Ivre de spleen - Karim Ben Abdallah - E-Book

Ivre de spleen E-Book

Karim Ben Abdallah

0,0
7,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Fruit de longues méditations, Ivre de spleen narre les pensées et la vie d’un homme confronté à une solitude forcée et essentielle. Entre délires métaphysiques et mégalomaniaques, il se raconte à travers sa psyché fissurée et la vie intérieure qu’il développe conséquemment. Son objectif est de trouver son salut par la narration de ses blessures et de ses joies. Un récit édifiant sur le pouvoir de l’esprit qui pense, rêve et fantasme quand il n’y a plus rien autour et qu’il faut remplir le vide urgemment afin de ne pas sombrer dans le désespoir.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Après l’obtention de son baccalauréat, Karim Ben Abdallah a entamé des études de droit. Toutefois, à la suite d’un concours littéraire auquel il a été primé, il décide de tout abandonner afin de se consacrer à l’écriture.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Karim Ben Abdallah

Ivre de spleen

Roman

© Lys Bleu Éditions – Karim Ben Abdallah

ISBN : 979-10-377-4069-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mon cousin, Achref Achich, sans qui rien n’aurait été possible. Du fond du cœur, merci.

 

 

 

 

 

Je ne sais vraiment pas quoi dire. Il y a si peu de mots pour décrire ce qui se passe à l’intérieur. Trop souvent, l’injustice, la révolte et la frustration obscurcissent l’esprit, comme une nuit étoilée recouverte par les ombres des démons. La seule beauté qui subsiste est dans les paroles d’une belle chanson, de Céline Dion et Barbara Streisand, que je fredonne dans mon esprit et qui élève mon esprit. En fait, il y a tellement de choses à dire, comment tout a commencé et comment tout se terminera. La fin des mondes.

 

Dans son cagibi en quartier bourgeois, dans sa mansarde louée deux fois rien, il n’a plus d’argent, se nourrit de pâtes, le silence est rare, il habite près d’une école où vrombissent les voitures et les autocars à travers ses minces fenêtres qui ne sauraient le protéger des ondes sonores puissantes de la rue. Il lit, fume, se recueille, et la journée se déroule comme un tapis de soie, un long fleuve tranquille, il ne se mêle pas des affaires des hommes, car quiconque s’aventure dans ce monde moderne tombera dans la ruse, le mensonge, les gens qui parlent derrière le dos, s’engager en couple, c’est jouer le rôle du mâle dominant sur une femelle qui ne comprend pas grand-chose à la virilité si ce n’est une image de puissance, d’équilibre et de protection. Or, lui a une mission spirituelle tout en douceur et sans vexation, il se construit malgré lui dans une profonde douceur, sous la protection d’Allah, en plus, les femmes travaillent, la confrontation avec le monde les a endurcies, elles ont perdu leur féminité, donc, bref, il ne se retrouve pas dans tout ça. Il préfère vivre seul et cultiver ses valeurs, peut-être qu’un jour Dieu mettra sur son chemin une femme qui reconnaîtra sa douceur et son humilité, et la beauté limpide de son amour pour la vie, son profond respect pour tout ce qui est vivant, son éthique, qui s’il s’en montre digne un jour portera ses fruits. Croiser l’altérité est très troublant, surtout quand elle est superficielle, avide et assoiffée, et quand elle ne croit fermement qu’en une vie, tout est trop pressé et ne prend pas le temps de la détente, il faut que ce soit intense, que ça cogne un peu, c’est trop passionnel et violent, comme un jaillissement d’un geyser. En plus, il faut se montrer intéressant, attirer l’attention, personne ne laisse le temps faire son œuvre, qui l’a fait quand même, mais sans patience, dans l’impatience. Il n’empêche qu’il est sans cesse harcelé, car il ne vit pas seul, il a un colocataire qui vient parfois l’interrompre pour un coup de téléphone d’une femme folle de lui car il accomplit tous ses désirs, qui ne prête pas vraiment attention à lui, mais plutôt à ses parties génitales, trop vieille pour se mettre en quête d’un autre mâle avenant. Combien de fois il a senti son esprit prêt à s’envoler, mais la crainte d’être interrompu fut plus forte ? En tout cas, son téléphone à lui est coupé depuis belle lurette. Il fuit les hommes. Il n’aurait jamais dû sombrer dans la fornication, elle n’attire que des malheurs. Elle que l’on prône comme liberté, comme libération de l’être, n’est en fait qu’un asservissement. Il a maintenant du mal à s’en libérer.

Les sphères célestes s’échappent, comme à leur habitude, insaisissables, le mouvement de l’âme est entravé.

 

J’ai peur d’être interrompu sans cesse, mon cerveau ne connaît pas le repos. Je suis sorti, j’ai entendu de drôles d’histoires, puis je suis rentré. J’ai fait l’amour deux fois en deux jours et je me pose des questions. Si un jour mes actions porteront leurs fruits, je me sens comme un prisonnier moderne, en fuite de la société qui a voulu me corrompre pour toujours. Je me souviens, tout était si froid, si rationnel, que je n’en pouvais plus, mes sentiments ont fait leur apparition. Ce fut assez violent, comme un geyser. C’était soudain. Je découvre que mon être contient de l’amour. Et que celui-ci jaillit de ma personne pour illuminer la terre, sur un bout de papier, j’écris en transe, en voyage dans un autre monde. Dans des bars, dans des cafés, je me balade dans la ville. Je me crois seul, sans que personne ne vienne me dire quoi faire. J’aimerais tellement que mon esprit se réveille, que j’épouse ma solitude et que l’on ne vienne pas me déranger, que rien ne vienne contrarier mes désirs, car c’est là toute la vérité, ce sont des désirs purs comme des flèches enflammées qui viennent réchauffer les âmes. Ce que je peux dire à un candidat à la libération de soi, c’est de croire en Allah. Il donne des coups de main, il nous aide parfois. Enfin donc, tout était très froid. L’illumination m’a saisi dans les villes brutales, mon âme s’est révélée très douce malgré la brutalité extrême dont j’ai fait l’objet. Je me suis senti très longtemps étouffé, sans air, sans espace pour exprimer mes sentiments, je me suis longtemps enfoncé dans le paraître, je ne faisais attention qu’aux apparences. Et puis j’ai commencé à embellir, et j’ai senti mes sens s’éveiller au contact de la poésie, j’ai senti quelque chose de profondément enfoui faire surface, comme une graine ancestrale et mystique d’où jaillit le feu sacré, qui illumine le corps et l’esprit, comme une fulgurance spirituelle, comme une protubérance solaire. Je me souviens, j’étais avec des amis, et quelque chose en moi s’est désinhibé avec l’alcool et la conversation intelligente. Mon âme a commencé à chanter, à saisir les mots et à insuffler dedans un souffle, mes paroles restaient légères mais prenaient du poids. Je me servais de mon interlocuteur pour orchestrer une élévation spirituelle. Comme toujours. Les intelligences se croisaient, croisaient le fer. Puis se prenaient les unes dans les autres pour s’enlacer et oublier la guerre, et oublier les chocs qui émettaient des lumières. Il a réussi, il a illuminé la terre pendant deux mois, une course contre la montrer pour recueillir le jus céleste de ses nerfs fatigués et dopés à l’extase et à l’amour. Mais tout s’est évanoui, comme une scène sylvestre dans les bois, avec des nymphes et qui s’efface au matin. Parfois, il a l’impression d’avoir des ailes, un peu estropiées ces temps-ci.

 

C’est l’histoire d’une mère qui cherche la fusion avec son fils. Elle empiète sans cesse sur son intimité. Il décide alors de la tuer pour exister. (Comme dans le film 7ème art où la mère, interprétée par Balasko, est étouffée par son fils homosexuel qui signe là sa première œuvre d’art.)

Dieu dit : « Quand tu as un but et que tu es obstiné, tu ne prêtes plus attention à rien d’autre que ton but. Et il se peut que tu sois atteint de symptômes qui s’apparentent aux symptômes dépressifs. »

 

Quelle étrange et douce nuit ! Les anges chantent pour les maux de la terre, mais le principe de réalité est toujours aussi dur. Dieu n’épargne personne, il nous met peut-être à l’épreuve pour savoir qui d’entre nous est véridique. Mais tout de même, j’aimerais retrouver la spontanéité enfantine de nos visages endurcis par le crime, car nous sommes tous des criminels en puissance et en fait, ayant tous commis des péchés, que Dieu nous pardonne. Par delà le bien et le mal, je me situe. Peut-être qu’un jour les conséquences s’abattront comme des oiseaux de mauvais augure qui ont finalement trouvé une victime à dépecer, un cadavre à ronger, affaibli par la faim et la soif, affaibli par les moqueries et les reproches (qui ne mènent à rien, sinon la colère, la vexation et les frustrations). Peut-être qu’un jour, mais ce jour arrivera pour sûr, rien n’est impuni. Que Dieu nous sauve et nous remette sur le droit chemin. Ce soir, j’ai suivi un signe de Dieu qui m’a recommandé de voir une connaissance. Très sympa, il m’a qualifié d’ami en devenir. Nous avons bien dîné, le tout arrosé de bière dont une qui nous a été offerte. Le restaurant était très sympa, nous avons fait connaissance du cuisinier. On est ensuite parti place du Luxembourg, la bière gratuite en main, pour nous nicher dans un bar fréquenté par les eurocrates, empli de jeunes filles bien fringuées, bourgeoises ou d’origine modeste. Nous avons rencontré plein de monde. Je me suis présenté comme écrivain et l’on m’a félicité pour mon prix littéraire. J’ai menti avec aise, sans que mon cœur en souffre, pris dans le courant d’empathie généreuse des repères de mes conversations. On s’est ensuite dirigé vers la porte de Namur en passant par où habite mon ami. J’ai croisé notre voisin ami de mes parents, l’air sérieux et ambitieux, avec une profondeur dans le regard qui montre le degré de sa réussite sociale. On a ensuite atterri à porte de Namur, Matongé, les cafés congolais et la musique africaine à plein le nez de leur sueur odorante et exotique, pour enfin arriver à un café dans une ruelle, pignon sur une rue en forme de bannière isocèle, pour rencontrer deux filles et finalement un mec irlandais, chauve, et fort sympa. On a bien discuté et bien rigolé, on a même eu droit à une démonstration anglophone rappée sur le marché de la musique hip-hop par cette fille rwandaise fort mignonne et forte de sa frêle personne. On s’est finalement séparé vers une heure et demie, eux allant dans un café voisin, l’athénée, moi me dirigeant vers le bus nocturne qui sillonne la ville à des heures indues et des horaires fantomatiques. En attendant le bus, un bus plein de fêtards et de corps moulants en uniforme de super héros passe par l’arrêt, faisant jaillir la lumière de ses boules disco sur le ciel halogène des champs Élysées de Bruxelles. La scène me faisant rire, elle fait aussi réagir un jeune homme qui attend le même bus que moi. Alors, on tape la discute, se découvre des amis communs, une destination commune, bref, on est voisin, et il est super sympa. Je rentre à pied, et l’accueil de la maison fut plutôt bon, grinçant légèrement, mais pas au point de devenir sinistre et incommodant, je parle à mon père, je lui raconte tout comme une madeleine qui s’effondre, je bois un verre d’eau, je fume sur le balcon et parle avec Dieu, je médite, me recueille après cet effort et cette extase de longue haleine, Dieu merci, et je me pose sur le salon devant cet ordinateur béni et cette heure exquise. Je réponds à un ami qui veut me voir, pour parler de son avenir certainement, et pour partager ensemble un peu de l’amour du monde. Que Dieu nous bénisse. Ensuite, je ne sais plus ce que je fais.

 

Un lien ténu réapparaît dans ma vie. Je revois son visage au regard dur acier, la mine d’un enfant battu. Ô mon amour, mon doux, mon tendre amour, mon merveilleux amour. Tu es de retour. J’ai oublié tous les mots que je veux te dire, mais j’ai des étoiles plein les yeux. Ah, la vie ne m’a pas épargnée, mon histoire est vertigineuse, mais je te dirai qu’en deux ans, j’ai pu constituer trois œuvres non négligeables, et de registres différents, et une nouvelle œuvre est en train de germer, au fil des coups et des joies de la vie. Je n’ai plus assez de tabac pour contempler le beau, j’écoute de la musique ringarde et j’ai peur de deux choses : la psychiatrie et de vivre à la rue si je déplais. Vois-tu, on a posé un sceau sur mon âme, mais je m’en libère tout doucement. Ah, je revois ton visage. Ce soir, Satan m’a attaqué et j’ai du mal à m’en remettre. Je suis devenu un combattant de la lumière, je fais jaillir la joie et l’extase, et je combats les mauvaises ombres. Je sais il faut une certaine réciprocité dans nos rapports. Je commence par là. Ta rencontre fut une brève éclaircie qui a traversé la trame de mon existence, fugace mais consistante.

 

Bonjour, Leyla,

Ce soir, j’ai vu un miracle, une lune éteinte, aux couleurs jaune, orange et rougeâtre, comme si la planète Mars était apparue, mais les cratères restent visibles. Je n’hésiterais pas à partager cette expérience, à quoi l’on répondra : « mais vous devez garder ça pour vous ! » À quoi je répondrais : « C’est mon instinct de survie que de tout partager sans réfléchir. » Peut-être qu’avec des meilleures conditions, en dehors de ce chaos, je me rendrai compte, a posteriori, de l’impudeur vis-à-vis de moi-même, mais je n’en suis pas encore là. L’école a été une perte terrible de temps. J’aurais pu laisser mon intuition enfantine me guider, éveiller mes sens déjà éveillés, lire des ouvrages de référence et cultiver mon esprit tranquillement, je lisais beaucoup déjà étant enfant, donc j’avais le mécanisme naturellement. Tous les amis que je me suis faits dans cette période ne riment à rien, car ils sont tous enfermés dans un mutisme de leur personne, qui se poursuit avec les exigences des parents qui ne connaissent pas la miséricorde et ne pardonnent pas les manquements à la société stupide. C’est donc le dernier argument qui tombe, celui de la socialisation, il y a donc tout à refaire. L’intuition est l’alphabet de Dieu, comme le dit Coelho, elle est étouffée, pour empêcher de l’atteindre et de changer réellement le monde corrompu. Il y a la psychiatrie, les denrées rares, et les médicaments.

La beauté du monde est saisissante. Les aventures s’enchaînent, les femmes, la fumée et le bonheur de l’esprit incapable de faire advenir une réalité qui s’échafaude petit à petit sans plan particulier. Des mélodies surtout, et la gloire du jour qui éveille l’esprit endormi, l’amour, le sexe, les cigarettes, la bonne bouffe, le travail aussi. Il était une fois, deux amis séparés par des mers. L’un s’astreint à une vie de devoir et étouffe son âme, l’autre embrasse son âme et fait jaillir les couleurs comme une fontaine. L’extase et la joie, séparées par des mers, ils s’envoient des courriers électroniques succincts, incapables de s’unir dans la trame d’existences si différentes. Il s’est marié, l’autre n’était pas là, occupé à décrocher les étoiles, à emplir son outre d’un liquide ingrat et brillant, comme une liqueur réservée aux vainqueurs qui donnent des étoiles plein les yeux et procure l’ivresse de la vie qui apparaît soudain vêtue de ses plus belles couleurs, et qui lui parle, qui lui transmet une parole divine, et rend le monde palpable comme une chair que l’on palpe à bout de main. Séparée par des mers, la musique les unit au point que cela brûle la peau, au point que cela devient poignant comme un enfant qui se noie. Il se fait plaisir, son cerveau marche par intermittence, l’harmonie doit jaillir de l’intérieur mais lui se laisse bercer par des chanteurs qui vendent le rêve. Et Dieu dans tout ça, dans leur cœur il chante, il laisse apparaître la substance de vie, les âmes vibrent, chantent, les petites voix se font entendre comme une chorale solitaire dans les tréfonds d’une terre en ruine. Moche laide, pleine d’égoïstes consommés, qui consomment comme des cochons, et se pavanent dans leur réussite précaire, le suicide guette toujours. Les roues du métro défilent, et n’écrasent personne. La misère nous prend au cou. La pauvre, elle est surmenée, elle va exploser, pendant un instant, j’ai oublié son existence, pendant un instant j’ai oublié que je serais assailli de toutes parts, et que la machine infernale reprendra. Toute l’après-midi, ivre, lascif, je laisse pendre le bras dans un courant multi couleurs, et mon bras se chauffe et ressort brillant. Je mets la main à la pâte, je suis un orfèvre du pain, que je décore de perles des océans, que je durcis dans le four, pour faire une œuvre d’art incroyable, comme des bananes d’or, je suis l’alchimiste du cœur qui transforme tout en or, mais je n’ai pas beaucoup de matériaux sous la main. Dans un domaine précaire, qui s’en ira, dans quelques minutes, la scène s’évanouira comme une réunion de nymphes et de satyres dans la forêt sylvestre qui s’envole à l’aube. Donc dans cette terre, qui ne laisse pas de répit, je m’exprime, je donne ma parole, et la motivation doit être grande, et la perspective de disparaître prochainement tarit la source. Incapable de s’élever, incapable de dénoncer, pris dans un jeu déshumanisant qui me laisse pâle et livide, le médicament n’existe plus. Les effets se sont envolés, je me gratte la panse avec enthousiasme en attendant mon prochain repas, qui me fera tomber de mon piédestal ascétique. Ah, je n’aimerais qu’écrire des heures durant, sur mon petit nuage, là-haut, personne ne m’emmerde, et un jour j’exploserai, je m’enflammerai, et le fusible sautera sous la tension électrique, et je tuerai quelqu’un et je finirai en prison. Les atomes et les âmes dansent, éperdus d’extase. Un jour, je serai roi et mon royaume défilera sous mes yeux, je régnerai dans l’éther, et j’inviterai le rêve dans la vie, et la vie éternelle prendra forme sous mes mains, il serait dommage que les rires et les pleurs ne mènent à rien. Ce vieux effrayant m’affirma avec aplomb qu’il ne croyait en rien, qu’il n’y a rien après, quelle tristesse indicible qui envahit mon torse à ce moment-là. Donc, je serai roi, sur mon trône, je parlerai aux donzelles, et ma prose fera de tous des élus, que le bonheur inonde. La menace est passée. Parlons du monde.

Hier, alors que j’écrivais, l’émotion me prit. Mon sexe bandait en une érection pour la vie, chose que je n’ai plus ressentie depuis un bout de temps. Ça, c’est avant que Dieu l’ingrat ne m’assaille de mauvais signes et d’insultes, destinés à me descendre de mon piédestal. Le monde s’ouvrait à moi magnifique et majestueux, et je pénétrai ses prémices, le cœur purifié, anarchiste au cœur pur, sauvage et dessillant, comme une déclaration enflammée au monde, au soleil surtout, qui dissipe l’ombre et les commérages, et les mauvais ragots, et les préjugés, et les idées préconçues, et ce que les gens pensent, pour que ne reste plus le vide de Bouddha en personne, que le monde est un vide vertigineux, ce qui en fait quelque chose de plein. Par le pouvoir de l’émotion, j’écrirais, je ne laisserais plus personne me faire taire, et surtout pas une divinité inconnue qui regarde la misère du monde sans rien faire. Aujourd’hui est un divorce puissant avec Dieu, qui s’est manifesté, qui m’a attiré à lui gentiment avant de m’asséner des coups de massue qui m’ont abattu, qui m’ont secoué jusqu’à l’os pour me laisser fragile et désemparé. Un orgue de guerre, comme si l’URSS envahissait maintenant les rues de Paris, encore une fantaisie sans doute. En tout cas, le divorce est consommé. Je suis allé acheter des cigarettes, des fraises tagada, et du coca, et après mon échange avec le libraire, je me suis dit que la normalité est incroyable, j’en suis ressorti comme après un bon bain et que l’on m’a gratté le dos avec une pierre ponce ou avec un gant très rugueux, qui épure ma peau de toute la peau morte qui roule en rouleaux, ou comme un masseur exotique qui m’a martelé le dos, jusqu’à ce que j’en eusse les larmes aux yeux, débarrassé de cette quête stupide et insensée, une reconnexion avec le réel avec tous ses charmes, son bonheur et sa joie spontanée, débarrassé de tout, libre, oui, enfin libre et beau, jaillissant comme un geyser tiède et chaud, qui réchauffe mes jambes comme ce soleil intemporel, comme cette douleur brisante qui dure la nuit et le matin sans trouver le repos ni l’oubli. Assailli sans doute, et mais tout est clair après une gorgée de coca qui arrache la gorge et ravit les papilles, et le vent qui hurle, et le chaos qui pénètre par chaque pore de la peau. Oh, l’écriture n’a jamais été aussi belle qu’en temps de troubles, le cerveau d’habitue si enclin à ordonner les harmonies ne se retrouve plus et erre, quand le rideau de la scène est tiré, et que le fleuve rugissant se fait ruisselet.

Il n’y a plus grand-chose à dire, il ne me reste plus que de grandes étendues à parcourir avec mon imagination sclérosée, j’ai toujours écrit dans le chaos et l’intranquillité, avec pour seule compagnie des voix lasses d’inquiétudes qui chante leur chant angoissant tandis que je baigne dans quelque chose d’autre de bien plus important. Je me dis que tout part, tout est éphémère on est des comètes célestes qui traverse le ciel, l’horizon, de certaines personnes et on y laisse de la poussière d’étoiles patiemment récoltée dans des systèmes lointains. Je n’ai jamais cherché à déranger personne. L’engouement, la flamme, la danse, les villes fumantes, les talons qui claquent sur les pavés, les filles en jupes courtes, le printemps au bord des fossettes, sur des joues qui brillent de fard, des sourires contraints, rien de bien beau, mais avec le temps l’illusion nous pénètre et l’on se retrouve à tout aimer comme il est, à se dire, que le monde est ainsi, oublié les grands idéaux. Tiens, tiens, les idéaux, ah qu’ils sont grands quand ils sont irrigués par l’énergie de la jeunesse, et par le désœuvrement, on se prend à rêver de mieux, mais qu’en sait on réellement, et puis quand on se mêle à l’homme, ils disparaissent, il ne reste plus que notre instinct grégaire, tellement heureux de se retrouver avec nos semblables, qu’on oublie les grandes idées et que l’on tâche à être compris. Sauf quelques illuminés irréductibles qui s’isolent sans cesse pour poursuivre leurs chimères pleines de sens. N’en suis-je pas un ? Je ne sais pas, la vérité, je viens de renvoyer mon père dans sa chambre sombre, pour avoir le salon que pour moi. Au lieu de retracer la chronique malheureuse de mon foyer, je veux m’enfoncer dans un onirisme. Ah l’onirisme, les belles de grâce sur leurs nuages suspendus, ces muses qui touchent de leurs doigts délicats leur harpe pour en tirer des sons merveilleux, pour en tirer une mélodie harmonique que les nuages dans leur intrépidité répandent sur la terre sous forme de pluie. Cœur fermé à Dieu mais ouvert à la création, on s’enfonce dans les méandres de la pensée importante, on se dit que le temps est comme la glace, plus il passe, plus de grands blocs s’effondrent et devant le vide, on prend peur et le cœur se serre, de se savoir si éphémères et si courts, sans prétention de répandre l’amour, un hédonisme intéressant, une fausse conception du destin et des idées noires balayées par le coca, au gré des envies, et de la liberté. Soudain, on se prend à espérer à rester seule pour exprimer l’absolu qui nous habite, une dimension incroyable comme l’à pic d’une falaise, comme l’Everest, anguleux et avec son écharpe blanche, le regard fixé sur son horizon. Je viens de rappeler mon père pour qu’il me tienne compagnie, je n’aimerais pas le balader plus longtemps, comme le renvoyer une nouvelle fois dans sa chambre, une loi m’échappe, il faut que je la comprenne. J’aimerais tellement m’habituer à ma solitude, pour que naisse l’œuvre véritable, celle qui vient de mes profondeurs, un chant pur et ininterrompu, mais je n’ai aucun contrôle sur rien, je me laisse emporter, mais un jour je serai seul. Mais assumer cette solitude sans coup férir, tenir le coup est un effort immense car l’homme est fait pour vivre en communauté.

 

Un jour, peut-être je reviendrais, quand ma position sera trop douloureuse. Quand les feuilles faneront, quand la jeunesse s’en ira et son lot d’illusions, quand la réalité ancrera son pieu dans mon âme comme un bâton qui me rappelle à l’ordre à chaque fois que je m’écarte. Quand les cigarettes auront cessé, quand le sexe et son effet aphrodisiant ne fonctionnera plus, quand la baguette sera à 3 euros et que les réserves d’eau s’épuiseront, quand la beauté se matérialisera, quand l’amour d’une femme aura cessé, quand l’ennui m’aura pénétré dans mon lard que porterai comme une ceinture autour de mon ventre, quand mes voisins seront partis, quand mon petit chien sera mort, quand mes mots seront tous des néologismes, quand les montagnes seront pliées et que le ciel sera déchiré, quand les nourrissons n’auront plus à manger, quand ma société se sera révoltée, quand ma cécité aura disparu, quand ma vie sera en accord avec une foi, qui cristallise en ce moment même, quand les voitures seront toutes bien équipées, quand les téléphones auront tué toutes pensées belles et spacieuses, quand ils auront interrompu des conversations importantes, quand le mouvement aura été entravé, quand les petits seront définitivement lobotomisés… Ce jour-là, je prendrai mon envol, je m’intéresserai au monde… mais seulement quand j’aurais de l’argent, un appartement ou une maison, quand la solidarité sera réapparue.

 

Je te sens un peu sur le bord de craquer, comme si tout prenait trop d’ampleur. Peut-être que tu as besoin d’un compagnon pour tes projets. Qu’est-ce qui se passe ? Je te sens au bord de l’explosion.