Festivalier (s)... Une vie moins ordinaire - Pascal Leray - E-Book

Festivalier (s)... Une vie moins ordinaire E-Book

Pascal Leray

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Beschreibung

Des études de comptabilité, une formation de journaliste territorial à l’ESJ de Lille, Pascal Leray a fait sa carrière dans la Fonction publique territoriale. En parallèle, il a été correspondant de presse pendant près de 20 ans et est investi depuis sa jeunesse dans la vie associative. Il a publié une demi-douzaine de récits de vie pour des particuliers, écrit un ouvrage-photos pour la commune dans laquelle il exerce et autoédité en 2021 son premier roman "Un été préfaillais", désormais disponible en version numérique sur www.librinova.com. « J’ai toujours aimé écrire. A mon adolescence, je remplissais des pages en vers (poèmes et chansons). Passionné de cinéma, j’ai ensuite écrit des scénarii de courts métrages et même un long », souligne l’auteur qui a aussi participé à de nombreux tournages de films comme figurant et bénévole.

«Il existe l’année civile qui court de janvier à décembre. Les enfants préfèrent l’année scolaire, de septembre à juin. Moi, j’ai aussi mon année, de mai à mai, où plus exactement d’un festival de Cannes à l’autre...»

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pascal Leray est né à l’époque de la Nouvelle Vague. Les dessins animés ont bercé son enfance, les séries et les films, enrichi son adolescence. Depuis 1991, il parcourt la France des festivals. De Cannes à La Rochelle, de Montpellier à Nantes... il va à la rencontre d’univers qui sont autant de découvertes et d’émotion renouvelée. La vie est un miracle lui renverrait Emir Kusturica. Dans "Festivalier(s)... Une vie moins ordinaire", Pascal Leray décrit sa passion pour le cinéma et sa vie de festivalier avec force et tendresse. Rencontres et anecdotes émaillent ses voyages. Elles les lui rendent indispensables. Ce ne sont pas simplement des souvenirs, mais bien plus, une autre vie, parallèle à celle qui lui est nourricière. Et, au-delà, celle de milliers de cinéphiles qui se reconnaîtront forcément dans ces pages.

Cet essai a été publié en autoédition en 2004. "Le Temps d’un roman" a décidé de le remettre dans la lumière en le rééditant 20 ans après...

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Couverture

Page de titre

 

 

 

PASCAL LERAY 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Festivalier(s)…

 

Une vie moins ordinaire 

 

 

 

 

 

 

 

 

Préface

Céline DELFOUR

 

 

 

 

 

« Le Festival est un no man’s land apolitique,

un microcosme de ce que serait le monde

si les hommes pouvaient prendre des contacts directs

et parler le même langage. »

Jean Cocteau

 

 

 

 

 

A mes amis cinéphiles avertis :

Céline, Jim, les 3 Monique,

Dominique, Edwige, Alain,

Jean-Paul, Daniel, Sarah, Didier,

François, Nathalie, Gwen, Effix,

Bertrand, Martine, Marie-Claire…

 

à tous les autres :

ceux que j’ai croisés dans un couloir,

ceux avec qui j’ai partagé les joies d’une salle

et ceux que je vais bientôt rencontrer…

 

à Lina et notre regretté Edmond

 

 

à Cécile

 

 

Avant-propos

 

 

   En 2004, je publiais Festivalier(s)… Une vie moins ordinaire, mon tout premier livre, un essai sur ma passion du cinéma, et plus particulièrement sur ma vie de cinéphile au sein des festivals de France commencée en 1991. Novice dans le monde des auteurs et ne sachant pas si ce livre serait aussi mon dernier, je décidais de l’autoéditer et de me charger de toutes les étapes de sa création : lecture, relecture, corrections, mise en pages, couverture et 4ème de couverture, recherche d’un imprimeur, enregistrement à la Bibliothèque nationale de France, recherche de l’ISBN et du code barre, commercialisation, communication. Un travail monstrueux mais ô combien valorisant, enrichissant. Seulement, il est difficile de faire connaître son ouvrage au-delà d’un périmètre, souvent celui de son lieu de vie… Néanmoins, j’étais ravi en quelques années d’écouler 1 000 exemplaires. 

   En décembre 2023, quelle ne fut pas ma surprise d’être contacté par le responsable de la jeune Maison d’édition « Le temps d’un roman » très intéressé de le rééditer, de lui redonner une nouvelle vie et une envergure nationale ! Qu’il reçoive toute ma gratitude. 

 

   20 ans se sont écoulés et mon essai ressort en ce mois de mai 2024, à quelques jours du Festival de Cannes. Amis cinéphiles, j’espère que vous y retrouverez tout ce qui fait votre amour du septième art ; amis lecteurs, j’espère que ce livre vous donnera l’envie d’aller encore davantage dans les salles découvrir des films d’aujourd’hui mais aussi d’hier et de vous forger votre culture cinématographique. Rien ne remplacera un film vu et partagé sur un grand écran. 

 

Préface

 

 

   C’est avec, en toile de fond, une émission radiophonique marocaine consacrée à l’actualité du cinéma international que je te retranscris ces quelques feuillets. Beau clin d’œil, s’il en est, les ondes diffusant des bandes originales ou morceaux choisis, lesquels se marient à merveille avec ton projet d’édition d’un carnet de festivalier… « L’écran magique » est prêt à accueillir notre Cinéma Paradiso au temps de sa Splendor. La vita e bella !! Avanti !! Lever de rideau ! 

   Ma modeste contribution à ton premier ouvrage publié, mon cinéphile et néanmoins cinéphage préféré, fait écho à mon récent périple vers un continent Si loin si proche… entre deux rives… qui nous réunissaient déjà depuis nos parcours communs de Cannes Mandelieu à Cannes La Bocca ! 

   « J’ai la mémoire qui flanche, je m’souviens plus très bien… » fredonnait Jeanne Moreau au cœur d’un classique du septième art, Jules et Jim. Mais pour toi, Pascal, je vais dérouler le tapis rouge ! Une belle image que ce titre Le tourbillon de la vie résumant fort bien nos années Lumière ! 

   « Sur l’écran noir de mes nuits blanches, moi, je me fais du cinéma… » chantait Claude Nougaro. Et si l’on aime à se remémorer, pour nous deux, la première bobine est synonyme de Nantes, de son Festival des 3 Continents, de « Tout Feu Tout Flammes », et du Beaulieu. Mais ne dérivons pas, puisque la Croisette est au centre de ces dix dernières années de rencontres cinématographiques inoubliables, lieu privilégié de nos files d’attente, agrémentées de discussions hautes en couleur… Vive le septième art, Viva Il Cinema, comme en écho à cette présente édition du Festival international du film de Cannes, notre passion mais aussi celle d’ami(e)s comme Monique & Jim (le nôtre !), nos rochelais préférés, grâce à qui nous empruntons, avec une joie non feinte, le passeur. D’un port à un autre, nos convictions nous ont souvent conduits à jouer ce rôle tant rêvé, voire idéalisé… De là à nous mener jusqu’à la destination de la ville du Caire… seule la rose pourpre nous l’offrirait ! 

   Alors, grâce à ton projet, changement de bobine… même décor… au service de « l’évocation d’une vocation », je crois ne pas me tromper si je te précise que j’emprunte cette superbe expression – si adéquate à notre Souvenir, souvenir – à Agnès Varda (dont la destinée est à jamais unie à celle de Jacques Demy, son Jacquot de Nantes)… M’y autorises-tu, Pascal, au regard de notre chaleureuse rencontre humaine et artistique ? 

   Sous Les feux de la rampe, saluons combien il s’est révélé plus facile de se retrouver en Terre du Sud que sur la Côte Atlantique et ainsi sceller notre indéfectible amitié. Le temps d’une semaine ou d’une quinzaine, Les lumières de la ville se conjuguaient à l’arrivée du joli mois de mai avec celles du Palais des festivals et surtout de celles de la MJC Picaud ou de l’Espace Mérimée, théâtres de riches heures cinématographiques à l’image de projections mémorables et conviviales. Eh oui, Pascal, comme tu ne bénéficiais pas de la même accréditation que moi (parfois « enviée » tant elle offrait davantage de latitude quant à l’accès en salles, ne me dédouanant pourtant pas de quelques heures quotidiennes à patienter…sans toi !), nous avions pris l’habitude de nous donner rendez-vous dans ces espaces de liberté, lieux de rencontres et d’échanges privilégiés, à l’image de « centres culturels », synonyme de partage, de désir, de découverte et de passion. Notre « sésame », je veux dire « le véritable moteur », « le dénominateur commun » ne reste-t-il pas la passion qui nous anime ?… 

   « Emportons-nous pour ce qui nous importe », aimait à dire l’un de nos cinéastes, François Truffaut (tu te souviens, ce jeune auteur de « la Nouvelle vague » à la pointe du mouvement ayant abouti à l’absence de festival… en 1968). Ton enthousiasme, tes multiples engagements t’ont sans coup férir permis d’enfoncer des portes… fermées parfois aux non-professionnels de la profession ! Et pourtant, il suffit de se pencher sur tes nombreux articles parus dans le Courrier du Pays de Retz pour se rendre à l’évidence : tu appartiens à ce joyeux petit monde de la culture… et jamais, ô grand jamais, tu n’en as fait du cinéma ! Tu ne conçois pas ta vie sans le septième art… et bien t’en as pris puisque cela nous a offert le bonheur d’une rencontre unique. N’ayant pas eu le plaisir de découvrir les contributions amicales de La belle équipe, je risque de reprendre des Tranches de vie heureuses puisque partagées autour du cinéma ! 

   Notre carnet de notes au cœur d’un voyage, non pas au centre de la Terre (référence à nos origines communes !), mais en terre méditerranéenne s’est accompagné de journaux de festivaliers… aux côtés des catalogues et autres guides officiels. Gageons que ces dix glorieuses sauront continuer à livrer leurs richesses, au fil de ta parole… Nul doute qu’elles recèlent de véritables trésors qui sont autant d’ouvertures sur d’autres mondes, d’autres cultures, de regards croisés sur des civilisations méritant d’être mises en valeur, des femmes et des hommes vivant un quotidien forçant le respect, à l’image de récits initiatiques, de contes philosophiques… A la recherche d’un supplément d’âme, enrichissons-nous au contact des différences que tout un chacun porte en lui, comme une part d’humanité essentielle à une meilleure compréhension de notre environnement… Le Cinéma à l’image d’un merveilleux miroir, témoignant d’un fabuleux destin… Une fenêtre ouverte sur des pays, des peuples, d’autres horizons, Si loin, si proche. 

   Vincent, François, Paul… et les autres ou encore Pascal, Jim, Monique… et Céline prêts à se plonger dans un univers tantôt insolite, tantôt familier et assurément toujours fantastique. Toutes ces impressions sont décuplées en période de festival, a fortiori celui de Cannes qui, le temps d’une quinzaine menée avec brio, pourtant distille un parfum si enivrant… Les plus « mordus » d’entre nous, les inconditionnels, dont tu es, mon ami cinéphile, s’en donnent à cœur joie et voguent vers l’infini, tout en s’affranchissant de toute langue officielle si ce n’est celle propre au langage véhiculé par la simple appréciation des images défilant sur l’écran. Les frontières sont tout à coup abolies. Que n’a-t-on goûté à un plaisir non dissimulé en naviguant d’un pays à un autre, la notion « professionnelle » de cinématographie peu diffusée acquérant alors un sens tout particulier, celui qui contient l’essence, je devrais même écrire la quintessence… En espérant que certaines de ses œuvres seront également créditées à ton générique, et qu’elles continueront ainsi à rencontrer leur public. 

   Séquence nostalgie ! 

   En 1997, nous étions réunis pour la cinquantième édition de ce prestigieux et lumineux rendez-vous international, formons des vœux afin que le soixantième anniversaire du Festival international du film de Cannes soit l’occasion d’heureuses découvertes artistiques… et de retrouvailles amicales tant attendues…  

   Une œuvre intemporelle restera gravée dans ma mémoire, elle est indissociable de mon « Ciao », Pascal, momentané, sois rassuré. A nous autres, enfants que nous demeurerons, retrouvons-nous au Paradis, celui cher à Marcel Carné et à Jacques Prévert, il va sans dire ! A l’époque, l’an Un du Festival n’était pas encore d’actualité mais cela, c’est une autre histoire, un scénario dont tu t’empareras le moment venu, en insatiable cinéphile et cinéphage ! Et devine quoi, c’est comme cela que nous tenons à toi, Pascal ! 

   A toi de jouer, et si tu viens à croiser Garance ou Baptiste sur les chemins, estime-toi un homme heureux. 

Céline Delfour,

Responsable de la Cinémathèque,

Institut français de Rabat

 

 

 

Préambule

 

 

 

Le début de la vie

 

 

« Plus j’avance dans la vie, plus je me méfie des idées

et plus je fais confiance aux émotions. »

Louis Malle, cinéaste

 

 

   « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage. » Le mien, il dure toujours. Il s’interrompt parfois pour mieux repartir ensuite, au gré de mon temps libre. Bien que restant en France, j’ai l’étrange sensation de faire le tour de la planète, sans étapes précises, un peu dans tous les sens. Cette chance, c’est le monde du cinéma qui me la donne. Depuis 1991, je parcours les routes de mon pays à travers ses festivals de cinéma. Mon plaisir est à chaque instant renouvelé, décuplé. Grâce aux films, je découvre des horizons très variés, des cultures que je n’aurais peut-être jamais soupçonnées. Un exemple ? Je prends énormément de goût à voir des productions asiatiques. Goût est vraiment le mot ; la cuisine est très présente dans leurs films. J’ai un faible pour le cinéma taïwanais. Il se trouve à la croisée des chemins, entre une Chine populaire bien ancrée dans ses traditions et cette volonté de s’ouvrir vers le monde occidental. Les festivals me permettent aussi de rencontrer l’univers de cinéastes russes, tchèques, nordiques ou encore d’Afrique et d’Amérique latine que nulle part ailleurs il m’aurait été permis d’aborder. 

   Il n’est pas donné à tous de vivre une vie d’artiste. On ne peut naître et devenir comédien, chanteur, peintre, comme ça, d’un seul claquement de doigts. Il est toujours possible de s’en approcher en intégrant des groupes d’amateurs. Mais de là à en vivre, il y a de la marge ! De même que tout le monde peut écrire. Il ne suffit pas de se dire que l’on n’a aucun talent, pour ne pas au moins essayer ! Si l’envie est flagrante, il ne faut pas la refouler. 

   Voulant conjuguer ma passion du septième art avec celle de la plume, j’ai tout d’abord entrepris d’écrire des courts métrages. Puis, me demandant si j’étais capable de me mettre à la tâche sur un long, j’ai pris la décision de m’y atteler. Cela paraît facile quand une histoire vous vient en tête, mais pour la transcrire sur papier, il faut du temps. Je m’y suis consacré pendant six mois, tous les week-ends. A écrire et réécrire différentes versions. A ma plus grande satisfaction, j’y suis parvenu. C’est vrai, l’histoire est simple, peut-être même naïve… Aurait-elle plu à Claude Sautet dont j’apprécie tant les films et particulièrement Vincent, François, Paul et les autres, Garçon, César et Rosalie, Un cœur en hiver ? Je ne sais... Ce scénario, je l’ai envoyé en son temps au Centre national de la cinématographie. Le jury n’a pas jugé bon de lui attribuer l’avance sur recettes. Ce ne fut pas une surprise. Je m’y attendais. Tant bien que mal, ma satisfaction est tout de même d’avoir pu aller jusqu’à lui porter le mot FIN. 

   Quand l’envie d’écrire est en vous, le plus dur finalement, c’est de ne pouvoir s’y consacrer pleinement lorsque d’autres obligations, plus alimentaires, si vous voyez ce que je veux dire, vous prennent beaucoup de temps. Un écrivain peut très bien ne rien griffonner pendant plusieurs semaines et soudain se mettre devant sa feuille blanche et rédiger jusqu'à plus soif, inlassablement, sans se préoccuper de la météorologie extérieure, sans savoir si derrière ses volets il fait jour ou nuit. Ce plaisir, cette liberté, j’aimerais pouvoir en jouir. 

   Quelles que soient ses envies, ses complexes, ses croyances, ses possibilités, il faut essayer, se faire plaisir. Si le résultat n’est pas à la hauteur des attentes espérées, il apportera toujours une satisfaction, une énergie supplémentaire, un épanouissement certain, le sentiment d’avoir été au bout de soi. Il vaut mieux vivre avec des remords qu’avec des regrets. Même si j’ai parfois du mal à me l’appliquer concrètement. 

   Après quelques années sans rédaction, ma passion pour le cinéma étant la plus forte, je me suis décidé à tapoter sur mon clavier d’ordinateur, sans trop savoir au départ où cela me mènerait. Très vite, l’évidence m’est apparue. Je voulais écrire un livre dans lequel je parlerais du cinéphile festivalier que je suis. S’il est un sujet duquel je discute facilement, en général, c’est bien de celui-ci. Alors pourquoi ne pas en faire profiter le plus grand nombre, en l’exprimant sur papier. J’arriverais peut-être à faire passer l’émotion que me procure cette vie que je qualifie de parallèle. Et puis, au fil des ans, je me rends compte que les anecdotes que j’ai vécues dans les festivals, s’effacent peu à peu de ma mémoire. Pour en garder toute la saveur, j’ai décidé de les écrire comme le fait Isabelle Carré dans le film Se souvenir des belles choses. 

   Depuis 1991, je parcours les festivals de France. Souvent les mêmes. Ceux que j’ai choisis, pour leur programmation, mais aussi pour leur distance plus ou moins rapprochée de mon lieu d’habitation. En fait, ils jouissent tous d’un prestige réel. Certains ont un faible retentissement auprès des médias, mais cela ne retire rien à leur qualité. Si je le pouvais, je passerais ma vie à travers routes et chemins pour les suivre tous. Oui, mais voilà, mes vacances ne sont pas extensibles. Je dois me contenter de mes cinq semaines de liberté, auxquelles j’ajoute quelques week-ends. C’est ainsi que je me rends, dans l’ordre de leur apparition sur le calendrier, à Cannes, puis La Rochelle, Montpellier, Nantes… En son temps, j’assistais à celui de La Baule. Il n’a duré que peu d’années. Il faut dire qu’il n’a jamais rencontré son public. Trop peu de films à l’affiche peut-être. Des cinéphiles laissés pour denrées négligeables alors qu’ils sont la vitalité du cinéma. Néanmoins, c’est là que j’ai côtoyé le plus d’artistes. Cette manifestation, très conviviale, permettait les rencontres. Je ne voudrais pas oublier les salles associatives qui organisent aussi leurs propres festivals. Elles sont très prisées des citadins. 

   Ce livre est totalement autobiographique. Il renferme mon vécu d’amateur de cinéma, autant cinéphile que cinéphage. Ce n’est ni un roman, ni un journal. Il suit le parcours d’un homme sur une année. Un homme qui se raconte, à la première personne. Mon seul but est de donner envie d’aller en salle, encore et toujours. Dans cet ouvrage, je livre mes émotions, dévoile mes rencontres, explique ma passion, tout simplement. J’espère que le lecteur y découvrira, au fil des pages, toutes les saveurs d’un bon plat qu’il dégusterait pour la première fois, avec l’envie d’en reprendre une deuxième portion. C’est un regard de cinéphile, mon regard de cinéphile ; un essai libre écrit à son attention ; un essai dans lequel chacun pourra puiser des valeurs de respect, de solidarité et de bonheur partagé. 

   A tous ceux qui apprécient le cinéma et qui s’y rendent régulièrement, mais qui ne connaissent pas cette vie de festivalier, je souhaite transmettre ce désir ardent de la découvrir, de prolonger leur plaisir de spectateur par quelques déplacements. Les occasionnels du septième art choisiront peut-être d’aller plus fréquemment dans les salles obscures, jusqu'à devenir des inconditionnels. Et à ceux qui ne sortent jamais de chez eux, qui ne le connaissent ou ne l’apprécient qu’à travers la petite lucarne, bref, quel que soit leur degré de connivence avec lui, je leur demande d’avance de me pardonner de ne pas avoir pondu un chef-d’œuvre de la littérature. 

   Les cinéastes et acteurs disent souvent, en présentant leur bébé : « Nous espérons que le public prendra autant de plaisir à regarder notre film que nous en avons pris à le faire ». C’est le vœu que je formule pour ce livre : Festivalier(s)… Une vie moins ordinaire. 

 

 

 

 

 

 

Partie 1

 

 

 

 

La magie cannoise

 

 

 

 

 

 

 

 

PORNIC, 2004 : C’est dans la salle du cinéma Saint-Gilles que j’ai vécu mes premières émotions cinématographiques. J’avais 14 ans.

 

 

Amarcord1

 

 

« Tout art est une révolte contre la destinée humaine. »

André Malraux, écrivain et homme politique

 

 

   Il existe l’année civile, celle du calendrier grégorien, qui court de janvier à décembre. Les enfants préfèrent l’année scolaire, celle qui va de septembre à juin. Moi, j’ai aussi mon année, de mai à mai, où plus exactement d’un festival de Cannes à l’autre. 

   Ma vie bat au rythme de ces manifestations qui me font courir la France à travers les images que diffusent ces supers écrans blancs. Cette passion remonte à mon enfance. 

   Depuis mes cinq ans, tout ce qui se rapporte au monde magique du show-business et du music-hall m’intéresse. Pourquoi cinq et pas quatre ou six, tout simplement parce que c’est à cet âge que la télévision a fait son apparition dans la demeure familiale. Elle accapara tout de suite mon attention. Les dessins animés devinrent vite mon quatre heures. Je ne rêvais plus que d’une chose : intégrer l’écran. Défendre Caliméro, rouler vite avec les fous volants, partager les aventures de Mickey, Picsou, Donald, tous les amis de Disney… telles étaient mes ambitions, bambin. Sans oublier l’île aux enfants ! « Voici venu, le temps, des rires et des chants, dans l’île aux enfants, c’est tous les jours le printemps… » Cet air a trotté longtemps dans ma tête. Il est redevenu à la mode puisque repris en cœur par la foule, dans les karaokés. Puis ce furent les feuilletons diffusés ou rediffusés qui absorbèrent mon esprit, tant je me prenais pour leurs héros : James West et Artémus Gordon dans Les mystères de l’ouest, Lord Bret Sinclair et Dany Wilde de Amicalement vôtre, des enfants de la série Autobus à impériale jusqu’aux ados de Beverly Hills… Au grand dam de mes parents, alors que j’étais collégien, je passais mes soirées devant la télé, mes nuits, diraient-ils. Après le film, ce sont les émissions Monsieur Cinéma puis Mardi Cinéma de Pierre Tchernia et Jacques Rouland que je suivais. Pour rien au monde je n’aurais voulu les manquer. Je suis vraiment un enfant de la télé. Pourtant, je ne suis pas tombé dedans tout petit, comme Obélix dans sa marmite. Enfin, presque ! 

   J’ai découvert le cinéma et toute sa magie à quatorze ans, à l’âge de ma première mobylette. Une bleue. Une Peugeot des années soixante, toute rénovée. J’y avais accroché une antenne à l’arrière, en haut de laquelle flottait un fanion. Et pas n’importe lequel ! Sur ce petit drapeau blanc, on pouvait lire en lettre d’or « J’aime le cinéma ». Elle roulait bien. Elle avançait vite, même. Mais seulement lorsqu’il n’y avait pas un souffle de vent. Je pointais mon compteur à soixante-cinq kilomètres/heure. En descente, quand le vent m’était favorable, je pouvais atteindre les quatre-vingts. Oui, mais voilà, toute réjouissance a son revers ! En côte, je descendais vite sous les quarante et je ne parle pas de ma vitesse lorsque le vent, contre moi, s’en mêlait. Là, je devais parfois pédaler… Autant dire que pour aller au cinéma, je prenais mes précautions et partais bien avant l’heure de la séance. En fonction du bon vouloir d’Eole, je pouvais aussi bien arriver avec dix minutes ou une demi-heure d’avance. Dans le premier cas, j’entrais sans problème dans la salle. Dans l’autre, je devais patienter à l’extérieur, le temps de son ouverture, parfois le casque sous le bras, lorsqu’il faisait beau, parfois le casque sur la tête, lorsque la pluie avait décidé de ruiner mon plaisir d’aller voir un film. Aujourd’hui, cela me fait sourire. Le souvenir que j’en garde est d'autant plus excellent qu’à l’époque je ruminais en mon for intérieur. C’est la raison pour laquelle, sans doute, je déteste désormais arriver en retard et manquer les bandes annonces et publicités. 

   Adolescent, j’ai vu un film qui me marquera à jamais : Midnight express d’Alan Parker. Un film dur, très dur mais extraordinaire, interdit d’ailleurs aux mineurs. Il eut un tel succès qu’il fut programmé pendant plusieurs étés d’affilée. Je le vis à cinq reprises entre mes quatorze et dix-huit ans. J’étais entré la première fois dans la salle alors que je n’y avais pas le droit, ensuite l’accès ne pouvait plus m’être refusé. Je suis vite devenu un habitué du cinéma. J’y venais chaque week-end. Deux films étaient à l’affiche. Généralement une comédie, à la première séance : j’ai ainsi vu tous les Belmondo des années soixante-dix ; et en seconde partie de soirée, des séries B à vous faire frissonner, telles Massacre à la tronçonneuse, Amityville, les Freddy, L’exorciste, etc. 

   J’avoue, j’étais bon public, j’appréciais tous les genres. Aujourd’hui, ces films ne sont plus autant en vogue. Ils sont passés de mode. Dans le lot des sorties hebdomadaires, ils n’ont plus ma préférence. Ils allaient avec leur époque sans doute. Je n’ai pas d’explication cartésienne. Si je les voyais sans déplaisir, il faut bien l’avouer, je n’avais d’autres choix possibles. Je les voyais… faute de mieux. On y revient quelque peu à présent avec des productions telles que Souviens toi… l’été dernier, Scream… 

   Cette salle mythique qui m’a dévoilé ma passion pour le septième art, n’est autre qu’une salle associative, celle du cinéma Saint-Gilles de Pornic. Bien que, depuis les années soixante-dix et quatre-vingts, les complexes aient fait leur apparition dans le paysage périphérique urbain, je continue de la fréquenter. L’ambiance y est conviviale. Je connais quelques-unes des personnes qui y œuvrent bénévolement, ainsi que Marie-Hélène, l'assistante de direction, et Pierre, l’opérateur programmateur. Nos discussions, à l’issue des projections, sont souvent vives, enjouées si le film était bon, attristées s’il l’était moins. Depuis 2004, j'officie à leurs côtés en tant qu'animateur. Un juste retour des choses pour ce cinéma qui m'a tant donné. 

   A dix-sept ans, lorsque je pris conscience de mon désir d’approcher le monde du spectacle, mes parents ne comprirent pas mon envie d’aller vivre à Paris. Mais vivre à Paris, en avais-je réellement envie ? C’était surtout l’idée que je m’en faisais qui m’attirait. Puis, comme beaucoup, j’ai passé mon baccalauréat. Je me suis vu entraîné dans une filière administrative, bien malgré moi, plus poussé par le souci d’indépendance financière que par réel choix. Mais ma vie était ailleurs. Je le savais. Je suivais une sorte de route parallèle. A force d’attendre le chemin de traverse, j’aurais pu toujours marcher du même côté, sans que rien ne m’arrivât. Quitte à ne pas franchir la barrière, j’ai trouvé quelques entailles qui me font m’y approcher, par intermittence. Alors là, j’en profite ! Car, du plus profond de moi-même, j’ai toujours souhaité vivre parmi les gens du spectacle. Qu’il s’agisse du cinéma, du théâtre, de la chanson ou de la télévision. 

   Mon malheur, si malheur il y a, c’est de ne jamais avoir su quelle profession choisir. Elles me plaisaient toutes. Mais étais-je suffisamment doué pour réussir comme acteur, chanteur ou animateur ? A force de travail et de persévérance, il est sans doute possible d’y arriver ! A la condition, bien sûr, d’avoir en soi cette flamme, ce don que d’autres remarqueront. Pour cela, il ne faut pas hésiter à quitter le cocon familial. « Monter à Paris », comme on dit en province. Sans un soutien de ses proches, c’est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. Et puis, il n’était pas dans mes intentions de leur déplaire. « Apprends un métier d’abord, après tu verras. » C’est la phrase rengaine que je me suis entendu répéter à maintes et maintes reprises. Ces professions étaient-elles si peu honorables à l’époque, pour être à ce point discréditées ? Il est vrai que les médias les valorisaient moins qu’aujourd’hui. Je porte en moi depuis toujours ce blues du businessman. Enfin, comme je doutais de mes capacités, je me suis laissé guider... 

   Par chance ou grâce à mes connaissances et mon enracinement, j’ai touché l’étincelle peu après mes vingt ans. Jeune volontaire, j’ai travaillé plusieurs mois pour un festival. Pas de cinéma ! L’art lyrique et la musique classique m’ouvraient leurs bras. J’ai vécu une période fantastique. Au cœur de l’action, je recevais les artistes, préparais les soirées récitals, accueillais le public… J’ai ainsi côtoyé les divas Barbara Hendrix, Montserrat Caballé et Julia Migenes, les pianistes Jeremy Menuhin et Alexis Weissenberg, le gospel avec les chœurs du Botswana, etc. Pour rendre le festival populaire, accessible notamment aux autochtones, des concerts plus pop-rock étaient aussi programmés. J'ai rencontré à leur début de carrière Liane Foly, Patricia Kass, la Compagnie Créole, les Forbans… Le festival prenant tellement d’ampleur, la commune qui l’accueillait, ne pouvait plus l’assumer seule. Il s’est décentralisé et est devenu départemental. Et à moi, à qui l’on promettait monts et merveilles, aucune embauche n’est venue officialiser ces jolies paroles. J’ai dû déchanter et accepter un autre emploi. Néanmoins, je garde de ces quelques mois des souvenirs éblouissants, entre la naïveté de ma jeunesse et la découverte d’un univers féerique et subjuguant. L’émerveillement est le premier pas vers le respect. De nature assez philosophe, j’ai à cette époque précise de mon existence davantage encore développé mes notions de sagesse et de tolérance. J’ai partagé ces moments de grâce avec enthousiasme. 

   Peu de temps après, je pris conscience que je ne pouvais plus évoluer sans approcher le milieu artistique. Même si je ne devais pas y trouver la source de mon salaire mensuel, il fallait, par quelque porte que ce soit, y (re)pénétrer. Ma vie ne pouvait plus continuer ainsi. Je compris que pour être moi-même, à défaut d’être un artiste, je devais être une sorte d’intermédiaire entre le monde qui m’attirait et celui dans lequel je vivais. 

   Je me suis alors mis à fréquenter les festivals de cinéma. Ils sont des lieux magiques où je rencontre des gens aussi passionnés que moi, des personnes que je ne côtoyais pas auparavant. Et pour cause ! Je me suis fait des amis dans toute la France. Nous discutons, nous échangeons, nous rions de bon cœur et nous oublions tout le reste, le temps d’une manifestation. Rencontrer des acteurs, metteurs en scène et journalistes me donnent l’illusion un instant d’appartenir à leurs univers.