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"Georges Magaloff, qui es-tu ?" retrace le parcours bouleversant de Georges Magaloff, un homme profondément marqué par les tumultes de l’Histoire, et de sa fille, Danièle, en quête de réponses sur ce parent qu’elle n’a jamais connu. Entre mystères et confidence, cet ouvrage explore les zones d’ombre de la Seconde Guerre mondiale, mêlant les dilemmes déchirants d’un père pris dans les rouages du nazisme et le combat intérieur d’une femme confrontée à l’héritage de secrets familiaux. Bien plus qu’une simple biographie, c’est une réflexion poignante sur la transmission, le poids des non-dits et la puissance libératrice de la vérité. À travers le récit intime d’une fille tentant de concilier l’amour pour une figure paternelle idéalisée et les révélations troublantes sur son passé, ce roman questionne la résilience humaine et la capacité de pardon face à l’inacceptable.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Fille de Georges Magaloff, tragiquement disparu entre 1944 et 1945,
Danièle Magaloff Babé signe un vibrant hommage à son père à travers cet ouvrage. Par ce récit empreint d’émotion et de profondeur, elle cherche à perpétuer la mémoire de cet homme énigmatique tout en éclairant l’histoire méconnue du camp de Neuengamme.
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Seitenzahl: 128
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Danièle Magaloff Babé
Georges Magaloff, qui es-tu ?
© Lys Bleu Éditions – Danièle Magaloff Babé
ISBN : 979-10-422-6159-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Michel qui m’a fait vivre.
À Yvonne Cossu pour sa générosité.
À tous les écrivains et cinéastes qui nous nourrissent.
À Martine et Teva qui ont permis que ce livre existe.
Nos frères disparus sont comme nos amours. Tant que l’on n’a pas vu leur nom sur une pierre. On ne prend pas le deuil, on survit, on espère.
Anne Sylvestre, Le pont du nord
L’Amicale française de Neuengamme est née, en août 1945, de la volonté des déportés, à peine rentrés, de ne jamais oublier et de s’unir pour transmettre la mémoire de leurs souffrances mais aussi de leurs luttes. Les familles de disparus se joignent aux rescapés pour un travail de résurrection, de vigilance, d’entraide, dans un esprit de fraternité. Parmi les actions de l’Amicale, les pèlerinages occupent une place importante malgré les difficultés d’accès au site du camp, occupé depuis 1945 par des camps d’internement puis par des établissements pénitentiaires. Ils sont pourtant organisés annuellement depuis 1949, date du premier voyage qui eut lieu en comité restreint.
En 1958, la toute nouvelle Amicale internationale (qui regroupe six amicales nationales et une septième depuis 2020) a pour objectif de créer un centre d’exposition et de documentation sur le site même du camp. Un centre de documentation, la Gedenkstätte1, est inauguré en 1981, offrant la possibilité aux familles de faire des recherches. Mais le combat mené par les anciens déportés pour récupérer l’ensemble du site fut long et ardu, et il faut attendre 2005 pour que soit inauguré sur le périmètre total du camp un « centre de mémoire, de recherche et de travail pédagogique », avec une « Maison du Recueillement », cinq expositions permanentes, un service des archives, une bibliothèque et un « Centre d’études » organisant des conférences et un forum annuel international : Avenir de la Mémoire. C’est au cours de l’un de ces forums que s’est créé un rapprochement, imprévisible, entre deux enfants de déportés morts à Neuengamme, Jean-Michel Gaussot et moi-même, et deux enfants de persécuteurs nazis, Barbara Brix et Ulrich Gantz. Ce petit groupe, que nous avons appelé Mémoire à quatre voix, a été invité depuis 2017 par diverses associations en Suisse, en France, en Allemagne, en Espagne, pour témoigner devant des publics scolaires, universitaires ou adultes. Le lien d’amitié qui nous unit, en dépit de ce qui pourrait nous opposer, constitue en soi un message de tolérance et d’ouverture aux autres, nécessaire à un avenir de paix et de liberté. C’est à ce message que Danièle Babé a été sensible quand elle a découvert l’existence de notre groupe, et qu’elle a souhaité se rapprocher de l’Amicale de Neuengamme, où elle a été accueillie sans réserve après l’échec d’une première démarche quelques années auparavant. Son travail de recherche sur le parcours de son père, déporté à Neuengamme, a nécessité le courage que l’on retrouve chez nos amis allemands, Barbara et Ulrich, avec la volonté permanente de découvrir et d’affronter la vérité, même lorsqu’elle ne correspond pas à l’image idéale que l’on souhaiterait pour un père que l’on ne peut qu’imaginer. Ce travail difficile et douloureux mérite nos encouragements et notre soutien.
Yvonne Cossu-Alba
Présidente d’honneur de l’Amicale de Neuengamme
Arbre généalogique Magaloff
Arbre généalogique Delalande-Thomas
Cette biographie2 familiale est mon devoir de transmission. Raconter, expliquer le parcours de Georges Magaloff, mon père, et ses racines lointaines. La vie nous renvoie parfois sans ménagements vers notre passé qui peut surgir de façon impromptue. Ce face-à-face est inévitable un jour ou l’autre. Chercher une clé, trouver une réponse, apaiser une crainte, confirmer un doute ou le dissoudre feront partie des fonctions de cette biographie. Je ne suis pas éternelle et il est bien temps que je pose enfin cette valise remplie de documents. Si un caractère parfois douloureux émane d’eux, ils ont existé et je les ai répertoriés. Je ne me pose ni en juge ni en partie. J’aimerais que mes enfants et mes petits-enfants découvrent dans ce témoignage les difficultés des choix, les alternatives qui sont un dilemme dans cette période si troublée de 1917 à 1945.
Moi, Danièle, ton enfant unique, je suis dépositaire de cette saga « Franco-Russe ». Ce flan est « un régal que l’on sert au dessert ! » dégusté dans les années 60. Il célébrait le traité d’amitié signé en 1896 entre ces deux pays.
Je suis fille de Georges Magaloff, décédé on ne sait dans quelles circonstances. Quels mystères l’entourent ? Enfant, je comprends qu’il m’est impossible de percer cette énigme. Il y a sûrement des raisons dangereuses qui font qu’on ne peut pas parler de ce père. Donc, je me tais. Pourtant, tu as vécu, tu as aimé, tu as souffert 25 ans sur cette terre. Tu es mort sans sépulture, et le secret a recouvert ta courte vie. Par cette écriture, je veux réparer ce mutisme assourdissant. Sans le savoir, j’ai traversé les mêmes lieux ; j’ai mis mes pas dans les tiens : Aix-en-Provence, Nice, Monaco, Suresnes…
M’as-tu précédée ? M’as-tu suivie ?
Cette généralité tant « qu’on parlera de nos morts, ils continuent de vivre », pourrait nous être dédiée !
Une valise en carton marron, remplie de témoignages, de photos, léguée par ma mère Alice a suscité cette urgence de te rencontrer enfin, Georges Magaloff, avant que je ne disparaisse à mon tour.
J’ai trouvé cette valise à la mort de ma mère. Elle, qui ne m’avait jamais parlé de toi, a fait en sorte que rien ne se perde. Elle a même retranscrit certaines lettres qui devenaient illisibles. Cette valise est un message :
J’ai souvent observé cette valise sans y toucher de peur qu’elle ne m’explose au visage. Il a fallu que j’évacue mes peurs engendrées par l’omerta, « Tishina ». Je me dis que si maman a traîné toute sa vie cette valise malgré les nombreux déménagements et qu’après sa mort, elle m’en a fait la gardienne, c’est que j’ai un devoir envers cet objet, véritable boîte de Pandore. À moi de me débrouiller avec notre histoire dans la grande Histoire !
En 2009, je commence un travail de mémoire avec une biographe. Lorsque la vérité décide de faire la lumière sur la part sombre de ton parcours, Georges, je me sens littéralement agressée par des faits que je ne peux endosser. Cette même année, j’arrête mes investigations et je ferme la valise.
Dix ans plus tard, un forum Avenir de la mémoire réunit à Neuengamme des descendants de victimes de la Solution finale, et des enfants des bourreaux. Il porte un triple héritage : la persécution, la collaboration et le silence des familles. Je me sens concernée et trouve un écho à mon histoire. Les descendants de… sont pénalisés pour les crimes de leurs parents. Ils ne sont pas responsables, pourtant…
Georges Magaloff, toi que je n’ai vu qu’en photo, comment as-tu pu t’immiscer autant dans ma propre vie ?
Tu ne m’as jamais vue ni serrée dans tes bras, cependant en me léguant ton nom, tu investis ma vie, toi qui as disparu dans un chemin plein de contradictions.
J’analyse certains documents que j’avais écartés par déni, sans doute, et me remets au travail avec l’aide de la biographe.
J’ai toujours fait de toi un héros. Grâce à Arthur Rimbaud, je m’étais forgé un père glorieux, mort à la guerre comme le Dormeur du Val : deux trous rouges au côté droit. Mon héros va tomber de son piédestal, m’infligeant une culpabilité difficile à porter car je ne pourrai jamais réparer le mal que tu as fait. Il est difficile pour un enfant qu’un parent puisse être un « affreux » ! Des raisons pour motiver tes choix plus que contestables, tu en avais… à commencer par cette coexistence entre tes origines et l’Histoire : la révolution russe, la guerre de 1939, le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 et surtout la rupture du pacte le 22 juin 1941 du fait de la décision d’Hitler d’attaquer la Russie, sous le nom de code « opération Barbarossa ». J’ai intégré au fil des ans, les ingrédients indigestes, les mots qui font mal : délation, Neuengamme, camps de la mort… Quelle fut ta place ? Jusqu’où allait ton implication ?
Cet imaginaire romanesque qui me servait de père va être malmené par deux rencontres qui m’ont alertée sur la part d’ombre qui pèse sur ta vie. Je les ai profondément enfouies dans un coin de ma mémoire.
Le premier choc, je le reçois à 21 ans. Je vais donner mon sang dans un dispensaire d’Aix-en-Provence. Lorsque la préposée à l’accueil entend mon nom, elle lève les yeux. Son regard est terrible. Mon nom a dû renvoyer un tel écho… je me suis enfuie.
Le second choc, je le reçois dans les couloirs de l’hôpital Foch à Suresnes, hôpital militaire allemand pendant la guerre. Le hasard ou le destin ont voulu que j’y travaille l’année de l’obtention de mon diplôme d’infirmière en 1965. Dans les couloirs, nous nous interpellions par nos noms de famille. Un jour, quelqu’un a crié « Magaloff est de retour ! » L’intonation négative m’alerte : je sens un danger et à nouveau, je fuis. Tout est intuitif, je ne creuse rien.
J’ai été bercée par le folklore russe de ta naissance et par ta mort dans les camps de concentration. Ce double cliché correspond aux bouleversements et à l’horreur du XXe siècle. Le nom de Georges Magaloff n’existe plus. Ni ma mère, ta femme, ni ma tante, ta sœur, ni mes oncles, tes frères, qui tous savaient, n’ont eu le courage de m’ôter mes illusions.
Te haïr est au-dessus de mes forces, je suis issue de l’amour. Des concordances de lieux, des recherches, des voyages, plus de soixante ans de ma vie pour éteindre cette peur de savoir.
Cette biographie n’est pas un jugement encore moins ton procès. Elle transcrit une relation outre-tombe entre un père et sa fille.
L’écho de ta voix m’emporte à Aix-en-Provence, lieu de ta rencontre avec Alice, berceau de notre histoire. J’y déambule parmi les étrangetés de notre famille.
Je préfère une vérité nuisible à une erreur utile : lavérité guérit le mal qu’elle a pu causer.
Johann Wolfgang von Goethe
La biographie, c’est par là que vous livrez les secrets de votre cœur.
Dominique Bona
Tout le monde sur cette terre a une histoire à raconter, pourvu qu’il y ait quelqu’un pour l’écouter.
Ahmet Atlan
J’y suis née le 7 juillet 1944. J’y ai passé ma petite enfance.
« Ville d’eaux, ville d’art. » Pour moi, Aix est la plus belle ville, capitale de la Provence. J’entends Léo Ferré chanter le poème d’Apollinaire Sous le pont Mirabeau coule la Seine.
Sur le Cours Mirabeau, on déambule toujours dans le même sens : lorsque l’on tourne le dos à la grande fontaine située sur la place de la Rotonde, on prend le côté gauche pour monter et pour redescendre quand on est devant la statue du roi René, on prend le côté droit. Donc tout le monde se croise sur le même trottoir où les brasseries se suivent : Les 2 Garçons, La Royale, l’Orientale, ainsi que les librairies.
En face, des hôtels particuliers dont certains avec des cariatides. J’avais peur de ces grandes personnes qui soutiennent les maisons. La fabuleuse pâtisserie Béchard et ses calissons, le collège Mignet où s’est nouée l’amitié entre Cézanne et Zola. Cézanne, l’homme célèbre d’Aix dont on peut suivre l’itinéraire grâce à des pavés de cuivre au sol.
Partout des fontaines : la Grande, qui trône sur la place de la Rotonde, celle d’eau chaude pleine de mousse au milieu du Cours. Les places : les Quatre Dauphins, la place d’Albertas. Écrire un guide d’Aix n’est pas le but, mais je souhaite vous entraîner avec moi pour écouter le mistral dans les platanes, dont les boules s’envolent, m’amuser à ôter leurs écorces pour faire de jolis dessins, percevoir les bruits des pas sur les pavés. Je veux poser le décor de ce lieu si particulier, théâtre de nombreuses naissances au sens propre comme au sens figuré et rejoindre l’Hôtel du Louvre.
Aix-en-Provence
Le carré magique entre la rue de la Masse où se trouve l’hôtel du Louvre, la place de la Rotonde avec le restaurant le Glacier,
le Casino et le Cours
À quelques mètres du Cours Mirabeau, l’Hôtel du Louvre se dressait 3 rue de la Masse. Rebaptisé l’Hôtel des Augustins, ce monument typique de la Provence est situé dans la chapelle du couvent des Grands Augustins du XVe siècle, répertorié comme monument historique. Son campanile en fer surplombe les toits et guide le passant dans les dédales de la ville.
L’entrée de l’hôtel est inchangée : une lourde porte en bois, de chaque côté des hautes fenêtres ornées d’une grille en fer forgé. À l’intérieur tout a été modifié. Auparavant, sur la gauche, il y avait la salle de réception meublée style Henri II, le buffet à colonnades, les chaises très lourdes recouvertes de cuir. Puis, à droite, la salle pour les petits déjeuners, au fond l’accès à la cuisine, l’escalier se trouvait à droite pour accéder à la chapelle qui servait de salon avec sa voûte en ogive. Au premier étage, on parvenait aux chambres. Certaines avec terrasses donnant sur une cour avec un magnolia. Les murs extérieurs ont retrouvé la chaleur et la beauté de la pierre de Rognes, d’une belle couleur grise ou jaune clair en fonction de la lumière, si typique de l’architecture de cette ville provençale. À l’époque du Louvre, le ciment recouvrait cette pierre et à ma hauteur d’enfant, la maçonnerie faisait un décalage entre le crépi et le mur lisse. J’ai la sensation de ma main sur ce rebord. Une envie d’ôter, de gratter le vernis pour en découvrir les secrets. Dans la rue Courteissade, une fontaine sur laquelle, avec des enfants, nous montions à califourchon pour arroser les passants. La fontaine n’existe plus, remplacée par l’arrière du Monoprix. Les passants sont tranquilles !