Elle se nourrissait de nos peines - Princesse Tsobgni - E-Book

Elle se nourrissait de nos peines E-Book

Princesse Tsobgni

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Beschreibung

Loula voit le jour au Cameroun, au cœur de l’Afrique, au sein d’une famille aussi complexe que dysfonctionnelle. Élevée dans l’ombre d’une mère au comportement toxique, elle doit naviguer à travers les méandres d’une culture et de coutumes bien éloignées de celles qu’elle connaîtra plus tard.

"Elle se nourrissait de nos peines" est le récit poignant d’une vie marquée par la douleur et la résilience. Loula dévoile avec courage les moments sombres de son passé, les cicatrices invisibles laissées par une enfance où régnaient la manipulation et les abus. Mais ce livre n’est pas seulement un témoignage des épreuves endurées, c’est aussi le récit vibrant d’une victoire sur l’adversité.

Loula partage ses luttes, ses triomphes et les leçons apprises au fil des années. Son parcours est une source d’inspiration, un rappel de la force de l’esprit humain. Il s’agit ici de bien plus qu’une biographie : c’est un appel à la résilience, à la compassion et à la guérison.




À PROPOS DE L'AUTRICE

"Elle se nourrissait de nos peines" est le premier livre de Princesse Tsobgni, une auteure camerounaise autodidacte qui trouve un exutoire et un refuge dans l’écriture.

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Princesse TsobgniHistoire basée sur des faitsréels

Elle se nourrissait de nos peines

Une famille dysfonctionnelle

Prologue

Dans l’ombre de souvenirs douloureux, j’aimerais vous conter la vie de Loula. L’histoire de sa famille l’a hantée, jour et nuit, pendant de nombreuses années. Une histoire marquée par des viols, des mariages forcés et le long chemin menant à l’intégration en Europe. Une histoire également empoisonnée, tissée de mensonges et de manipulations, dont l’instigatrice n’était autre que sa mère. Plongez avec moi dans les méandres de cette relation toxique, où l’amour filial se heurte à une cruauté inimaginable.

L’histoire que je m’apprête à vous raconter est un voyage dans les profondeurs obscures de la psyché humaine, un voyage au sein d’une relation mère-enfants empoisonnée par la perversion narcissique, sur fond de croyances et de traditions africaines, camerounaises et bamilékées. Dans cette exploration troublante, nous découvrirons comment une mère, censée être une source d’amour et de réconfort, peut se transformer en une force destructrice, manipulant et détruisant tout sur son passage. Accrochez-vous, car cette histoire révèle les ombres inquiétantes qui peuvent se cacher derrière un visage maternel et comment des enfants ont dû lutter pour leur propre survie psychologique.

Au cœur de cette sombre chronique familiale se trouve une femme, une mère, une prédatrice. Elle enrobait ses enfants de douleur pour se repaître de leur détresse. Au fil des années, elle a bâti son empire sur les ruines de leursémotions, transformant un sentiment maternel naturel en un cauchemar dévorant. Découvrez ce récit troublant où l’amour et la cruauté sont entremêlés d’une manière inimaginable et où une famille doit affronter la noirceur de la femme qui aurait dû la protéger. « Elle se nourrissait de nos peines » pose une question fondamentale : comment se construire et se reconstruire quand on grandit dans un climat de brutalité, de perversion et d’ésotérisme ?

Les personnages

Commençons par la fratrie…

DÉSIRÉ est le premier né de la famille, il a vu le jour en 1970. C’est un homme sans scrupule, paresseux, violent et agressif. Il ne montre aucun remords pour ses actions et ne recule devant rien pour obtenir ce qu’il veut. Il est souvent en conflit avec les autres, utilisant la force pour résoudre ses problèmes. Sa paresse se reflète dans sa fuite des responsabilités et dans son manque de respect envers autrui. Il a fait de l’enfance de ses frères et sœurs un enfer.

PRUDENCE est la deuxième de la fratrie, née en 1972. C’est une femme au comportement complexe piégée dans une situation difficile. Maltraitée par sa mère, elle endure des insultes et des rabaissements constants. Malgré cela, elle trouve la force d’endosser le rôle de mère pour ses cadets, leur offrant chaleur et soutien dans un environnement particulièrement toxique. Son caractère est façonné par cette dualité, elle oscille entre la résilience et la vulnérabilité. Prudence est une figure tragique. Elle lutte pour trouver une stabilité mentale en combattant ses démons intérieurs qui résultent de son passé traumatisant.

HORTENSE, la troisième, est née en 1976. Elle est la meilleure amie de Loula, la narratrice, une véritable compagne d’âme. Elles partagent leurs hauts et leurs bas. Durant son adolescence, sous l’influence toxique de sa mère, Hortense traverse une période très dure. Elle est en colère. Elle se referme sur elle-même et développe un caractère complexe, parfois distant. Les maltraitances infligées par sa mère ont un impact profond sur sa vie d’adulte. Elle a du mal à établir des relations saines, luttant contre les séquelles émotionnelles laissées par son passé. Mais Hortense est une survivante et, grâce à sa relation solide avec Loula, elle trouve un soutien précieux pour guérir de ses blessures et se reconstruire tout au long de l’histoire.

LOULA arrive dans la fratrie en 1980. C’est une jeune fille exceptionnellement sensible et attachante. Sa nature douce et empathique lui a valu la présence protectrice de ses frères et sœurs, ce qui représente une grande source de soutien au sein d’une famille dysfonctionnelle. Cependant, en contrepartie, son amour inconditionnel pour ses proches l’a conduit à endurer d’énormes souffrances. Malgré sa sensibilité, elle est très sûre d’elle. Au fil du temps, elle est d’ailleurs devenue le pilier émotionnel de cette famille, capable de rassembler tout le monde, d’apaiser les conflits et de fournir un amour inébranlable. Sa force réside dans sa capacité à transcender les épreuves et à guider les siens vers la guérison et la réconciliation. Loula est le cœur battant de cette histoire. Elle démontre que l’amour et la persévérance peuvent triompher des épreuves les plus sombres.

SYLVAIN, le chouchou de la famille, est né en 1984. Il a passé une grande partie de son enfance et de son adolescence à l’internat, ce qui l’a partiellement préservé des drames et des abus qui ont marqué la vie familiale. Son absence physique lui a servi de bouclier contre la perversion de sa mère. Sylvain est généralement en retrait par rapport aux conflits familiaux et, du fait de son éloignement, il est moins touché par les traumatismes que ses frères et sœurs ont vécus.

Puis vient GUY, le dernier de la famille, en 1990. Il évoque à Loula des sentiments contrastés. Bien qu’elle connaisse peu son frère finalement, leurs interactions limitées lui ont laissé une impression de froideur, d’opportunisme, d’égoïsme, voire d’ingratitude. Cette image est peut-être influencée par l’âge de Guy et sa proximité avec leur mère. Il semble être un homme toujours en quête de ses propres intérêts, capable de mettre de côté les besoins et les sentiments de sa famille pour atteindre ses objectifs personnels. Son comportement égoïste a des conséquences sur les relations familiales, provoquant des tensions et des conflits.

Parlons maintenant de leurs parents…

Le père s’appelle MATT, il est né vers 1940. C’est un homme imposant, grand de taille et robuste, qui incarne l’image d’un roc au sein de sa famille. Il est aimant, attentionné et protecteur envers ses enfants et sa famille en général. Son cœur généreux l’anime et il veille sur ses proches avec une dévotion inébranlable.Véritable modèle pour tous ceux qui l’entourent, sa nature bienveillante et sa gentillesse inspirent le respect et l’admiration. Il représente la stabilité et la chaleur au sein de sa famille, apportant équilibre et soutien dans les moments difficiles.

MADO, la mère, est née vers 1950. C’est une femme petite en taille, mais elle compense par une personnalité forte et dominante. Elle est souriante en apparence, mais cette façade masque une froideur implacable. Elle est un pilier pour ses frères et sœurs, se tenant à la tête de sa famille et exerçant un contrôle quasi tyrannique sur son entourage. Mado est quelqu’un qui dirige son monde d’une main de fer. Elle est autoritaire et impose sa volonté, laissant peu de marge de manœuvre à ceux qui l’entourent. Son influence sur sa famille peut être à la fois un atout et une source de conflits, car sa froideur et son désintérêt envers ses enfants créent des tensions et causent des blessures profondes. C’est une femme complexe qui trouve une forme de satisfaction dans la douleur des autres. Au fil des années, des comportements de perversion narcissique émergent, révélant une personnalité toxique et nuisible. Ses actions laissent une empreinte profonde et dévastatrice sur sa famille, créant un climat constant de tension et de souffrance.

Chapitre 1

Mes parents se sont connus à Batié. Au Cameroun, les gens de notre tribu sont communément appelés les Bamilékés. Ma mère est une femme petite de taille, qui mesure à peine un mètre cinquante. Elle a rencontré mon père en 1970. À cette époque, en Afrique, les alliances étaient arrangées et on convolait très rarement par amour. Dans la mesure du possible, la coutume voulait qu’un enfant soit confié au couple pour aider l’épouse dans les tâches ménagères.

Alors, après leur union, Jacqueline a été confiée à ma maman. À ce qui se dit, c’était une jeune fille très gentille, serviable et travailleuse. C’est elle qui s’est chargée de prendre soin de nous durant nos premières années de vie. J’étais trop petite pour m’en souvenir, mais elle est considérée comme la première née du foyer. Très rapidement, mes parents se sont installés à Nkongsamba, où nous sommes nés mes frères, mes sœurs etmoi.

Je ne saurais vous dire si mes parents s’aimaient ou pas. Même s’ils ont toujours vécu sous le même toit, je ne les ai vus que très rarement ensemble. Quand j’avais 4 ans, si mes souvenirs sont exacts, j’ai assisté à une dispute. La seule dont j’ai été témoin. J’ignore les raisons de leur querelle, mais mon papa a donné une gifle à ma maman. Après cela, ma mère a quitté le domicile conjugal. Quelques jours plus tard, elle est finalement rentrée à la maison.

Peu après cet épisode, mon père a décidé d’aller s’installer à Douala, la capitale économique du Cameroun, à la demande de son petit frère Pierre. Ce dernier s’y était établi quelques années plus tôt et y avait ouvert une boulangerie. Il avait sollicité mon père pour l’aider dans la gestion de son commerce.

Après le départ de mon papa pour Douala, notre maman et nous avons déménagé à Bafoussam, nous rapprochant ainsi de sa famille, notamment de sa petite sœur, Hélène, et de sa tante qui l’a élevée. N’ayant pas connu notre véritable mamie, décédée bien trop tôt, cette dernière nous avait été présentée comme telle. C’est bien des années plus tard que nous avons appris qu’elle n’était pas réellement notre grand-mère. Jacqueline, quant à elle, était déjà mariée lors de notre départ. Elle est donc restée à Nkongsamba avec son époux.

Nous avons vécu un peu plus d’une année à Bafoussam. Avec ma mère, nous sommes ensuite allés retrouver mon père à Douala.

Chapitre 2

Arrivées à Douala, ma sœur Hortense et moi avons été hébergées chez notre oncle Pierre. Sa femme, Brigitte, était une cousine de ma maman.Mes parents sont partis de leur côté avec Prudence, Désiré et Sylvain, qui n’était encore qu’un tout jeune gamin de 3 ans. Je ne saurais vous dire où ils ontlogé.

Le séjour que nous avons passé chez notre oncle et notre tante a été la période la plus insouciante de notre enfance. Je ne m’en rends compte qu’aujourd’hui, au moment de rédiger ces lignes. Ma tante était très gentille et présente. Elle s’amusait, rigolait, discutait et passait du temps avec nous. Je ne me souviens pas avoir partagé ce genre de moments avec ma maman. Brigitte n’avait qu’une seule fille qui avait l’âge de Désiré. Les choses se déroulaient si naturellement qu’on avait l’impression que c’était ça, la vraie vie. Mais, progressivement, la situation a changé.

Après quelques mois passés à leurs côtés, nos parents sont venus nous chercher, Hortense et moi, et nous ont amenées dans ce qui serait notre nouveau chez nous. J’avais l’âge de commencer l’école cette année-là. J’avais tellement hâte ! Mais ma mère en a décidé autrement : il fallait que je reste à la maison avec Sylvain pour qu’il ne soit pas tout seul et je commencerai donc l’école en même temps que lui. Ainsi, quand Sylvain a eu l’âge d’être scolarisé, il a été inscrit au jardin d’enfants, une étape typique pour les plus jeunes, tandis que moi, j’ai été inscrite trois niveaux de classe supérieurs au sien. Cette décision a créé entre moi et les autres un écart notable en termes de maturité scolaire.

J’ai d’ailleurs redoublé ce niveau trois fois. J’étais complètement perdue, je n’y comprenais rien. C’était prévisible, étant donné que je n’avais aucune base. On apprenait l’alphabet, à écrire et à compter à la maternelle. Moi, je me suis retrouvée immédiatement dans une classe où tous les élèves savaient déjà faire ces trois choses-là. Je me disais que je ne valais rien. Je n’avais aucune confiance en moi. En Afrique, à cette époque-là, plus tu avais du mal à comprendre, plus tu récoltais des coups de ton enseignant. Et je peux vous promettre que j’en ai reçu des tapes. Mes camarades se moquaient de moi tout le temps et j’avais tellement peur que je n’avais même pas le courage de demander la permission d’aller faire mes besoins. Alors, je me retenais jusqu’à finir par me faire dessus, en plein cours. J’ai tellement redoublé ma première année scolaire que Sylvain est parvenu à me rattraper. C’est cette année-là que j’ai enfin réussi à passer en classe supérieure.

Chapitre 3

C’est Prudence qui nous amenait à l’école et venait nous chercher, une fois ses propres cours terminés. Nous fréquentions un établissement situé à sept kilomètres de la maison et nous nous y rendions à pied. Imaginez sa peine ! Parcourir autant de kilomètres avec moi, toute souillée. Je me rappelle que je pleurais tout le long de la route, parce que je voulais marcher tout contre elle, tandis qu’elle me repoussait à cause de mon état. La pauvre…

Parlons un peu de Prudence.

Je me souviens d’elle comme d’une deuxième maman. C’est elle qui nous faisait à manger, lavait nos vêtements et ceux de nos parents, s’occupait du ménage ou encore de nos cheveux…. Bref, tout ce qu’une maman est censée faire dans une maison. Je n’ai jamais vu ma mère faire quoi que ce soit de tout cela. Elle sortait à l’aurore et revenait le soir. Quant à mon papa, il partait à l’aube et rentrait dans la nuit, vers 1 heure ou 2 heures du matin.

Un dimanche, voyant que Prudence n’était pas encore levée, notre mère a essayé de la réveiller pendant un très long moment. Sans succès. Elle lui a versé de l’eau dessus et a tenté tant de choses qu’elle a fini par penser qu’elle était décédée. Maman s’est mise à pleurer, alertant tout le voisinage. Finalement, Prudence a ouvert les yeux presque une heure plus tard. Elle nous avait fait une belle frayeur.

Prudence se chargeait des repas et également de faire les courses. Elle s’y rendait très souvent avec Hortense et, de temps à autre, je me joignais à elles.Un jour qu’elles étaient parties toutes les deux, je me suis retrouvée seule à la maison avec Désiré. C’est la première fois qu’il a abusé sexuellement de moi. Par la suite, il s’arrangeait toujours pour que je reste avec lui quand les filles allaient au marché, afin d’accomplir sa sale besogne. Je ne pourrais pas vous dire combien de temps cela a duré.

Nous vivions dans une maison composée de trois chambres. Mes sœurs, Sylvain et moi étions dans l’une d’elles et Désiré avait la sienne à lui tout seul. Un jour, il y a eu la fois de trop. Celle qui a fait que j’ai finalement eu le courage de parler à mes parents. Il est venu me chercher en pleine nuit, dans mon lit, pour me ramener dans sa chambre et est resté toute la nuit sur moi.

Malgré mon jeune âge, je comprenais que si je ne disais rien, il n’allait jamais arrêter et que les choses risquaient d’empirer. Le matin suivant, je suis donc allée raconter ce qu’il se passait à papa et maman. Je me rappelle que ce jour-là, on a reçu la visite d’un ami de mon père et que Désiré a reçu un châtiment corporel de leur part à tous les deux. Mon père a ensuite remis de l’argent à ma maman. L’objectif était clair, m’amener à l’hôpital pour obtenir les soins médicaux nécessaires à la suite de cette agression.

Nous sommes tout d’abord allées dans un marché de la ville où une amie à elle tenait un commerce. Là, ma mère a pris un moment pour expliquer la situation à son amie, lui disant qu’elle envisageait de me conduire à l’hôpital. Cette femme l’en a dissuadée, exprimant des doutes sur l’efficacité de cette démarche.

Ma mère, qui gérait un magasin dans un marché important de la région, a alors décidé de m’y amener pour passer la journée avec elle. Les choses se sont terminées ainsi. On n’en a plus jamais parlé.

Chapitre 4

Pendant de nombreuses années, j’ai porté le fardeau de questions non résolues et de douleurs profondes à la suite des abus de mon grand frère. Cela a laissé une empreinte indélébile sur ma vie, influençant de manière significative mon enfance, ma vie d’adulte, mon identité de femme et demère.

J’ai traversé une quête intérieure complexe et profonde, cherchant des réponses à des interrogations et essayant de comprendre comment cette expérience a marqué mon être. Avec le temps qui passe, la colère ne m’habite plus, mais la douleur demeure. Encore aujourd’hui, je maudis mon frère pour ses actes ignobles qui ont bouleversé mon existence de manière irréversible.

Après cet épisode, la vie a repris son cours. Ma maman nous emmenait fréquemment consulter des voyants, comme il était habituel de le faire en Afrique. Ces derniers avaient toujours quelque chose à déclarer sur les dangers spirituels qui nous menaçaient et, pour nous préserver, ils devaient travailler sur nous en faisant des incantations, des blindages − réaliser des incisions sur l’ensemble du corps en utilisant une lame, puis ils y appliquent une concoction dont eux seuls connaissent la composition − et bien d’autres choses encore. Ma mère nous disait sans cesse, si un jour nous avions recours à un marabout, également appelé médium, de ne jamais accepter un objet quelconque qu’il pourrait nous remettre, pour le garder sur nous ou dans notre maison, dans le but de nous protéger. Cette pratique était entourée de mystère et d’un voile de protection surnaturelle, créant ainsi une atmosphère unique à chaque fois que nous leur rendions visite.

Dans mon enfance, ma mère avait une croyance forte dans les marabouts et les médiums qu’elle consultait régulièrement, mais elle s’en méfiait également. Elle nous expliquait que les objets qu’ils nous demandaient de garder sur nous ou dans un coin de notre domicile étaient en réalité des totems. Vous comprendrez plus tard les raisons de cette précision…

Chez les Bamilékés, les totems sont des entités respectées et vénérées, ils sont considérés comme les bienfaiteurs du village. Ce sont des objets ou des animaux dans lesquels des personnes dotées de certains pouvoirs se sont incarnées. Il s’agit de notables du village, de certains défunts, de personnes âgées, d’enfants ou même de certaines familles. Ils sont la matérialisation d’objets, d’animaux ou de personnes qui détenaient des pouvoirs particuliers de leur vivant.

Les totems revêtent diverses formes, chacune symbolisant une qualité ou un pouvoir spécifique. Certains se manifestent sous l’apparence de boas, des serpents majestueux qui incarnent la sagesse et la connaissance. D’autres se transforment en panthères, des créatures gracieuses et puissantes qui représentent la protection du territoire. Les totems peuvent également prendre la forme de lions,symboles de courage et de force. Des oiseaux tels que les hiboux et les corbeaux sont très souvent attribués comme totems, porteurs de la sagesse et de la communication avec le monde spirituel.

Ces totems ont un rôle crucial au sein de la communauté. En principe, leurs pouvoirs sont destinés à la protection du village, mais leur influence peut également s’étendre à d’autres domaines de la vie en communauté. Les villageois les vénèrent, leur offrent des hommages et des rituels pour s’attirer leurs faveurs. Cependant, il arrive que les totems soient capricieux et que leur influence ne soit pas toujours prévisible, ce qui ajoute une dimension mystique à la vie d’un village bamiléké. Cette croyance dans les totems renforce le lien entre les générations, les traditions et la nature, créant ainsi une riche et profonde connexion avec l’héritage spirituel de la communauté.

Chapitre 5

Un jour où notre mère était partie pour le week-end dans notre village d’origine, ma sœur Hortense et moi nous étions lancées dans un défi des plus excitants. Nous avions décidé de voir laquelle tiendrait le plus longtemps avant de s’endormir. Le calme de la nuit enveloppait la maison. Prudence et Sylvain étaient déjà aulit.

Hortense et moi, nous étions assises devant notre portail, nos cœurs palpitant d’excitation. La nuit étendait son voile étoilé au-dessus de nous et l’obscurité était notre alliée dans ce défi téméraire.

Désiré, notre grand frère, avait un côté pervers. Il aimait de temps en temps s’amuser à se glisser dans les habits blancs de Prudence. Ces tenues étaient spéciales, car Prudence les portait lors du défilé du 20 mai, la fête nationale au Cameroun.

Assises là, Hortense et moi partagions des histoires, des secrets et des rires complices. La nuit semblait interminable, mais nous étions déterminées à rester éveillées.

À une époque, la nuit à Douala était imprégnée d’une obscurité profonde. L’électricité était rare, en particulier les lampadaires extérieurs. Se déplacer dans les rues se faisait dans un monde d’ombres et de mystères, éclairé seulement par des torches. C’est donc dans ce cadre sombre et indéfinissable que nous avons vécu une étrange expérience.

Trois amis de Désiré sont passés dans notre rue. C’était une de ces nuits où les ténèbres semblaient épaisses. Ils nous ont averties de la présence de quelqu’un derrière nous. En nous retournant, nous avons distingué une silhouette vêtue entièrement de blanc. Pensant qu’il s’agissait de Désiré, ils lui ont dit de cesser de nous embêter, croyant à une mauvaise blague.

Cependant, il n’y eut aucune réponse de la part de la silhouette blanche, qui demeurait silencieuse et immobile. Intrigués et inquiets, les amis de Désiré ont pointé leurs torches en direction de cette mystérieuse présence. À cet instant, nous avons vu la silhouette se retourner lentement, ses longs cheveux traînant au sol, puis, de manière tout aussi mystérieuse, elle a disparu tandis que nous nous approchions.

Cette scène énigmatique et effrayante s’est déroulée dans l’obscurité de la nuit de Douala, laissant derrière elle un sentiment d’incompréhension et de mystère. Les ombres et les lumières vacillantes des torches ont créé une atmosphère sinistre, où l’inconnu et le surnaturel semblaient se mêler dans un moment inoubliable.

Chapitre 6

En posant mes souvenirs dans ces pages, j’ai l’impression de vous raconter un film de zombis que j’aurais vu la veille. S’il n’y avait pas eu autant de témoins, je croirais aujourd’hui à une hallucination ou à un rêve. Je me dirais déborder d’imagination. Hélas non, ce n’était pas du cinéma, mais bien concret.

Après avoir été confrontés à l’apparition de cette mystérieuse entité dans notre maison et n’ayant pas de téléphones portables pour prévenir notre papa, nous avons donc réveillé Prudence et Sylvain qui dormaient à l’intérieur, puis nous sommes restés dehors, derrière la barrière, avec les amis de Désiré, pour attendre le retour de notrepère.

À son arrivée, nous lui avons expliqué ce que nous venions de vivre. Mon papa semblait préoccupé. Il nous a demandé de le suivre à l’intérieur. Dès que nous avons franchi le seuil, une atmosphère glaciale m’a enveloppée, me faisant frissonner. Une étrange frayeur et un profond effroi se sont emparés de moi alors que mes poils se sont dressés. Pourtant, malgré ce sentiment de terreur palpable, nous n’avions d’autre choix que de passer la nuit dans cette maison désormais entourée d’une aura d’horreur indescriptible.

Quelques semaines avant cet événement, il y avait déjà eu deux épisodes étranges. Un chat récemment mort avait été découvert devant notre porte. On a pris soin de le jeter, mais le lendemain, le même chat, cette fois-ci pourri et grouillant d’asticots, était à nouveau sur notre seuil. La dégradation de l’état de l’animal était fort improbable en seulement une journée.

Quand notre maman est rentrée le lendemain, dimanche, nous lui avons relaté ce qui s’était passé. Dès le jour suivant, elle nous a emmenés chez un marabout. Je ne saurais vous dire ce que ce dernier lui a raconté, mais il a ensuite travaillé sur nous avec des blindages. De la tête aux pieds, il nous a incisés jusqu’au sang avec une lame pour ensuite frotter un mélange de produits dont lui seul connaissait la composition. Il nous a ensuite lavés avec des mixtures trempées dans l’eau et a tué une poule au-dessus de nos têtes. La façon dont elle mourait était censée déterminer le degré de l’impact de la sorcellerie surnous.

Nous vivions une situation terrifiante, confrontés à des événements inexplicables et angoissants, mais sans la moindre explication rationnelle ou le moindre réconfort physique. Chacun d’entre nous devait faire face à ses propres peurs psychologiques, seul avec ses pensées troublantes. Il n’y avait pas de refuge pour apaiser nos craintes et il fallait puiser en nous-mêmes la force de surmonter cette épreuve sans précédent.

La nuit semblait interminable et l’obscurité pesait sur nos âmes. Malheureusement pour nous, il n’y avait que ça à l’époque : des nuits noires, sans électricité. C’était à chacun de trouver en lui-même le réconfort nécessaire pour affronter l’inconnu. L’effroi, les questionnements et l’insécurité rythmaient nos vies. Le pire, c’était l’absence de dialogue, ce silence implacable qui me dévorait tout doucement. Ce mutisme était quelque chose de normal en Afrique, commun à la plupart des familles.

Cela ne serait que le début d’une série de faits mystérieux et mystiques qui allaient laisser une empreinte indélébile sur nos vies, tant durant notre enfance que dans notre vie d’adulte. Les événements surnaturels qui se sont déroulés cette nuit-là ont déclenché une chaîne d’événements dont les conséquences allaient se révéler inéluctables. Ces expériences mystérieuses allaient continuer à hanter nos pensées et à façonner notre perception du monde, laissant une empreinte profonde et durable sur notre existence.

Ma mère nous a ensuite accompagnés chez une de ses copines, car elle ne voulait pas que nous dormions une nuit de plus dans cette maison de l’horreur. Quelques semaines plus tard, nous avons déménagé dans l’urgence, à environ trois kilomètres de l’ancienne maison, dans un modeste appartement avec deux chambres, bien plus petit que le précédent et avec une cour commune.

Chapitre 7

Ma mère tomba gravement malade et c’est à cette époque que j’ai commencé à mesurer l’ampleur de l’amour que je lui portais. À l’hôpital, les médecins n’arrivaient pas à savoir de quoi elle souffrait. Désespérée en se rendant compte que l’hôpital ne parvenait pas à la guérir, ma maman a dû se résoudre, sur le conseil des médecins, à retourner au village pour se faire soigner à l’indigène, c’est-à-dire par voie divine. Et elle retrouva la santé.

Une nuit, durant le séjour de ma maman au village, Désiré a essayé d’abuser sexuellement de Prudence. Papa fut alerté par ses cris et il vint à sa rescousse, infligeant un châtiment corporel à Désiré. Puis, comme à chaque fois, ce fut le silence. Un silence terrible. Personne ne parlait des agissements de mon frère.

Au retour de notre mère, une nouvelle étape de notre vie a commencé. Cette fois-ci, nous avons déménagé dans un autre quartier, laissant derrière nous notre ancien appartement pour une plus grande demeure avec trois chambres. La particularité de cette maison était une salle très spacieuse d’environ 120 m2, ou peut-être même plus, mais qui ne possédait aucune ouverture sur l’extérieur. Cette salle allait devenir notre réduit, un espace où nous entreposions nos provisions de nourriture et nos réserves d’eau potable. Ce déménagement a également été l’opportunité d’un renouveau dans notre vie. Le voisinage était accueillant et bienveillant, ce qui nous a donné le sentiment d’appartenir à une communauté chaleureuse.

La perspective de vivre dans cette grande maison, avec suffisamment d’espace pour chacun d’entre nous, était un changement bienvenu offrant des possibilités et des défis nouveaux à notre famille. Le réduit était une pièce exceptionnellement sombre, de jour comme de nuit. Pour ajouter à la difficulté, l’interrupteur était situé à quelques mètres de la porte, ce qui signifiait que l’on devait pénétrer dans cette obscurité épaisse avant de pouvoir accéder à la lumière, qui était une denrée rare dans notre vie, car les coupures d’électricité étaient fréquentes, rendant chaque instant de luminosité précieux. La simple présence de lumière était une source dejoie.

La tâche récurrente pour Hortense et moi consistait à entrer dans cette pièce sombre pour aller chercher de l’eau pour nos aînésqui nous y envoyaient à plusieurs reprises chaque jour. L’angoisse nous serrait la gorge à chaque fois que nous entrions dans cet endroit obscur, en particulier après l’expérience récente qui nous avait profondément marquées. Cette peur était plus spécifiquement la mienne. Certains sujets étant tabous en Afrique, nous n’avions jamais discuté de l’entité que nous avions aperçue. Je ne savais pas comment Hortense avait vécu cette expérience, nous n’en avions jamais parlé et gardions nos émotions pour nous-mêmes.

Le réduit était devenu un lieu chargé d’appréhension où l’on devait surmonter nos peurs à chaque fois que nous y entrions en quête d’eau ou d’autres denrées. C’était une situation complexe, elle mélangeait l’obscurité littérale et l’appréhension de l’inconnu, tout en étant liée à la réalité de notre vie quotidienne.

Chapitre 8

Cette nuit-là, Désiré m’a demandé d’aller lui chercher de l’eau, une tâche que j’accomplissais donc souvent, mais la peur me submergeait à chaque fois. Le ventre noué, je suis entrée dans la pièce qui, comme à l’accoutumée, était plongée dans une obscurité profonde. Au fond, loin de là où je me trouvais, j’ai remarqué une silhouette vêtue entièrement de blanc se tenant à côté d’un fût que nous utilisions pour stocker des choses.

L’effroi m’a figée sur place. Je ne peux pas dire combien de temps je suis restée là, immobile devant la porte, car même aujourd’hui les souvenirs de cette nuit restent flous et troublants. Je ne me souviens pas de ce qui s’est passé après avoir vu cette silhouette. Mon esprit a comme effacé cette partie de ma mémoire, laissant un vide. Compte tenu des règles strictes de notre maison et des sanctions en cas de désobéissance, ma seule certitude est que j’ai probablement été malgré tout chercher l’eau pour Désiré.

Cet événement a été un secret gardé pendant de nombreuses années. Je n’ai osé en parler que bien des années plus tard. Même aujourd’hui, des questions subsistent. Comment ai-je pu distinguer quoi que ce soit dans cette pièce plongée dans une obscurité totale, d’autant plus à cette distance ? La visibilité était si réduite que même un objet blanc aurait dû être presque impossible à discerner. Cette expérience énigmatique a laissé des questions en suspens. Cette nuit reste présente dans ma mémoire marquée par la peur, le mystère, le doute et le silence qui l’ont entourée.

Vous vous demandez certainement pourquoi j’ai gardé le silence. Cette question reste aussi sans réponse, car je ne peux moi-même en identifier les raisons. En revanche, une chose est certaine, les visites répétées chez les marabouts censés apporter des éclaircissements et nous protéger se révélaient tout aussi troublantes et perturbantes que les événements mystiques et mystérieux qui nous avaient affectés. Les marabouts n’ont fait qu’ajouter à notre confusion et à notre perplexité, créant un voile d’incertitude encore plus épais autour de ces expériences.

Pourquoi étions-nous confrontés de si près au monde spirituel et obscur ? Pourquoi rien ne m’était-il arrivé après cette apparition ? Était-ce ma peur ou mon psychisme qui avait provoqué cette vision ou était-elle réelle ? Autant de questions sans réponse qui m’ont toujours suivie jusqu’à aujourd’hui. Ce qui est sûr, c’est que cette fois-ci, je n’avais pas de témoin pour confirmer ce que mes yeux avaientvu.

Chapitre 9

À cette période, je fis la rencontre de cousins de notre papa qui ont séjourné chez nous. Je me souviens surtout de Jules et de Blaise. Blaise, parce qu’il aura un impact direct dans notre vie. Quant à Jules, je me remémore un événement particulier.