Enquête à Pontaillac - Olivier Merbau - E-Book

Enquête à Pontaillac E-Book

Olivier Merbau

0,0

Beschreibung

Été 1908. Hercule Poirot vient à Royan à la demande du directeur d’un palace pour élucider le mystère d’une série de vols qui ont eu lieu dans l’hôtel. Il opère à sa façon habituelle, ses célèbres « petites cellules grises » vérifiant systématiquement les informations qu’il reçoit. Les vols continuent cependant malgré sa surveillance et son enquête piétine bien que ses soupçons se resserrent assez vite sur quelques clients. Une petite machination grâce à la participation d’un couple de victimes permet au final de confondre enfin le coupable, et Corto Maltese permet de retrouver le butin. Raspoutine, inséparable compagnon de Corto, intervient in extremis pour maîtriser le délinquant, un jeune artiste peintre opportuniste dont le nom surprendra le lecteur, qui abandonnera d’ailleurs la peinture quelques années plus tard.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Olivier Merbau, né en 1959, est un écrivain, skipper de voiliers et navigateur français, auteur de romans et traducteur d’auteurs maritimes anglo-saxons. Capitaine de marine marchande, il a effectué 34 traversées de l’atlantique nord sur toutes sortes de voiliers. Il est membre de la Société des Explorateurs Français et de la Société des Gens de Lettre.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 124

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Enquête à pontaillac

© 2024 – – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

www.gesteditions.com

À Sir Gary Horlacher, sans qui ce livre n’aurait pu être écrit

Chapitre 1-

Le petit homme à l’air vif et à la moustache soigneusement cirée en guidon de vélo pénétra dans le hall du Golf-Hôtel de Pontaillac d’une démarche particulièrement décidée. Derrière lui, deux chasseurs, pantalon et petit cardigan rouge à brandebourgs dorés, toque rouge, chargèrent une malle volumineuse et deux valises de cuir fauve pour aller les déposer à côté des ascenseurs. Il se dirigea droit vers la réception où le préposé, avec force courbettes et sous le regard étonné de quelques autres clients présents dans le hall, l’introduisit immédiatement et avec une déférence notoire dans un couloir spacieux dont le tapis rouge menait à une haute porte de cuir estampillée d’une plaque dorée marquée « Direction ». Il fut immédiatement introduit auprès d’un géant brun bien portant dans la force de l’âge, à qui sa chevelure fournie où commençaient à se discerner quelques reflets argentés et sa barbe en carré contribuaient à donner un air de rigueur et d’autorité réfléchie.

— Ah, vous voici enfin ! s’écria-t-il en voyant avancer son visiteur. Vous ne pouvez pas vous imaginer avec quelle impatience je vous attendais ! Deux semaines que mon télégramme est parti ! Et la situation n’a fait qu’empirer ! Mais installez-vous, désirez-vous un rafraîchissement ?

Le contraste entre l’aspect imposant de l’homme et sa voix fluette d’adolescent boutonneux malgré l’accent gascon n’avait pas dû aider à la sérénité d’une jeunesse désormais lointaine. Son interlocuteur toussota et se carra sans façon dans l’un des profonds fauteuils de cuir sombre disposés en un salon privatif devant les hautes portes-fenêtres qui donnaient sur un jardin soigné, illuminées par le soleil couchant.

— Mon cher ami, votre télégramme a transité par Londres et Dublin avant de revenir à Bruxelles, d’où il m’a été réexpédié à Trieste. Mais vous n’étiez pas très disert, expliquez-moi donc ce qui se passe au Golf-Hôtel !

— Ah, c’est inexplicable mon ami, tout bonnement inexplicable !

Le géant s’anima soudain, levant ses bras au ciel et agitant ses mains comme une marionnette désarticulée, sa voix de fausset partant dans des aigus de castrat.

— Figurez-vous que toute une série de disparitions inexplicables ont eu lieu depuis quelque temps !

Il courut soudain vers sa porte pour l’ouvrir brusquement comme s’il soupçonnait quelqu’un d’écouter, puis renouvela l’opération aux portes- fenêtres de sa terrasse privée qui donnait sur les jardins de l’établissement.

— Des disparitions, dites-vous ? Quelles ? De personnes ou de biens ?

— Mais des vols, voyons, des vols ! Cela me rend fou, voyez-vous ! Imaginez-vous un instant : des vols au Golf-Hôtel ! Il n’y en a jamais eu depuis la création de la ville en 1836 ! Si le fait venait à s’ébruiter, c’en serait fini de notre réputation et ces gueux d’Arcachon et de Biarritz pourraient ricaner tout à leur aise !

— Donc mes petites cellules grises déduisent de vos propos que vous n’avez pas fait appel à la police et que les dédommagements que vous avez versés à vos clients pour obtenir leur silence en plus de couvrir leurs préjudices sont en train de vous mettre sur la paille. Puis-je seulement vous rappeler, mon cher ami, que nous n’intervenons financièrement qu’à la condition expresse d’une démarche judiciaire officielle auprès des autorités compétentes ? Vous connaissez l’article 4, alinéa 2, de votre contrat comme moi et…

— Mon cher Poirot, l’interrompit le directeur, je le connais parfaitement, comme vous venez si bien de le rappeler. Vous savez cependant qu’une démarche officielle serait obligatoirement publique, et les conséquences en seraient si fâcheuses qu’elle est tout bonnement impossible. C’est pourquoi j’ai prié la compagnie de pouvoir faire appel à vous à titre… privé et… amical, si je puis dire, hors contrat en quelque sorte, et à titre exceptionnel, ces messieurs du Conseil ont eu la bonté de répondre à ce vœu. Vos émoluments ne vous seront donc pas réglés par la compagnie mais directement par moi-même, et je vous prie de bien vouloir m’indiquer dès maintenant la somme qui vous paraît nécessaire pour entreprendre votre enquête avec célérité, je vous la réglerai sur-le-champ ! Mais je vous supplie de nous aider à résoudre ce mystère ! Vous seul pouvez y parvenir ! Tout ce qui s’est passé est tout bonnement incroyable, impossible, inexplicable, inimaginable !

— Allons, allons, calmez-vous ! Racontez-moi plutôt…

Chapitre 2

Hercule Poirot, costume de lin couleur crème, le gilet de daim barré d’une chaîne de montre en argent, chemise de soie immaculée et cravate aux couleurs de son club londonien, pénétra dans la salle à manger pour prendre son petit-déjeuner.

— Ah ! Bonjour Monsieur, quel plaisir de vous revoir ! le salua le vieux maître d’hôtel aux favoris blancs d’une autre époque.

— Bonjour Geoffrey, toujours vaillant et toujours à la tâche, je vois ? répliqua Poirot.

— Oh, Monsieur sait bien que je ne m’arrêterai jamais… Installez-vous. Je vais vous faire servir par… voyons… par Titouan ! C’est le plus dégourdi de nos apprentis cette saison, encore un peu gauche et parfois une pointe d’humour déplacé, mais malin comme un singe et il n’a pas les yeux dans sa poche ! Ni sa langue d’ailleurs, il vous racontera tous les potins de la station. Je n’ai même pas idée de comment il fait pour savoir tout ce qui se passe ! J’espère que vous l’apprécierez, et je suis certain de votre indulgence à son égard. Mais permettez-moi de vous conseiller de prendre des œufs ce matin : ils sont tout frais pondus, je les ai ramenés moi-même de la ferme de ma voisine à Saint-Palais.

Poirot jaugea d’un coup d’œil le grand jeune homme blond bien bâti qui se tenait respectueusement derrière le maître d’hôtel.

— Eh bien, jeune homme, renseignez-moi donc ! lui dit-il avec un sourire.

— Euh… que désirez-vous savoir, Monsieur ? répondit le jeune serveur rougissant qui jeta un coup d’œil interrogatif à son supérieur.

— Vous devez dire à M. Poirot tout ce que vous voyez et entendez, fit celui-ci à voix basse, M. le directeur y tient beaucoup.

— Votre directeur est bien bon à mon égard, mais je ne veux rien savoir de bien compliqué ni confidentiel. Pour l’instant du moins. Parlez-moi un peu des clients… J’entends parler une langue étrange à la table d’à côté, qui sont ces gens ?

— Le comte et la comtesse Audden, dit le jeune serveur à mi-voix en versant le thé, ils sont suédois. Les jumeaux sont leurs petits-enfants. Ils ont dîné avec le préfet l’autre soir, je suppose qu’ils doivent être dans la politique dans leur pays… Ils ont amené par le train un petit voilier qui est dans le port, uniquement pour que les garçons puissent s’amuser, vous vous rendez compte ? Un bateau à Royan par le train !

— Ah oui, j’ai entraperçu des mâts au-dessus des toits en venant de la gare, ce n’est pas celui-ci donc ?

— Oh non, ceux-ci sont ceux du grand trois-mâts de Mlle Hériot ! C’est celle qui est en tenue de tennis entre les deux fenêtres de l’autre côté de la salle, celle de gauche, l’autre est l’une de ses amies. Elles sont descendues ici pour quelques jours car le bateau est en panne, d’après ce qui se dit sur le port.

— Elle a un bateau en étant aussi jeune ?

— C’est celui de Mme Hériot mère, pas le sien, mais il se dit que c’est elle qui commande quand elle est à bord !

— Ah, je vois. Il y a donc de l’argent dans la famille. Et la grande table où il n’y a que des messieurs ?

— C’est le prince Mourousi et ses… heu… je ne sais pas trop comment les qualifier… ses amis ? Il paraît que leur conduite les a fait jeter dehors à Nice comme à Monte-Carlo, pourtant le prince est très riche ! Il m’a proposé un pourboire fabuleux pour que je… que je passe un moment avec eux… mais j’ai préféré refuser… Je n’ai rien contre ces gens-là bien sûr, mais…, ajouta le jeune homme en rougissant jusqu’aux oreilles, c’était une sacrée somme quand même !

L’air contrit du jeune homme faillit faire pouffer de rire Poirot.

— Vous avez bien fait de refuser. M. le directeur n’aurait certainement pas apprécié une telle inconduite de la part d’un membre du personnel, même pour satisfaire un client aussi riche. J’espère que vous aurez quand même un bon pourboire de la part du prince… Et ce jeune officier solitaire qui se dirige vers la terrasse ? Il est vraiment très jeune d’ailleurs ! Quel âge peut-il bien avoir ?

— Oh, lui, je ne le connais pas. Il n’est pas d’ici et a débarqué il y a peu, mais il est déjà à tu et à toi avec tous les marins du port et les marchands de glace sur la plage ! Il vient manger ici de temps en temps. Il navigue avec un marin très laid qui ne descend jamais à terre et qu’il traite plutôt en ami, toujours d’après ce qui se dit sur les quais, moi je ne l’ai jamais vu. Mais il paraît que quand le capitaine du port est monté à bord, ce matelot l’a fiché à l’eau et l’a menacé d’un revolver qu’il trimbale tout le temps ! C’est un homme horrible qui semble s’amuser à effrayer les gens…

— Ce capitaine porte une boucle d’oreille, c’est surprenant chez un officier ! Comment s’appelle-t-il ?

— Corto Maltese. Il va souvent sur la plage vers la Grande-Côte, l’après-midi, là où les baignassous se mettent tout nu !

— Étrange, vraiment… Et les deux autres messieurs solitaires ?

— Le jeune à côté de la porte, c’est un peintre, prussien ou bavarois, je ne sais pas exactement ; il barbouille de la couleur tous les jours un peu partout sur le front de mer, mais c’est assez commun, d’après ce que j’ai entendu dire par des gens qui s’y connaissent en peinture, parce que moi…

— Peut-être le talent lui viendra-t-il avec l’expérience, rien n’est jamais acquis, il faut du temps et de la pratique, en art comme en toutes choses. Dites-moi qui est l’autre et apportez-moi quelques toasts supplémentaires s’il vous plaît.

— C’est un écrivain, il s’appelle Marcel Proust. Il est venu prendre des bains de mer car il est malade et…

— Ah ! C’est donc lui ! Je le connais de réputation. Un très grand écrivain, l’un des meilleurs de la génération actuelle ! Un talent des plus prometteurs !… Mais qui voici donc ? Mon cher ami, asseyez-vous à ma table ! Titouan, amenez donc un café à M. Trichet ! Eh bien mon cher, je pensais bien vous trouver par ici un jour ou l’autre !

L’homme qui venait de franchir le seuil et se trouver ainsi apostrophé s’avança avec un grand sourire. François Trichet était l’historien de la ville et des environs dont il connaissait tout, le passé comme le présent, une gloire locale qui se tenait au fait de toutes les anecdotes de la vie des habitants permanents comme de celles des estivants qui venaient prendre les bains de mer dans leurs villas de vacances sur la Côte de Beauté. Les deux hommes se serrèrent chaleureusement la main.

— Monsieur Poirot, quel bon vent vous amène à Pontaillac ? Une nouvelle enquête en perspective ?

Chapitre 3

Le lendemain, Hercule Poirot sortit de la grande poste de Royan où il avait reçu du secrétariat de la compagnie un long télégramme d’apparence anodine. La réponse aux renseignements qu’il avait demandés sur les personnes citées par le jeune Titouan lui était parvenue exceptionnellement vite, essentiellement parce que la compagnie ne savait pas grand-chose les concernant. Il décida de rentrer au Golf-Hôtel en suivant le front de mer et passa devant l’anse fermée d’une jetée de pierre qui constituait le port de la station balnéaire. Quelques bateaux de pêche faisaient sécher leurs filets, des filadières mettaient à la voile pour s’éloigner lentement vers le banc de Saint-Georges ou l’estuaire. Les passagers du bac à vapeur et à roues à aubes embarquaient, à l’extrémité de l’estacade à laquelle était amarré également un beau yacht noir à trois mâts, sans doute celui dépeint au détective comme appartenant à Mme Hériot, propriétaire des Grands Magasins du Louvre, rue de Rivoli à Paris, et familière des tables les plus prestigieuses et des palais des têtes couronnées de toute l’Europe. Des matelots s’activaient à des travaux d’entretien et de vernis pendant que des hommes en bleus semblaient travailler sur une mécanique. Le bateau respirait le luxe et le train de vie de la classe la plus huppée de la population. Poirot ralentit et observa l’agitation du bord, puis continua le long du quai. Un voilier de tonnage beaucoup plus modeste, beige et gréé à deux mâts, était au mouillage à quelques mètres de la jetée, une simple amarre et une planche en guise de passerelle le retenant au quai. Il était très différent des bateaux du cru : très large, son étrave verticale supportait un beaupré horizontal, ses flancs faisaient des angles vifs à la flottaison, il avait deux gouvernails à l’arrière, ses mâts trapus étaient peints en blanc, et la cabine occupait presque toute la longueur du pont. Une tente sur l’arrière ombrageait un hamac d’où dépassait négligemment une jambe noiraude, sans qu’on puisse discerner si c’était sa couleur naturelle ou celle d’un vêtement. Une petite musique lancinante s’en échappait dans la brise, cordes pincées au son cristallin qui n’était ni celui d’une mandoline, ni celui d’une guitare. Hercule Poirot essaya de voir qui pouvait bien être le musicien, mais le contraste entre la lumière vive et l’ombre dans laquelle se trouvait celui-ci ne lui permit pas d’en savoir plus. En se retournant, il vit le capitaine aperçu à l’hôtel avancer nonchalamment sur la jetée, discutant avec les jumeaux blonds comme les blés de la famille Audden qui semblaient passablement excités. Le jeune officier semblait amusé par leurs propos et les aida à embarquer dans un minuscule et joli voilier bleu sombre fin comme une épée, dans lequel ils ne pouvaient plus bouger une fois assis. Ils hissèrent la voile et leur mentor largua les amarres. Le temps de dire « ouf » et ils furent un point sur l’horizon de l’estuaire, suivis des regards éberlués de nombre de marins locaux qui, visiblement, n’en revenaient pas de la rapidité de leur embarcation et de la facilité de manœuvre qu’elle permettait.

— Extraordinaire ! fit à tout hasard Poirot qui s’était approché du jeune marin.

— N’est-ce pas ? fit celui-ci. Ces skerrys