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Après Crash Cœur en série où l’auteure se livre sans retenue, Y-lisa nous propose Et si… Et pourtant… Et alors ! Cet ouvrage, le deuxième du genre, retrace son parcours semé d’embûches. Ceux-ci commencent avec la disparition brutale de son premier amour, ce qui influencera ses choix et son comportement dans les relations sentimentales. Au fil de ses expériences, elle apprendra toujours un peu plus pour enfin reprendre le pouvoir sur sa vie et en finir avec ses démons. Elle parviendra à mettre un terme à cette forme de résignation qui s’est installée en elle et à rester debout grâce à son cercle très privé, à ses enfants, et surtout à elle-même. Elle décline ici son cheminement sous la forme d’un triptyque dont le point commun est une furieuse envie de vivre, tout simplement.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Y-lisa considère l’écriture comme une autothérapie lui permettant d’exprimer ce qu’elle n’arrive pas à dire. C'est également le moyen de partager ses expériences de vie en faisant fi du jugement commun.
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Seitenzahl: 196
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Y-lisa
Et si…
Et pourtant…
Et alors !
Roman
© Lys Bleu Éditions – Y-lisa
ISBN :979-10-377-6038-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Il faut toujours un coup de folie pour bâtir un destin
Marguerite Yourcenar (1903-1987)
Si la vie nous bouscule, nous malmène, elle nous offre aussi de nombreux cadeaux. Et notre rencontre en est un, grâce à ce milieu libertin, accélérateur de vie, d’émotions, qui nous met à nu au propre comme au figuré. Dans les méandres de nos expériences amoureuses et au travers des épreuves douloureuses qu’il nous faut affronter, c’est une grande richesse de pouvoir partager ses émotions, se confier sans fausse pudeur et crainte du jugement. Échanger, s’enrichir et grandir. C’est ce chemin que tu suis à travers l’écriture.
Ouvrez grand votre cœur et bonne lecture à tous.
Valérie Dessena
Trois portraits pour une seule femme.
Selon les milieux fréquentés, choisir de ne partager que certaines facettes de nous-mêmes permet d’éviter un mélange des genres, de savoir faire la part des choses des moments de vie parfois incompatibles les uns avec les autres.
Être une épouse, une maman, une femme active, une femme tout court, est parfois lourd de responsabilités. Pour réussir à tout assumer, je cloisonne, naturellement selon qui je fréquente, où je me rends et qui compte dans ma vie. Cela m’a paru essentiel lorsque je suis devenue une « céli-battante ».
Ce portrait en triptyque est un parcours de vie parmi d’autres.
Dans les moments les plus compliqués émotionnellement, j’ai jonglé entre ces 3 facettes pour trouver l’équilibre et ne pas tomber. Dans chacun des costumes des rôles de ma vie, l’implication a toujours été très forte, parfois trop. Ce qui a souvent provoqué des doutes, des frustrations, mais avec cette furieuse envie d’aller au bout.
Lorsque j’ai rencontré mon ex-mari, j’avais 23 ans. Nous n’aurions jamais dû nous croiser.
Deux ans auparavant, je vivais en Haute-Savoie et fréquentais, depuis un an, un garçon de quatre ans mon aîné. Il était mon idéal, parce que nous partagions entre autres la même passion, celle de la montagne. Tous les deux natifs de la région, j’avais pour ma part suivi mes parents et résidais à Paris. Pourtant, je revenais très souvent et, lors d’un séjour en hiver, je décidais de participer à une randonnée jusqu’au lac de Pormenaz. J’y étais souvent montée en été mais jamais en hiver. Jérémy était l’un des guides.
Il m’a guidée. Tout au long du parcours, son attention particulière, son souci de veiller à ma sécurité m’avaient particulièrement touchée. Au retour de notre marche, il m’avait invitée à prendre une boisson chaude à la station Plaine Joux. Assis sur la terrasse du restaurant La Bergerie, face au Mont-Blanc, nous apprenions déjà à nous connaître. J’avais dix-neuf ans et lui vingt-trois.
Quelques jours plus tard, je rentrais à Paris. Dans le train, je n’avais qu’une envie, faire demi-tour, mais je devais finir mon école en communication. Bien que nous n’ayons partagé qu’une seule journée ensemble, nous avions eu très rapidement non seulement une attirance, mais surtout un intérêt réciproque.
Intérêt pour sa vie au grand air, son futur métier de guide de haute montagne, son énergie, sa bienveillance et aussi son beau physique. D’origine italienne comme moi, il avait en lui cette chaleur du soleil sicilien, un charme fou et un sourire radieux.
Intérêt pour ma vie parisienne qui était beaucoup moins passionnante que la sienne. Pour mes études. Pour moi. Nous avons commencé à échanger régulièrement jusqu’aux congés d’été.
Je décidai de partir deux mois entiers à Chamonix et décrochai un emploi saisonnier. Notre histoire a commencé là-bas et s’est terminée là-bas. Aujourd’hui encore, je porte toujours le poids de ce brutal stop arrêt.
J’admirais Jérémy. Son honnêteté, sa franchise, un regard profond et sincère. Très vite, j’ai su que je ne repartirai pas à Paris et, mes valises, j’allais les poser ici. Deux semaines avant mon supposé retour à Panam, nous avions eu une discussion sur nos avenirs respectifs. Il m’avait dit vouloir réaliser son rêve, qui était aussi une tradition familiale. Devenir guide de haute montagne. Je lui avais dit vouloir quitter Paris.
Il m’avait juste suggéré.
« Pourquoi tu ne viendrais pas ici ? Mes parents pourraient t’aider à trouver un emploi ».
Chiche ! Je laissai tomber la dernière année de mon école en communication pour vivre autre chose. Et parce que je sentis très rapidement que c’était lui.
Pendant ces deux années là-bas, nous avons partagé des moments sublimes, fait de merveilleuses randos. Il a été mon professeur de ski très particulier, mon ami, mon compagnon. Et, très rapidement, nous avons décidé de vivre ensemble. Ses grands-parents possédaient un petit chalet à Servoz et nous l’avaient proposé pour démarrer.
Travaillant tous les deux sur Cham’, partageant nos temps libres ensemble à parcourir les chemins à pied ou à skis, nous avons rapidement fait des projets d’avenir. Il était celui qui m’aidait à dépasser ma fatigue lorsque nous partions sur des randos difficiles, et aussi un peu ma peur quand nous traversions des zones que seul un guide expert pouvait m’inciter à franchir.
Il était celui qui ouvrait la voie, m’assurait, me disait où poser mes pas dans les siens. Une osmose totale, une fusion vitale pour ne pas tomber dans le vide. J’avais une totale confiance en lui, que ce soit en montagne ou ailleurs.
Les hauteurs des cimes étaient son univers, pas le bitume qui lui a été fatal.
Un dimanche de février. Très belle journée. Bel enneigement, soleil, pas de vent. Nous décidons de monter à l’Aiguille du Midi pour admirer une fois de plus ce panorama qui, à chaque fois, me tire les larmes.
Pourtant enfant du pays, lui aussi était émerveillé d’admirer ces dames blanches s’étirant vers le ciel, devant lesquelles nous nous prosternons presque car l’humilité est de mise. La montagne est le seul endroit où j’ai toujours eu le sentiment d’être à ma place, en tant qu’être humain. Pas de triche, pas de faux semblants, que du respect pour un environnement qui peut nous rendre très heureux mais également nous engloutir.
Nous sommes attendus le soir pour dîner chez des amis dans la vallée. Vers dix-neuf heures, nous quittons Chamonix. Quinze minutes plus tard, je suis toute seule.
La voiture a quitté un virage et dix mètres plus bas, je suis seule dans un vide et un silence terrifiants. Je n’ai pas perdu connaissance. Je l’appelle. Pas de réponse. La panique me prend. Je crie son prénom mais c’est un cri étouffé qui sort de mes entrailles. Et plus rien.
Je me réveille dans un lit. Un homme est debout à mes côtés et me parle. Je ne comprends rien. Ma vision est floue tout comme les paroles de cet homme. Qui est-il ? Je ne reconnais pas la voix de Jérémy.
J’essaye de bouger, impossible, suis retenue par des fils. Ce ne sont pas les cordes qui nous liaient l’un à l’autre lors de nos ascensions. Et j’entends des bips aigus, loin du bruit de l’impact de nos crampons sur la neige.
Ça bouge autour de moi. Un ballet de blanc s’agite près de mon lit. Ce blanc bizarre qui ne me rappelle pas les chemins enneigés, ni le blanc-bleu des glaciers que nous aimions longer. Écouter le craquement de la glace, être éblouis par le reflet du soleil. Là, ce sont des sons hostiles qui ne m’inspirent rien de bon et des néons agressifs.
Peu à peu, je sors de ma léthargie, mes yeux commencent à identifier plus nettement les personnes, cette pièce où je passerai quelque temps. Je comprends que je suis à l’hôpital.
J’ai perdu la notion du temps. Quel jour sommes-nous ? Quelle heure est-il ? Je dois aller travailler, je ne peux pas rester dans ce lit, entravée, et pourquoi d’ailleurs ?
C’est un joyeux bordel dans ma tête. Une valse d’idées saugrenues totalement décalées par rapport à la réalité. Celle que je vais bientôt découvrir.
Le premier mot que j’arrive à sortir est son prénom : Jérémy. Une infirmière me prend la main, me dit de me reposer, mais je n’ai pas envie, je veux Jérémy. Soudain, des images en vrac défilent. Je nous revois dans la voiture, sur la N205. Cette route que nous connaissions par cœur pour rallier Cham’ à Servoz, peut-être trop d’ailleurs. Et cette neige qui s’était mise à tomber comme un rideau opaque. J’entends ses dernières paroles.
« Mon cœur, je te propose qu’on reste dormir à Sallanches, chez eux, vu la météo… »
Et j’entends aussi son cri.
« Non… », et plus rien…
Je retombe dans un sommeil artificiel imposé par mon cerveau pour éviter l’insupportable, car trop faible pour apprendre.
Quelques jours plus tard, le médecin me fait un état des lieux de mes blessures. Côtes cassées, deux chevilles tuméfiées, poignet cassé et des hématomes un peu partout. Il me rassure sur ma colonne vertébrale et ma tête. J’ai eu beaucoup de chance vu les conditions de l’accident. Je lui demande :
« Et Jérémy ? »
Il se racle la gorge.
« Il a eu beaucoup moins de chance que vous ».
C’est-à-dire ? C’est quoi la chance dans ce genre de situation ? J’imagine qu’il a été beaucoup plus atteint que moi, mais je n’imagine pas du tout le pire. Et j’entends :
« Il n’a pas survécu à ses blessures ».
Un point, un trait. C’est fini. Je ne le reverrai plus, nous ne partirons plus sac à dos arpenter ces magnifiques chemins escarpés. Nos projets de construire notre vie ici, de fonder une famille, sont restés en bas de ce putain de virage. Et cette question qui me hantera longtemps : pourquoi lui, pourquoi pas moi ?
Il n’y a pas de raisons logiques à être sortie vivante de ce crash et lui non. Qui peut décider de cela ? Sinon juste un foutu tirage au sort. Quelque chose d’inexplicable qui joue avec la vie. Comme la chanson de Lalanne « … si la mort nous programme sur son grand ordinateur… » La tristesse et le chagrin qui m’envahissent sont à la hauteur de l’amour que nous nous portions. Je demande au médecin de me laisser seule.
De ma fenêtre, j’aperçois ses montagnes. Pas d’erreur, je dis bien « ses ». Celles qui ont fait de Jérémy cet homme courageux, fort, respectueux, aimant. Son sourire si réconfortant, ses beaux yeux noisette, ses mains puissantes. L’épreuve n’est pas terminée. Je reçois la visite que je redoutais. Ses parents et ses deux frères. Lorsqu’ils franchissent la porte de la chambre, j’ai très peur. Peur qu’ils me reprochent d’être là dans ce lit et pas lui. Peur qu’ils pensent que c’est moi qui aurais dû y rester. Alors j’ai une phrase terrible.
« Excusez-moi, je ne devrai pas être là ».
Sa maman s’approche, pose un baiser sur mon front et je vois dans ses yeux outre le chagrin, la même bienveillance qui animait Jérémy. Nous pleurons tous les cinq. Son papa me dit qu’ils seront là pour moi.
Bien sûr, mes parents étaient descendus de Paris dès qu’ils avaient appris. Ils voulaient absolument me faire rapatrier près d’eux, mais j’ai refusé. Je passerai la suite des soins et ma convalescence ici. Je voulais rester au plus près de Jérémy et de ses parents. Il n’était pas question de partir, c’était comme fuir. Cela aurait été lâche. Je devais affronter. J’avais survécu à cet accident, je devais maintenant surmonter tout ce que cela pouvait changer dans ma vie. Et j’étais loin d’imaginer que j’allais emprunter une route très éloignée de celle que j’avais projetée avec lui…
Je me remets de mes fractures physiques et morales. Bien accompagnée par une équipe médicale et sa famille qui me soutiennent. Arrive le moment où je dois quitter l’hôpital et partir quelque temps en rééducation. Les blessures aux chevilles sont plus sérieuses et pas juste tuméfiées comme m’avait annoncée le médecin. Je suis transférée au centre de rééducation fonctionnelle à Passy.
Là-bas, kinés, psychologues, une super équipe dont l’objectif est de réparer. Et ça marche. Grâce à eux, bien sûr, mais surtout parce que je trouve en moi une énergie de dingue. C’est l’inspiration de Jérémy. Je repense à ses encouragements, sa volonté extraordinaire qui me portaient bien souvent lors de passages compliqués en montagne, et dans la vie tout simplement. Je comprends maintenant le sens du mot chance du médecin. Cette chance je ne dois pas la gâcher, pour lui, pour moi, pour mon autre futur.
À ma sortie du centre, maman est venue. Nous partons à Servoz au chalet. Cela va être compliqué. La maman de Jérémy m’avait proposé d’aller aérer et mettre un peu d’ordre. Je lui avais demandé de prendre ce qu’elle voulait dans les affaires de son fils. Elle n’avait pas voulu. C’était à moi de choisir ce que je souhaiterai leur donner. Cela faisait partie du deuil, selon elle.
J’ai évidemment des béquilles chimiques pour m’aider à maîtriser mes angoisses et mon anxiété. Le chalet est propre, lumineux. Un mot est posé sur la table. Alma, sa maman, me souhaite beaucoup de courage et si besoin, elle est là. Tous les témoignages de soutien reçus depuis l’accident me démontrent combien personne ne m’en veut. J’ai longtemps pensé que je serai persona non grata parmi sa famille, ses amis. Je découvre tout le contraire et cela aussi m’aidera à me reconstruire.
Pourtant, je dois prendre une décision. Rester ici ou repartir auprès de ma famille. Je ne me vois pas vivre dans ce chalet où bien évidemment chaque objet me rappelle Jérémy. Surtout le ski room où il rangeait avec soin tous les équipements nécessaires à ses sorties en montagne. J’appelle Alma pour lui demander de venir m’aider à faire le tri dans tout ça.
Je ne garderai de Jérémy que la première corde qu’il avait attachée à ma taille et le mousqueton. Symbolique. Je les ai conservés et à chaque déménagement, ces deux objets m’ont suivie jusqu’à aujourd’hui. Quelques amis proches me disaient de m’en « détacher », mais je n’ai jamais pu. Jérémy restera la plus grande blessure dans ma vie. Ce goût d’inachevé que je revivrai d’une autre manière dans d’autres relations sentimentales. Comme si je me punissais en m’engageant sur de mauvais chemins. Pire encore, en connaissance de cause. Alors si ça, ce n’est pas de l’autoflagellation ! D’où un changement de vie radical pour m’étourdir ailleurs, avec d’autres personnes, très loin de ce que j’aurai dû vivre.
Retour à Paris, au milieu du béton et d’un rythme auquel je dois me réhabituer. Je retrouve mes amis parisiens qui ont été également un vrai soutien moral. Je décroche un job quelques mois après mon retour. On dit que le temps fait son travail pour apaiser la douleur, c’est vrai. Je vis chez mes parents et recommence à sortir un peu.
Avec deux amies, nous aimons aller dans une boîte afro à Paris. La musique me fait beaucoup de bien. Gaie, chaleureuse, rythmée. Pendant les quelques heures sur le dance floor, je ne pense plus. J’arrive à me laisser aller, me laisser juste charmer par des hommes. Un soir, je croise celui que je n’aurai jamais dû croiser si…
Si ce virage n’avait pas été mortel tout simplement. Je ne serai pas là en face de ce garçon qui bégaye un peu, mal assuré. Tout le contraire de Jérémy. Je ne le prends pas très au sérieux, mais il a quelque chose d’attachant dans cette attitude un peu gauche et timide. Nous échangeons nos téléphones pour une rencontre en plein jour.
Une rencontre, puis deux, puis trois et le changement de vie va s’amorcer avec lui. Totalement improbable. Je perçois quelque chose d’instable mais je me lance. Nous entamons une relation dont j’essaye de me persuader qu’elle est bonne pour moi. Mais je ressens beaucoup d’incertitude. Je sais que je m’engage sur une voie compliquée pour tout un tas de raisons. Et je sais surtout que cet homme ne sera pas celui qui pourra m’assurer, qu’aucune corde, aucun filet ne pourra me retenir le jour où j’en aurai besoin. C’est moi qui vais endosser ce rôle, qui vais ouvrir la voie, lui dire où il faut passer, le guider pas à pas. Jusqu’au jour où je n’aurai plus l’énergie pour le porter encore et encore.
Malgré des doutes et une relation de trois années assez tumultueuses, nous nous marions. Quelques mois après, notre premier enfant. Grand moment de bonheur.
Nous habitons Noisy-le-Grand et déménageons à Montsoult où habitent mes parents et ma grand-mère. Maman et Maminou nous proposent de garder Benji lorsque je reprendrai le travail. Soulagement pour moi car ces deux femmes fortes et aimantes s’occuperont merveilleusement bien de ce premier petit-fils. Benji sera choyé, et ma grand-mère lui portera une affection très particulière. Il lui redonne le sourire, et la vitalité de s’occuper d’un très jeune enfant.
Quant à Dan, il a enfin trouvé un emploi stable. On ne roule pas sur l’or mais nous avons pu effectuer notre premier achat d’un appartement. Deux ans après la naissance de Benji arrive notre fille Anoko. Et avec elle, les premières trahisons de Dan. Lors d’une visite de routine chez mon gynécologue à sept mois de grossesse, je lui dis ressentir une gêne un peu mal placée. Nous faisons des analyses.
« Bon, ce n’est pas grave. Mais c’est une MST ».
What ! Impossible, comment aurais-je pu attraper ça ?
« Pour éviter tout risque de contamination pour le bébé, je suis obligé de programmer une césarienne, malgré le traitement que je vais vous prescrire ».
Je rentre dans une colère noire. Arrivée à la maison, je demande des explications à Dan. Il nie toute relation extra conjugale.
« N’importe quoi. Tu as très bien pu l’attraper autrement ».
Bien sûr, par l’opération du Saint-Esprit !
Mais il arrive à me convaincre. J’accouche en avril de cette merveilleuse petite fille. Arrive l’été où je pars deux mois complets avec mes enfants dans la maison familiale à l’île de Ré. Cette maison où j’ai passé mes plus belles vacances d’enfance, mon adolescence et avec, mes premiers émois. Où nous étions venus avec Jérémy. Lui, l’homme de la montagne avait adoré les balades à vélo, les plages sauvages mais pas la température de l’eau !
Dan me rejoindra courant août. Lorsqu’il arrive, il a plein de cadeaux pour les enfants et moi. Et pour cause ! Je suis heureuse de le retrouver après ce mois de séparation. La première nuit, je pense que nous allons nous aimer. Mais rien ! Je mets ça sur le compte du voyage. Naïve ! Nous rentrons à Paris fin août.
Les mois passent, les enfants grandissent bien et je reprends mon job. Le rythme est soutenu. Départ très matinal, retour très tardif. Entre les enfants, préparer le dîner, et tout le reste, il est souvent très tard quand j’arrive à me poser. Rebelote le lendemain. Les week-ends, je mets un point d’honneur à sortir les loulous. J’ai été moi-même habituée à être dehors par tous les temps, alors je supporte assez mal de les garder enfermés. Quant à Dan, il passe beaucoup de temps sur le canapé… ou à la salle pour ses séances de tennis de table. Puis certains samedis, il sort. Seul. Rentrant bien souvent au petit matin. Cela me déplaît, je lui dis, on se dispute. Ça devient tendu entre nous. Jusqu’au jour où, rentré très tôt le matin, il laisse son portable dans la cuisine. Je prends mon café pendant qu’il dort et j’entends son téléphone vibrer.
C’est un message vocal. J’hésite, mais j’écoute. C’est le choc. Malgré ses sorties nocturnes, impossible d’imaginer autre chose que des soirées entre potes. C’est un de ses amis. Le message est clair.
« On s’est perdu de vue pendant la soirée, mais on m’a dit que tu étais reparti en charmante compagnie, tu me raconteras ».
Pire encore, je reconnais la voix de ce pseudo ami venu dîner chez nous quelques semaines auparavant. Je suis bouleversée. Que faire ? Je suis déjà fatiguée de nos disputes de plus en plus récurrentes. Alors je ne dis rien. L’après-midi, je dois aller faire du cheval. Depuis quelques mois, j’ai décidé de reprendre l’équitation et chaque dimanche après-midi je vais prendre des cours. Jamais il ne m’accompagne. Ce dimanche, étrangement il veut venir avec les enfants. Nous partons. Arrivés au club, je descends de la voiture. En refermant la porte, je vois un gant en cuir sur lequel j’étais assise. Un gant de femme. Je l’attrape. Lui est debout côté conducteur. Je lui balance le gant par-dessus le capot.
« Tiens tu rendras ça à celle qui l’a oublié… »
Il l’attrape à la volée, me regarde, affolé. Il peut !
Car je viens de découvrir sa trahison, parmi d’autres que j’apprendrai plus tard. Perturbée, je démarre ma séance d’obstacles mais ma jument ressent mon malaise, mon manque de confiance. Elle m’éjecte au moment de sauter mon premier obstacle. Je me retrouve par terre. Cécilia, ma prof, m’oblige à remonter sur la jument pour reprendre l’autorité sur elle. J’ai peur, mais je repars au petit galop et au moment de sauter, je la pousse, et je pousse un cri. Non pas d’encouragement mais de rage contre lui.
Notre relation passera par des hauts et des bas jusqu’à la naissance de notre troisième enfant, Mathis. Et là, j’ai voulu croire que tout irait bien. Il a eu peur de me perdre, alors il a stoppé les sorties en solo. J’ai passé l’éponge, parce que les enfants, parce que je voulais aller au bout de cet engagement pris quelques années plus tôt. L’arrivée de Mathis me comble. C’est un très beau bébé tout comme l’étaient son frère et sa sœur. Je suis très fière de ma fratrie. J’essaye de les élever du mieux que je peux. Mais parfois très seule pour ça. Il ne manifeste pas beaucoup d’intérêt pour ses enfants dès lors qu’ils commencent à marcher. Alors que bébés, on se battait presque pour leur donner le bain, changer les couches. Quand ils ont fait leurs premiers pas et tenté d’attraper tout ce qui était à leur hauteur ou pas, il fallait les surveiller. C’est devenu pour lui moins intéressant et plus contraignant.
Benji a souffert du manque d’intérêt de son père car des trois, il est certainement le plus fragile, le plus sensible. Lorsque le dimanche son père partait taper la balle au tennis de table, il n’attendait qu’une chose, l’accompagner. Il avait six ans et savait tenir une raquette. Il faisait en sorte d’être prêt. Attendait son père dans le couloir. Mais Dan prétextait toujours ne pas pouvoir l’amener. Cela me brisait le cœur d’apercevoir dans les yeux de Benji toute la déception de voir son père partir sans lui. Je ne comprenais pas pourquoi il n’avait pas plus d’enthousiasme à partager des moments privilégiés avec son fils. Puis un moment est venu où ni Benji ni moi n’avons demandé.