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Ludo, amoureux de la nature et passionné de photos, envisage une retraite paisible dans sa région natale. Cependant, lors d’une partie de pêche, il fait une rencontre qui le conduira sur des chemins inattendus.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Pour écrire "Évora mon amour",
Richard de Swarte s’inspire d’un souvenir attendrissant lors d’un voyage au Portugal, où il a rencontré son sosie près de la Fontaine d’Évora. Ses mots traduisent de belles émotions.
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Seitenzahl: 104
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Richard de Swarte
Évora mon amour
Roman
© Lys Bleu Éditions – Richard de Swarte
ISBN : 979-10-422-1956-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Michel Jeury, écrivain,
en souvenir de nos études et de nos nombreuses rencontres amicales en Périgord avec toute mon admiration pour son talent et son humanisme.
À ma grand-mère Denise Reynaud,
héroïne de la Résistance
qui m’a appris le sens de la vie.
Le Lys Bleu Éditions
– Folie passagère, décembre 2021 ;
– La rivière des parfums, septembre 2022 ;
– Lumières, novembre 2022 ;
– Gris Rose Rouge, novembre 2022 ;
– Journal intime, juillet 2023.
La place principale du village de Meylac, sud Dordogne, est éclairée par des lampadaires disposés dans chaque angle. La nuit, ces taches de lumières blanches créent un contraste avec les lueurs qui s’étalent sur les murs de façades des immeubles ornés de colombages en bois sombre garnis de briques plates en terre cuite, tel un clair-obscur peint par un artiste.
Au centre de ce vaste espace grouillent des vacanciers et des âmes du village qui déambulent autour des marchands installés là, le temps du marché de nuit. Des odeurs d’oignons frits, de viandes grillées, de pâtes à gâteaux, de sucre à nougats et barbes à papa, de savons d’un artisan local, de pizzas cuites dans un camion des années 60, ce melting pot de senteurs éveille chez Ludo Roque une envie de goûter au salé et au sucré, mais les relents des savons trop parfumés et acidulés lui donnent envie de gerber. La chaleur de juillet l’assomme, il transpire et s’essuie le visage avec son mouchoir blanc en fil. Il a toujours un mouchoir blanc dans ses poches, une vieille habitude qu’il a héritée de son père.
Il allume une cigarette pour masquer ce mélange d’effluves. Il s’écarte un peu juste dans un angle éclairé, ainsi il profite d’une vue globale des lieux, des lampes et des guirlandes sont suspendues aux structures des stands. Il s’appuie contre un gros pilier en pierres taillées formant le soutien d’une arcade puis il ajuste son appareil de photo en position manuelle, règle l’intensité du flash, il aime la photo, il est équipé du dernier modèle de Canon et il mitraille ce monde d’un soir. Il jette son mégot dans un caniveau et se dirige vers la terrasse extérieure de la pizzéria, une petite table ronde est disponible. Il s’installe et commande un verre de vin italien et une pizza.
Ludo aime le parfum et le velours fruité du cépage de la région des Pouilles.
Il sirote sa boisson comme s’il était seul au monde. Il n’entend pas le brouhaha du marché, les rires, la musique, les paroles, non, il est vraiment seul dans sa bulle, dans ses pensées, il laisse aller son esprit dans son passé de souvenirs diffus, de son retour au pays après ces longues années à parcourir l’Europe, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique. Il sent qu’il est devenu un point tout petit, minuscule, dans ce village qui l’a vu naître où il ne reconnaît plus personne après plus de trente ans d’un exil professionnel avec des charges, de lourdes responsabilités, de forts enjeux financiers qu’il a complètement réussis. Il en est un peu fier même plus que ça, plus qu’un peu, il en est fier et il est riche de son expérience et de ses biens. Malgré tout, il est seul, très seul, et ce soir, il a le spleen, il pensait retrouver ses amis d’enfance mais à part deux ou trois personnes avec lesquelles il ne parlait ni ne jouait lorsqu’il était enfant, il ne connaît plus personne et ça le déprime. Finalement, il n’aurait peut-être pas dû venir ici. Il a acheté une belle maison située au bord de la rivière dans laquelle il a appris à nager et à pêcher aussi avec son aïeul, son arrière-grand-père Adonis.
Sa solitude, il ne l’a pourtant pas souhaité, la vie en a décidé autrement.
Sa femme et son fils sont partis sans qu’il puisse leur dire au revoir, un crash d’avion au retour d’un voyage au Sri Lanka. Il aurait dû mourir lui aussi mais la compagnie avait survendu les réservations. Il a pris le vol suivant, ainsi va la vie, comme on lui a dit. Il trouvait ça con qu’on puisse dire des idioties pareilles, ce n’était pas ton heure. Bien sûr que ce n’était pas son heure mais c’était l’heure de son plus grand malheur, dix ans déjà, la mémoire de sa descente aux enfers est bien vivante.
Quand il a appris, il a ressenti ses jambes défaillir et il s’est vu tomber au plus profond d’un noir abîme. Il a manqué d’air et d’équilibre, il a dû se tenir au comptoir de la compagnie aérienne pour ne pas s’effondrer physiquement.
Il était anéanti, même laminé, ses pensées s’étaient emmêlées, il ne trouvait plus ses mots, il est resté muet plusieurs jours, aucun son ne parvenait à sortir comme si sa mâchoire et sa gorge étaient bloquées à tout jamais. Violette avait 54 ans et Edward 25.
C’est un psy qui l’a aidé, il lui a donné la clé, la clé pour tenter de s’évader de cette prison de la douleur, c’était complexe ce qu’il lui disait. Au début, il ne comprenait pas, il lui parlait de culpabilité, de peur et de honte de la mort, il trouvait ça confus, inaccessible et puis il a saisi en décortiquant les paroles qu’il avait entendues.
La nuit, il se réveillait en sueur et d’un bond, il s’asseyait sur son lit en cherchant sa respiration, il ne parvenait pas à se rendormir, il se levait, allumait la télé, il mangeait un yaourt avec du miel, il recherchait de la douceur pour se calmer, c’était vraiment très dur.
Encore aujourd’hui, il lui arrive de faire ce cauchemar au cours duquel il voit l’avion tomber et ses deux êtres les plus chers l’appeler, « Ludo chéri, papa, aide-nous », et c’est le black-out, le manque d’air, la transpiration, le bond dans le lit et debout sans parvenir à retrouver le sommeil.
Il savait que les soldats de la grande guerre dans les tranchées qui voyaient mourir leurs compagnons sous leurs yeux avaient vécu avec des images atroces dans les mêmes cauchemars que lui, bondir dans le lit, suer, manquer d’air, se lever et ne pas dormir jusqu’à l’épuisement du corps.
Son arrière-grand-père Adonis a connu des atrocités au cours de la guerre.
À son retour, il dormait avec Suzanne, sa femme, dans un lit de coin, la nuit, il criait, suait, se levait et allait marcher dans le jardin, été comme hiver, il a gardé ce traumatisme jusqu’à sa mort, à l’âge de cent ans.
Lorsqu’il était enfant, les histoires d’Adonis le faisaient sourire, bien sûr, il n’avait pas conscience de la douleur, de la cruauté des souvenirs de cet homme qui jamais ne racontait les horreurs de la guerre, il ne pouvait pas en parler.
Aujourd’hui, c’est ce qu’il ressent, Ludo, il ne peut pas exprimer sa cohorte de misères ou alors il sait qu’il entendrait les mêmes conneries du genre, « ainsi va la vie » ou alors, « oui mais la vie continue », ou encore « si tu veux en parler, appelle-moi ». Non, il n’a pas envie d’écouter ça, il préfère regarder le ciel étoilé, s’il a la chance de voir une étoile filante, il pensera, c’est un signe, ils bougent là-haut mes deux amours.
On s’est connu, on s’est reconnu, on s’est aimé puis on s’est séparé ou plutôt on nous a séparés, déchirés le cœur, l’âme, et le corps tout entier a été brisé, émietté, sublimé.
Sa pizza refroidit. Il n’a pas vu la serveuse la poser devant lui, juste ses narines ont frémi lorsque des volutes chaudes et parfumées lui sont parvenues et sont arrivées à son cerveau qui lui a dit : « Alors Ludo, tu manges ou tu attends que ce soit immangeable, froid, figé, caoutchouteux. » Il a commandé un deuxième verre de ce vin si gai qui efface d’une gorgée tout le bordel qu’il a dans sa tête. Il a taillé la pizz avec son couteau, un cadeau d’un ami amateur de canifs de collection, lame forgée damassée, manche en ivoire, lorsqu’il a fini de l’utiliser, il l’essuie avec ses lèvres et sa langue puis le frotte sur sa serviette et le range dans sa poche de pantalon.
Depuis le drame, il est victime de tocs, enfin plutôt de petites manies du genre, « si je fais ça, tout ira bien ». Souvent, ça le fait sourire et puis il se dit : « si elle était là, elle me regarderait en riant en découvrant ses jolies dents bien alignées, en plissant ses yeux marron noisette et verts, et elle remonterait sa mèche de cheveux noirs du côté droit qui vient lui cacher son œil. Si elle était là, lui n’y serait pas là, ils seraient certainement partis au Pérou sur le lac Titicaca ou en Polynésie sur un atoll pour se griser des paysages et des fonds marins ». Il allume une autre clope et tire dessus longtemps comme pour se faire du mal. Lorsqu’on est triste, on veut toujours se faire mal. C’est con parce que déjà être triste, ce n’est vraiment pas drôle du tout mais c’est ainsi un peu pour se punir d’être las de la vie.
Demain, j’irai à la pêche dans ma petite rivière, le cours d’eau de mon enfance, je resterai des heures à contempler l’eau courante, les fleurs jaunes et blanches des nénuphars, les petits poissons qui cherchent un peu d’oxygène à la surface en créant de petites ondes, le martin-pêcheur qui rase l’eau et gobe les insectes et les alevins imprudents, j’écouterai le merle siffleur, la tourterelle et son refrain sans fin toujours le même, le coucou au loin dans la campagne qui semble n’être qu’un écho.
Oui, demain, j’irai voir ma belle rivière remplie de messages d’espoir et de quiétude.
Ils étaient tombés amoureux dans un petit snack où ils déjeunaient chaque jour de leur semaine de travail. Il lui avait tenu la porte et galamment l’avait laissé entrer, elle, Violette, lui avait souri et remercié. Les jours suivants, ils se saluaient et ils ont fini par s’installer à la même table sans que cela soit prémédité, non, tout simplement parce que toutes les tables étaient occupées. Ils ont un peu parlé le premier jour après avoir échangé leurs prénoms. Ludo est très vite tombé amoureux de cette jolie fille. Violette avait un petit ami, elle le lui a dit.
Au fil du temps qu’ils passèrent ensemble, ils se découvrirent de nombreux points communs, l’art sous toutes ses formes, les randonnées en montagne, la plongée sous-marine, la lecture, ils avaient lu les mêmes livres et ça les a fait rire, c’est comme ça quand on est amoureux, on rit pour tout et pour rien, on a envie d’ajouter du rire au bonheur, on n’y pense pas, ce n’est pas réfléchi ou calculé, c’est instinctif, naturel, ils étaient sur leur petit nuage.
Elle a compris que ses sentiments pour Ludo étaient forts et elle s’est libérée de son petit ami.
Tous les deux savaient qu’ils feraient leur vie ensemble, tous les deux pensaient : « c’est lui, c’est elle ».
Ludo avait développé sa propre société d’import-export affrètement et transport, d’où ses nombreux déplacements à l’étranger, l’ensemble des transactions étaient éditées en anglais de même que les échanges verbaux.