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Le village de Sauvain, dans la Loire, se réveille plongé dans un horrible fait divers. Rose, la couturière, a été assassinée. Qui pouvait vouloir du mal à cette femme sans histoire ? Les enquêteurs suspectent plusieurs personnes, et les pistes s'embrouillent entre le différend commercial, le crime passionnel, l'acte d'un rôdeur, etc... Qui trouvera la clé de l'énigme ?
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Seitenzahl: 304
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Confessio est regina probatio
« Les myrtilles sont des grelots
que la peur d'être dévorés rend muets »
Sylvain Tesson
Avant propos
Drame à Sauvain
Les gendarmes au chevet du mari
Nouvelle perquisition dans la maison de l’horreur
Sauvain au cœur de trafics ?
La couturière était menacée
On a retrouvé la voiture de Rose
Des jeux d’argent ?
Un couple pas si tranquille que cela
L’inhumation de la défunte
Une nouvelle piste intéressante
Un suspect entendu à la gendarmerie
Une arme retrouvée
Un Noël inattendu
Voici le village de Sauvain dans la Loire.
Nous sommes dans les Monts situés sur la rive gauche de la Loire, et donc de la plaine qui l’entoure.
Cette commune sauvagnarde est un ancien village fortifié, qui compte sur son territoire le point culminant des Monts du Forez à savoir Pierre sur Haute et ses 1634 mètres.
Sur ce sommet sont installés une station hertzienne militaire, un radar de l’aviation civile et un ensemble de moyens de communications.
On y accède depuis le col du Béal par une route interdite à la circulation automobile.
Le cœur du village se situe à un peu moins de 900 mètres d’altitude et le point le plus bas à 640 mètres, au pont de pierre sur le ruisseau de la Pierre Brune.
C’est un habitat bien dispersé qui attend le visiteur, avec un peu plus de 400 habitants sauvagnards dispersés sur les 3.000 hectares de la commune.
Hors le centre, qui s’enroule autour de son église, il y a quelques hameaux indépendamment des fermes isolées.
Parmi ceux-ci on note Boibieux sur l’un des chemins menant à la forêt de Chorsin, Épinasse en redescendant vers Saint Georges en Couzan, et les Champas quand on se dirige vers Chalmazel.
Depuis Boën sur Lignon à l’ouest de la vallée de la Loire, on traverse le chef lieu de canton, Saint Georges en Couzan, avant d’atteindre Sauvain par une petite route sinueuse qui plonge dans un premier temps vers le Lignon au pont neuf et remonte ensuite.
Depuis le village on a la possibilité de rejoindre Chalmazel et sa station de ski.
Sinon l’autre route principale monte à Courreau pour redescendre vers Montbrison la sous-préfecture ou bifurquer vers les tourbières des Hautes Chaumes.
Le contact avec les habitants est facile, et j’y ai toujours trouvé des personnes agréables.
C’est ici qu’à une époque nous achetions les myrtilles ramassées par des gamins… Et notre vendeuse se faisait un point d’honneur à nous les trier et nettoyer avant de les livrer…
Les activités principales sont liées à l’agriculture et la forêt.
Nombreuses sont les scieries, qui alimentent une fabrique de meubles.
Par le passé, cette commune avait la particularité d’avoir dans ses habitants des spécialistes du bois et plus particulièrement des scieurs de long renommés.
À la mauvaise saison, quand les femmes pouvaient s’occuper seules des bêtes rentrées à l’étable, de nombreux sauvagnards partaient sur les routes pour proposer leur savoir faire.
Et durant plusieurs décennies, des scieurs de Sauvain vont ainsi aller travailler en Creuse...
Les exploitations agricoles fournissent le lait aux coopératives ou laiteries locales pour la fabrication du fromage de la région : la fourme de Montbrison.
Ce fromage élevé sur le versant est du Forez est en compétition avec celui fabriqué sur l’autre versant, dans le Puy de Dôme, la fourme d’Ambert.
Certaines de ces fermes allient maintenant à leur production une activité de tourisme à la ferme, visite, explications sur leur métier et leur production.
On y trouve également quelques fabriques artisanales de charcuteries et même un artisan coutelier.
Le touriste est attiré par la visite du musée de la fourme et des traditions populaires. Outre les très nombreuses randonnées qui s’offrent à lui, il peut aussi profiter de l’étang de pêche des Champas.
Et comment ne pas penser immédiatement quand on parle du village à la recette des cardons à la fourme, ou bien encore du merveilleux saucissons aux herbes que l’on y trouve régulièrement…
À une époque un fromager génial avait même mis sur le marché une fourme blanche, oui une fourme non persillée au goût incomparable...
C’est ce village qui sert de toile de fond à mon histoire. Récit dans lequel un fait divers met en émoi tout un canton. Je vais le partager maintenant avec vous.
Toute ressemblance avec des faits, des entreprises et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence.
J’en suis convaincu, le hasard n’existe pas.
J’en veux pour exemple le père Philarète. Je m’aventure dans une clairière où j’ai pu distinguer des petites baraques en rondins. La curiosité est le seul motif de ma venue jusque là.
Au moment où je pousse l’entrée de l’une d’elles, un homme tout de noir vêtu vient vers moi.
Nous étions sans le savoir dans l’ermitage orthodoxe russe de tous-les-Saints-de-Russie dans la Marne en présence de l’ermite en charge du maintien de ces lieux.
Je tente de m’excuser de troubler son repos et ses prières, en mettant notre venue sur le hasard, et lui avec un grand sourire de nous accueillir :
« Il n’y a pas de hasard. Soyez les bienvenus ».
Ce fut un moment exceptionnel, souvenir inoubliable, que celui passé en ce lieu avec cet ermite.
././././.
Nous sommes le 4 juillet. C’est une belle journée d’été. Si le soleil est beau et chaud dans son ciel dégagé de tout nuage, ce n’est pas encore la canicule et puis à cette altitude c’est toujours tellement plus supportable.
Les premiers touristes viennent d’arriver. Les randonneurs s’en donnent à cœur joie dans les sentiers forestiers. Et puis le village est sur la route de la cascade de la forêt de Chorsin, ou celle de Courreau et bien au delà du col du Baracuchet et de ces célèbres tourbières enfermant des plantes carnivores endémiques dont la droséra.
Au cœur du village, à côté de l’église on a la place principale avec la mairie, le bar, le restaurant et les autres commerces.
Près du cimetière, une laiterie renommée, « La fourme de la pierre », emploie une bonne dizaine d’ouvriers et salariés.
Parmi eux, on compte Edmond Rocher, le technicien du froid, chargé de la gestion des installations de réfrigération installées chez les producteurs et au siège.
Edmond est ainsi amené à circuler quelle que soit la météo sur les petites routes du plateau sauvagnard et au-delà. Il est connu de toute la population.
Il s’est rendu aujourd’hui pour une série de contrôles jusqu’aux villages de la Chambonnie et de la Chamba et pour finir sur Sauvain à la ferme des Apolies ainsi que chez Joannès Bourniron aux Champas.
Il a fini sa journée dans cette dernière exploitation quand il reprend son véhicule pour rentrer tranquillement chez lui.
Edmond habite dans le bourg de Sauvain, près du musée des traditions populaires et de la fourme, et en face d’un parc avec une vieille maison bourgeoise, résidence secondaire ayant appartenu au Préfet de police de Paris, né à Lyon, le célèbre préfet Lépine.
Cet homme est surtout bien connu pour son concours, le concours Lépine. On sait peu que ce concours était initialement réservé à la création de jouets pour enfants. Quant au préfet, il est moins connu et pourtant c’est lui qui avait créé le bâton blanc et le sifflet pour les agents de police !
Âgé d’une belle trentaine, notre gars Rocher, est fils unique d’un couple sauvagnard décédé à la suite d’un accident de train à Chasse sur Rhône.
Ce sinistre avait occasionné de nombreux dommages corporels chez les passagers, dont les Rocher morts de leurs blessures quelques temps après.
Et le plus terrible de l’affaire est que le choc a été causé par un déséquilibré qui avait déposé sur les voies des morceaux de rails ayant provoqué le déraillement.
Edmond a épousé il y a 10 ans une fille de la commune voisine, Chalmazel.
Il s’agit de Rose Lacroix dont les parents Jean et Michelle sont propriétaires aujourd’hui d’un élevage de porcs à Jeansagnières, village fusionné avec Chalmazel.
Le couple Rocher n’a pas d’enfants.
Rose de son côté est couturière à domicile.
Elle est appréciée de tous pour sa gentillesse et pour la qualité de son travail.
Elle est également remarquée pour les jolis traits de son visage, et ses tenues toujours impeccables. D’ailleurs il n’était pas rare qu’un voisin ne dise qu’elle faisait une belle publicité pour son entreprise en arborant ses créations...
Et parmi ses clients, elle compte une sacré brochette de personnalités locales.
Pensez-donc.
Il y a d’abord Anselme N’Diaye le curé de la paroisse, venu se perdre dans le froid hivernal des Monts du Forez, bien loin, oui bien loin de son Congo natal !
Rose non seulement s’occupe de sa couture mais plus globalement de son linge. Et il y a du travail car le linge du pauvre curé ressemble un peu au fond de son porte-monnaie : bien pâle voire troué !
Comme client habituel, elle a ensuite Michel Tripon, le président de l’association communale de chasse mais surtout maire de la commune depuis 2 mandats.
C’est un stéphanois retraité, veuf de bonne heure, et venu s’installer près de la place de la fontaine des 5 meules, à deux pas de la mairie.
Il vient chercher auprès de Rose les solutions à un bouton envolé, une fermeture éclair à changer, un accroc dans une jambe de pantalon ayant traîné dans un roncier, et tout autant la fabrication de ses chemises.
Il a même quelques fois un service qu’il apprécie particulièrement. Rose lui repasse ses chemises blanches de cérémonie et son écharpe de maire...
Rose compte également dans sa clientèle Georgette Delormeau, la femme du directeur de la laiterie « La fourme de la pierre ».
Cette dernière lui fait faire toutes ses tenues, celles de son mari ainsi que pour ses 4 enfants. Les gamins grandissant, il faut vite changer les tailles.
Mais chez les Delormeau, croyants, un vêtement usagé ou trop petit est donné aux œuvres de l’association diocésaine à Saint Étienne. Si bien que notre couturière a régulièrement des commandes de pantalons longs, de shorts et de chemises pour les Delormeau. La mère de famille se charge de tout ce qui est tricot, les sous vêtements et chaussettes étant trouvés sur le marché.
Angèle Matha, la responsable de l’accueil du musée compte également dans ses bonnes clientes. Car bien souvent elle lui demande une taille, une couture, car elle aime bien être à son poste d’accueil avec une belle tenue qu’elle peut changer selon son bon plaisir.
Il y encore le cas de la boulangère Martine Riboul qui lui fait également préparer les toiles pour son fournil, et réparer les accrocs aux vêtements de travail. Mais elle lui fait aussi réaliser ses tabliers de vente, et les chemises de son mari.
Enfin Sonia Arraya la patronne du restaurant « Au pays des airelles », lui fait faire ses nappes et serviettes de table et quelques fois des vêtements. Elle lui fait également faire ses tabliers de cuisine et les tenues pour le service.
Elle compte aussi d’autres clientes, disséminées dans les hameaux et fermes isolées de Sauvain.
En cette fin de journée, Edmond arrive devant chez lui. Il rentre sa voiture au garage en marche arrière puis sur le pas de la porte, il hume la petite brise qui court dans cette rue étroite.
Le temps est agréable car le soleil commence à descendre derrière Pierre sur Haute et c’est à ce moment là, qu’en été, on peut bénéficier d’un calme et de l’arrivée d’un peu de fraîcheur.
Il pénètre dans son logis en interpellant comme à l’habitude sa chérie.
« Coucou ma belle ! Comment vas-tu ?».
Il passe ses chaussons et étonné de ne pas avoir eu de réponse, il entre dans la salle de couture.
Horreur !
Rose est là au pied de sa machine à coudre.
Elle ne bouge pas, allongée sur le côté. Une mare de sang a coulé sous sa tête et s’est bien répandue dans la pièce.
Edmond immédiatement s’approche, la touche, la sent déjà toute froide, vérifie la veine jugulaire et ne sentant rien, il se jette sur le corps de sa femme en hurlant. Il la prend dans ses bras en lui criant de revenir…
Quand enfin il accepte le funeste sort de son épouse, il se relève, et sort par la porte d’entrée pour se précipiter en criant jusqu’à l’accueil du musée.
Angèle Matha est en train de ranger après le départ des derniers visiteurs, ce qu’elle réalise chaque jour d’ouverture. Une fois par mois d’ailleurs, elle nettoie tout de fond en combles, car en fait les moyens du Musée ne peuvent permettre l’emploi d’une femme de ménage…
Elle se fait expliquer ce qui arrive à son voisin. Par bribe, elle comprend ce qui se passe.
« Rose… Ahhhh… Malheur…. Tuée … Couchée par terre…. Ahhh... »..
Elle appelle immédiatement les pompiers.
Elle fait asseoir Edmond et lui donne un verre d’eau tout en essayant d’en savoir plus. Elle est effrayée par la quantité de sang qu’Edmond peut avoir tant sur la chemise que sur le pantalon.
Péniblement il arrive à s’expliquer, par flashes entrecoupés de sanglots.
« Voulu la relever... ».
« Prise dans mes bras... ».
« Malheur de malheur…. ».
« Ma Rose. Qui ? Pourquoi ? ».
Les pompiers volontaires arrivent rapidement. Ils se font faire un topo par Angèle et pénètrent au domicile des Rocher.
Ils découvrent du sang partout. Sur la poignée de la porte d’entrée, dans le couloir, dans la salle de couture et même sur la porte de cette pièce.
Ils n’ont guère de doutes mais constatent quand même le décès de la femme allongée. Ils interdisent l’accès à la maison et appellent les gendarmes de la brigade de Saint Georges en Couzan, ainsi que le médecin généraliste le plus proche, Annette Groux de Chalmazel.
Celle-ci arrive rapidement, ayant nettement moins de chemin et une route plus facile que les gendarmes.
Elle examine le corps et constate qu’à l’origine de l’hémorragie il y a une plaie béante à la gorge. Elle ne constate pas d’autres blessures dans son examen très superficiel, en sachant que la plaie du cou est largement suffisante pour indiquer qu’il ne s’agit en aucun cas de mort naturelle !
Et quand les gendarmes passent le seuil de la maison, elle leur fait part de son diagnostic :
« Bonjour mon adjudant chef, bonjour Edwige ».
« La personne est décédée vraisemblablement dans la fin de matinée, peut être un poil après midi compte tenu de l’état du cadavre, sûrement tuée à l’aide d’une arme blanche ».
« Le permis d’inhumer est bien entendu refusé».
Les deux militaires, l’adjudant chef Bony et la gendarme Edwige Charbonnier demandent à la médecin et aux pompiers restés dans le hall de sortir de la maison en ne touchant à rien et en évitant de marcher dans les traces de sang.
Le chef Bony appelle Terrade pour lui demander de venir les rejoindre depuis la brigade. À l’arrivée de celui que tout le monde appelle « la Mouche », tant est grande sa passion pour la pêche à la truite, la maison est balisée avec interdiction à quiconque de pénétrer.
Pendant ce temps les pompiers interrogent Edmond toujours couvert de sang, maintenant séché. Non il n’est pas blessé, il s’agit du sang de sa femme quand il a prit le corps dans ses bras… Non il l’a vraiment trouvée comme cela...
S’il tenait l’auteur...
Terrade reste dehors et c’est lui qui reçoit Michel Tripon le maire à qui il explique ce qu’il sait de la situation.
Les militaires font les constats. Très soigneusement, je dirais même millimètre par millimètre, ils inspectent les lieux. À la cave, dans la maison, dans le débarras du jardin… Tout y passe.
Ils prélèvent le sang aux divers endroits, sous les ongles de la défunte, sur les traces laissées aux poignées y compris des fenêtres, sur la porte.
Ils constatent que la porte d’entrée n’a pas de trousseau de clefs sur la serrure et donc que la porte était ouverte à qui voulait la pousser.
Le corps n’a pas été déplacé.
L’arme du crime n’est pas sur la scène examinée.
Ils laissent toujours Terrade de garde, saluent le maire et se rendent près d’Edmond après avoir donné une brève idée de l’état de la situation :
« Elle est morte » dit le chef Bony.
« C’est pas beau à voir, un carnage » ajoute Edwige.
Le veuf est maintenant installé dans l’ambulance des pompiers.
L’interrogatoire confirme ce que Angèle a déjà raconté. Les autres informations recueillies sont bien minces dans ce flot ininterrompu de sanglots.
Les pompiers informent les gendarmes de leur décision d’emmener notre homme à l’hôpital de Montbrison pour des examens.
Les gendarmes indiquent à leur tour que les scellés vont être mises sur la maison et qu’ils vont appeler les parents de Rose pour cette triste nouvelle. D’autant qu’à la sortie de l’hôpital le mari devant être hébergé quelque part, il pourrait se tourner vers ses beaux-parents pour cette aide substantielle.
Les Lacroix sont effondrés. Ils ne veulent pas y croire. Leur fille, leur fille unique, leur Rosette comme ils l’on appelée jusqu’à son mariage quasiment, oui Rosette est morte…
Les gendarmes leur confirment les scellés sur la maison.
Il est convenu que lorsque leur gendre sortira d’examen, il sera ramené chez eux en ambulance.
Il faudra alors qu’ils appellent la brigade pour qu’Edmond et sa belle-mère puissent sous contrôle d’un gendarme allez chercher des vêtements et autre produits de nécessité dans la maison de la morte.
« Quand on pourra la voir ? ».
« Elle est à l’hôpital nord pour une autopsie ».
« Le procureur va être saisi et c’est lui qui dirigera les opérations et qui vous autorisera ou non à la voir ».
Une autopsie !
On va attenter ainsi à son corps, cette idée est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Le chagrin de la maman est tel que ses cris couvrent la communication téléphonique. Le chef annonce que la brigade se déplacera vers eux demain.
Il écourte son appel devenu inopérant.
Chef Bony fait ensuite son compte rendu au maire. C’est d’abord l’officialisation du refus d’inhumer. Il informe l’édile sur la condamnation de la maison. Ils reviendront poursuivre l’enquête tous ces prochains jours, mais avant le procureur doit être informé.
Le camion des Pompes Funèbres arrive alors. Avec moult précautions et sous le contrôle d’Edwige la gendarmette, ils procèdent à la levée du corps. Celui-ci est transporté au centre médico-légal stéphanois de l’hôpital nord à Saint Priest en Jarez.
Edwige referme la porte et pose les scellées.
La mort et son mystère restent enfermés dans la maison.
Les curieux du village sont maintenant une bonne dizaine sur la place du musée à regarder les allées et venues. Le maire rejoint la mairie :
« Quelle tragédie tout de même ... ».
Bien vite dans le village jusque dans les fermes les plus isolées, le bruit va courir sur l’assassinat de Rose la couturière.
En plus, et cela fait déjà jaser, son mari a été emmené à Montbrison et il était couvert de sang.
Quel malheur pour ce couple si gentil et si serviable !
Les gendarmes lèvent le camp et regagnent Saint Georges.
Edwige est chargée du rapport.
« Moi j’m’appelle Lolita, Lo ou Lola, c’est du pareil au même… Chef voilà le rapport ».
Fan de la chanteuse Alizée, notre gendarmette fredonne tout le temps et principalement ce succès de sa chanteuse préférée.
C’est si vrai que ses collègues l’ont surnommée Lolita !
Et quelques temps après, en fredonnant, elle porte son travail au chef. Tous deux prennent le temps de relire ensemble le document.
Pour le chef tout est parfait.
« Gendarme Charbonnier, restez pendant que j’appelle le bureau du procureur. Je mets mon haut-parleur ».
Et pour une fois, ce n’est pas un substitut qui répond mais le procureur lui-même, Jean René Michalon.
« Bonjour Monsieur le procureur. Ici adjudant chef Bony de la brigade de gendarmerie de Saint Georges en Couzan. Nous avons un meurtre sur les bras à Sauvain ».
« Donnez-moi plus d’informations ».
L’adjudant chef esquisse les points majeurs et indique qu’il va faxer le rapport immédiatement après la communication.
« D’accord. J’attends votre document et après examen je vais vous rappeler ».
« D’accord monsieur le procureur. Au revoir ».
« À plus tard ».
Deux heures plus tard le téléphone sonne sur le bureau du chef de brigade de gendarmerie.
« Je pense qu’il faut faire en priorité une enquête de voisinage et une enquête de personnalité sur le mari ».
« Ensuite vous vous renseignerez auprès de la famille de la défunte. Tenez moi au courant ».
« Enfin je nomme un juge d’instruction ».
« Au revoir monsieur le procureur ! ».
Le chef rappelle la gendarmette dans son bureau ainsi que Terrade. Il faut maintenant élaborer un plan de travail.
Le chef se réserve l’entretien avec les parents Lacroix. Edwige va faire le tour des voisins et autres commerces du village avec Terrade et ils devront finir par regarder du côté de l’employeur du mari si des choses particulières sont à mettre en lumière. Et tout cela sera pour demain.
Avant de partir en opération les résultats du légiste sont reçus.
Le procureur de son côté obtient les mêmes informations et il va avoir des choses consistantes à mettre dans son dossier. Jugez plutôt !
La mort est estimée entre 9 heures et 17 heures compte tenu du bol alimentaire et de l’état des muscles et peut être plus précisément entre 12 et 16 heures..
La morte n’a pas subi de violences, ni sexuelles ni physique car le corps ne présente aucune lésion ni écoulement.
Elle ne s’est pas débattue et cela pourrait laisser entendre qu’elle n’a pas été violemment prise à partie, mais peut être plus surprise par quelqu’un qu’elle connaissait.
La mort a été causée par une hémorragie en premier lieu à la suite d’un coup porté au cœur par une lame effilée. La lame est passée entre deux côtes et a perforé directement le muscle cardiaque.
L’assassin devait être extrêmement proche de sa victime, peut être même la touchant.
Le mouvement s’exerce de bas en haut. Le médecin indique que d’après lui on peut éventuellement imaginer que l’assassin était plus grand ou que le couteau était dissimulé dans une manche avant l’attaque.
La plaie à la gorge est intervenue ensuite, comme un coup de grâce ou pour abréger le râle et l’agonie. Elle a été provoquée par un coup de lame effilée.
Le geste est fait de gauche à droite comme pour un revers et peut être porté violemment compte tenu des déchirures de la plaie.
Une lame double est vraisemblablement à l’origine de cet égorgement. Elle pourrait être identique à la première utilisée, voire la même.
Une telle lame effilée est longue d’environ 20 cm et large de 2 cm dans la partie la plus ventrue.
Il n’y a pas de résidu autour des plaies qui auraient pu provenir de l’arme.
Le légiste note que ce type de lame pourrait être identique à la lame d’un couteau à cran d’arrêt ou de celle d’une dague de chasse.
Les ongles de la victime ne révèlent rien.
L’analyse de sang ne donne rien en terme d’alcool ingéré ni en terme de substances stupéfiantes.
Le bol alimentaire ne contient aucune substance toxique. Il n’est que partiellement digéré.
Oui ce rapport dit tout, mais ne donne que quelques données intéressantes immédiatement pour l’enquête : le type d’arme, l’horaire, le sens du geste indiquant un personnage plus grand que la défunte...
Le procureur appellera sûrement avant la fin de journée. En attendant les trois gendarmes s’équipent. Avant de partir Terrade appelle l’hôpital pour prendre des nouvelles du mari.
On a été obligé de le mettre en sommeil afin de réussir à le calmer et tenter ensuite au réveil de lui faire reprendre une attitude moins violente. Il devrait rester encore au moins deux jours en observation.
Terrade informe ses collègues. Puis c’est le départ.
Deux voitures sortent de la cour de la brigade.
Le chef Bony arrive chez les Lacroix. Il est accueilli par le père anéanti mais debout à sa porte. La mère est encore en larmes et hoquette en permanence assise dans sa cuisine.
Sur l’invitation du père Jean, ils prennent tous trois place autour de la grande table. Une toile cirée aux couleurs vives contraste énormément avec l’ambiance qui s’installe.
Le chef fait alors un point de la situation.
Il commence par les résultats de l’autopsie. Deux plaies consécutives, la première un coup de couteau au cœur, l’autre ensuite à la gorge.
« Ah quel malheur !» pleure Michelle.
« A-t-elle souffert » demande le père.
« Honnêtement » commence le chef Bony. Il attend d’avoir ses deux interlocuteurs bien accrochés à ses paroles et poursuit :
« Le premier coup est mortel, directement au cœur. La mort est quasi instantanée et son visage que j’ai pu observer n’était marqué ni par la souffrance ni par la peur, mais plutôt par l’étonnement ».
« Je pense que l’on peut raisonnablement dire qu’elle n’a pas du souffrir ».
« On peut ajouter qu’elle n’a subi aucune violence autre. Ni physique ni sexuelle ».
« Ouf » souffle Jean.
« Quand on pourra récupérer le corps ? ».
« D’abord son mari n’est pas en mesure de décider puisqu’il a du être endormi à l’hôpital pour que les médecins puissent plus facilement le remettre sur pied ».
« Il faudra attendre son avis et sa décision quant aux obsèques, enterrement ou incinération».
« Ensuite le procureur a nommé un juge d’instruction hier soir. C’est au juge de décider en premier lieu si le corps peut être soustrait du service médico-légal ».
« Je vous tiendrais personnellement au courant des décisions du juge ».
« Vous pouvez compter sur moi pour vous tenir informés ».
Le chef Bony les abandonne à leur immense tristesse. Rien ni personne aujourd’hui ne peut venir atténuer leur douleur.
Il se dit qu’il va essayer de se renseigner sur les types de couteaux pouvant avoir une lame comme celle utilisée durant le meurtre.
Pour se faire, il descend jusqu’à Sail sous Couzan et se présente à l’atelier de Fernand Delors, le coutelier.
Ce dernier vient de terminer son travail de forge et se trouve donc en disponibilité pour répondre à l’enquêteur.
Chef Bony lui explique ce qu’il cherche à connaître.
Une lame semble-t-il double. Dimensions 20 x 2 cm.
Lame passée entre 2 côtes et ayant perforé le cœur.
À quel type de couteau cela lui fait penser ?
Immédiatement il pense à deux modèles. Il arrive aux mêmes conclusions que les gendarmes : cran d’arrêt ou dague.
Par contre le professionnel ajoute une information bien utile.
« La dague est lourde et peut être que cela exclut certains auteurs possibles comme des enfants ou certaines femmes. De plus à la différence avec le cran d’arrêt, le geste sera plus violent et laissera une marque autour de la plaie par l’impact de la garde, chose qu’il pourrait ne pas y avoir avec un couteau plus léger ».
« Avez vous des clients pour l’un ou l’autre de ces types d’armes ? » demande le gendarme.
« Je ne vend guère de crans d’arrêt, et dans le pays ce sont plus souvent des dagues que l’on m’achète. Je regarde mes livres et je vous dit ».
« Le dernier cran d’arrêt vendu date de novembre dernier. L’acheteur est un collectionneur m’a-t-il dit. Il habite dans la région lyonnaise et était de passage devant ma vitrine ».
« Vous avez ses coordonnées ? ».
« Non et je vois qu’il a payé en liquide ».
« Monsieur Delors, pour les dagues ? ».
« La dernière en février dernier. Un chasseur que je connais bien. Il habite Sauvain à Boibieux. C’est Laurent Martin ».
« Bien. Qui d’autre ? ».
« L’an passé, j’ai vendu trois de ce modèle de dague » dit-il en montrant le modèle dans sa vitrine.
« Je vois que les acheteurs sont un chasseur de Saint Sixte, un de Nervieux et un de Lézigneux. Voulez vous les noms et coordonnées ? ».
« Oui bien sûr » dit le chef Bony qui note au fur et à mesure.
Les deux hommes sont sur le point de se quitter quand le coutelier ajoute :
« J’ai une réparation de dague en janvier. Vous devez connaître : Michel Tripon le maire de Sauvain. Et par ailleurs, à votre place, moi j’irai aussi interroger les marchands d’armes les plus proches, à Feurs et à Montbrison ».
Et le sieur Delors ajoute de manière inattendue :
Vous connaissez la blague de la dague et du juif ?
« Un magasin de fringues est tenu par un Juif. Tout à coup, un déséquilibré, barbu et en djellaba, fait irruption dans la boutique en brandissant une énorme dague de chasse et en criant Allah est grand !!! Alors le Juif, imperturbable, de répondre : ne vous inquiétez pas, nous avons toutes les tailles…»
Le chef Bony repart joyeux vers sa brigade avec son carnet de notes renfermant de bonnes informations.
Il les transcrit dans son rapport et note dans les actions à faire celle d’aller interroger le gars habitant Boibieux.
Et pendant tout ce temps, l’enquête de voisinage a commencé.
Nos deux militaires arrêtent leur véhicule sur la place de la mairie.
La secrétaire a son bureau bien trop éloigné du lieu du crime et un îlot de maisons fait mur anti-bruit.
Monsieur Tripon, le maire est disponible dans son bureau et lui aussi dit ne rien avoir vu ni entendu. Il faut dire que son bureau donne sur la façade opposée au bourg.
Angèle Matha profite du jour de fermeture du musée pour aller faire un câlin à son petit fils, chez sa fille qui habite Palogneux. Les gendarmes trouvent donc porte close.
Chez les Riboul rien à signaler.
Sonia l’aubergiste étant à ses fourneaux n’a ni vu ni entendu quelque chose.
Divers maisons et commerces apportent la même réponse.
Lolita et la Mouche font ainsi le porte à porte dans le centre du bourg et ne récoltent rien.
Il leur reste le curé puis le bar avant d’aller à la laiterie interroger le patron.
À la cure, le père Anselme répond aux questions de ses visiteurs.
Non, il n’a rien vu, même quand il est allé vers 11 heures à l’église comme il le fait chaque jour et donc est passé à quelques mètres de la maison du crime.
« Présentement, je me rappelle, il n’y avait pas de voiture sur la place du musée car j’ai remarqué qu’au beau milieu trônait une crotte de chien. Et comme on dit dans mon pays on ne marche pas deux fois sur les testicules d’un aveugle et on s’écarte des crottes de chien».
« Vous n’avez rien remarqué les jours précédents soit en allant à l’église soit en revenant à la cure ? Rien vu non plus quand vous allez rendre visite à vos ouailles ? Pas de véhicule ni de personne étrangers au village ? ».
« Allez donc faire un tour sur la place de la mairie durant tout l’été et vous verrez une grande quantité de véhicules étrangers au village voire au département. Car, heureusement pour nous, il y a le tourisme ».
Lolita enchaîne :
« Dans les habitants du village vous n’avez rien remarqué. Quelque chose d’inhabituel ? ».
« Non pas. Moi j’aimais bien la couturière, elle me rendait bien service. Faut dire qu’un petit curé ici ne roule pas sur l’or… J’aimais bien discuter avec elle et avec son mari. Un couple uni et gentil comme tout. Ah oui grand malheur. Pauvre femme. Et comme on dit au Bouenza, tout a une fin sauf la banane qui en a deux ! Bonne journée ! ».
Sourire aux lèvres nos gendarmes sortent de la cure et, en traversant la rue, se dirigent vers le point stratégique dans un petit village : le café, à l’enseigne du « Bistrot sauvagnard ».
Un peu avant midi, il y a les habitués qui vont retourner chez eux pour le repas et les informations régionales à la télévision.
Puis arrivent les ouvriers qui font une pause rapide sous tous les prétextes possibles pour arroser quelque chose avant de retourner voir bobonne !
Les militaires jette un œil autour d’eux. La devanture vieillotte du bistrot fait bizarre en face de la boulangerie toute blanche et repeinte récemment.
Derrière le zinc, trône un gaillard un tantinet rouquin, avec des bacchantes tombant jusqu’au menton. Il arbore une chemise bariolée, aux manches relevés. Par dessus est enfilé le célèbre tablier bleu du limonadier avec sa longue ceinture dans laquelle on glisse en général un torchon.
Car dans ce métier, si le tire-bouchon est un ustensile indispensable, dites-vous que le torchon l’est tout pareil, même s’il ne sert quelques fois qu’à chasser les mouches !
Edwige immédiatement repense à Vercingétorix comme à chaque fois qu’elle rencontre monsieur Lepont.
L’homme tend un main ferme et vigoureuse. Oui sacrée pogne qui ne refuse jamais de se lier avec celle du visiteur...
« Bienvenue à la gendarmerie ! ».
« Alors c’est pour la Rose que vous venez ? ».
« Oui monsieur Lepont. Comment ça va bien aujourd’hui » répond Terrade en lui serrant la main.
« Comme un matin au travail alors que j’serais si bien dans mon jardin ! »
« Vous prenez quelque chose ? ».
« Non que nenni, pas durant le service ».
« Même pas un sirop ou un verre de Badoit ? ».
« C’est misère quand même de v’nir jusque là et de rester sur le gravier comme on dit».
« Vous lamentez pas. On va casser la croûte ici, alors on pourra se faire un petit gorgeon » ajoute Terrade.
« Et comment va votre femme Micheline ? » complète Lolita.
« Ma femme, je vais l’appeler ».
Il disparaît dans l’arrière salle.
Ils s’installent en attendant à une table, ayant décidé de faire ici la pause repas plutôt que de redescendre à la brigade et de remonter ensuite..
Cela laisse le loisir aux militaires d’observer plus avant la salle du bistrot.
Il n’est pas rare d’y croiser une personne de passage, attablée devant un méga sandwich et un demi de bière.
Il faut dire que le casse croûte de Micheline est connue dans la région !
D’abord pour les personnes de faible constitution, son arrivée fait penser à la ration de pain de la semaine.
Ensuite les clients ont à choisir entre un jambon comté et un campagne tomates.
Pour être plus précis le premier d’entre eux est fait avec un jambon cru de montagne, coupé très finement mais en belle et savoureuse quantité, apposé sur un beurre doux fabriqué dans une ferme du pays.
L’ensemble est couvert de copeaux de fromage de comté mélangés avec des débris de fourme de Sauvain, le tout recouvert d’une légère couche de tapenade d’olives noires.
C’est le préféré de Lolita.
Comme elle conduit, elle opte pour une demie bouteille de Parot, eau de source de la région.
Terrade est heureux de pouvoir commander son casse-croûte préféré, le second que propose Micheline.
Et il ne fait pas pâle figure à côté du sandwich jambon...
Il salive déjà rien qu’à la commande : du pain de campagne, une belle et bien épaisse tranche de pâté fait par la voisine Sonia, cette si bonne charcuterie sentant mille aromates.
Cette tranche est surmontée de fines lamelles de tomates (sinon suivant la période il peut s’agit de salade), parsemée de petits cornichons coupés finement, et la patte du chef termine la préparation avec un micro filet d’huile d’olive, plus pour l’odeur que pour inonder la chose et lui donner un goût trop prononcé...
Le tout avec un verre de beaujolais, c’est le bonheur gustatif absolu !
Ils en ont bientôt fini tous deux avec leur en-cas.
On peut dire qu’ils ont le ventre plein !
Rassasiés, nos deux militaires peuvent continuer leur besogne. Et en premier lieu poursuivre les questions, en commençant par les clients du bar.
Il y a trois hommes à la même table. Le cendrier de table montre qu’il y a des fumeurs dans le groupe et qu’ils sont là depuis un moment.
Lolita s’avance et les salue.
D’abord voilà l’ancien instituteur qui se lève, tend la main et se présente.
« Albert Gouttebrune, on m’appelle la Craie car j’en ai usé quelques unes sur le tableau de ma classe, retraité, membre de l’ACCA et fervent admirateur de notre Micheline nationale ».