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Sommes-nous encore faits pour vivre ensemble ; avec elles, devenues libres comme le vent ? Jade est enseignante et artiste-peintre ; Valérie, en cure de désintoxication du mâle ; Sonia, une jolie étoile filante ; Lucille est manager dans une société d'événements ; la petite Myrtille, toute jeune maman, qui disparaît sans laisser d'adresse, et quelques autres qui se présenteront au gré du récit. Histoire de femmes assurément, me conduisant à évoquer l'histoire des hommes : commençons par Gil, la cinquantaine... Il entre par la grande porte à l'automne de sa vie. Un cap qui, pour lui, se révèle des plus sérieux... Deux choses coincent chez Gil : le sens qu'il a donné à son existence et Lucille, l'amour de sa vie, qui a fait sa valise...
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Veröffentlichungsjahr: 2022
Du même auteur :
Romans :
Gil & Axel, Books and Demand, 2022 ;
Cinq qui feront six, Books and Demand, 2022 – anciennement
Garde-meuble et petite valise ;
Double meurtre à la Sainte-Rolende, Brumerge, 2018 ;
Je te promets la lumière du jour, Books and Demand, 2022 ;
À travers le miroir, Books and Demand, 2022.
Livres pour la jeunesse :
Le lit volant de Mamie Violette, Brumerge, 2016 ;
Le souterrain aux Fadarelles, Books and Demand, 2022.
Aux Vendangeurs
Le très joli papillon bleu
Nous ne sommes rien
La Côte d’Opale
Mises au point
Simplement le hasard
Le temps des regrets
Épilogue
Approchez ! Oui ! Vous…
Vous avez bien ce livre en main, est-ce un hasard ou de la curiosité ?
Êtes-vous proche de la cinquantaine ? À moins que vous ne connaissiez l’auteur ?
Pardonnez-moi, je ne me suis pas présenté : qui suis-je ?
Je suis le roman ; le responsable de ces tranches de vie qui sont les leurs, et qui deviendront inévitablement les vôtres. Je parle bien entendu d’Axel, de Gil, de Dan et de Jo.
Toutefois, avant de vous les présenter, laissez-moi vous confier que, certes, c’est une histoire d’hommes, mais également une histoire de femmes : la recherche de l’autre, dans un monde de plus en plus individualiste. Sommes-nous encore faits pour vivre ensemble ; avec elles, devenues libres comme le vent ?
Jade est enseignante et artiste-peintre ; Valérie, en cure de désintoxication du mâle ; Sonia, une jolie étoile filante ; Lucille est manager dans une société d’événements ; la petite Myrtille, toute jeune maman, qui disparaît sans laisser d’adresse, et quelques autres qui se présenteront au gré du récit.
Histoire de femmes assurément, me conduisant à évoquer l’histoire des hommes déjà cités : commençons par Gil, la cinquantaine… Il entre par la grande porte à l’automne de sa vie. Un cap qui, pour lui, se révèle des plus sérieux… Deux choses coincent chez Gil : le sens qu’il a donné à son existence et Lucille, l’amour de sa vie, qui a fait sa valise.
Et puis il y a Axel, je l’aime bien, celui-là. C’est le meilleur ami de Gil, un grand type costaud à classer au rayon « ours ». Divorcé, père de deux filles, et sérieusement fauché. Son parcours ? Devenu ingénieur après de brillantes études, tout devait lui réussir, mais tel n’est pas le cas. Il dit aimer la vie, mais il pense qu’elle, par contre, ne l’aime pas.
Dan ? Surnommé Nostradanny par Axel, c’est un être à part, mystique. Le genre de personnes semblant avoir vécu plusieurs vies, tellement il est à l’aise dans celle-ci. Grand, filiforme, de fins cheveux noirs, une peau blanche marquée par les rides et des yeux clairs qui vous transpercent. Il ne laisse pas indifférent, comme un curieux personnage qui vient en aide à ceux qui l’entourent. Quelques minutes à son contact suffisent, et vous êtes sous son charme. Enfin, c’est un avis très personnel.
Le dernier, le petit Jo, un de ces gars oubliés. Une naissance pas chanceuse et un trajet compliqué. C’est un petit homme, un peu rond, des taches de rousseur sur des pommettes rougies par la bière. Il a le bide des bistrotiers ! Après une enfance sans enfance, à l’âge de seize ans il quitte l’école. Aîné d’une grande famille pauvre, il assume la fonction du père disparu. Une chance pour Jo, les suivants de la tribu familiale en âge d’aller au turbin le remplacent peu à peu en cette fonction des plus lourdes. Il rencontre Myrtille, ils s’installent, font un enfant et… Myrtille s’enfuit avec le petit Julien. Frappé par les échecs successifs, Jo croise par le plus grand des hasards la route des trois autres.
Une dernière petite chose, mon stylo à bille accompagne Gil tout le long de ce voyage.
Toute ressemblance ici avec des faits réels ne serait que pure et fortuite coïncidence.
Allez, je vous laisse, je vous prends du temps et le temps est précieux.
Cinquante ans aujourd’hui, je bascule chez les seniors. C’est la première fois que mon âge m’interpelle. Les autres décennies se sont succédé sans bousculer les choses, mais là, j’ai le blues. Ma mère, Jackie, a posé un magazine sur la table du salon.
Un titre en caractère gras : « La cinquantaine et le démon de midi ».
En ce qui me concerne, rien en vue, ma sexualité est en jachère depuis des mois. Quelques regards journaliers furtifs dirigés sur des jambes, des hanches, des seins et des paires d’yeux croisés au hasard, mes seules pensées érotiques sont furtives et balayées par la vie professionnelle.
Plus fin psychologue, mon beau-père Lucien a déposé une bouteille de Chivas Regal vingt-cinq ans d’âge. Une carte l’accompagne… Mes deux retraités se sont envolés vers l’Écosse cet après-midi. Admirable coaching, formidable timing, ils sont forts, très forts, au moment où le choc est le plus violent.
Mes cinquante balais ? Paf, je suis… seul.
Je reste là, jeté, vautré dans le sofa, face à mon clavier d’ordinateur, du jazz en sourdine.
Sur l’écran du portable, je joue à placer ma vie sur un tableau Excel.
Suivant la moyenne de la vie d’un homme qui est de septante-cinq ans, cela fait 27 375 jours à passer sur la Terre. Bien sûr, s’il ne m’arrive rien, il me reste vingt-cinq années à parcourir, soit 9 125 jours, et après ? Plus rien… l’étincelle que j’ai dans les yeux, disparue… mon éducation, disparue… ma culture, disparue… mes pensées, disparues… ma vue, mon toucher, mon odorat, le goût, tout sera disparu… Je n’arrive pas à cerner la mort. Les vingt-cinq ans restants ne représentent que cent saisons, cent toutes petites cases sur un écran.
Dans le fond, suis-je intéressé par cette fin de route approximative ? J’accuse mal le départ de Lucille, la maison est vidée de sa présence, de ses objets, de ses vêtements, de son parfum, de sa voix, de son rire… Tout me manque. Je suis obligé, pour tenir nerveusement, de combler ce vide par la télé et mes amitiés virtuelles sur Facebook. Ah oui, un point positif : j’y ai retrouvé Axel, un ami d’enfance. Trente ans que je ne l’ai vu. Trente années qui ont filé. En revanche, le site me fête. Il pleut des vœux d’anniversaire. Mais c’est Axel qui suscite mon intérêt.
Nous avons deux points en commun : la cinquantaine et le statut de célibataire.
La belle Amélie l’a « switché » ? Amélie, que de temps passé, une icône de mon adolescence.
Un petit joyau à croquer dans ses jeans moulants. Je revois ses traditionnels chemisiers en voile de coton qui laissaient voir, par douce transparence, les jolies formes de son corps, en particulier ses seins. Elle se parait de bijoux indiens en argent. Elle n’avait pas un joli visage, mais elle était craquante. J’en étais amoureux et je n’étais pas le seul. Nous étions tous en montée de sève, de vrais petits coqs, nous paradions autour d’elle, mais… c’est Axel qui monta sur le podium, elle ne pouvait que craquer pour lui. Je leur ai tiré, à tous les deux, la gueule un bon moment.
À l’époque, c’est un séducteur. Beau mélange de Jim Morrison et d’Aristide Bruant, une allure hippie, nonchalante et imposante. Il porte de longs cheveux châtains qui retombent sur ses épaules. Artiste de la bande, son avenir est tout tracé. Le théâtre est sa passion. Il joue avec talent, tout du moins, je le pense. C’est malgré tout un souvenir, tout comme les chemisiers transparents d’Amélie ; à cet âge, je n’ai que très rarement effleuré un sein.
Un soir, après une représentation, elle est tombée sur lui, séduite, foudroyée sur place, elle ne l’a plus quitté… Enfin si, si, elle finira par le faire.
J’éteins toutes les lumières du salon et je me rends à la salle de bain. J’ouvre le mitigeur de la baignoire. J’y jette un restant de sels de bain. La vapeur immédiate et le parfum vanille me surprennent. Je passe dans la chambre, je ferme la porte-fenêtre restée grande ouverte. Je m’arrête devant le grand miroir, je m’observe. Je retire ma chemise tout en suivant mes gestes dans la glace. Mon regard se pose sur mon torse et mes bras. Je ne suis pas trop mal pour cette moitié de siècle. Je me dirige à nouveau vers la salle de bain, mon peignoir posé sur les épaules, je l’ôte et me glisse avec délice dans la baignoire. Cette journée a occupé toute mon attention.
De retour dans la chambre, je me couche. Sous la couette, je balaie d’un mouvement de jambes de gauche à droite le fond du lit pour chauffer la place. Je déteste dormir seul, j’enserre les deux oreillers et les ramène sous ma tête.
Combien sommes-nous à vivre la solitude, combien sommes-nous ?
Le lendemain, j’envoie un mail à Axel. Je lui propose une sortie. Je vais deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, dans un café bruxellois situé à la chaussée d’Alsemberg. C’est un vieux café tout de bois vêtu, resté authentique, à la fois bistrot et resto. On ne peut pas le louper en passant ; comme enseigne, perpendiculaire à la façade, trône un imposant Bacchus en fer forgé, il tient dans la main une énorme grappe de raisin, suivi du nom de l’établissement : « Aux Vendangeurs ». De part et d’autre du bâtiment, deux grandes fenêtres. Au milieu, la porte. Après celle-ci, un sas fermé par un lourd rideau de couleur pourpre – hiver oblige – été pour l’intimité. Sur la gauche, le grand comptoir. Derrière le zinc, les deux patrons, Christian et Bruno. Christian anime la pompe à bière, tandis que Bruno anime le tiroir-caisse. Ils sont complémentaires…
À dix-huit heures commence le service du soir. Progressivement, la soirée se transforme, elle se fait vaisseau de nuit vers les vingt-deux heures. Et là, je vous le jure, c’est la fête.
Je reçois assez vite une réponse à mon mail : « OK pour mardi, vingt heures. » Un petit smiley, c’est tout.
Mardi arrive, il me semble le reconnaître, il est devant l’établissement. Aussitôt, je lui fais un signe de la main. Je ne suis plus face à un jeune homme frêle et chevelu, je suis face à un homme costaud, large d’épaules, les cheveux courts, poivre et sel. Souriant, il me prend dans ses bras. Il n’a pas trop changé. Nous restons quelques instants à nous regarder… Le temps nous a épargnés, je m’empresse de lui dire.
– Allons, entrons… Je meurs de faim.