacé, il me ramena à la raison : « Peut-être, mais que tu le veuilles ou non, c’est elle qui décide de nos vies ». Comme une petite fille prise en faute, je suspendis dans l’air un misérable petit « mais » de réprobation, tout en essayant de comprendre ce que je pouvais de la situation. Georges de son côté continua de me réprimander : « Il n’y a pas de mais, Małgosia, cette fois, c’est du sérieux ! » Sa voix avait complètement changé. Je quémandai des éclaircissements : « Mais de quoi parles-tu enfin ? »

Je ne comprenais plus rien à ce qui se passait. J’étais dépassée par les événements. Un vertige s’empara de moi. Je sentis ma tête tourner. Je me faisais la réflexion que depuis mon enfance, je naviguais à vue pour traverser ce qu’on appelait en Pologne le "climat politique". Les écueils les plus dangereux n’avaient pas manqué sur mon chemin. Pourtant, j’avais toujours réussi à les surmonter. Alors, au moment où nous aurions dû parler uniquement d’amour, il me paraissait invraisemblable de s’entretenir de politique !

Mon amant reprit : « Il se passe des choses inquiétantes en Pologne. » Interloquée, je répondis : « Des choses inquiétantes ? Mais que racontes-tu là ? Qu’est-ce qui pourrait être plus préoccupant et plus grave que ce que j’ai toujours connu dans notre malheureuse patrie ? Rien ne se passe jamais de façon normale chez nous, alors qu’est-ce qui pourrait être pire que ce que nous avons connu, dis-moi ? Vas-y, raconte ce qui te préoccupe ! » 

Il fallait qu’il donne corps à ma stupéfaction. Alors, Georges reprit tout aussi sombre : « Les enfants des personnalités politiques de premier plan sont évacués… Ils sont menacés, il faut les protéger de toute urgence. » J’étais abasourdie : « Menacés ? Mais par qui enfin ? De ma vie, je n’ai jamais entendu de telles absurdités ! ». Il répondit à mes questions avec la même gravité : « Par la foule des opposants constituée par les travailleurs mécontents du régime ». Ses dernières paroles semblèrent s’éteindre comme un souffle expiré. Elles m’étaient à peine audibles. Je sentais qu’il lui était pénible de m’en dire davantage mais je continuai tout de même mon interrogatoire : « Mais pourquoi tout cela arrive-t-il ? »

Tout en posant cette question, je réalisai soudain qu’absorbée par ma boulimie de voyages et livrée à mon envie de conquérir le monde, j’avais totalement omis de m’intéresser aux actualités concernant mon pays natal. Je m’étais convaincue que sa situation s’était une fois pour toutes stabilisée. Étonné par mon ignorance, George me demanda : « N’as-tu pas entendu parler de Solidarność{6} ? » Toute honteuse, je répondis : « Euh, oui… un peu mais sans plus… »

Cela fut terrible pour moi de réaliser à quel point je m’étais éloignée de ma patrie et de ses éternels tourments politiques et religieux. C’était comme si tout cela ne me concernait plus. Ma vie d’ici et maintenant était en Suisse. La Pologne m’était devenue étrangère. Je n’y pensais même plus !

Il s’était passé un peu plus d’une décennie depuis mon passage à l’Ouest en 1970. Durant ce temps, j’avais adopté les valeurs et les modes de pensées des démocraties libérales, aux antipodes de celles qu’on m’avait inculquées dans les arcanes du système éducatif communiste. Ma seule particularité immuable était ma faculté à tomber follement amoureuse d’un partenaire incapable de me rendre heureuse ; mon romantisme slave résistait aux vents et marées qui traversaient mon existence !

Georges reprit : « D’autre part, les dossiers personnels de tous les communistes leur ont été restitués ; à TOUS les membres du Parti sans exception ! Et j’en fais partie… Certains de nos politiciens ont été armés car ils craignent pour leur peau. Dans les rues, des listes de personnes à exécuter ont été affichées par l’opposition. Et mon nom y figure ! Si je rentre en Pologne, je suis un homme mort ! »

Je pensais alors à haute voix : « Si on m’avait dit que notre escapade amoureuse se terminerait ainsi… »

Georges ajouta avec une voix vibrante d’angoisse : « Il ne faut pas s’imaginer que les Russes vont renoncer à nous dominer et nous laisser en paix comme ça, du jour au lendemain… Ils ne nous laisseront pas tranquilles avant que le mouvement Solidarność ne soit neutralisé ! »

La situation était effectivement très grave : la Pologne, pays membre du pacte de Varsovie, était à la merci d’une intervention imminente de son « grand frère soviétique ».

Tandis que je commençais à comprendre et analyser ce que me révélait mon amant, j’évaluais enfin la gravité de la situation. Georges me serra alors dans ses bras au point de m’étouffer. Il ne cherchait même plus à dissimuler son anxiété : « Je dois bien te l’avouer Małgosia : j’ai peur ! » Je me fis la réflexion que si mon héros semblait dépassé par la situation à ce point, c’est qu’elle s’avérait catastrophique… Sa panique me gagna et mon corps se mit à trembler comme s’il dansait une mazurka de chez moi…

J’essayais de me reprendre. Mon cerveau en ébullition cherchait désespérément une échappatoire. Il fallait que je trouve une solution pour sauver notre amour. Une évidence traversa mon esprit tout à coup pleinement lucide : « Georges, il ne faut pour rien au monde que tu retournes en Pologne. Tu rentres avec moi et on part pour Paris ».

Mon amoureux desserra légèrement son étreinte pour me regarder droit dans les yeux d’un air grave : « Malgosia, c’est vraiment ce que tu veux ? » « Absolument. Un point c’est tout ! »

Il sembla s’absorber dans ses pensées pendant un instant qui me parut une éternité : « Tu as raison, mais comment pourrions-nous faire ? Nous sommes coincés en Suisse et je n’ai pas un sou sur moi. Je n’ai en ma possession que mon passeport de service. Si je ne rentre pas au pays comme prévu, je serai considéré comme un traître ! Mes collègues me traqueront dans les moindres recoins de la planète pour au mieux, m’envoyer à Mokotów{7} ; au pire, ils me liquideront sur place, ni vu ni connu. Je connais bien leurs méthodes pour faire disparaître ceux qui les dérangent sans laisser de trace… En fait, je ne sais pas quelle est la pire des deux options… Je m’en veux tellement de t’avoir embarquée dans cette histoire… »

C’est alors que tout se mit en place dans ma tête : « On reste ensemble ! Ne t’inquiète pas, mon amour, je m’occupe de tout ! On va se débrouiller mais tu restes avec moi, ce n’est pas négociable ! »

Georges s’affaissa sur le rebord du lit qui avait été le théâtre de nos ébats endiablés. Ces derniers me paraissaient déjà bien lointains… Il était en proie à une terrible confusion qui l’abattait totalement. J’eus une idée pour lui venir en aide : j’avais toujours dans mon sac à main une boîte de Valium. Quand une négociation commerciale se profilait très tendue, j’avais pour habitude de glisser discrètement un cachet bleu sous ma langue et de le laisser fondre pour qu’il agisse au plus vite. Son goût était détestable mais il me permettait de retrouver rapidement la sérénité nécessaire pour mener à bien ma mission. J’allai chercher un verre d’eau et intimai à mon amant d’avaler l’une de mes pilules du bonheur sur-le-champ.

Tandis que mon bien-aimé commençait à se délasser sous l’effet de l’anxiolytique, je réalisais qu’à partir de cet instant, les cartes étaient toutes entre mes mains. Il me fallait bien réfléchir afin de jouer les bonnes. Je n’avais pas le droit à l’erreur ! La première équation à résoudre, et non des moindres, était de savoir comment ramener Georges à Paris sans qu’il ne se fasse enlever par un membre de l’UB{8} avant qu’il ne franchisse la frontière franco-suisse. En effet, dans chaque délégation qui se rendait à l’étranger, un « surveillant » de l’UB était infiltré pour surveiller les faits et gestes de chacun et prévenir toute tentative de « fuite ». Une bouffée de paranoïa m’envahit : je regardai dans tous les recoins de la suite nuptiale pour vérifier que des micros n’y avaient pas été dissimulés. Il nous fallait renoncer à utiliser le téléphone qui aurait pu être mis sur écoutes. Une fois de plus, les décisions les plus capitales de ma vie ne reposaient décidément que sur mes seules épaules ! La résolution que je devais prendre était d’autant plus lourde qu’elle déterminerait la vie ou la mort de l’homme de ma vie ! La moindre erreur s’avérerait fatale.

Il fallait à tout prix que Georges ne soit pas repoussé par les douaniers suisses qui ne manqueraient pas de le livrer aux autorités polonaises. Dans ce cas, il disparaîtrait à jamais, absorbé par l’implacable machinerie administrativo-politique du pouvoir communiste polonais. Je méditais sur la possibilité d’une évasion digne d’un roman de Sherlock Holmes ou d’Agatha Christie. Je considérais tout de même que j’avais plus de chance d’exfiltrer mon bel amant du territoire Suisse que de celui du bloc soviétique…

Je me penchais à la fenêtre, en quête d’une idée lumineuse. En contemplant les scintillements dorés du lac, je décidai de vérifier quelque chose.

Je laissai Georges endormi par la drogue médicamenteuse que je lui avais administrée ; elle agissait pleinement sur son organisme qui n’en avait pas l’habitude. Sur une impulsion, j’attrapai mon sac à main et ma veste. Jetant un regard furtif vers le lit, je fermai la porte de la suite sans un bruit.

Je me dirigeai d’un pas décidé vers l’embarcadère. Les navettes qui traversaient le lac entre la Suisse et la France accostaient à Évian. Je devais prendre la prochaine afin de vérifier s’il était possible de ruser pour échapper aux contrôles des douaniers français. J’achetai un billet puis embarquai peu après. Je me donnai une contenance pour avoir l’air détendu : lunettes de soleil, peau offerte au soleil…

Enfin, le bateau fut amarré de l’autre côté… Je ne perdais rien de ce qui se passait. Je quittai le quai l’air détaché et nonchalant. Aucun gendarme ou policier ne me demanda mon passeport. Je me pris à croire que tout pouvait être possible quand une voix tonitruante éclata dans mon dos : « Vos papiers Madame, s’il vous plaît ! »

Le verdict tomba : la navette n’était pas la bonne solution de fuite… Je devais rentrer le plus vite possible à l’hôtel et trouver une alternative. Durant toute la traversée du retour, je digérais mal mon dépit. Je pris conscience alors que l’avion que Georges devait prendre pour rentrer à Varsovie avait quitté le sol suisse… sans lui… Le sort en était jeté ! De même que le destin de mon amoureux : il venait de basculer car à partir de cette fin de journée, il serait considéré comme traître et déserteur. Mon âme slave se réveilla en réalisant que nous étions devenus deux parias.

Georges était un déserteur. Étant missionné par l’État communiste polonais, il avait le titre de représentant de son pays ; ce fait ne pouvait qu’aggraver sa situation. Quant à moi, comme j’étais sa compagne, je devenais sa complice ! J’étais donc, en quelque sorte, « coupable de trafic d’êtres humains » : une sorte d’ex-filtreuse de citoyens polonais communistes au profit de l’Ouest capitaliste. Cela constituait un crime capital et impardonnable envers notre patrie ! En désobéissant à ses employeurs, Georges avait fait de nous de nouveaux Roméo et Juliette… Peut-être que, comme eux, notre amour allait nous être fatal et devenir légendaire…

Marchant d’un pas décidé vers l’hôtel, je dressai le court inventaire des solutions qui me restaient pour nous sauver du guêpier dans lequel nous étions piégés : « On pourrait louer une voiture, mais réserver un véhicule à partir de la Suisse est bien trop compliqué, et puis les démarches prendront trop de temps. Il est hors de question de traîner près de la frontière. Il ne nous reste pas d’autre choix que de tenter de prendre le train, même si c’est peut-être suicidaire… »

Arrivée devant le comptoir, je demandai au réceptionniste d’appeler le bureau des renseignements de la gare. Le jeune homme m’informa que le train de 23 heures à destination de Paris était quasiment complet. Je lui demandai d’insister en lui glissant subrepticement un billet sur le comptoir. Il retira sa main, bouchant l’émetteur du téléphone, et inventa une histoire à dormir debout pour justifier l’urgence de notre retour… Par je ne sais quel miracle, il finit par obtenir la réservation d’une cabine. Elle était située dans la zone des secondes classes mais pour une fois, cela m’était bien égal.

Je demandai encore d’autres précisions qui auraient pu l’alerter sur la situation périlleuse de deux fuyards du bloc communiste : « Les contrôles ont-ils lieu sur le quai de départ ou seulement à la frontière ? » Il me répondit d’un ton neutre et professionnel : « Madame, les contrôleurs montent dans le train à la frontière et procèdent aux vérifications entre notre frontière et Dijon, qui est la première ville française où le Turin-Paris s’arrête ».

Mon esprit ne fit qu’un tour, je raisonnai à toute vitesse : « si les Français comprennent l’illégalité de la situation de Georges, il pourra bénéficier de la législation lui permettant de demander l’asile politique au pays des Droits de l’Homme ! »

Heureuse de cette évidence, je remontai dans la chambre où je secouai de sa torpeur un Georges encore tout ensuqué. J’appelai la réception pour que mon ange gardien me dégote un taxi le plus rapidement possible. Tout alla très vite : le départ précipité de la chambre après que nos deux valises furent bouclées à la sauvette ; le trajet jusqu’à la gare ; nos pas précipités vers le quai de départ ; notre montée dans le train alors que le coup de sifflet retentissait déjà ; notre installation dans la cabine comme deux naufragés atteignant la plage à bout de souffle…

Mon amoureux avait de toute évidence épuisé la moindre parcelle d’énergie et de sérénité qui lui restaient dans cette course infernale. À peine affalé sur la banquette, il fut assailli par une rafale d’angoisses que seuls deux cachets de Valium purent endiguer. Tandis qu’il replongeait dans les bras de Morphée, je me mis aux aguets. Je stressais. Je ne comprenais pas pourquoi le train mettait autant de temps à partir alors que le signal de départ avait été donné… En fait, je n’arrivais plus à avoir une évaluation normale du temps : les secondes nous séparant du départ de Lausanne me paraissaient des heures… Enfin, le Turin-Paris s’ébranla… Je me sentis soulagée mais, hélas, pour bien peu de temps ! En effet, je regardai par la fenêtre de la cabine pour constater que le train s’engageait sur une voie différente. En voyant se profiler un autre quai, je me dis que tout était déjà fini. Et, pour confirmer mon triste diagnostic, j’aperçus des silhouettes d’hommes vêtus d’uniformes noirs. C’était certain, ils viendraient s’emparer de mon amour, drogué par les cachets de Valium ! Au moins, me dis-je, il ne se rendrait peut-être compte de rien vu son piteux état ! Ils le traîneraient dehors comme un vulgaire sac de pommes de terre… Les hommes en noir et armés jusqu’aux dents montèrent dans le wagon en mettant brusquement fin à mes sombres prévisions… Mon passé revint subitement me hanter…

Il me revint en mémoire les multiples trajets que j’avais effectués en train entre Varsovie et Paris. Je n’avais pas les moyens de m’offrir des billets d’avion à l’époque. À Poznań, qui se trouvait à 150 kilomètres environ de la frontière entre la Pologne et la République démocratique allemande, des soldats soviétiques qui stationnaient en RDA faisaient immanquablement irruption dans le train, répandant une inquiétude diffuse parmi les passagers. Cela se passait, certes, à une époque révolue, mais leur manière de se conduire était la même que ceux qui venaient de monter dans le train et cela me troubla de la même façon. Cela me choqua car nous nous trouvions en Suisse, pays célèbre pour sa démocratie, et non en Europe de l’Est !

Revenant au présent, je me fis la réflexion qu’ils étaient à la recherche de quelqu’un. J’étais évidemment persuadée qu’il s’agissait de mon Georges adoré ! Pourtant, les moyens déployés me paraissaient disproportionnés. En effet, si mon James Bond était précieux pour la Pologne, ici, il était un parfait inconnu.

Je tentai de réveiller discrètement mon homme en le forçant à s’asseoir. Je l’avertis de la présence des soldats. Il ouvrit à grand-peine ses paupières sur des pupilles dilatées. Il les referma aussitôt en appuyant lourdement sa tête sur mon épaule. Sacré Valium qui me laissait seule face à tout ça !

L’un des soldats remonta le couloir et fit glisser la porte de notre refuge. Je tremblais de tous mes membres mais me contenais de mon mieux pour ne rien laisser paraître de la terreur qui s’était emparée de moi. Il bloqua la glissière avec son pied, tandis qu’un de ses collègues le rejoignait et braquait le faisceau de sa lampe torche dans notre salvatrice pénombre. Il demanda avec un fort accent helvétique : « Vos passeports s’il vous plaît ! »

Je crus notre dernière heure arrivée. D’un geste maladroit, je lui tendis nos deux passeports, le mien dissimulant celui de Georges… Le soldat les regarda à peine : visiblement, il ne sembla y trouver aucun intérêt. De toute évidence, ce n’était pas lui qui avait la police à ses trousses ! Le douanier nous salua poliment en nous souhaitant un agréable voyage. Je réussis à peine à lui répondre tant j’étais sous le choc de ce qui venait d’arriver. La porte claqua en se refermant. Cela sembla éveiller un peu Georges qui m’enlaça maladroitement, comme pour me remercier de mon courage. Je me rendis compte à cet instant précis de la force que mon amour pour lui me donnait. Durant encore quelques minutes, je redoutai un nouveau contrôle tandis que mon compagnon s’était rendormi du sommeil du juste. Enfin, le train s’ébranla en abandonnant dans son sillon mes dernières angoisses. Un peu plus tard, quand je vis apparaître le panneau annonçant que nous entrions en France, je ne pus m’empêcher de crier victoire. Je me mis à chérir cette France qui m’avait sauvée de la dictature du prolétariat et d’un funeste destin ; ce Pays des Lumières qui m’avait permis de devenir ce que je suis : une femme libre, accomplie, riche et surtout heureuse. Je la remerciai au-delà du précieux présent qu’elle venait juste de me faire : la vie sauve à mon amour !

Je m’offris le luxe de sombrer enfin dans un sommeil réparateur. La Suisse n’était déjà plus qu’un mauvais souvenir. Paris s’annonça comme une merveilleuse promesse. Georges avait retrouvé ses esprits et son magnifique sourire amoureux. Nous rentrâmes en taxi chez moi. Mon appartement m’apparaissait comme un Éden. Un peu remis de notre voyage, j’allumai la télévision et tombai sur les actualités. C’est là que le présentateur annonça que toutes les polices françaises et helvétiques étaient aux trousses d’un certain Spaggiari, auteur du « casse du siècle »{9}. Il précisa que l’individu recherché avait été aperçu entre l’Italie et la France… Il devait passer par la Suisse…

*

* *

J’étais folle de joie à l’idée que nous nous en soyons sortis à si bon compte… Pourtant, la facilité avec laquelle nous avions pu repasser la frontière suisse aurait dû m’alerter…

J’aurais en effet dû m’interroger sur la véritable nature de la mission de Georges. Passer un contrat avec Metalexport n’était qu’un prétexte pour m’emmener en Suisse. Il avait pour consigne de jouer le rôle de l’amoureux éperdu afin de m’épouser et vivre en France auprès de moi dans le but de me surveiller. Et c’est ce qui s’est effectivement passé. En passant définitivement à l’Ouest, j’étais devenue une personne suspecte dont il fallait connaître le moindre des agissements. J’étais dans le collimateur de la dictature du prolétariat ! L’UB m’avait tendu un piège et j’étais tombée dans le panneau comme une ingénue ! Mais tout cela, il me fallut des années pour l’apprendre.

Je ne voyais aucune raison de me méfier de mon amant. Je m’étais renseignée sur ses origines et j’avais appris qu’il appartenait à une noble lignée de l’aristocratie polonaise. Cela m’avait rassuré et compensait le fait qu’il travaillait pour le pouvoir communiste. Je n’avais pas non plus douté de la véritable nature de la mission qui l’avait amené en Suisse. J’avais alors trente ans. J’étais belle et aveuglée par ma passion. Je ne me posais d’autre question que celle de savoir quand nous allions nous marier. C’est ce que nous avons fait, comme prévu par l’UB : ce mariage arrangé de toutes pièces a duré vingt-quatre ans !

Nous nous étions définitivement installés en France. Au bout de deux ans, Georges est tombé gravement malade. J’ai passé le reste de nos années de vie conjugale à le soigner… Cela fut éprouvant. Je surmontais tout par amour : l’épuisement comme l’envie de répondre aux avances d’autres hommes à qui je plaisais. Je me fanais auprès d’un faux-semblant d’amour qui m’usait et me dérobait mes plus belles années de femme. Cela me paraissait normal, persuadée que mon époux m’aimait à mourir ; jusqu’au jour où il me révéla la véritable raison de notre mariage : me surveiller, moi qui étais sur la liste des « ennemis du peuple polonais »… Pour le pouvoir communiste, j’étais encore une femme dangereuse, une femme à abattre ! J’avais alors 55 ans. Quand Georges me dévoila la vraie nature de notre relation, ce fut dans le but de me demander le divorce : en effet, sentant la fin de sa vie arriver, il voulait retourner auprès de la femme qu’il aimait vraiment et que son devoir lui avait dicté de quitter.

Anéantie par cette révélation, je ne pus que me féliciter des talents d’acteur de mon époux qui avait tenu la fiction de notre union aussi longtemps. Quant à moi, j’avais perdu ma jeunesse et mes illusions. Je lui cédai la part d’argent qui lui revenait et la Mercedes que nous possédions. Il s’en servit pour commencer une nouvelle existence en Pologne. Mais il n’en profita pas très longtemps et mourut peu après son retour au pays. Malgré sa trahison, je l’accompagnai jusqu’à sa dernière demeure ; en effet, il restait, malgré tout ce qu’il m’avait fait, l’homme que j’aimais… encore…

Quand Georges était malade, un certain Ange me relayait à son chevet. Il s’occupait de lui avec bienveillance. Sa présence m’offrait un peu de répit. Par la suite, c’est de moi qu’il prit soin. Il m’a recueillie comme un oiseau blessé ; j’étais détruite, humiliée, dégoûtée par la vie et les hommes. Il a cajolé le volatile fragile que j’étais devenu. Il a rassemblé comme il a pu les miettes de mon cœur brisé et, à force de patience et de gentillesse, il trouva le moyen de le reconstituer. Puis, pris par de nouvelles occupations professionnelles, il s’éloigna de moi. Je ne supportais pas le vide laissé par ses longues absences. J’avais l’impression de cumuler abandons et trahisons. J’essayai alors de me consoler auprès d’autres corps masculins.

Durant les deux années qui suivirent le décès de Georges, je ne me permis en effet que des aventures que je voulais sans lendemain. Je m’étais juré de ne plus me laisser berner et détruire par un beau parleur. Mais, pour mon plus grand malheur, il fallut que je me retrouve un jour dans le cabinet d’un des plus grands génies de la chirurgie cardiaque ; celui-là même qui allait m’emporter dans un nouveau séisme amoureux…

*

* *

Après m’être souvenue de ce passé traumatisant, je relus le courriel de Jan Pieter van Schoor avec beaucoup plus d’indulgence. Je me rendis compte qu’en écrivant de la sorte, il avait juste fait preuve d’une grande maladresse. Il avait été on ne peut plus honnête en me présentant sa réaction avec franchise : c’était direct, sincère et courageux… presque trop puisqu’il avait été jusqu’à coucher sur le papier qu’il espérait que je répondrais par une réciprocité à ses sentiments. La donne du jeu de notre relation s’en trouvait changée. En effet, il y avait là presque un aveu, l’amorce d’une déclaration ! Ses mots me donnèrent accès à une confiance en moi renouvelée : sortant de l’épreuve d’une opération à cœur ouvert, je ne pouvais que lui être reconnaissante d’avoir souligné que j’étais encore en possession d’une identité sexuelle… qu’à mon âge, je pouvais encore dégager une force, un pouvoir de séduction pour un être aussi exceptionnel que lui et au point – d’après sa propre expression – de lui faire éprouver un désir irrationnel.

Plus loin dans sa missive, je trouvai une phrase qui me conforta dans le triomphe sentimental que je sentais poindre : « Vous avez votre vie et moi la mienne, il faudrait que nous ayons l’occasion d’en parler ». Si notre rencontre n’avait été qu’un épisode malencontreux, une banale histoire de séduction malvenue, il se serait fait un devoir de l’oublier au plus vite et de ce fait, il ne voudrait pas que nous nous en entretenions. Non seulement l’espoir de revivre quelque chose d’extraordinaire se rallumait, mais sa flamme prenait une intensité et une luminosité croissantes. Soit, il émettait le souhait que nous entamions un dialogue… mais quels pourraient bien en être les sujets ?

Je connus alors l’angoisse qu’il m’annonce être marié et père d’une innombrable descendance… si c’était le cas, connaissant l’importance pour certains d’être à la tête d’une nombreuse parentèle, je ne pourrais qu’être heureuse pour lui. Quant à moi, n’ayant jamais eu d’enfant, je ne pouvais qu’imaginer ce bonheur familial. Au début de ma vie de femme, je n’avais pas eu le courage de procréer par peur de reproduire le comportement de ma mère à mon égard. Par la suite, la mutilation subie lors de mon premier séjour outre-Atlantique m’avait définitivement privée de cette possibilité. Ne sachant trop que rétorquer à sa proposition d’échange sur nos existences respectives, je préparai une réplique qui, à mes yeux, allait droit au but… du moins, celui que je m’étais fixé : « De quoi voulez-vous que nous parlions ? Si quelque chose devait arriver entre nous, cela se fera le plus naturellement du monde. Il est donc inutile de tenir de longs discours préliminaires ! »

Poursuivant ma lecture, je fus interpellée par une phrase d’apparence anodine mais révélatrice d’une lacune chez Mon Sauveur : « Par les coupures de presse que vous m’avez fait parvenir, j’ai appris ce que vous avez été ; seulement, je ne sais toujours pas ce que vous êtes maintenant ». Ainsi, il semblait ignorer que nous ne sommes que le résultat de la somme de nos expériences passées ; cela me sembla étrange de la part d’un homme si brillant. Puisqu’il souhaitait me connaître, il faudrait que je lui en donne pour son argent… même si parfois il m’arrivait moi-même de me perdre un peu dans la diversité de mes possibles identités. Ma seule certitude était bel et bien d’être une personne de sexe féminin. J’étais née polonaise et avais été privée de cette nationalité par une décision politique ; française, je l’étais devenue par mariage et l’étais restée par choix ; j’aurais pu devenir américaine ; parmi mes ascendants, on trouve des Allemands et des Russes… J’avais été baptisée et avais reçu une éducation catholique, mais ma grand-mère maternelle était une petite juive ukrainienne, unique rescapée d’un pogrom lors duquel ses parents comme ses onze frères et sœurs avaient perdu la vie. Elle n’avait dû son salut qu’en se cachant dans une botte de paille et avait assisté impuissante au massacre. Au début du XXe siècle, une partie de l’Ukraine était rattachée à la Pologne sous domination de l’Empire russe, et les exactions envers les israélites y étaient monnaie courante. Cette petite miraculée blonde aux yeux bleus, âgée de trois ans, avait été recueillie par une famille de nobles polonais qui l’avaient élevée… Plus tard, elle avait épousé le fils aîné de ces aristocrates et avait donné naissance à trois filles, dont ma mère. Une très belle histoire qui m’avait été racontée par l’une de mes cousines mais dont il n’existe pas de preuve formelle, Mamie ayant toujours gardé un silence pudique sur cet épisode… un secret de cet acabit se doit de rester scellé, même lorsqu’on a plus de 90 ans. Avec cette diversité dans mes origines, il me semblait peu aisé de répondre à la demande de mon génie de la chirurgie : s’il voulait savoir qui j’étais, ce serait à lui de le découvrir !

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* *

De nouveau, les jours se mirent à défiler de façon monotone ; mon écran restait vierge du moindre écho en réponse à mon courriel. Je devais d’ailleurs bien m’avouer que celui-ci comportait une grande part de hardiesse, voire de provocation. Quel ange ou quel démon avait bien pu me pousser à écrire qu’entre nous, le développement d’une relation se ferait naturellement et qu’il n’y avait nul besoin de palabres préalables ? D’ailleurs, que savais-je humainement de lui pour me permettre une telle familiarité ? Mes états d’âme oscillaient entre une volonté de voir la vie en rose et des plongées dans une anxiété totale me privant de sommeil, avec l’impression que ma tête allait imploser sous une trop forte pression interne.

Durant mes phases positives, je me persuadais que cet être aux talents multiples et hors norme – ses succès professionnels en constituaient la preuve – devait avoir dans ses atouts une tactique très au point afin de réussir sa carrière, mais qu’il était sans doute désarmé face aux petits complots semés sur notre chemin par la vie de tous les jours. Ma résolution était alors de lui faire abandonner sa modestie et de devenir le rempart derrière lequel il pourrait s’abriter… pour cela, il me faudrait être une femme tout à la fois amoureuse et admirative : deux ingrédients qui me permettraient de l’apprivoiser.

A contrario, lors de mes phases d’angoisse, j’en venais à m’interroger sur la nécessité même d’aimer. Découvrir que l’on est possédée par une attirance amoureuse, sentimentale ou simplement sensuelle, n’est pas chose facile en soi. Si en plus cette prospection ne correspond ni au programme ni à la stratégie que vous avez mise au point pour progresser dans votre plan de vie, elle devient une sorte de quadrature du cercle… au point que certains peuvent, au nom de leur force intérieure,