Femme à sa fenêtre, lisant... - Michèle Labidoire - E-Book

Femme à sa fenêtre, lisant... E-Book

Michèle Labidoire

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Beschreibung

L’histoire se passe au Moyen Âge, au 11ème siècle.
Agnès d’Aubusson a épousé le puissant seigneur limousin, Gouffier de Lastours. Mais dans son château, elle regrette son enfance dans le domaine de son père où elle courait libre avec ses frères et partait souvent dans la campagne pour des parties de chasse ou de folles chevauchées. Désormais, elle s’ennuie et rêve, à la fenêtre de son château. Elle aurait tant aimé découvrir le monde. Heureusement, le chapelain, Frère Anthelme vient souvent lui faire la lecture. Pour se distraire et par curiosité, elle décide d’apprendre à lire…
Pendant ce temps, dans le pays, des rumeurs circulent : une croisade se prépare pour libérer la ville de Jérusalem, occupée par les Turcs…


À PROPOS DE L'AUTEURE 


Michèle Labidoire vit à Niort dans les Deux-Sèvres où elle a été professeure de Lettres, puis de Communication. Elle anime des ateliers d’écriture depuis une vingtaine d’années. Elle écrit depuis longtemps, des nouvelles et des romans. Elle a déjà publié un récit, « Un soldat oublié », inspiré par la vie de son grand-père blessé en 1914, et un roman aux Editions Ex Aequo, « Elisabeth a disparu ». 

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Michèle Labidoire

Femme à sa fenêtre, lisant…

Roman

ISBN : 979-10-388-0529-3

Collection : Hors-Temps

ISSN : 2111-6512

Dépôt légal : janvier 2023

© couverture Ex Æquo

© 2023 Tous droit de reproduction, d’adaptation et de

traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays

Toute modification interdite

ditions Ex Æquo

à mes parents, instituteurs à Rilhac-Lastours de 1946 à 1958, qui m’ont donné le goût des livres

Avant-propos

Les personnages de ce roman ont réellement existé. Ils vivaient au temps lointain du Moyen Âge, au 11ème siècle.

Gouffier de Lastours était un chevalier limousin, seigneur de Lastours, Hautefort et Pompadour, qui participa à la première croisade en 1095. Il s’illustra aux sièges de Nicée, Dorylée et Antioche et lors de la prise de Jérusalem le 15 juillet 1099. Une légende raconte qu’il aurait sauvé un lion de l’attaque d’un serpent. Ce lion l’aurait suivi partout, même pendant les combats ce qui aurait valu à Gouffier le surnom de «Chevalier au lion».

De sa femme Agnès d’Aubusson, on ne sait pratiquement rien, sinon qu’elle donna naissance à quatre enfants.

La tentation était grande de lui imaginer une vie, dans un monde de guerres et de combats, mais aussi de grande effervescence intellectuelle, en particulier dans les abbayes, comme celles de Cluny, de Fontevraud ou de Saint-Martial de Limoges. Ces abbayes possédaient de belles bibliothèques. On y lisait, on y écrivait, on y copiait des livres.

Voici donc l’histoire rêvée d’Agnès d’Aubusson, qui lisait en son château…

1

J’aime cette heure-là, l’heure d’avant les lampes. Je m’assieds pour broder sur le dur siège de pierre. De la fenêtre, je vois le jour descendre lentement la pente de la colline. Seule, une lisière dorée s’attarde encore là-haut. La rivière est déjà dans l’ombre. Dans les prairies, les bêtes ne sont pas encore rentrées. Tout à l’heure, les villageois viendront les rassembler à grands cris pour les pousser vers les étables.

Dans les basses cours, les domestiques allument les brasiers au milieu des volailles et des porcs. L’odeur des viandes monte jusqu’à moi. Les servantes vident les bassines et le bruit des éclaboussures accompagne leurs rires aigus. Tous s’activent dans un grand bruit vivant et chaud.

Je laisse la nuit venir en moi. Cette heure m’apaise. L’ennui qui tisse désormais mes jours se fond dans la douceur du soir. Le monde va se resserrer autour du feu de la grande cheminée, autour des chandelles fumeuses. Il va rétrécir et c’est comme si au-delà des murs du château, il n’y avait plus rien. Les goules et les démons de la nuit, les lutins grimaçants qui peuplent, dit-on, la forêt, vont se casser les griffes et les dents sur ces murs de pierre.

Il me semble que je m’ennuie moins dans ce monde rétréci. Mon regard ne peut plus interroger le haut des collines, l’horizon au-delà des forêts. J’aurais tant aimé découvrir le monde, le connaître. Les récits des jongleurs qui vont de château en château en disent des merveilles. Les hommes, lorsqu’ils reviennent de guerre, en parlent à voix basse entre eux, pendant que les femmes cousent.

Chez mon père et ma mère, on me laissait courir avec mes frères dans tout notre domaine, on nous accueillait aux cuisines, à l’écurie, nous plongions nos bras dans le bassin aux truites, nous revenions de nos jeux les mollets zébrés d’épines, des chardons accrochés aux cheveux, la bouche pleine de questions. Ici, un tel comportement ne sied pas à mon rang. Mon seigneur et époux me le répète souvent : «Ne faites pas la curieuse. Vous n’êtes plus une enfant».

La nuit est tombée maintenant. Je suis calme et tranquille. Pourtant, demain, je retrouverai mon inlassable curiosité, nostalgie d’un ailleurs que je ne connaîtrai sans doute jamais. Je suis désormais mariée à mon seigneur Gouffier, attachée à ce château. Du monde, je ne connaîtrai que le trajet qui m’a conduite de la maison de mon père à celle de mon seigneur. J’ai emporté jusqu’ici des images fugaces, volées au temps du voyage : des hameaux boueux grouillant d’enfants en guenilles, des paysans dans les champs, qui regardaient passer sans un mot nos mules et nos équipages garnis d’oriflammes et de grelots, une chambre d’auberge aux odeurs fortes et inconnues, où j’ai si bien dormi sous un gros édredon rouge, une halte près d’une de rivière. Sur un caprice de mon seigneur Gouffier — Était-ce pour me plaire ? —, les valets avaient étalé sur l’herbe de blanches toiles, les servantes y avaient déposé galettes de bon beurre, blancs caillés nageant dans leur frais petit lait, cuisses de volailles dorées, tourtes aux herbes et aux racines. L’eau du ruisseau glougloutait doucement comme un sablier égrène le temps, et j’aurais voulu que nous n’arrivions jamais nulle part.

À la fenêtre de mon château, châtelaine, je suis assise. J’ai posé mon ouvrage sur mes genoux, et je rêve. Je suis lasse de broder. Autour de moi, dans la salle basse, on s’affaire, on porte les bûches pour le feu, de l’eau dans de grandes cruches, on dispose des écuelles de grès sur la table de chêne, on chantonne, on marmonne. Je me sens si seule pourtant.

Sur le banc de pierre en face de moi, un gros livre est posé. Frère Anthelme, notre chapelain, qui est venu me faire lecture tout à l’heure, l’y a oublié. Il sait choisir les plus belles histoires des Saintes Écritures pour me désennuyer. Aujourd’hui, il m’a lu la vie du grand roi Salomon, qui construisit le temple de Jérusalem, et le récit de la visite que lui fit la reine de Saba, avec sa caravane chargée d’ivoire, de parfums et de diamants.