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Gerpinnes est en effervescence. À quelques jours de la Sainte-Rolende, une vive agitation anime les habitants des villages d'Acoz, de Gougnies, des Flashes, de Joncret, de Loverval et de Villers-Poterie... Pierre Paul Nélis nous emmène dans une autre dimension, celle de la légende de Marie Lineau.
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Seitenzahl: 190
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Du même auteur :
Romans :
Gil & Axel, Books and Demand, 2022 ;
Cinq qui feront six, Books and Demand, 2022 ;
Je te promets la lumière du jour, Books and Demand, 2022 ;
À travers le miroir, Books and Demand, 2022 ;
La légende de Marie L, Books and Demand, 2023 ;
Le souterrain aux Fadarelles, Books and Demand, 2023.
Livres pour la jeunesse :
Le lit volant de Mamie Violette, Brumerge, 2016.
Préface
Lundi le 29 mai
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Mardi le 30 mai
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Mercredi le 31 mai et jeudi le 1er juin
12:40
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Le vendredi 2 juin
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Samedi le 3 juin
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Dimanche le 4 juin
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Le lundi de la Pentecôte
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Mardi, le 6 juin
09:00
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Épilogue
Utiliser Gerpinnes comme décor d'un roman n'est pas chose courante. Mettre en scène des personnages historiques de notre commune l'est encore moins. L'intrigue, la dramaturgie du récit font revivre Octave Pirmez, Henri Deglume et Marie Lineau. Qui, selon la tradition orale, fut la dernière sorcière brûlée sur le dessus du village.
L'ambiance de la Pentecôte se distille au vent des jeunes blés, parfumant les énigmes de Pierre Paul Nélis, de la poudre noire de nos grenadiers, zouaves et tromblons. La passion et la tradition de nos gens sont perceptibles. L'auteur aime se jouer du temps qui passe et nous replonger aux premières lueurs de notre cité.
La nature est belle. Elle se confond au surnaturel, par le don de voyance du profileur Lucas Jourdain. Les personnages principaux sont ambigus, ils se déchirent, se révèlent, se confrontent aux légendes urbaines... mais sont-elles réellement des légendes ?
Michel Robert
Le village se réveille sous l'habituel passage des voitures qui parcourent l'avenue Reine Astrid et empruntent la rue du Parc Saint-Adrien.
Les premiers élèves du Collège Saint-Augustin descendent des bus et vont par petits groupes en direction de la rue du Château d' En Bas. La camionnette plateau du service travaux de la commune s'engage sur le chemin cabossé qui mène au vieux cimetière qui entoure l'église Saint-Michel.
Les ouvriers communaux ont modifié leur horaire. La canicule en est la cause. Trois hommes débarquent du véhicule. Ils vont à l'arrière pour décharger tout l'outillage. Image insolite régionale, la commune de Gerpinnes a mis en vente des tombes toujours occupées. Plus ou moins deux cents sépultures cherchent des nouveaux acquéreurs, pas spécialement pressés pour s'y coucher, mais prêts à les acheter.
Les trois fossoyeurs sont là pour l'entretien de ces pierres tombales. Celui qui semble être le chef de l'équipe se dirige vers une fosse fraîchement creusée. Tout est en ordre pour accueillir monsieur Grandjean. L'ouvrier n'a plus qu'à attendre le père Bavière. L'homme d’Église s'assure toujours de la bonne préparation de la dernière demeure de ses paroissiens.
Le père René Bavière apparaît à l'angle de l'église. Aujourd'hui, il est plus attristé qu'à l'habitude, il a bien connu le vieux Grandjean. Faut dire que le curé tient la paroisse depuis la fin des années septante. Ignorant les messes dominicales, le défunt n'était pas pour dire, un habitué du bénitier. Malgré ce différend, le père Bavière et lui aimaient converser ensemble. Souvent, ils s'envenimaient et se confrontaient à propos de la politique et du clergé. L'homme d'Église savait le Grandjean bourru et têtu, mais plus croyant qu'agnostique. Exacerbé par le père Bavière qui avait un malin plaisir à lui répéter qu'il viendrait de lui-même vers Dieu. Grandjean s'emportait et jurait avec force que jamais au grand jamais, il ne ferait cette démarche. Le père Bavière riait de bon cœur à le voir sortir de ses gonds. Il insistait sur le fait qu'il lui donnerait l'extrême onction. Et, c'est ce qui arriva. Grandjean s'est abandonné doucement en le remerciant pour leur belle amitié.
— Tu vas me manquer, mon père. Et, sais-tu ce que je vais regretter le plus, René ? C'est mon village, la Sainte-Rolende et nos coups de gueule.
Marcheur depuis son plus jeune âge, le père Grandjean avait partagé sa bonhomie et son amitié avec toutes les compagnies. À chaque Pentecôte, il était un des premiers dès les deux heures trente du matin à participer à la sortie de la Châsse de Sainte-Rolende. Grandjean faisait partie de la compagnie de Gerpinnes.
C'est donc un jour triste pour tous ses compagnons. Une place au vieux cimetière s'est proposée de plein gré à Grandjean. Plus près de Sainte-Rolende, plus près de Dieu, de chez Cabu et du père Bavière.
Stéphanie Mangeo referme à double tour la porte d'entrée de sa maison. Antoine Silen range les deux cartables à bandoulières sur les sièges arrière de son vieux break Ford. Il se retourne vers Stéphanie.
— J'espère qu'elle va démarrer ce matin. Je crains les mois qui arrivent, je sens que je vais avoir des frais avec cette bagnole.
Stéphanie ouvre la portière du côté passager du véhicule et s'installe. Antoine s'étonne de n’avoir pas eu la moindre réponse à son dialogue. Il hausse les épaules et se dit qu'elle doit être encore mal réveillée. Il claque sa portière et saisit sa ceinture de sécurité. La Ford hoquette, le démarreur peine à s'enclencher. Son conducteur fronce les sourcils. Enfin, le moteur se met en branle. Une épaisse fumée noire sort du pot d'échappement. Stéphanie éclate de rire.
— J'imagine la tête de mes élèves, s'ils me voyaient dans ton tacot qui tousse. Moi qui prône la gestion de notre environnement.
Antoine soupire. Cela ne le fait pas rire du tout. Cela l'angoisse même. Il n'est plus jamais sûr de pouvoir partir à l'heure et de revenir le soir. Il n’embarrasse pas sa compagne des frais futurs possibles à solutionner ce problème de mécanique. Ils ne vivent pas ensemble et elle ne projette pas de se mettre en couple. Plusieurs expériences précédentes ont fortement déçu la jeune enseignante. Elle n’aborde pas le sujet. Depuis peu, il a le double de la clé de chez elle. Il considère que c’est une marque de confiance envers lui.
Sans avoir participé au rire de sa compagne, Antoine quitte son emplacement et emprunte la route en direction de Florennes. Ces deux-là ne doivent pas traîner. Il reste à arriver à l'Athénée Royal de Florennes pour la jeune enseignante, et lui à atteindre Chimay où il est informaticien. Une bonne heure de route pour lui. Il doit être là quelques minutes avant neuf heures du matin. Et c'est la toute dernière limite. C’est lui qui ouvre officiellement les réseaux de l'entreprise, après avoir jeté un œil aux back-ups de la veille.
L’entreprise possède un groupe électrogène qui se met automatiquement en route lors des ruptures de courant locales. Dès lors, il fait face à trois angoisses dès le lever du jour : sa voiture, son retard possible et la panne informatique.
Sur la place des Combattants, le brasseur se range devant l'établissement « Le Sambre et Meuse ». Le personnel de la brasserie est à pied d’œuvre. Le camion du brasseur est plus chargé qu’à l’accoutumée. On approche doucement des festivités de la Pentecôte. Gerpinnes est fière, car son folklore est classé à l'UNESCO1.
Raymond Chelmi finit de garer son SUV sur la place. Il regarde sa montre. Il félicite le chauffeur du camion pour sa ponctualité.
— Tu es pile-poil à l'heure. Tu as tout avec toi ?
Le chauffeur lui tend sa feuille de route.
— Bonjour Raymond. Tout est là. Le boss a prévu le stock de réserve. Il est livrable immédiatement.
— C'est moi qui m'y colle ce week-end. En cas que, sais-je passer jusqu'ici avec le bahut ?
Raymond se retourne vers le parc Saint-Adrien.
— Ma foi, je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas. Il y aura juste quelques barrières Nadar à déplacer. J'ai fait la demande d’un « pass » à la commune lors de la réunion de la gestion du trafic. Les stewards de faction seront au courant. Tu devras juste être prudent. Comme chaque année, on attend des milliers de personnes.
1 L'Organisation des Nations Unies se charge au niveau de l'éducation de classer la science et la culture. Cet organisme s'est créé à la suite des massacres de la Seconde Guerre Mondiale, dès l'année 1945. Et c'est évidemment un honneur de savoir son folklore faire partie officielle du patrimoine européen.
Stéphanie ouvre la portière arrière du véhicule et saisit son cartable sur la banquette arrière. Elle se penche pour embrasser Antoine.
— Je file, car je dois passer au secrétariat. On se retrouve chez moi, ce soir. N’oublie pas que Mélanie vient, on dîne ensemble chez les Renard.
Antoine lui fait un signe de la tête. Il met son clignoteur et quitte l’aire de stationnement. Le vieux break fumant traverse les hameaux et les villages.
Le jeune informaticien entre dans la zone de parking de l’entreprise. Comme tous les matins, la direction est déjà là. Il se gare à une bonne distance de l’Audi du patron. Il choisit un emplacement sous les arbres. Il coupe le moteur et attrape péniblement son sac posé sur la banquette arrière. À la grande fenêtre qui jouxte les larges baies vitrées des portes de l’entreprise, l’employée attachée à l’accueil lui lance un regard. Il marmonne : « Voilà mon gendarme qui contrôle mes arrivées. Ça t’emmerde que je sois pile à l’heure.»
— Bonjour madame Liliane, tout se passe bien ?
De derrière la double vitre de l’accueil, la Liliane bougonne quelques mots incompréhensibles. L’employée déteste cet homme aux allures de Bobo du Brabant Wallon. Elle déteste son style étudiant attardé. Et par-dessus tout, elle vomit les hommes qui portent des baskets. Antoine lui sourit et lui rétorque quelques mots inintelligibles. Sa collègue s’approche du micro :
— On a encore des soucis avec l’air conditionné. Vous pourriez y jeter un œil ?
Antoine s’arrête net. Il la regarde.
— Je n’ai aucune connaissance en domotique, je vous rappelle que je ne suis pas électricien, mais informaticien. Appelez le technicien.
Il passe son badge d’identification au lecteur et entre dans le couloir principal de la société. Il salue quelques collègues qui attendent leur tour à la machine à café. Il s’arrête à la fontaine et remplit d'eau un gobelet en plastique.
— Tout va bien ce matin ?
Les regards se croisent. Antoine attend l’une ou l’autre réponse.
— OK, vu, tout semble aller. Bonne journée à tous.
Le jeune homme sait qu’il n’est pas trop apprécié par l’ensemble du personnel. Il est perçu comme l’espion de la direction. On se méfie de lui comme de la peste. Engagé par l’entreprise comme statisticien et programmeur, il s'est montré hyper doué dans les deux domaines. Le jeune cadre utilise les statistiques théoriques et appliquées pour tous les services internes. Il est capable de répondre à tout moment à l’un et l’autre responsable des secteurs de la production, de la recherche, de la comptabilité et des ressources humaines. Il manipule les statistiques descriptives et décortique le tout avec une excellente maîtrise. L’employé est précieux. Surtout lors des décisions à prendre. Cadre discret et solitaire, aucun des membres du personnel de l’entreprise n’a accès à son bureau, et ni à ses données.
Mélanie Lineau vient de la rue Edmond Schmidt. Elle s’arrête brièvement à la hauteur de Raymond qui termine de placer la terrasse avec la serveuse. Elle lui demande un café, tandis qu’elle s’assoit à la première table près de l’entrée de la brasserie. Cécile, la serveuse, ne tarde pas à revenir avec le café. Les deux femmes se connaissent, elles s’embrassent.
— Comment vas-tu ce matin, ma belle ?
Mélanie lui sourit et émet un long soupir d’entière satisfaction.
— En pleine forme.
Cécile, curieuse, essaie d’en savoir plus.
— Toi, t’es amoureuse, la petite Mélanie est touchée par Cupidon, je me trompe ?
La jeune femme tchipe à deux trois reprises, mais elle ne lui répond pas. Cécile hausse les épaules et tourne les talons. À peine à l’intérieur de l’établissement. Raymond l’interpelle.
— Tu fais en sorte qu’elle paie son café. La dernière fois, elle a filé à l’indienne, sans payer. Cette fois, je vais aller encaisser.
Le patron fait une copie du ticket de caisse et passe devant le comptoir. La serveuse s’étonne de la réaction du tenancier. Elle le suit du regard prendre la direction de la terrasse.
— Ben merde, alors ! Où est-elle passée ? Ce n’est pas dieu possible. Elle s’est déjà taillée. Elle commence à me faire chier.
Il regarde Cécile.
— Attends ! Ce n’est tout de même pas un fantôme. Elle était bien là, il y a moins d’une minute.
Excédé, il sort de sa brasserie et cherche des yeux, la présence de la jeune femme rousse. Il scrute dans les moindres détails les rues Edmond Schmidt, Léon Bockoltz et Albert Bernard. Pas âme qui vive. Il râle fermement et revient vers le zinc.
— La garce ! Deux fois qu’elle me le fait ! Plus jamais, plus jamais elle ne nous fera le coup.
La serveuse a baissé les yeux et se met à ranger le rien qui encombre les éviers. Quand son patron est dans cet état, il vaut mieux afficher un profil bas et rester dans le silence. Le monologue dure quelques minutes, il termine par une question.
— À propos, tu sais où crèche notre rouquine ?
Cécile fait la grimace, elle l’ignore. Raymond hausse les épaules et sort de son établissement. Il traverse la place et grimpe les quelques marches du perron de l’église Saint-Michel. Les lourdes portes en bois sont grandes ouvertes. Il entre dans l’abbatiale. Le père Bavière est près de l’hôtel. Il finalise la préparation de la cérémonie de funérailles de son ami Grandjean. À l’approche de Raymond, le curé interrompt son activité.
— Alors Raymond, t’es le premier ? C’est bien de venir pour ce vieux bandit de Grandjean. Tu n’as encore vu personne à l’extérieur.
Raymond lui serre la main.
— Non père Bavière, il n’y a personne devant votre maison. Et vous ? Vous n’auriez pas vu une jeune femme rousse entrer dans votre église ?
Le père Bavière semble surpris par la question.
— T'es devenu flic. Non, je n’ai ni vu, ni entendu qui que ce soit.
Tout en gardant la main droite dans celle du curé, Raymond lui explique.
— Une cliente. Une jeune garce, mon père. Cela fait deux fois qu’elle me fait un tour de cochon. Elle m’a eu de deux cafés.
Le père Bavière rit à pleines dents.
— Tu fais tout ce déplacement pour deux malheureux jus de chaussette.
Raymond racle le fond de sa gorge. Le père Bavière n’est pas homme à moucharder.
— Mais non, je viens pour Grandjean. Mais cette femme est un véritable fantôme. Je déteste être pris pour un con, mon père, voilà tout.
Des pas se font entendre du côté de la nef. Le père Bavière fait un signe de la main en direction de l’entrée de son église. Il quitte Raymond et se dirige vers le porche. Le service des pompes funèbres vient d’entrer dans l'église. Le prêtre salue les cinq hommes. Raymond se place près de la colonne qui cache l’entrée de la crypte où se trouve le tombeau de Sainte-Rolende. Quelques minutes se passent, le père Bavière précède dans la nef principale les porteurs du cercueil de monsieur Grandjean. À l’arrière, quelques personnes âgées accompagnent le cortège funéraire. Raymond les salue à leur passage.
La journée de ce lundi 29 mai, se referme au bruit des jardins en fête. Des fines fumées blanches s’échappent des arrières des villas récentes de la rue de Fromiée. Elles lézardent le bleu profond du ciel de cette belle journée. Des rires d’enfants fusent çà et là. Cela sent les vacances qui approchent. Quelques rares tondeuses à moteur ronronnent dans le lointain. Trois jeunes adolescents remontent la rue des A.C.E.C. À l’y, ils choisissent de s’engager sur la rue des Dames. À grands coups de pédaliers, les trois garçons se motivent mutuellement pour aller le plus vite possible. Les trois cyclistes hurlent des cris de guerriers qui décuplent leur énergie. Un nuage de poussière beige referme la route derrière eux. Un des gosses décide de s’arrêter à hauteur de la chapelle en ruine. Il avise les deux autres coureurs de son intention de faire une pause. Celui-ci s’appelle Diego, c’est le fils des Renard. Il vient d’avoir douze ans. Il termine sa sixième primaire au Collège Saint-Augustin. Il quittera l’école à la fin du mois de juin. Tout comme son professeur, monsieur Gaublet qui part à la retraite. Les deux camarades sont dans sa classe. Cette fin de mois de mai les rapproche du CEB. Le certificat d’études de base est la dernière étape avant les humanités. Diego, Valentin et Timothy sont de bons élèves. Gorgés par le stress engendré par l’épreuve finale, les trois adolescents profitent de ce début de soirée pour évacuer leur trop-plein d’énergie. Valentin et Timothy n’ont pas entendu Diego. Ils sont trop concentrés par la course et les cris de guerre. Diego pose son VTT contre le mur délabré de la ruine. Il ouvre sa braguette tout en jetant un coup d'œil rapide, à gauche et à droite. Il tremble des jambes, tellement il est pressé par son besoin d'uriner. Il expire bruyamment. Il se soulage. C'était in extremis. Brusquement, le vent se met à secouer les fins rameaux des jeunes arbres qui forment les buissons à l'orée du bois. Des rafales plus sévères viennent de l'intérieur du bois. Elles arrivent par vagues successives sur le garçon. Curieux du phénomène, il a du mal à voir dans le sous-bois par l’ancienne ouverture d'une des fenêtres de la chapelle. Il se dresse sur les pointes de ses pieds. Un cri s’échappe de sa gorge. Il est stupéfait par ce qu’il vient d’apercevoir. Paniqué, l’envie de pisser l’abandonne. Il crie dans la direction de ses deux camarades. Ils l'ont entendu. Ils lui répondent à l’unisson. Diego est ravi que ses deux amis ne soient pas loin de lui.
D’un bond, il enjambe son vélo. Il démarre en trombe vers eux. À leur hauteur, il fait un freinage en dérapage latéral.
— Ben ? Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as vu un fantôme, dit Valentin.
Diego est essoufflé. Il n’arrive pas à parler. Les deux copains se flanquent à rire. Diego fait une mine dépitée. Il est mort de trouille.
— T’es blanc comme un linge. T’as eu peur qu’on t’abandonne, dit Timothy.
La poussière beige s’est déposée au sol. D'où ils sont, on peut voir distinctement la chapelle en ruine et la route qui rejoint la rue de Fromiée.
— Venez, on va prendre par cette route-là, dit Diego. Il indique l’autre chemin qui les conduit vers la rue de la Fosse aux Chiens.
— Comme tu veux, disent ses camarades.
Les trois cyclistes reprennent leur compétition. Ravi de cette décision, Diego accentue ses coups de pédalier. Il est dynamisé par la peur. Les vélos dérapent en parallèle expressément dans le tournant de la rue des A.C.E.C qui quelque septante mètres plus loin les amène à la rue de Fromiée. Diego pédale vers chez lui. Il est suivi par les deux autres qui essaient de le dépasser, mais sans y parvenir. Le vainqueur franchit l’allée de garage en gravier de la maison familiale. Il couche à terre son VTT. Il finit sa course, allongé sur le gazon. Les deux perdants en font de même. Couchés sur l’herbe tendre, les trois gosses récupèrent. Aucun ne parle, mais chacun s’écoute et écoute l’autre. Diego entend les rires de ses parents à l’arrière de la maison. Ils sont avec Stéphanie. Il a reconnu la voix de la jeune enseignante.
— Alors, tu nous racontes ! dit Timothy.
Diego les regarde et leur demande de ne pas se moquer de lui. Il dit s’être arrêté pour une urgence. Il dit avoir posé son vélo contre le mur en ruine de la chapelle. Il dit aussi s’être, tout en urinant, dressé sur la pointe des pieds et, il se tait.
— Continue, raconte, dis-nous ! insiste Valentin.
— Vous allez vous foutre de moi. Vous n’allez jamais me croire.
Les trois copains, tour à tour, se dévisagent.
— Pourquoi ? Tu n'as encore rien dit, poursuit Timothy.
— Ben oui, tu n'as encore rien dit, réitère Valentin.
— Alors ? s’exclament-ils.
Diego baisse les yeux et se met à tripoter avec les doigts, une touffe d’herbe. Un long silence s’écoule entre les trois amis. Il relève la tête.
— Soit ! Je me brûle. J’ai vu quelqu’un derrière la chapelle. Une dame qui me dévisageait. Elle était horrible. Une vraie sorcière. Je n’ai pas osé la regarder plus longtemps.
— J’ai chopé la trouille de ma vie. Les deux autres paniquent à leur tour.
— Tu es sûr ? Je ne vais plus jamais oser aller là-bas, argumente Valentin.
— Moi non plus ! ajoute Timothy.
— Raconte encore ! Comment elle était ? dit Valentin.
— Oui, elle était comment ? répète Timothy.
Diego se rapproche d’eux. Il se met à chuchoter.
— C'était une sorcière. Complètement brûlée au visage.
Valentin et Timothy s'effraient à leur tour. Diego continue sur sa lancée.
— Elle ne semblait voir que d'un œil. Un œil noir et sans cils. Et ni sourcils. L'autre œil était blanc, comme vitré. Elle portait une cape noire et une capuche qui recouvrait sa tête. J'ai eu le temps de bien voir la partie atroce de son visage. Elle était comme remplie de furoncles.
Les deux amis restent accrochés aux lèvres de Diego. Passionné par son récit, Diego se lève et mime son histoire. À un tel point que les deux spectateurs finissent sérieusement par douter de la véracité des faits. Dérangé par le bruit de l'ouverture de la porte du garage, Diego s'interrompt. Son