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Né en 1822, Armand Rivière qui se proclame « fils de la Révolution » devient l’un des chefs du parti républicain en Touraine sous le Second Empire puis député et maire de Tours au début de la IIIe République. Il publie par ailleurs nombre d’ouvrages quelquefois érudits et certaines fois polémiques. Il bataille aussi notamment contre le projet de reconstruction à l’identique de la basilique Saint-Martin de Tours détruite à la suite de la Révolution. Fidèle tout au long de sa vie à ses convictions républicaines, laïques et même anticolonialistes, il ne cessera le combat que terrassé par la maladie en 1891.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alain Fouqué a publié, dans diverses revues, nombre d’articles ainsi que des biographies.
Fils de la Révolution - Armand Rivière 1822-1891 constitue un hommage à cet homme politique érudit, chef du parti républicain en Touraine.
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Seitenzahl: 122
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Alain Fouqué
Fils de la révolution
Armand Rivière
Républicain, érudit, libre penseur
© Lys Bleu Éditions – Alain Fouqué
ISBN : 979-10-377-5209-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Armand Rivière
(1882 - 1891)
Du même auteur
Je ne crois à aucun système absolu, persuadé que la raison humaine et les lumières qui en jaillissent sans cesse élargissent indéfiniment le domaine du juste et du vrai.
Armand Rivière
Dédicace de « L’Église et l’esclavage »
adressée à Mgr Maupoint, évêque de St Denis de la Réunion (1864).
Un procès hors normes - La Marianne dans la vallée de la Loire – La Marianne de Tours – Objectifs et recrutement – Rites et organisation – Cartouches et canons – Le procès
Enfant, à Tours, petit élève de 6e ou de 5e, lorsque je me rendais au lycée, je parcourais les rues de mon quartier dont les noms évoquaient pour moi quelquefois des clichés, des images d’Épinal aperçues les années précédentes lors des leçons d’Histoire de mes instituteurs de l’école Ferdinand Buisson située alors place Vaillant. Si ma rue du Hallebardier, qui devait son nom, me disait-on, à une ancienne ferme disparue depuis longtemps, n’éveillait dans mon imagination que quelque gaillard coiffé d’un casque salade, équipé de sa brigandine, de ses brassards d’acier, de ses jambières et doté de sa longue arme mi-lance mi-hache, il en allait différemment des autres voies que je suivais ou croisais. Je voyais Abraham Bosse, penché sur son établi, gravant le cuivre au burin ou à l’eau-forte. Ou bien Denis Papin développant sa machine à vapeur ou son bateau à roues à aubes. Ou encore Danton disant au bourreau qui allait l’exécuter : « N’oublie pas de montrer ma tête au peuple, elle en vaut la peine ! »
Seule, une courte rue, reliant l’avenue de Grammont à un vaste champ de ruines, souvenir des bombardements infligés par la guerre qui n’était terminée que depuis un ou deux ans (le Palais des Sports n’était pas encore construit), ne disait rien à mon imaginaire enfantin. Hormis quelques rares maisons d’habitation encore debout, elle n’était bordée, d’un côté, que par le flanc d’un ancien garage ayant pignon sur l’avenue et qui avait en partie servi quelque temps, sous l’occupation allemande, de siège à un parti collaborationniste, le Rassemblement National Populaire, et, de l’autre, par une école de filles et un dispensaire gérés par des religieuses en robe noire et cornette blanche. C’était la rue Armand Rivière. Un nom qui m’était parfaitement inconnu et qui l’était sans doute des habitants de la rue eux-mêmes comme de la plupart des Tourangeaux.
Ce n’est que beaucoup plus tard, au détour d’une étude que je menais alors sur une société secrète, la Marianne de Tours, qui avait fait l’objet d’un procès au début du Second Empire devant la cour d’assises d’Indre-et-Loire, que je retrouvais ce nom. C’était celui d’un avocat, défenseur de l’un des prévenus, dont j’apprenais qu’il fut aussi un homme politique. Sous la IIIe République, il fut élu député à trois reprises et nommé maire de Tours. Cependant, il semblait aujourd’hui à peu prèsoublié de ses compatriotes. Seuls quelques ouvrages le mentionnaient, et encore très brièvement, à l’exception du Dictionnaire biographique de la Touraine de Michel Laurencin qui lui consacre une notice de quelques pages et du très documenté livre de Émile Aron, Tours en 1880.
Une recherche plus approfondie faisait apparaître quelques erreurs ou confusions dans les rares notices biographiques qui lui avaient été consacrées. Mais surtout, elle montrait que ce personnage méconnu, fidèle tout au long de sa vie à son idéal républicain et laïque, avait pourtant joué un rôle majeur dans la vie politique tourangelle durant près de quarante ans, au point d’être reconnu comme le chef du parti républicain et socialiste sous le règne de Napoléon III, puis des républicains radicaux aux débuts de la IIIe République. Il fut aussi un historien, un érudit, auteur d’ouvrages dont un fut couronné par l’Académie. À ce titre, il fut sans doute, avec son compagnon de route, et lui aussi ancien maire de Tours, Victor Luzarche, le premier magistrat le plus cultivé qu’ait connu la ville au 19e siècle. Certes, arrivé à Tours à l’âge de trente et un ans après un exil politique, il n’était pas un Tourangeau de pure souche, quoique né en Saumurois c’est-à-dire dans une contrée qui fut jadis une sénéchaussée dépendant au 18e siècle de la généralité de Tours. Aussi, celui qui se proclamait lui-même « fils de la Révolution » et affirmait que « cette mère-là vaut bien les plus illustres car elle nous a donné pour sœurs l’Égalité et la Liberté » mérite-t-il bien sans doute, qu’on lui rende toute sa place non seulement dans l’histoire locale mais également dans celle de la République et dans celle de la conquête de la liberté et de la démocratie.
Un procès hors normes
Le vendredi 10 mars 1854 s’ouvrit à Tours, devant le tribunal correctionnel, au palais de justice construit voilà peu, un procès au caractère tout à fait particulier. Cette cause, celle de la société secrète dite La Marianne, devait être jugée sur cinq jours. Compte tenu du nombre important de prévenus (cinquante-six présents et huit « défaillants ») extraits de la prison voisine, les audiences eurent exceptionnellement lieu dans la grande salle des assises.
Les prévenus, encadrés par des gendarmes et par des soldats de la ligne venus de leur caserne proche, durent être installés dans les places ordinairement occupées par les jurés et par les défenseurs des prévenus. Les parents, les amis, les témoins grossissaient encore l’affluence qui « sans eux serait déjà considérable » selon le correspondant de la Gazette des tribunaux. M. Moulnier présidait les débats et M. Choppin, depuis peu nommé procureur impérial à Vendôme, occupait pour la circonstance le siège de l’avocat général.
Les avocats, quant à eux, faisaient face au tribunal derrière une longue barrière qui avait été disposée au milieu du prétoire. C’étaient Mes Anglade, Brizard, Faucheux Julien, Robin, Sellier et Armand Rivière. Ce dernier avait tout récemment prêté serment à Tours après une assignation à résidence à Langres, puis à Poitiers. En effet, accusé d’avoir critiqué un peu trop vivement le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte du 2 décembre 1851, il avait été chassé de son département de Maine-et-Loire. Nouvel avocat, il s’était inscrit au barreau de Tours. Il défendait en particulier, lors de ce procès, un cordonnier de Chambray, petite commune du sud de la ville, Pierre Rué. Encore jeune, puisqu’il n’était alors âgé que de trente-deux ans, « il était distingué, courtois et libre penseur » comme l’écrit A. de Giry, dans 1800-1840 La Touraine dans l’Histoire.
Nous sommes dans les deux premières années du Second Empire. N’ayant pu obtenir de l’Assemblée nationale son maintien au pouvoir à l’issue de son mandat qui devait s’achever en 1852, le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, s’est résolu à « franchir le Rubicon ». C’est le coup d’État du 2 décembre 1851. Malgré de véhémentes protestations, dont celles d’Armand Rivière, et quelques manifestations violentes, cet acte n’a pas entraîné beaucoup de résistance sauf à Paris et dans quelques régions. Pourtant le nouvel empereur, en inaugurant son règne avec plus de 25 000 emprisonnements, va exciter le mécontentement notamment dans les couches laborieuses de la population qui ne voient pas venir le bonheur promis mais plutôt la domination de plus en plus évidente d’une bourgeoisie ralliée à l’Empire.
Les Mariannes de la vallée de la Loire
Les sociétés, secrètes ou non, sont nombreuses en ce milieu du 19e siècle, en Touraine comme dans tout le pays, d’autant que, dès juillet 1848, le gouvernement de la République avait réduit la liberté d’association et de manifestation et interdit les emblèmes républicains (drapeau rouge, bonnet phrygien, etc.). Cette époque de transformations de la société qui connaît le développement de l’industrialisation, d’agitation sociale, de naissance d’un prolétariat et de révolutions politiques dans toute l’Europe constituait un terreau favorable à l’éclosion ou au développement de groupements plus ou moins clandestins et aux objectifs variés.
Certains se donnent pour mission d’aider les ouvriers en proie à des difficultés matérielles. On crée ainsi les sociétés de secours mutuel. En cette période où la législation sociale n’est encore que très embryonnaire, des ouvriers ont l’idée de se regrouper pour compenser l’absence d’aide à ceux d’entre eux qui sont victimes de maladies ou d’accidents. Ils ont d’abord le projet de se réunir par catégories professionnelles, par corporations, puis dans des unions interprofessionnelles plus larges. Ainsi voit-on naître, par exemple à Tours, la Société fraternelle universelle, l’Union ouvrière cantonale, ou encore la Société de Bienfaisance et Secours Mutuels de l’Union.
Mais d’autres sociétés se donnent un but plus politique, parfois même carrément révolutionnaire. Celles-ci, bien sûr, compte tenu de la conjoncture, adoptent des pratiques plus ou moins clandestines qui s’inspirent souvent des traditions des loges maçonniques ou du compagnonnage. On peut rappeler ici l’importance de la Charbonnerie, ce mouvement initiatique et clandestin venu d’Italie au début du 19e siècle et illustré en France notamment par l’affaire des « Quatre Sergents de La Rochelle »dans les années 1820. Mais la dispersion de ses chefs en 1822 mit un terme à ses activités, même si elle se reconstitua un peu plus tard en « Charbonnerie démocratique » inspirée par les théories de Babeuf.
C’est dans ce contexte que l’on voit apparaître, d’abord dans le Midi, les premières sociétés secrètes dites La Marianne. Puis elles vont s’étendre à l’ensemble du territoire et notamment à l’ouest de la France, tout le long de la vallée de la Loire, de Nantes au Nivernais. Les autorités soupçonnent alors La Marianne de s’être implantée en Anjou sous l’influence de propagandistes venus de la Sarthe et de la Mayenne, souvent par le truchement de mariniers. On connaît en particulier LaMarianne d’Anjou, active depuis 1853, mais surtout liée à l’insurrection des ardoisiers de Trélazé en août 1855. Des arrestations d’ouvriers et d’artisans eurent lieu dès mars 1854. Plus tôt, des artisans angevins qui avaient appartenu à la Société mutuelle de la rue des Carmesavaient manifesté contre le coup d’État et avaient été condamnés en 1852 par des commissions mixtes composées de militaires et de magistrats et transportés en Algérie. Après la grève des cordiers d’Angers et l’agitation des ouvriers du chanvre, plusieurs de leurs camarades condamnés à de plus courtes peines compteront parmi les meneurs de l’insurrection d’août 1855.
C’est dans la nuit du 26 au 27 août qu’une tentative d’insurrection eut lieu à Trélazé. Une émeute provoquée par la hausse du prix du pain éclata au chant de La Marseillaise. Une rumeur circulait dans les carrières d’ardoise dès le 26 au soir selon laquelle « nous allons à Angers demander la diminution du pain, l’ancien maire et les gendarmes sont avec nous, Napoléon est parti, les chemins de fer sont coupés, toute la France se soulève à minuit ». Un groupe de carriers attaqua alors la gendarmerie et s’empara d’armes. Au matin, un ouvrier marianniste, François Attibert, entraîna un groupe de six cents hommes dans une marche sur Angers dans l’intention, dit-on, de faire sauter le château avec la poudre dont ils se servaient dans les carrières tandis que d’autres républicains auraient incendié la caserne de l’Académie. Sans doute informées, les autorités tendirent un piège à l’entrée de la ville dans lequel tombèrent les émeutiers. Une centaine d’entre eux furent arrêtés. Dix furent condamnés comme membres de La Marianne. Cette Marianne d’Anjou était en lien avec des sociétés républicaines parisiennes et du Val de Loire, du Cher, de la Nièvre et de l’Allier.
On rencontre encore La Marianne dans le Cher, à Bourges, et dans la Nièvre du côté de Clamecy. Peu de documents subsistent malheureusement à Bourges où une partie des archives abrûlé. En revanche, on sait qu’à Clamecy se réunissaient au café des Colonnes, autour d’un avocat « reconverti dans la quincaillerie », du nom de Guerbet, des membres de sociétés secrètes dont le réseau couvrait surtout les campagnes. Ils menaient en effet leur propagande en particulier en direction du monde rural où beaucoup de paysans attendaient en vain l’avènement la « république des petits ». Des émeutes avaient éclaté dès octobre 1851 dans le département du Cher, à Précy, à Jussy-le-Chaudrier, à Beffes, entraînant l’intervention de la troupe et de la Garde nationale. L’état de siège avait même été proclamé dans ces circonscriptions du Cher et de la Nièvre. La répression fut sévère. La Mariannefut infiltrée dans ces départements où un affilié, retourné par la police, permit l’arrestation de nombre de membres de la société qui auraient eu des « projets abominables d’assassiner les bourgeois pour se partager leurs biens ».
La Marianne de Tours
Comme à Nantes et à Angers, La Marianne trouva des adeptes en Touraine et plus précisément à Tours dès 1853. Ainsi qu’ailleurs, le mécontentement et la condition bien souvent misérable des classes laborieuses et le caractère autoritaire du pouvoir issu du coup d’État donnèrent lieu, là aussi, à des prises de position radicales. Une liste nominative d’individus « dangereux ayant tenu des propos séditieux », dressée par ordre alphabétique, avait été établie par la police pendant qu’une autre l’était par les soins de la gendarmerie dès décembre 1851. Il s’agissait d’un état des « socialistes influents et propagateurs de ces idées dans le département d’Indre-et-Loire » ; ellecomptait quatre cent vingt-trois noms. Ces listes concernaient de 40 à plus de 60 % d’ouvriers, petits artisans ou commis.
Ce sont particulièrement les employés du chemin de fer d’Orléans à Bordeaux, ceux employés aux terrassements du viaduc de l’Indre à Monts, et les ouvriers des manufactures de soieries qui attirentl’attention de la police. Le commissaire central de Tours décrivait les ateliers du chemin de fer comme « infestés par le socialisme » et dénonçait les ferrandiniers (ouvriers de la soierie), notamment les Lyonnais, « comme professant les opinions socialistes ». Ces opinions « dangereuses » se manifestaient surtout par des chansons, des libelles, des graffiti ou encore des placards ou affiches. Cependant, d’autres ouvriers, instruits par la pratique des sociétés de secours mutuels, conscients que l’association constitue un moyen efficace de lutte, s’affiliaient à des sociétés politiques comme la « Solidarité républicaine ».