Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Au fil du temps, les Monts du Forez sont le théâtre de faits divers inquiétants. Des morts sont inexpliquées, une disparition donne du fil à retordre aux enquêteurs avant qu'un meurtre sordide ne bouleverse la population. Les dossiers n'avancent pas et certains sont clos prématurément. Les familles s'unissent pour montrer leur désaccord et faire face à l'immobilisme de la justice. La presse participe à la démarche. Les paroisses font corps avec ces malheureux. Une messe de requiem sera l'occasion d'apporter des réponses aux énigmes.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 269
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Homo homini lupus
« Si je préfère les chats aux chiens, c’est parce qu’il n’y a
pas de chats policiers »
Jean Cocteau
Avant-propos
Le temps des airelles
Le temps de la nouveauté
Le temps du bel âge
Le temps maudit de l’hiver
Le temps de l’attente
Le temps du sauvetage
Le temps n’en fait qu’à sa tête
Le temps abominable
Le temps des terribles surprises
Le temps de l’incompréhension
Le temps de l’horreur
Le temps de diverses pistes
Le temps des souvenirs
Retour sur le temps des mauvais jours
Le temps de la révolte
Le temps des réactions tardives
Le temps d’une piste inespérée
Le temps du tueur en série
Le temps de la contrition
Le temps du requiem
Le temps d’une infinie tristesse
Le temps efface le temps
En terme de rendez-vous, voici que les Monts du Forez nous convient à une nouvelle balade.
Depuis leur point culminant de Pierre sur haute à 1634 mètres d’altitude, s’étagent les Monts du Forez, séparant Feurs à l’est avec le fleuve Loire de la vallée de la Dore à l’ouest, limités au nord par la Durolle et au sud par la Haute Loire.
Au plan géologique, l'activité volcanique intense du Massif Central, a laissé diverses traces dans le paysage forézien.
On recense 104 affleurements dans la plaine et les monts, avec des pics et des orgues basaltiques comme à Palogneux.
Au début du 20ème siècle, avec la création de nombreuses routes, les besoins en matière première augmentent.
Pour y répondre, certains pics sont exploités et des carrières sont ouvertes alimentant la production de revêtement routier.
Des tourbières sont venues combler des failles sur les sommets. On y trouve des plantes carnivores dont la droséra.
Sur le sol basaltique, on trouve une faune et une flore caractéristiques. Au plan floral on trouve notamment de nombreuses orchidées, mais aussi des narcisses et jonquilles sauvages.
Pour les animaux plus rares, parlons du crapaud sonneur à ventre jaune, de la musaraigne aquatique, du murin de Daubenton espèce de chauve-souris endémique ou encore du grand lézard ocellé, le plus grand lézard d’Europe qui peut atteindre plus de 60 cm de longueur dans les zones plus septentrionales.
Les hauts sommets dénudés des Monts marquent le passage du département du Puy de Dôme à celui de la Loire. Vus de la plaine du Forez, ces monts sont à l'ouest, côté soleil couchant : ils sont donc surnommés « les montagnes du soir ».
Il est une particularité dans les prononciations. Si l’auvergnat sur le flanc ouest va prononcer « forèze », le ligérien sur le flanc est dira « foré ».
Nous sommes dans une zone dont l’activité est essentiellement agricole.
Elle est presque exclusivement dédiée à l’élevage bovin et dans une moindre mesure aux ovins.
La production bovine est aussi bien destinée à la viande qu’au lait.
Le lait produit par le pâturage sur les Hautes Chaumes fournit les fromages AOC que sont la fourme d’Ambert et la fourme de Montbrison. Il existe quelques laiteries artisanales qui élèvent des fourmes fermières dans la région de sauvain.
On élève, dans la zone la plus proche de la vallée, une espèce locale de poules, la « cou nu du Forez ».
Sur la partie orientale, proche de la plaine du Forez, un petit vignoble de 200 hectares produit un A.O.C, les Côtes du Forez.
Elles bénéficient d’une bonne orientation et d’un sol basaltique lui donnant une saveur spécifique.
L’activité sylvicole est aussi très importante, avec l'exploitation de forêts de conifères. Nombreuses sont les scieries.
Venus des monts du Forez, comme par exemple de Sauvain, les scieurs de long partaient « à la scie » de la Saint-Michel à la Saint-Jean vers des climats plus méridionaux comme la montagne de Lure ou bien encore dans le centre de la France et principalement dans la Creuse et la Corrèze.
Des petites fabriques de meubles sont disséminées çà et là, plus encore dans la vallée de la Loire.
A la limite nord du Forez, près de Noirétable, on peut admirer le travail des grenadières, les brodeuses de fils d’or de Cervières. Elles sont installées dans le village médiéval dans leur atelier musée remarquable.
La région dispose d’un savoir-faire artisanal dans le traitement du fer.
La coutellerie est une activité ponctuelle comme la coutellerie artisanale à Sauvain, mais elle est importante dans la capitale du couteau, la ville de Thiers, tout autant que dans la vallée de la Durolle.
Et c’est à Saint Bonnet le Château qu’est installée la spécialité mondialement connue, la boule de pétanque « Obut ».
Le tourisme n’a pas de structures d’accueil importantes et est donc limité.
La station de ski de fond du Haut Forez au col de la Loge est fréquentée mais par des ligériens, auvergnats et lyonnais.
La station de ski alpin de Chalmazel, en moyenne montagne souffre maintenant du manque de neige et les structures d’accueil ont aujourd’hui disparues. La station est fréquentée de la même façon par des ligériens et des lyonnais.
Celle de Prabouré est également une station confidentielle en ski alpin, ski de fond, raquette et luge mais de plus en plus limitée par le manque de neige.
Des gites et chambres d’hôtes se développent partout et complètent le village vacances de Saint Jean la Vêtre au nord de la zone.
Ils sont fréquentés par les vacanciers du printemps et surtout d’été.
Ils ont à leur disposition des espaces de liberté importants, de nombreux chemins de randonnées, avec des zones à grandes concentration de champignons ou plus encore de myrtilles ou framboises sauvages…
Les adeptes de la pêche ont de nombreux parcours de truites à leur disposition.
Il existe de nombreuses piscicultures. Certaines offrent des étangs de pêche sur le flanc ouest comme à Vollore-Montagne dans la pisciculture de la Goutte avec ses deux plans d’eau alimentés par les ruisseaux qui offrent l’eau à tous leurs étangs d’élevage.
C’est dans la vallée que l’on a les sites de pêche à a carpe, principalement dans les étangs disséminés le long de la Loire. Nous y trouvons également un élevage de carpes. Destinées aux grandes tables de la région, les carpes sont aussi à la base d’un commerce de diversification : fabrique de rillettes de carpes, de soupe de carpes du Forez…
Et puisque l’on parle des grandes tables de la région, il nous faut mentionner que cette année, au guide Michelin, nous avons un restaurant 3 étoiles avec le Bois sans feuilles des Troisgros à Ouches ainsi que cinq autres ayant 1 étoile dans la Loire.
Quelques musées intéressants sont à découvrir : celui de Sauvain consacré à la fourme et aux traditions populaires, celui de la vigne à Boën sur Lignon, celui d’Usson en Forez et d’autres en périphérie comme Montbrison, Feurs, Saint Germain Laval ou le musée des civilisations à Saint Just Saint Rambert…
Un joyau est à découvrir dans la vallée à quelques kilomètres de Boën sur Lignon : le château de la Bâtie d’Urfé.
Des vestiges de châteaux forts subsistent ici ou là dans le Forez, comme les cornes d’Urfé à Champoly, Couzan à Sail sous Couzan…
Des villages fortifiés méritent une visite comme L’Hôpital sous Rochefort ou bien encore Cervières…
Au plan des axes de circulation, les Monts sont percés entre Loire et Puy de Dôme par essentiellement 8 cols. Du nord au sud, le Col de Cervières, le Col de la Loge, le Col du Béal, le Col des Supeyres, le Col du Baracuchet et les cols des Limites et de La Croix de l’Homme Mort sur la route d’Ambert.
Voici donc brossé en quelques lignes la région qui va vous accueillir pour cet horrible fait divers que je vais vous conter.
Il vous faudra voyager avec moi, depuis les combes et vallées jusqu’aux sommets, dans les chemins creux, dans les ruisseaux forts nombreux ici.
Certains ont par le passé été utilisés comme force motrice pour les moulins soit à huile soit à bois.
Vous pourrez faire une halte pour vous désaltérer avec une eau minérale locale, la Parot, avec une des nombreuses bières des brasseries du pays, ou encore déguster des spécialités comme le patia 1, la fourme, le sarrasson 2, le sac bardin 3, une salade barabans 4 et bien d’autres…
La nouveauté dans la plaine est celle d’un éleveur de carpes qui commercialise les rillettes de carpes et la soupe de poissons à base des pêches des étangs du Forez.
1 Patia : plat de pommes de terre « noyées » dans la crème fraîche et ayant mijoté des heures
2 Sarrasson : préparation fromagère tirée originellement du babeurre. Elle est légèrement acidulée et ressemble à un fromage blanc battu.
3 Sac bardin : spécialité charcutière mélange de viande de porc, d'abats de porc (gorge, cœur, langue, panse...) et de vin des Côtes du Forez
4 Barabans : pissenlits
Saint Georges en Couzan, le 15 août 2011.
L’été darde ses rayons chauds sur le village. Saint Georges en Couzan est bien un peu endormi en cette journée mariale.
Dans le bourg, dans la dernière maison sur la route du Mazet, par contre il y a de l’effervescence.
C’est la maison de Jean Coupeau et de sa femme Aglaé. Jean est un des membres des équipes techniques de la mairie. Il est camionneur et on le voit souvent sur les chemins.
L’été ce sont les travaux d’entretien, l’automne, les préparations des bas-côtés et des fossés avant la mauvaise saison, l’hiver ce sont les vacations incessantes pour déneiger et répandre le gravier. Il y a les travaux d’élagages, les travaux de remise en état après les morsures et dégâts occasionnés par le gel de l’hiver.
Jean a rendez-vous avec ses collègues de la mairie pour une manifestation qui doit se tenir vers 11 h 30 dans la salle de la mairie.
Une partie de la population y sera présente. Jean s’en réjouit à l’avance.
Sa femme est à la cuisine et c’est le lieu agité en ce matin.
Aglaé y travaille avec Fanette, leur unique enfant, jeune donzelle qui fête ses 20 ans le 24 août prochain.
Elles ont décidé de faire des desserts aux myrtilles pour cet anniversaire.
Fanette est aidée de sa jeune voisine Amélie.
Les deux jeunes femmes ont passé leur mercredi et la soirée du jeudi à ramasser des myrtilles.
Amélie est employée à l’école maternelle comme Atsem. Elle habite la maison en face de celle des Coupeau.
Fanette est employée comme aide-soignante à la maison de retraite « Au gré du temps », à Sail sous Couzan. Elle a été de garde le week-end précédent et bénéficie de 3 jours de repos. Elle devra donc être sur le pont le 16 août, mais d’ici là le travail ne manque pas.
Et quand je dis que les femmes ont ramassé des myrtilles, soyons clair : la récolte fut bien belle. Cette année les fruits sont gros, très nombreux et bien sucrés. Ce sera un régal.
Le plan de travail est de nettoyer en premier lieu ces deux cageots de myrtilles. Puis une partie sera transformée en confiture une autre partie en gelée, le péché mignon du père, Jean, d’autres seront congelées pour le 14 octobre et les moments festifs du la suite de l’année.
Aglaé va ensuite travailler un coulis qui sera mis en conserve pour les fêtes, et elles vont être nombreuses cette année.
Et comme il reste encore pas mal de fruits, ne gâchons pas. Il y a de quoi faire une tarte et un pâté… Pour la soirée du 15 août, c’est idéal….
Pendant ce temps, Fanette va travailler deux pâtes.
Elle fera une spécialité locale, le pâté aux airelles. En fait son ami Gertrude qui tient la boulangerie « L’amie du Forez » à Chalmazel est une pro du pâté aux myrtilles. Alors Fanette n’a pas eu à chercher beaucoup pour avoir de bons conseils…
Et elle préparera une grande tarte. Avec un reste de son fond, elle travaillera des lanières qu’elle posera en croisillon sur les fruits.
Allez, maintenant au travail….
Fanette pense à Joan sur lequel elle compte bien pour cet après-midi aller à la fête.
Ils se sont rencontrés au bal country de Boën sur Lignon début mars dernier. Le garçon avec ses airs gentils et son sourire fondant, a été pour elle un coup de foudre, et d’ailleurs bien réciproque.
Le garçon, Jojo comme elle l’appelle de son petit nom d’amour, est employé à la « Biscuiterie de la plaine » à Boën sur Lignon.
Il n’est guère plus vieux qu’elle, et habite, dans la vallée de la Loire, à Marcoux, dans une maison qu’il retape.
Il s’agit de la maison de ses grands-parents paternels, les Desloges.
Les fiançailles devraient être arrêtées avec ses parents justement ce jour d’anniversaire. Les tourtereaux aimeraient que ce soit le 24 novembre prochain et que le mariage soit célébré l’an prochain après Pâques…
En attendant, il ne faut pas que l’esprit divague et au contraire, les tâches sont nombreuses. d’autant que si Fanette veut aller faire un tour avec ses parents à la fête des airelles à Sauvain cet après-midi, il ne faut pas tarder !
A Sauvain, la restauratrice Sonia Arraya prépare le rapide repas de midi avant que les convives ne se rendent à la fête sur le champ communal.
Elle a prévu du simple, du local et du meilleur ! Salade de barabans, patia et sac bardin, fourme et comme dessert, une surprise : une omelette aux myrtilles !
A Chalmazel, à la boulangerie, Gertrude Moureau, est levée avec son mari depuis longtemps. Il en faut des pâtés et tartes pour alimenter la population habituellement cliente de la boutique, mais encore plus pour le stand qui ouvre à midi sur le site des festivités. On y trouvera des sandwiches, des pâtisseries toutes à base de myrtilles : tartelettes et pâtés…
A Sauvain, le prêtre de la paroisse est aux anges. Il va vivre comme chaque année un grand moment en célébrant la messe des airelles, en extérieur.
Et dans le village, il est un lieu qui chauffe depuis ce matin. J’y suis allé boire un café pour me tremper dans l‘ambiance en arrivant.
Là encore on prépare des sandwiches, et pas n’importe lesquels, ceux de Micheline Lepont, la patronne.
Ils sont connus dans toute la région. Une belle partie de flûte, du pâté de campagne local, des ronds de tomates, des cornichons, un zeste de mayonnaise pour attendrir la mie… Là encore ils seront servis sur le site de la fête avec quelques verres de vin ou des bières.
Dans la salle, deux hommes sont attablés devant un verre de rouge. Les deux ballons sont bien avancés. Quand je salue en entrant, je suis reçu par un joyeux :
« Salut m’sieur l’écriveur ! ».
C’est l’instituteur retraité qui m’accueille en premier. Il faut dire que je suis déjà venu plusieurs fois le voir pour que l’on échange sur les histoires et anecdotes locales.
A la suite de cela j’ai écrit deux bouquins qui se vendent bien ici.
Et cela alimente mon travail de journaliste au Progrès, chargé en priorité des faits divers dans la Loire.
« Bonjour m’sieur La Craie. Comment allez-vous bien ce matin pour un maître d’école retraité ? »
Et j’ajoute :
« Bonjour messieurs ».
Le patron Jean répond en même temps que l’autre homme attablé.
Je ne connais pas ce dernier.
La Craie fait les présentations :
« J’vous présente Le Trou, mon copain, ancien fossoyeur d’ici ».
Pendant ce temps, le curé de la paroisse est tout à l’émotion de sa prochaine messe.
Avant de monter à la fête, et de finir de se préparer, il fait un saut au Bistrot Sauvagnard, au moment où je commande mon café. En robe noire, barrette sur la tête, c’est un sacré gaillard dont on ne voit que le sourire dans le visage.
« Bonjour la compagnie ! Mon simba chef s’il vous plait ».
Et aujourd’hui, il est doublement content : il fait beau. Le soleil est là et le temps est calme.
Et c’est à ce moment qu’il prend conscience de la présence d’un inconnu. Il s’adresse à moi et avec un large sourire :
« Je suis le père Anselme, curé de Sauvain. Je viens boire une bière qui ressemble à la boisson traditionnelle de mon pays ».
Une rapide lampée et il continue.
« Je suis né au Bouenza, province du Congo. Je suis venu au séminaire à Lyon et j’ai trouvé qu’un noir au pays de la neige, cela ferait une belle carte postale. Comme disait mon copain wolof, le temps n’est pas du savon, mais il blanchit. Cela fait 18 ans que je suis le curé de la paroisse. Allez santé ! ».
D’un trait il vide son godet et d’un léger coup de barrette soulevée, il salue et sort…
Drôle de phénomène pensais-je…
La température est douce.
Elle m’accompagne quand je monte sur les lieux des festivités.
Elle me surprend quand j’arrive sur place. Venu de la plaine, je m’étais harnaché comme pour affronter le blizzard… Il n’en est rien. Je peux laisser dans la voiture bonnet et écharpe de laine…
Au milieu du site, un dais a été dressé et des tréteaux supportent un plateau : ce sera l’autel.
La boulangère du pays, la mère Riboul et la fille Martin du hameau de Boibieux font les dernières présentations.
Un drap blanc. Un crucifix. Un vase avec des fleurs des montagnes, une boite sur un trépied. Ainsi est créé le tabernacle.
Elles vérifient que tout est bien là-dedans.
D’autant que le père Anselme leur a demandé quelque chose de totalement inhabituel. Il fallait y déposer sans secouer deux ½ verres d’eau avec de la boue au fond.
La tâche terminée, elles se reculent pour se rendre compte du bel effet de leur travail. Elles ont juste le temps de le faire que déjà des chants montent depuis la route d’accès à la prairie.
A l’heure fixée, le curé et ses enfants de chœur, en rang derrière le crucifix, entrent sur les lieux de l’office. Ils sont suivis de quelques fidèles venus les accompagner depuis la sacristie.
Je ne suis jamais venu à cette manifestation, et je suis étonné de voir toute une série de femmes et d’enfants se mettre en rang devant le prêtre.
Ils ont tous posé à leurs pieds un panier en osier, des paniers qui tous regorgent de jolis fruits bleus, oui de belles cueillettes de myrtilles.
Et le curé entame son latin avec accent du Bouenza tout en maniant le goupillon, bénissant ainsi les paniers.
« Ta corbeille et ta huche seront bénies…. Ta corbeille et ta huche… ».
Et chaque propriétaire se signe au moment de sa bénédiction. Mon voisin La Craie anti clérical notoire, ne manque pas une pique :
« Et ils vont croire que c’est leur bon Dieu qui leur a fait faire cette cueillette… Grand bien leur fasse ».
Après la bénédiction, chacun trouve un espace pour mettre ces fruits dans des petites barquettes plastiques.
Elles seront vendues dans l’après-midi, quand les spectateurs reprendront le chemin de leurs pénates, emportant le symbole de la fête qui fera un beau dessert le soir même… accompagné d’une bonne crème fraîche…
Puis c’est la messe. Tout le monde attend avec impatience le ite missa est qui lancera la partie solide de la fête : ripailles, et dégustations…
Mais avant il en est dans l’assistance qui attendent le sermon.
Après que le père Anselme ait bien ouvert son propos, il prend un moment de silence en regardant ses ouailles.
Puis il ouvre le tabernacle et en sort un verre.
« Mes biens sœurs, mes bien chers frères. Voici un verre composé d’une moitié d’eau au fond de laquelle de la boue s’est déposée. C’est une image pour vous dire que ce verre est comme le pharisien ».
« La boue c’est le péché, l’eau au-dessus c’est la vie humaine, manifestement un peu trouble sur un fond de vase ».
« La moitié supérieure est faite de quoi ? De vide répond-on en général ».
Un moment de pause et il reprend.
« Non, non, pas de vide. La science nous enseigne qu’il s’agit d’air et la foi nous dit d’air et de souffle ».
Je le vois sortir un second verre du tabernacle.
« Cet autre verre est en tous points semblables au premier. De la boue au fond, de l’eau trouble au-dessus, de l’eau ensuite et de l’air enfin ».
« Et pourtant tout change. Moi j’y vois la boue de ma vie, je demande miséricorde à Dieu, alors que le pharisien n’a rien vu ».
Il pose sur l’autel les deux verres côte à côte. Oui deux verres semblables avec leur fond boueux et leur eau trouble, égaux sur l’autel.
« Mes chères sœurs, mes chers frères, l’image parle d’elle-même. Nous sommes chacun de nous un peu comme chacun de ces verres. Devant Dieu nous sommes boue, vie et esprit. Dieu voit tout. Il suffit d’être vrai devant lui et regarder lucidement ce qu’il y a en nous. Et surtout il n’y a pas lieu de juger ce qu’il y a dans les autres, car c’est leur affaire ».
Cette partie du sermon sortant de l’ordinaire marque les esprits. Le prêtre continue son office. La ferveur du public semble s’être renforcée.
Est-ce le sermon ou est-ce la proximité des ripailles ?
Et quand la messe touche à sa fin, il surprend tout son monde en s’exclamant :
« S’il fait beau à l’Assomption, beaucoup de vin et du bon ! Ite missa est ! ».
« Deo gratias ».
Ce sera encore plus dur après cette invitation que d’attendre son tour aux stands de dégustation.
Fanette est arrivée pour la fin du sermon, main dans la main avec Jojo. La famille Coupeau est là aussi et salue les connaissances.
Les jeunes du même âge que Fanette et son copain sont regroupés dans un coin, tout à la dégustation des productions de Jean et Micheline.
Jojo en salue un qui habite à Saint Georges et à qui la jeune fille fait une bise sonore sur chaque joue. Les autres jeunes, garçons et filles, viennent essentiellement des trois bourgs de St Georges, Sauvain et Chalmazel.
Bises.
Poignées de main.
Jojo et Fanette s’en éloignent et tout à leur plaisir d’être ensemble, ils font le tour des stands.
L’après-midi est ensuite entamé de manière calme.
Des bancs et des tables sur tréteaux ont été installées par la municipalité. Les Coupeau se regroupent et c’est le repas.
Apéritif avec pastis pour les uns et jus de fruits pour Aglaé et sa fille, puis on déguste le repas froid préparé par Sonia.
On pousse le tout d’une lampée de Côtes du Forez…
Tout va bien.
On peut maintenant se laisser aller à déguster toutes les petites choses sucrées présentées sur place…
Les décibels augmentent puis on reboit et on remange…
« Comme dit Le Trou, faut pas en promettre, faut en donner de Diou ! ».
Et quand vient le moment de se quitter, La Craie me demande :
« Alors Mossieur l’écriveur ? Vous en pensez quoi de not’ fête des airelles ? Vous avez-vu que les gens d’ici savent bien se distraire, largement autant que les gens de la ville ! Çà vous donne pas envie d’écrire un livre tout ça ? ».
« Pourquoi pas mon cher. J’ai passé un excellent moment. Et pourquoi pas bientôt un best-seller sur Dieu et les airelles !!! ».
Le père Anselme vient à nous.
Il a dans les mains les dernières miettes d’une tartelette et en nous regardant, dans un grand sourire, il les jette dans sa bouche puis après avoir croqué il finit son geste par :
« Un grain de riz a toujours tort devant une poule, et une petite miette de gâteau de même devant un africain gourmand !!!! Ha ha ha !! ».
Saint Georges en Couzan, le 15 août 2011.
Et si cette famille est toute à ses préparations et à son calendrier de réjouissance, du côté de la mairie du village, il y aussi bien du mouvement.
Et cette animation n’est pas due qu’à la sortie de la messe mais à une manifestation coorganisée entre le maire et la brigade de gendarmerie du village.
Une page de l’histoire de Saint Georges en Couzan se tourne en ce 15 août. L’adjudant-chef Bony, commandant la brigade, tire sa révérence après tant de belles années à servir le pays et les habitants dont 12 ans passés ici.
L’heure de la retraite a sonné.
Si le rendez-vous est à la salle de la mairie, le chef ou du moins ex-chef, et madame sont arrivés en milieu de matinée.
Deux gendarmes ne sont pas présents. Cizoux et Balin sont de surveillance à Sauvain à la fête.
Le couple Bony est venu depuis son lieu de retraite.
En fin juillet, ils ont déménagé du côté des Estables, dans le pays du Mézenc en Haute Loire, village de naissance de madame Bony.
Ils se sont installés dans la maison du village ayant appartenue aux parents et héritée il y a déjà quelques années par Arlette la femme du chef.
L’air pur du pays du Mézenc et le charme de la Haute Loire n’auront pas fini de les ravir.
C’est un moment tranquille à la brigade, et comme si le pays avait conscience qu’il fallait un moment de pause, tout est calme.
Pas de dossier chaud en instance, pas de problèmes à régler immédiatement, pas d’accident nécessitant le recours à la force publique pour les constations ou la gestion du trafic.
C’est un moment où madame Bony peut papoter tranquillement avec les dames des messieurs mariés de la brigade.
Lolita quant à elle parle avec le retraité. Lolita, Tout le monde appelle ainsi la gendarme Edwige Charbonnier tant elle est fan de la chanteuse Alizée si bien qu’elle fredonne à tout moment la chanson phare de la miss de music-hall.
L’ex-chef est tout à son émotion. Il hume une dernière fois ces bureaux qui ont vu défiler tant de malfaisants ou de plaignants et où il eut bien des fois à accompagner la douleur de certains…
Et il a été accueilli par le nouveau chef de brigade, le lieutenant Jean Pascal Barnot. Il arrive de la brigade de Machecoul, de Loire Atlantique, de Bretagne diront d’autres peu à cheval sur la géographie administrative de la France.
Il est encore célibataire, mais vu qu’il est sacrément bel homme aux yeux bleus, avec l’uniforme en plus, il ne devrait pas rester seul bien longtemps…
Alphonse Bony ne peut s’empêcher de donner un conseil à son successeur…
« Mon lieutenant, vous savez qu’ici vous avez de bien bonnes gens. Bon, on a les poivrots habituels, mais en général des gens droits et travailleurs. Vous n’aurez pas de souci avec eux ».
« J’ai été fort bien accueilli, tant par le maire et ses élus, que par la population. Je suis sûr que l’on fera du bon travail. Mon cher laissez-moi quelques minutes, je dois aller à la salle de la mairie pour régler les derniers détails. A tout à l’heure ».
L’ex-chef se remémore les dossiers et partage une dernière fois ses souvenirs avec le juteux son ancien adjoint.
« Et l’histoire du disparu de Chorsin, hein, elle nous en a fait voir de toutes les couleurs n’est-ce pas ? ».
« Moi ce qui m’a le plus marqué ces dernières années, c’est le meurtre de Sauvain, vous vous souvenez de celui de la couturière » repense l’adjudant Antoine Chevalier.
« C’est vrai que l’histoire était étonnante ».
« Oui surtout le motif du meurtre ! Incroyable et on n’est pas prêt à revoir une telle chose ! ».
Ils sont rejoints par Lolita :
« Alors chef, qu’est-ce que vous faite de vos journées de retraité ? Vous n’avez pas eu de formation pour cela alors comment vous vous débrouillez ? ».
« Je me suis baladé, histoire de me mettre dans ma nouvelle peau ! Et puis j’ai un bout de jardin à entretenir. D’autant que ma femme est une folle des fleurs alors je peux vous dire que je vais en avoir des massifs à retourner, des pieds à arroser, des tailles à faire ! ».
Puis revoilà le lieutenant qui convie tout le monde à la salle de la mairie.
Vient le moment officiel de la cérémonie.
Le lieutenant prend la parole. On sent qu’il est intimidé devant cet aréopage.
« Adjudant-chef, madame Bony, monsieur le maire, monsieur le curé Eymard, madame et messieurs les gendarmes de cette brigade, mesdames et messieurs ».
« Voici donc une page qui se tourne. Comme on dit souvent, la retraite peut paraître difficile car on n’est pas totalement préparé, mais je suis certain Chef Bony que pour vous ce seront de bons et longs moments agréables avec Madame votre épouse ».
« Vous avez fait une carrière exemplaire ».
« Avant les nombreuses années au service de la population de Saint Georges, vous avez servi dans la brigade de Lentilly, et celle de Pradelles juste après l’école de Montluçon ».
« Partout vous avez fait preuve de tact, de fermeté, d’intelligence, et l’on a souvent noté votre capacité à résoudre les énigmes qui vous étaient posées. Vous avez mérité vos citations et décorations. Soyez une fois encore félicité ! ».
On voit le chef un peu gêné aux entournures, se balançant doucement d’un pied sur l’autre, heureux et tout autant confus d’autant de compliments.
« Permettez que je vous fasse un aveu. Je suis un peu ému car c’est la première fois que je tiens un propos pour quelqu’un que j’ai l’impression de chasser… ».
« Je ne veux pas allonger mon propos car on dit que ventre affamé n’a pas d’oreille ».
« Bonne et longue retraite chef Bony et prenez soin de vous ! ».
Applaudissements nourris.
C’est le premier discours du nouveau chef de brigade.
Sa sobriété et son ton sont appréciés des présents. Il reste toutefois un peu guindé. Il faudra qu’il apprenne à se détendre et à blaguer… Car l’humour c’est bon à la fois pour la santé et pour l’uniforme.
Le maire s’avance.
C’est à présent à lui :
« Mon cher Adolphe, chère Arlette, je souhaite vous dire en mon nom et au nom de toute la population, combien nous avons apprécié votre présence parmi nous ».
« Oui mesdames et messieurs, ce fut toujours elle qui se proposait en premier pour rendre service, et quant au chef il était toujours là quand le devoir le demandait, et tous deux affichaient un bonheur que je souhaite à chacun de nous ».
« En tant que maire du village, j’ai apprécié la main de fer dans un gant de velours qui a fait que tous les incidents, tous les accrocs de la vie de tous les jours se sont trouvés atténués et pour leur grand nombre résolus par votre action ».
« Vous avez tissé avec chacun de nous des liens que j’oserais presque de qualifier d’amitié. Pour ce qui me concerne je retiens également le partenaire de bridge que vous êtes… ».
« Même si je me suis toujours demandé comment vous trichiez ! ».
Rires !
« Veuillez cher ami, avec mes félicitations et mes souhaits de bonne retraite, accepter de la part du conseil municipal, la médaille de Saint Georges ».
Il sort un écrin de sa poche et l’offre au retraité bien ému et qui se laisse porter l’accolade…
Ah mais ce n’est pas tous les jours que le chef est ainsi sous les feux de l’actualité.
Il a des yeux légèrement embrumés ce qui n’échappe pas à l’œil attentif de son épouse.
Le chef sort un papier de sa poche et répond à tous ces compliments.
« Mon lieutenant, monsieur le maire, monsieur le curé Eymard, mesdames et messieurs, chers amis. Vous êtes trop bons et je suis ensevelis sous les compliments que je n’ose imaginer mérités ».
« Si je vous disais que ma première rencontre avec l’uniforme ce fut quand j’étais jeune. En vacances quelques temps chez mes grands-parents maternels, j’étais parti seul aux champignons… ».
« Je me suis perdu. J’ai réussi en marchant longtemps à retrouver une route… Ne sachant quel sens prendre, je me suis assis sur la berme. C’est alors que l’estafette bleue de la brigade locale s’est arrêtée à ma hauteur ».
« Tout penaud j’ai avoué m’être perdu. On me ramena à la brigade ».
« L’adjudant présent me proposa d’appeler mes grands-parents ».