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Dans Il te reste la musique, Jean Jacques Kira fait le récit de sa formidable vie d’artiste jonchée d'improbables rencontres, notamment avec Robert Cogoi, Jean Vallée, Dalida, Annie Cordy, Michel Drucker, Dany Saval, Serge Gainsbourg, Maxime Le Forestier et tant d’autres… Cet auteur-compositeur-interprète retrace son parcours original depuis ses débuts au cœur des années soixante jusqu’à nos jours.
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Seitenzahl: 174
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Jean Jacques Kira
Il te reste la musique
© Lys Bleu Éditions – Jean Jacques Kira
ISBN : 979-10-377-7861-1
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À propos de l’auteur
Il te reste la musique… est le titre d’une chanson écrite il y a de nombreuses années pour ma présélection à l’Eurovision.
Je pense que dans n’importe quel moment de notre vie, nous avons besoin de chansons et de musiques.
Nous sommes en 2022 : après cet ouragan de Covid-19, nous en sommes sortis un peu abasourdis. Jamais nous n’aurions pu imaginer qu’une catastrophe pareille puisse arriver et anéantir des centaines de milliers de gens. Ceux qui s’en sont sortis ont « ramé » et je peux m’estimer heureux d’être toujours là. D’autres n’ont pas eu cette chance.
Et à présent, la guerre en Ukraine… Il nous reste la musique.
Il n’y a pas de hasard
Il n’y a que des rendez-vous.
Paul Eluard
J’ai rencontré beaucoup de gens de métier mais je n’ai jamais eu de rendez-vous avec la gloire. Donc je me suis débrouillé comme j’ai pu pour vivre de ma passion.
Ce soir, il fait froid. Je suis blotti dans mon appartement, mon cocon bien chaud et je me souviens…
J’ai avancé et traversé ma vie en ne regardant que rarement en arrière. Et pourtant, sans être un chanteur « vedette », j’ai vécu ma vie d’artiste, modestement certes, mais issu d’une famille modeste, j’ai eu une vie incroyable !
55 ans de chansons, vous vous en rendez compte !
Aujourd’hui, l’âge venant, je refais à l’envers le parcours de ma vie faite de belles rencontres qui m’ont fait vivre des aventures que je n’aurais jamais pu imaginer, même dans mes rêves les plus fous.
Je vous invite à tourner avec moi les pages de l’encyclopédie de ma vie, un véritable kaléidoscope. La route fut longue et parfois escarpée mais ce fut une belle aventure.
Mon enfance
Cette chanson, que je chante toujours quarante ans plus tard, est une chanson très importante car elle résume un peu ce que représente mon enfance dans ces années cinquante.
C’est la seule chanson autobiographique que j’ai écrite car je pense que ma vie n’intéresse pas grand monde. Je préfère écrire des textes issus de mon imagination ou bien, souvent, emprunter des textes à d’autres auteurs ou bien même, carrément, chanter des auteurs que j’admire.
Déjà tout gosse, mes rêves étaient peuplés de chansons et de musiques. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé de faire le métier de chanteur. Un métier qui n’en est pas un, plutôt une passion.
Enfant, lorsque l’on me questionnait, comme on demande souvent aux enfants : Que veux-tu faire plus tard ? Je répondais invariablement : « Chanteur ! » Sans savoir vraiment de quoi il s’agissait. Les chanteurs que j’entendais à la radio me faisaient rêver. Pourtant, au départ, rien ne me prédisposait à cette passion.
Nous sommes au début des années cinquante. Papa possède un atelier de confiserie. Son métier est « décorateur de chocolat ». C’est-à-dire qu’il décore chaque chocolat à la main avec des sucres de différentes couleurs.
Dans l’usine de papa
On fabriquait du chocolat
C’était sa vie ce métier-là
Je m’en souviens…
(« Mon enfance », paroles & musique Jean Jacques Kira)
Un métier qui a disparu depuis longtemps car aujourd’hui cela se fait à la machine, en série.
Pour cela, papa a fait des études aux Beaux-Arts de Bruxelles. Il dessinait très bien. Il existe quelque part dans la famille des dessins de sa jeunesse faits à l’encre de Chine.
La petite entreprise de papa marche gentiment, sans faire des éclats. Elle nous permet de vivre normalement comme la plupart des gens de cette période d’après-guerre.
Papa est d’origine flamande, de Zellik, dans la banlieue bruxelloise. Il a une sœur, ma tante Charlotte, que j’ai très peu connue car avant la guerre, elle avait rencontré un étudiant sud-américain avec qui elle était partie vivre au Venezuela puis au Costa Rica. Elle ne revint qu’en 1963, à la mort de mon grand-père paternel. Elle embarqua ma grand-mère (et le petit héritage !) qui y mourut et fut enterrée dans ce pays lointain.
Maman est Bruxelloise. Elle est l’aînée d’une famille de cinq frères et sœurs.
Au début des années trente, papa et maman se rencontrent chez Ruelle, une grande usine qui fabrique du chocolat. Maman est emballeuse et papa décorateur de chocolat. Ils se marient en 1933 et mon frère Jean naît deux ans plus tard.
Lorsque la guerre éclate, papa est obligé de travailler en Allemagne pour le STO (Service de travail obligatoire), instauré par l’occupant. Un jour, il refuse de partir et se cache dans les campagnes belges.
Entre-temps, mes parents ont trouvé un appartement rue de Biestebroeck près du canal, à Anderlecht, un quartier de Bruxelles. Maman y habite avec mon frère Jean, papa se cache toujours. Lorsque les Allemands ont bombardé un pont du canal, la maison tremble de partout et les vitres volent en éclats.
Un an après la fin de la guerre naît ma sœur Emma. Une jolie petite fille blonde qui fait la joie des parents. Ma sœur est la préférée de papa car on sait que les papas préfèrent souvent les filles !
Je nais vingt-trois mois plus tard, c’est-à-dire le 27 décembre 1947, entre Noël et Nouvel An.
Mes souvenirs les plus lointains remontent à Saint-Gilles, commune de la banlieue bruxelloise. Papa travaille dans son atelier de confiserie et maman s’occupe de mon frère, de ma sœur et de moi. Très loin dans ma mémoire, je dors dans la chambre des parents. Je me souviens du plafond orné de moulure et du papier à fleurs.
J’ai souvenir qu’avec ma sœur, dans la cour devant l’atelier paternel, nous jouions simplement à faire des croix à la craie sur les pavés de la cour. Une trentaine d’années plus tard, j’y suis retourné et je me suis rendu compte qu’avec mes yeux de gosses, cette cour me paraissait surdimensionnée !
Nous n’avions pas beaucoup de jouets mais à cette époque, tous les enfants, ou presque, étaient comme nous. La profusion de jouets est arrivée plus tard au début des années soixante avec la société de consommation.
Tout gosse, j’étais fasciné par les artistes. C’étaient les débuts des chanteurs exotiques tels que Luis Mariano, Dario Moreno, Georges Guétary, Gloria Lasso… Maman avait une jolie voix et chantait, en tricotant, toutes les chansons qui passaient à la radio.
Les chansons de la radio
Que je retrouvais au piano
Au rythme de mon vieux phono
Et c’était bien…
(« Mon enfance », paroles & musique Jean Jacques Kira)
Je n’ai jamais joué de piano. Sur des instruments imaginaires, j’imaginais les chansons. Il n’existait pas encore d’électrophones, c’étaient des pick-up, avec des aiguilles et des disques en 78 tours en cire.
Nous écoutions beaucoup la radio. Mon frère Jean possédait un de ces fameux pick-up dans sa chambre. Le soir, il écoutait les disques des chanteurs de l’époque.
Étant donné que je partageais sa chambre, j’ai été « initié » très jeune à la chanson. Il était grand fan de Gilbert Bécaud. Sans les avoir jamais apprises, je connais encore aujourd’hui pratiquement toutes les premières chansons de Gilbert Bécaud. Il m’arrive encore aujourd’hui de chanter « Mes mains », « La ballade des baladins », etc., etc.
Je rêvais de devenir chanteur.
Le soir, comme je me couchais plus tôt que Jean, pour m’endormir, il lui suffisait de mettre un disque sur son pick-up, tout de suite je m’endormais à poings fermés. Il pouvait alors tranquillement lire sans que je le dérange.
J’aimais surtout Marie-Josée Neuville, chanteuse aux nattes qu’on surnommait « la collégienne de la chanson », qui chantait « Le cow-boy Johnny ». À la fin des années soixante-dix, j’eus l’occasion de la rencontrer lors d’un cocktail pour la sortie de son roman « La source perdue ». Elle était très sympa, je lui ai dit qu’elle avait bercé ma jeunesse.
Il y avait également Caterina Valente, chanteuse oubliée aujourd’hui. Elle avait une superbe voix et fit des succès internationaux. J’étais déjà attiré par les belles orchestrations avec violons, etc., etc. Elle se produisait aux USA, au Japon, et dans toute l’Europe.
En Belgique, comme en France, la grande vedette féminine de cette époque était l’Espagnole Gloria Lasso, chantant aussi bien en français qu’en espagnol. Première millionnaire du disque avec « Étranger au paradis ». Quelques années plus tard, elle sera détrônée par l’arrivée de Dalida et son « Bambino ».
Évidemment, nous n’avions pas encore la télévision. Nous découvrions les artistes à la radio et attendions de voir leurs photos dans les magazines afin de voir à quoi ils ressemblaient. Je découvrais ainsi les artistes à la radio, dont Dalida.
À cette époque, la radio était très importante dans les foyers. En famille, nous suivions les émissions, notamment le « Quitte ou double » sur RTL (qui s’appelait encore Radio Luxembourg). Nous suivions également les Musicoramas d’Europe 1.
Je me souviens avoir écouté en 1959, l’oreille collée au poste de radio, un Musicorama de Dalida, en direct depuis l’Olympia. J’étais envoûté par sa voix chaude et grave. J’avais 11 ans !
Lorsqu’en 1961 sortit le film « Parlez-moi d’amour » avec Dalida, je me précipitai au cinéma avec ma sœur pour voir ce film en technicolor sur écran panoramique. Ce n’était pas un grand film d’auteur, plutôt un prétexte pour interpréter ses succès du moment.
Papa faisait partie de l’amical des anciens déportés. Le dimanche en fin de matinée, nous allions, papa, maman, ma sœur et moi, au cinéma. C’était au cinéma Métropole à Bruxelles, un cinéma aussi grand qu’un Olympia, avec deux ou trois balcons.
À cette époque, on s’habillait pour aller au cinéma. On mettait ses habits du dimanche. Aujourd’hui, tout ça a bien changé.
Dans les années quatre-vingt, j’avais eu des invitations pour assister à « Carmen » à l’opéra Garnier de Paris. J’avais mis mon beau costume noir et mon nœud papillon. Ma copine du moment s’était fait faire une belle robe noire de soirée. Lorsque nous sommes arrivés, nous étions les deux clowns de la soirée. Les jeunes étaient en jeans et baskets et bouffaient des pop-corn !
Dans cette moitié des années cinquante, les affaires de papa étaient au plus bas. Un incendie avait ravagé son atelier et il était ruiné. Pour subvenir aux besoins de sa famille, papa fut obligé d’aller travailler chez les concurrents ou à l’usine.
Bien que n’étant pas très argentés, nous étions heureux, ma sœur et moi, avec nos parents qui trimaient comme ils le pouvaient. Mon frère Jean n’était plus à la maison, il s’était marié quand j’avais dix ans.
À l’école, nous étions dans des classes mixtes. Je chantais toujours. J’étais la petite vedette de la classe. C’est peut-être grâce à ce « statut » que vers douze ou treize ans je tombais régulièrement amoureux de mes copines de classe.
Parfois, me retrouvant à la plaine de jeux de mon quartier, je me souviens avoir fredonné pour une fillette de mon âge « Toi, je t’aimerai jusqu’à la fin du monde », une chanson de Gloria Lasso.
J’étais très fleur bleue. Le fait d’entendre la musique de Dimitri Tiomkin du film « Alamo », traduite en français sous le titre « Le bleu de l’été », chantée par les Compagnons de la Chanson ou John William, j’avais les larmes aux yeux. J’avais la sensibilité à fleur de peau.
Je n’aimais pas trop l’école. Je pense qu’elle ne m’aimait pas beaucoup non plus ! Donc ne nous éternisons pas sur mes études, ça vaut mieux.
De toute façon, pour « faire » le chanteur, je sus très tôt qu’on ne vous demande pas d’avoir des diplômes.
Néanmoins, entre dix et douze ans, j’étais dans les premiers de la classe car comme beaucoup de mes petits camarades, j’étais un peu amoureux de ma jeune et jolie institutrice. Elle s’appelait madame Bloquaux. Elle était très gentille, généreuse et sensible.
Je me souviens qu’un jour, en récréation, elle remarqua un garçon pauvre dont les semelles étaient trouées alors qu’il pleuvait à verse. Très émue de voir ce pauvre gosse, pendant l’heure de table, elle alla lui acheter une paire de souliers.
À l’époque, il y avait une complicité mais aussi un respect entre l’élève et le maître d’école. Ces temps ont bien changé !
Pour gagner quelques sous, le matin, je me levais plus tôt. Par tous les temps, avant d’aller en classe, j’allais distribuer du pain dans une épicerie.
Le soir, après l’école, je faisais les courses d’une vieille dame qui habitait dans notre rue. Nous l’avons toujours appelée par son nom de famille : madame Vansteenbeek. Mes parents et moi nous l’adorions. Elle était native de Louvain. En buvant un Coca, elle me racontait sa jeunesse. C’était un personnage !
Mes parents bossaient beaucoup. Ils n’avaient ni le temps ni l’argent pour nous emmener en vacances. Je fus envoyé en colonie de vacances, j’adorais ça. Ma sœur n’aimait pas trop.
Mes premières colonies pendant les vacances de Pâques sont à Oosduinkerke, à la côte belge. Nous sommes en 1958, j’ai 10 ans et le grand succès du moment est « Marina » de l’Italo-Belge Rocco Granata. Je la chante phonétiquement en italien. Je suis émerveillé par un surveillant qui chante Brel en s’accompagnant à la guitare.
Premiers émois
Vers quatorze ans, je suis en colonie dans les Ardennes belges, à Heer-Agimont près de Givet, dans une colonie qui s’appelle Les Sorbiers. C’est un petit Castelet entouré d’un grand parc au bord de la Meuse.
J’ai repéré une serre où il y a une acoustique exceptionnelle. L’après-midi au lieu d’aller jouer au foot avec mes petits camarades, je préfère chanter à tue-tête dans cette serre et j’ai déjà mon petit succès. C’est le début du twist et je m’époumone dans des twists endiablés bien que ce ne soit pas le genre de chanson que je préfère.
C’est comme ça que je tape dans l’œil de Nadine, une fillette de mon âge, en colonie comme moi. Nous tombons éperdument amoureux.
Nadine est dans un groupe de filles dirigé par une monitrice et moi dans un groupe de garçons dirigé par un moniteur. Par chance, cette monitrice a une aventure amoureuse avec mon moniteur. Sous couvert de leur amour, nous cherchons des endroits pour nous embrasser. Le décor de ce Castelet qui servait de décor à cette colonie de vacances était très romantique. Ce fut mon premier vrai grand amour. Je lui écrivais des poèmes d’amoureux transis.
Quelques années plus tard, lorsque je commençais à chanter, j’eus un engagement pour me produire dans cette colonie de vacances chargées de souvenirs, c’était très émouvant.
De retour à Bruxelles, c’est plus compliqué pour nous voir. Ses parents sont divorcés, elle habite avec sa maman. Parfois je me promène devant leur appartement, uniquement pour l’apercevoir passer à travers les rideaux de la fenêtre.
Une autre fois, je stationne devant la maison paternelle à Dilbeek (près de Bruxelles), espérant l’apercevoir. Tout à coup, j’ai la surprise de voir la voiture de son père déboucher de l’allée. Il me reconnaît, et après m’avoir engueulé, il va voir mes parents. Lorsque je rentre quelques heures plus tard, c’est ma « fête » ! À la maison, on ne plaisante pas sur ce sujet.
J’invente des tas de stratagèmes pour pouvoir nous retrouver. Parfois des lettres arrivent à la maison mais elles sont interceptées par mon frère Jean qui a ses bureaux au rez-de-chaussée de notre immeuble.
Toutes mes idées sont tournées vers Nadine. Un été, je passe quelques jours à Blankenberge, à la côte belge. Avec un copain, le soir, nous allons « draguer » les jeunes filles sur la digue. Mon pote drague tout ce qui passe, moi pas. J’étais amoureux. Mes parents nous mettent des bâtons dans les roues. J’en souffre beaucoup. Notre relation s’estompe doucement. Elle a néanmoins duré deux ans !
Lorsque plus tard j’ai commencé à chanter, je me produisais au Grenier aux Chansons à Bruxelles. Nadine était venue m’applaudir accompagnée de son fiancé. J’étais meurtri mais ne le montrais pas. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles.
Aujourd’hui, je me demande ce qu’elle est devenue. Peut-être est-elle mariée, grand-mère, avec des enfants, des petits enfants… Quand je suis à Bruxelles, il m’arrive d’aller me promener dans ses quartiers, espérant peut-être l’apercevoir… en vain ! Ce fut mon premier amour, celui que l’on n’oublie jamais !
Je veux chanter !
Je veux « faire » le chanteur mais comment faire ? Il n’y a pas d’artistes dans mon entourage ni dans ma famille. Néanmoins, tout le monde s’accorde à reconnaître que j’ai une jolie voix. Ma sœur aussi chante bien. Lors des fêtes de famille du côté de papa, nous chantons en duo le tube de Gloria Lasso « Étrangère au paradis ». Seulement, cela ne l’intéresse pas et ne persévère pas.
Je suis comme une éponge. Dès que quelqu’un m’approche en parlant de chansons ou de chanteurs, j’ai l’ouïe qui frétille !
Madame Vansteenbeek, dont je fais les courses, a dans son entourage un jeune homme qui se prénomme Denis. Il est très sympathique. Il a entre dix-sept et dix-huit ans et se dit chimiste dans une usine voisine. Mes parents et moi étions très crédules.
Plus tard, nous apprendrons qu’il n’est que garçon de courses dans cette usine et qu’il vient à la maison surtout pour les beaux yeux de ma sœur Emma qui le regarde aussi avec des yeux de biche. Mais là n’est pas le propos.
Un jour, Denis vient à la maison avec les paroles d’une chanson italienne « Guarda che luna », un tube du moment. Je ne connais pas un mot d’italien mais il veut que j’apprenne cette chanson phonétiquement pour éventuellement me présenter à des gens de métier. Après quelques semaines, nous nous rendons compte qu’il ne connaît personne dans le métier.
Malgré les compliments des amis ou des voisins, jamais mes parents ni ma famille ne me disent qu’ils sont fiers ou contents de moi. Pour un enfant, c’est très important de se sentir aimé. Pourtant je suis persuadé qu’ils m’aiment à leur manière. Peut-être ne savent-ils pas comment me le dire ou me le faire comprendre. Je vois qu’à l’école, les parents de mes petits camarades sont fiers de leurs enfants. Cela vient peut-être de la vie dure que mes parents endurent.
Inconsciemment, c’est peut-être pour eux que j’aurais voulu réussir dans le métier, devenir une « vedette ». Pour leur prouver que j’ai eu raison d’essayer de réaliser mon rêve. Hélas, ils sont partis trop tôt et n’ont assisté qu’à ma naissance dans ce beau métier.
Mon frère Jean a douze ans de plus que moi, il m’apparaît plus comme un tonton. Il a bien réussi dans la vie : il a eu un bon métier, marié, deux filles et six petits-enfants. Il était l’exemple de la famille. Il n’a jamais beaucoup cru en mon « talent ».
Contrairement à mon frère Jean, j’ai beaucoup de complicité avec ma sœur Emma. Lorsque j’ai commencé à me débattre dans ce métier d’artiste, elle me soutenait, c’était ma complice. Elle s’est également très bien débrouillée dans la vie, elle a un mari, deux enfants, trois petits enfants.
Il n’y a donc que moi qui ai « fait » le saltimbanque. Je pense que je suis cela depuis toujours. Car comme l’a dit Sacha Guitry : « On ne devient pas artiste, on naît artiste, du verbe naître ». Ce qui fait que je ne suis peut-être pas aussi facile à élever que les deux autres.
Je veux être artiste… vous vous en rendez compte… artiste ! Ce n’est pas un métier mais c’est mon grand rêve, mon seul espoir, ma raison de vivre. Mes parents se demandent d’où me vient cette idée saugrenue (sotte et grenue, hihihhi !) Personne n’est artiste dans la famille. Quoique…
Mon grand-père paternel peignait à ses heures et avait un joli coup de pinceau. Comme je vous l’ai dit plus haut, maman chantait pas mal mais de là à en faire son métier…